Apparition 2010 Note n°

En ce début d'apparition 2011, l'hémisphère nord de Jupiter présente deux changements d'importance, tous deux entamés dès la fin de l'année 2010.

Comme expliqué l'année dernière dans la note sur l'apogée du cycle de la Banque équatoriale nord, l'activité de la NEB suit un cycle très régulier de quatre ans environ, essentiellement perceptible par des variations apparentes de largeur du simple au double. En fait, le phénomène est une "invasion" par la bande de sa zone associée (la Zone tropicale nord NTrZ), qui lors de la phase d'expansion développe une forte turbulence et perd sa couleur blanche. La dernière phase d'expansion date de 2009 (lire le bilan 2009), et en 2010, la NEB était dans sa phase la plus "large". Il était facile de prévoir que 2011 serait l'année d'entrée en récession de la bande. De fait, cette dernière phase a débuté dès la fin de décembre 2010.

Flux et reflux de la NEB sur trois années d'observations autour du WSZ

Le "White spot Z" (WSZ) est le plus ancien anticyclone circulant dans la Zone tropicale nord (depuis 1997). Sa position permet de visualiser facilement les fluctuations apparentes de la NEB. En 2009, en pleine phase d'expansion, il se trouve encore "en-dehors" au nord (en bas) de la bande équatoriale brune, ainsi qu'un autre anticyclone blanc de plus petite taille à l'est. Complètement à l'est sur la gauche de l'image, on distingue de grosses taches brunes : ces tourbillons anticycloniques situées à la même latitude que lui sont en train d'enclencher l'invasion de la NTrZ (image de septembre 2009 prise par Ian Sharp - plus de détail sur le bilan 2009). En 2010, la NEB a atteint sa plus grande largeur, et a "envahit" une bonne moitié de la NTrZ vers le nord. Le WSZ et l'autre anticyclone blanc apparaissent à présent contenus dans la bande. Cet été là, le WSZ qui est très lumineux voit son contraste visuel bien renforcé par la situation... Image Jean-Jacques Poupeau en août 2010. La dernière cartographie de 2011 illustre la situation presque un an plus tard : le WSZ apparaît de nouveau en-dehors de la bande : la NEB s'est retirée dans ses frontières normales, au sud. Image : Sean Walker, juillet 2011. (note : en août 2010, la longitude en sys.II du WSZ est de 20°. Il prograde vers l'est et la valeur de sa longitude diminue avec le temps).

La "récession" de la NEB se déroule selon un schéma qui rappelle beaucoup la disparition de la SEB telle qu'on a pu le voir à l'automne 2009. Elle se déroule de manière graduelle sur plusieurs mois. Des secteurs de la bande qui appartiennent en réalité à la Zone tropicale nord, commencent à perdre leur couleur brun sombre, deviennent roses, puis finalement blancs.

Ci-contre à droite, une image prise en février 2011, à la fin de la dernière apparition. Les flèches noires pointent des secteurs de la NTrZ qui sont en train de pâlir. Prise de vue Don Parker.

Fusion de barges dans la NEB.

Pendant ce temps, il s'est produit un évènement intéressant, qui n'est pas lié à la récession de la NEB mais qui concerne quand même la région.

A la fin du mois de juillet, deux barges, des cellules dépressionnaires brunâtres qui se développent au cours de la phase d'expansion, ont fusionné entre elles. Les images ici montrent la situation en juin, puis celle en août au moment où les deux barges n'en forment plus qu'une. Ce type de fusion, bien que peu fréquente, s'est déjà produit à plusieurs reprises dans le passé.

A noter du reste que deux barges beaucoup plus petites ont fait de même fin août, de l'autre côté de la planète.

