Apparition 2011 Note n°3

Depuis que Jupiter est redevenue observable après la conjonction solaire, les observateurs ont facilement pu constater la réapparition de la Bande équatoriale sud (SEB), dont la disparition avait été le sujet majeur des deux apparitions précédentes 2009 et 2010. Pour autant, la phase de réanimation de la SEB, entamée en novembre 2010, s'est poursuivie tout au long de l'année 2011. En effet, certains phénomènes constitutifs d'une activité "normale" de la bande ne se sont mis en place qu'à l'automne 2011. D'autres manquent encore à l'appel...

La reprise de la turbulence convective au nord-ouest de la Grande tache rouge

Dans toutes les atmosphères de l'univers, anticyclones et dépressions sont des vortex atmosphériques qui trouvent leur origine dans des déséquilibres (de température, de pression...). Ils permettent aux masses d'air de se mélanger entre les pôles et l'équateur - ou entre les pôles et les tropiques... Les uns sont le pendant obligatoire des autres : une dépression atmosphérique est forcément accompagnée d'un anticyclone, et vice-versa. Nous savons que sur Jupiter, la Grande tache rouge est un énorme anticyclone de très longue durée de vie. Mais où est donc la dépression atmosphérique qui l'accompagne ?

Quand la SEB est en période d'activité normale, on distingue toujours des taches blanches au nord-ouest de la GTR (soit, si le sud est en haut, "en bas à droite" (en bas à gauche si on utilise un renvoi coudé...)). Ces taches sont des tourbillons convectifs, des cumulonimbus locaux, qui sont d'une durée de vie assez brève (quelques jours seulement). Mais, s'ils sont éphémères, ils se renouvellent constamment. Cette région est en activité permanente et c'est elle qui forme le pendant dépressionnaire de la GTR, même si elle n'est pas constituée en vortex stable comme peuvent l'être les barges de la NEB par exemple. A l'automne 2011, cette région est en train de se réactiver. Il s'agit d'un évènement important. Cela faisait deux ans et demi qu'on ne l'avait pas observée. En effet, cette zone de turbulence est la première à s'arrêter lorsque la SEB s'apprête à "disparaître". C'est ce que l'on avait constaté en mai 2009 ou en janvier 2007. Sa réactivation a autant d'importance que sa disparition : elle signe la reprise de l'activité normale de la SEB, à un point tel qu'il semble désormais établi que le cycle de disparitions/réanimations de la bande qui courrait depuis 2006 est bel et bien terminé.

Schéma de la région de la Grande tache rouge, avec sa zone dépressionnaire associée dans la SEB

La Grande tache rouge est l'anticyclone (H). Elle se situe dans la Zone tropicale sud (STrZ). Au nord-ouest (en bas à droite) se trouve une zone d'activité convective dépressionnaire permanente, marquée "L". Les flèches vertes marquent l'emplacement des courant-jet qui délimitent la SEB et la STrZ ; les flèches noires montrent les mouvements de rotation des deux zones H et L.

Comme il se doit dans un hémisphère sud, la zone anticyclonique tourne dans le sens inverse des aiguilles d'une montre (anti-horaire), et la zone dépressionnaire, dans le sens horaire.

L'animation du bas, réalisée à partir d'une animation de la sonde Cassini, permet de bien visualiser les différents mouvements. En dépit du fait qu'elle n'est pas constituée en vortex comme la Grande tache rouge, le mouvement horaire de la zone dépressionnaire est évident.

Images (c) STScL/HST en haut et (c)NASA/JPL/Caltech en bas.

Réapparition des turbulences blanches à côté de la Grande tache rouge

Durant les premiers mois de l'apparition 2011 (mai-août), la SEB au nord-ouest de la Grande tache rouge est encore en phase de post-réanimation. Celle-ci se caractérise par l'absence de gros mouvements convectifs, une teinte rougeâtre et de toutes petites taches rouges (de minuscules cellules dépressionnaires - des "mini barges"). L'aspect que l'on voit par exemple sur l'image d'Akutsu du 27 juin 2011 est largement comparable à celle du HST de mars 1991, prise également plusieurs mois après une réanimation de la SEB. C'est au mois de septembre 2011 que la situation évolue. Dans les derniers jours du mois, on constate la présence de taches blanches (image de Yann Le Gall). De septembre à décembre 2011, ces taches prennent de l'ampleur et beaucoup d'amateurs les remarquent. Sur l'image de Marc Delcroix du 8 octobre, la zone est déjà bien plus perturbée que deux semaines plus tôt.

Ces taches blanches marquent la réactivation de la zone dépressionnaire de la SEB associée à la Grande tache rouge. Les images méthane sont également intéressantes...

Images prises dans la bande d'absorption du méthane (890 nm), montrant le phénomène

Les images CH4 permettent de se rendre compte de la particularité du phénomène : les taches blanches les plus intenses sont brillantes, ce qui révèle qu'elles atteignent une attitude relativement élevée dans l'atmosphère. Leur caractère éruptif est ainsi mis en évidence et trahit leur nature : il s'agit de gros cumulonimbus. Les images réalisées durant l'été 2011 (Peach, Prost) ne montrent aucune trace de nuages brillant dans la région. Mais celles du mois d'octobre, (Pellier, Akutsu) révèlent un ou deux de ces phénomènes éruptifs. De même, la bande qui avait en CH4 un aspect anormalement brillant en juillet/août semble redevenir progressivement sombre à l'automne. Ce changement pourrait démontrer là encore, un retour à la normale de la SEB.

La persistance d'une bande tropicale sud massive (dans la STrZ) sur le flanc sud de la SEB est remarquable. De même, nous ne voyions pas encore de "spots de courant-jet" sur la SEB-sud (un phénomène absent depuis six ans). Enfin, l'aspect de la bande en CH4 n'est pas non plus habituel puisque la partie sombre (absorbante) de la SEB est trop étroite. Le retour à normal n'est donc pas encore complet et la région reste intéressante à suivre dans les mois qui viennent.