9 MAI 2016 : MERCURE PASSE DEVANT LE SOLEIL

Philippe Morel,
Astro Club de France, observatoire Charles Fehrenbach
Morel.Philippe(at)wanadoo.fr


Dernier passage de Mercure le 8 novembre 2006 depuis Los Angeles.

Le passage du Mercure du 11 novembre :
observation publique depuis l'observatoire

Pour la première fois en France depuis le 9 mai 2016, la planète Mercure va passer à nouveau devant le soleil.

Ces passages sont beaucoup plus rares que ne le sont des éclipses de Soleil. Pour un endroit donné, on en compte 13 ou 14 par siècle. Cette rareté en fait leur intérêt même si le spectacle offert n’a rien de spectaculaire. cette opportunité permet cependant d’observer facilement une planète habituellement très difficile à apercevoir.

Gérard, Olivier et José, membres du Club s'Astronomie Caudrésien  vous accueilleront sur le site de l'Observatoire Charles Fehrenbach le lundi 11 novembre 2019 pour vous faire partager en toute sécurité le passage de la planète Mercure devant le Soleil. L'observation prendra fin au coucher du Soleil.


Histoire de passages

La première observation avérée d’un passage de Mercure remonte au XIIème siècle. Elle est le fait de l’astronome andaloux Abu Ishaq alBitruji al Ishbili en l’absence d’instrument d’optique. Cette observation est toutefois vraisemblable car le disque de Mercure est visible à l’œil nu par effet de contraste. Bien qu’utilisée depuis 1609, les passages de 1615, 1618 et 1628 semblent avoir échappé aux utilisateurs de lunettes astronomiques et il faudra attendre celui du 7 novembre 1631 et l’observation de l’astronome français Pierre Gassendi. Ce passage avait été prévu par l’usage des tables Rudolfines établies par Johannes Képler quatre ans plus tôt. Il n’existe aucune mention du passage du 3 mai 1661 bien que celui ci a été très facilement observables depuis l’Europe. Il faudra attendre celui du 7 novembre 1677 et l’observation d’Edmund Halley depuis l’île de Sainte-Hélène pour entendre à nouveau parler de Mercure devant le Soleil. L’intérêt suscité alors par ces passages été tenté d’affiner la précision de la mesure de la distance de la terre au soleil par La méthode des parallaxes mais la précision exigée pour ce type de détermination ont fait de Mercure un très mauvais candidat. L’intérêt scientifique de ce type d’observation a dès lors été relégués au rang de l’anecdote.

Une rare opportunité

Bien que beaucoup plus fréquents que les passages de Vénus (2 tous les 120 ans) du fait de sa proximité du Soleil, les passages de Mercure ne sont toutefois pas légion. Il se produisent quand la Terre se trouve dans l’alignement de la ligne d’intersection (ligne des nœuds) du plan de l’orbite de Mercure avec celui du plan de circulation de la Terre (écliptique). Encore faut il y trouver Mercure au même moment, ce qui explique la rareté du phénomène : 13 ou 14 occurrences par siècle même si Mercure passe deux fois par la ligne des nœuds en environ 88 jours. Cette ligne des nœuds pouvant être considérée comme fixe dans sa direction à l’échelle humaine, contrairement à celle de l’orbite lunaire, les passages pourront se produire soit en mai lors du passage de Mercure au nœud descendant, soit en novembre lors du passage de la planète au nœud ascendant. Les passages de mai se produiront selon des suites de 46 ans avec un écart temporel minimal d’une suite à la suivante de 13 ans. Le passage de 2016 est placé sur la suite de celui de 1970 et de celui de 2062, le prochain passage visible en mai sera dans 13 ans, en 2029 sur une suite où le précédent à eu lieu 46 ans avant en 1983 et le suivant 46 ans après en 2075. Celui de mai 2003 largement observé en France se situe sur la suite de celui survenu 46 ans avant, en 1957 et sur celui qui suivra, 46 ans après 2003, soit, 2049. En prenant en compte l’ensemble des suites en cours a chronologie donne donc au final la suite actuelle d’occurrences suivante des passages de mai : 1957, 1970, 2003, 2016, 2049, 2062, 2095, 2108, 2141, soit des durées entre les passages de 13 ou 33 ans. Le même calcul nous indique que les passages de novembre ont une périodicité actuelle de 7, 13 ou 33 ans et des dates de passages les 15/11/1999, 08/11/2006, 11/11/2019, 13/11/2032, 07/11/2039, 09/11/1952, 11/11/2065, 14/11/2078, 07/11/2085, 10/11/2098.