Le présent cycle d'activité de la NEB, entamé en juin 2009, entre donc dans sa dernière phase, celle où la bande se calme et rentre dans ses frontières (délimitées physiquement par des courant-jet). La plupart des barges brunes de la NEB et des anticyclones blancs de la NTrZ sont des vortex formés au cours de la phase d'expansion, qui doit correspondre à un moment de destabilisation du courant-jet nord-NEB qui circule entre la bande et la zone. Selon la théorie de la météorologie, cette destabilisation du courant-jet interviendrait à cause d'une trop grande différence de température entre les masses d'air situées de part et d'autre. Une fois un certain équilibre retrouvé, la région se calme, les vortex disparaissent, la Zone tropicale nord se refroidit (comme toutes les zones, elle est une région de convection ascendante), et redevient entièrement blanche.

Au cours de 2011 et 2012, on devrait donc assister à une disparition progressive de tout ou partie des barges et des anticylones blancs (sauf le WSZ qui devrait une fois de plus survivre, sauf surprise). Un nouveau cycle d'expansion s'ouvrira problablement en 2013 ou 2014 au plus tard...

L'actualité de Jupiter de ces derniers mois a été marqué par l'évènement qu'a constitué la "disparition", puis la réanimation, de la Bande équatoriale sud (SEB). Mais la SEB n'est pas la seule bande qui montre un cycle de disparition/réanimation violente. Dans l'autre hémisphère, la Bande tempérée nord (NTB) entretient un cycle très similaire, et qui du reste semble lié à celui de la SEB. En effet, les deux dernières réanimations de la NTB se sont produites à très peu de temps d'intervalle par rapport à celle de la SEB. En 1990, 5 mois avant (février/juillet) et en 2007, seulement quelques semaines avant (avril/mai).

Quel que soit l'avenir proche de la SEB, depuis fin 2010 la NTB semble avoir entamé une nouvelle phase de disparition, bien que cette dernière semble très progressive, et pas encore incomplète. La dernière disparition avait été franche, et très longue, puisqu'il avait suffit de quelques semaines pour la voir s'effacer complètement (durant hiver 2003), et qu'elle était donc restée complètement blanche jusqu'en avril 2007.

2003-2007, la dernière phase de disparition de la NTB

La bande disparaît assez brutalement durant l'hiver 2003. Encore complète début décembre 2002 et alors qu'elle était restée la troisième bande la plus importante de la planète depuis 13 années, elle s'efface durant le mois de janvier 2003, ne laissant que des segments sombres isolés (voir flèches noires sur l'image de gauche ci-contre) qui vont très vite eux-mêmes disparaître.

Ce n'est que début avril 2007 que la réanimation se produit, une des plus violentes observées. La bande se remplit très vite de spots brillants (des éruptions convectives) qui laissent dans leurs sillages de multiples taches sombres (image de droite).

A droite, l'évolution de la NTB depuis l'année dernière. La bande apparaît bien plus faible en 2011, alors qu'en 2010 on distingue outre une belle teinte orangée, de nombreux nuages sombres.

La "disparition" cependant n'apparaît pas complète et sur l'image de 2011, la couleur de la bande reste encore rose, quoique très pâle. Il va être intéressant de suivre, dans les mois qui viennent, la progression de cette disparition... ou bien une nouvelle réanimation ?

Il semble difficile d'anticiper le futur proche de la NTB, car la disparition en cours cadre peu avec ce que l'on a pu voir dans les années récentes. Si sa réanimation est liée à celle de la SEB, il faut noter que cette dernière a déjà eu lieu, alors que la NTB n'était pas "disparue". Contrairement aux précédents de 1990 et 2007, les deux bandes ne sont plus dans en phase d'activité "synchrone" (si ce terme peut être utilisé sur Jupiter !). D'autre part, comme on l'a vu la bande semble persister plus ou moins, et ça ne ressemble pas au cas de 2003. Pourtant, la vigilance est de mise : à la fin de l'année 2010, la BAA a lancé une alerte concernant une possible réanimation imminente de la NTB : en effet, grâce aux travaux du projet JUPOS, on a pu déceler dans la NTB une accélération des vents similaire à celle observée en 2007 au moment des éruptions du printemps...