L’orbite de Mercure étant beaucoup plus excentrique que celle de la Terre qui est quasi circulaire, elle sera, en cas d’alignement avec la Terre, bien plus proche de cette dernière quand elle sera au plus loin du Soleil (aphélie) et inversement quand elle sera au plus près (périhélie). L’argument du périhélie de Mercure n’étant que de 29,12° du nœud ascendant, son aphélie sera aussi placé sur la ligne joignant périhélie, centre du Soleil et aphélie (ligne des apsides) à proximité du nœud ascendant de l’orbite de Mercure. Le diamètre apparent de la planète sera donc plus important avec 12’’ de degré en mai contre 10’’ de degré en novembre.

Les passages du XXIème siècle

Ce tableau nous montre que le passage du 11 novembre 2019 sera  le plus central du siècle et aussi le plus central depuis le passage du 10 novembre 1973 mais pas le plus long de ce siècle ; le plus lonfg ayant été celui du 9 mai 2016. On y remarque aussi la plus longue durée des passages survenant en mai du fait de la moindre vitesse de déplacement de Mercure sur son orbite au voisinage de l’aphélie. Prévoir la visibilité de ces passages est chose facile car le phénomène est visible de tout l’hémisphère terrestre éclairé par le Soleil, Il suffit donc de connaître les instants de lever et coucher de l’astre des jours pour le lieux d’observation.


Le spectacle en détail, en Temps Universel et en coordonnées géocentriques

Le disque de Mercure va commencer à aborder le limbe du Soleil à 12 h 35 m 27 s et à 12 h 37 m 08 s l’ensemble de ce disque aura terminé son entrée. A 15 h 19 m 48 s, instant du maximum, le disque de Mercure ne se trouvera qu’à 75,9’’ du centre du disque du Soleil. La sortie du disque de la planète est prévue entre 18 h 02 m 33 s et 18 h 04 m 14 s.



Le passage de Mercure du 11 novembre 2019 en France métropolitaine

 

 

P1

Hauteur

P2

Coucher Soleil

Durée

Lille

12:35:08

20,5°

12:36:49

16:09

03:33

Cherbourg

12:35:10

22,2°

12:36:51

16:30

03:54

Rouen

12:35:09

22,0°

12:36:50

16:21

03:45

Paris

12:35:08

22,3°

12:36:49

16:16

03:40

Metz

12:35:06

21,3°

12:36:47

16:02

03:26

Strasbourg

12:35:05

21,0°

12:36:46

15:54

03:18

Quimper

12:35:11

24,1°

12:36:52

16:45

04:09

Dijon

12:35:06

23,3°

12:36:47

16:10

03:34

Poitiers

12:35:08

24,9°

12:36:49

16:31

03:55

Limoges

12:35:08

25,4°

12:36:49

16:30

03:54

Lyon

12:35:06

24,8°

12:36:47

16:15

03:39

Bordeaux

12:35:08

26,7°

12:36:49

16:39

04:03

Montpellier

12:35:06

26,9°

12:36:47

16:24

03:48

Nice

12:35:04

26,2°

12:36:45

16:10

03:34

Toulouse

12:35:07

27,7°

12:36:48

16:34

03:58

Marseille

12:35:05

27,0°

12:36:46

16:20

03:44

Ajaccio

12:35:03

27,4°

12:36:44

16:09

03:33

(instants définis en fonction des coordonnées géographiques de chaque ville.


Des conditions peu favorables

Depuis nos régions, l’observation du Soleil est des plus aléatoire en novembre en raison de sa faible hauteur sur l’horizon et de la probabilité de ciel dégagé d’environ 25% sur la façade ouest et dans l’est, 35% dans le centre et environ 50 % dans le sud. De plus, le passage ne sera que partiellement observable, ainsi, sur les 5 h 28 m 12 s de durée totale du phénomène, la région de Strasbourg sera la moins bien lotie avec 3 h 19 m de spectacle et 4 h 14 m depuis le Pays Basque ; région la mieux placée.

 
Hauteur du Soleil en fonction de la longitude et de la latitude en France métropolitaine le 11 novembre 2019 à 12h35min UT (début du phénomène).

Le premier contact, sera facile pour tout le monde à plus de 20° de hauteur et peu après le passage au méridien. 20° c’est pour Lille, 22° pour Paris, 25° environ pour Poitiers, Lyon et Limoges, 27° pour Ajaccio et 28° depuis le Pays Basque.

 
Hauteur du Soleil en fonction de la longitude et de la latitude en France métropolitaine le 11 novembre 2019 à 15h20min UT (milieu du phénomène).

Le milieu du passage à 15 h 19 m 48 s, sera bien moins facile à un peu moins de 4° de hauteur depuis Strasbourg, environ 7° depuis Paris et Ajaccio, un peu plus de 10° à Quimper, Bordeaux et Toulouse, 12° depuis le Pays Basque.

 
Hauteur du Soleil en fonction de la longitude et de la latitude en France métropolitaine le 11 novembre 2019 à 16h20min UT 

(1h après le milieu du phénomène).


Observer le passage de Mercure

Cette observation exige les mêmes précautions que pour le Soleil. A l’œil nu au travers d’un verre de soudeur à l’arc de grade 14 ou de lunettes d’éclipse les meilleures vues pourront percevoir Mercure sur le disque du Soleil au milieu du phénomène mais beaucoup plus difficilement au début et la fin. Les 12’’ de degré de diamètre apparent de Mercure sont bien en deçà du pouvoir séparateur de l’œil humain mais l’effet de contraste suffit à « éteindre » un cône au niveau de la rétine centrale donnant alors à Mercure un aspect visuel de plus grand diamètre que ne l’est son diamètre apparent réel. Il pourra être très intéressant de tenter de visualiser la présence de la planète par la méthode du sténopé, là encore, au milieu du phénomène.


Fig. [3] : Un passage de Mercure en altazimutal combinant le déplacement propre de la planète à la rotation de champ.

L’observation en lumière blanche (Fig. [3] ) aura tout son intérêt si Mercure à la bonne idée de passer devant des plages faculaires et des taches mais aussi aux moments de l’entrée et de la sortie avec le phénomène de la goutte noire particulièrement visible avec les optiques de petit diamètre.


Fig. [4] : Gros plan sur Mercure du 8 novembre 2006 au Solarmax 90 depuis Long Beach (Californie), © : Philippe Morel, OBSCF/ACF.


En lumière H alpha (Fig. [4] ) le spectacle est tout autre, d’abord parce qu’à diamètre égal, les gouttes noires seront d’autant plus visible en raison du moindre pouvoir séparateur en lumière rouge, ensuite, en raison de la constance de détails sur le disque dans cette lumière, y compris quand le Soleil est très calme.Les passages de Mercure ont en France une bien meilleure probabilité de ciel dégagé en mai qu’en novembre et leur durée est plus importante. Notre siècle n’en comptera que 5 sur un total de 14. Ce prochain pasage très favorable n'aura lieu que le 7 mai 2049. En attendant, il nous faudra nous contenter de passages en novembre ... le suivant étant attendu le 13 novembre 2032.



Retrouvez la version papier de cet article                                                                                                                                                                                   dans
Astrosurf Magazine n°101, novembre décembre 2019.

Retour au sommaire