Virées à la Palma / Trips to la Palma

 

 

Oui je l'avoue, j'habite à Paris.

Tout est dit.

C'est très légèrement problématique quand le principal objet de la fuite de vos capitaux se trouve être l'astronomie. Le beau télescope est alors à l'astronome, un peu ce que le trombone à coulisse est au chimpanzé.
A vrai dire, pas tout à fait : à Paris, on peut toujours aligner le chercheur, régler et nettoyer les optiques, ou numéroter ses diapos. Ça console... un peu... mais c'est pas très excitant.
Alors aller observer dans un site bien sombre, loin des lumières de villes, semble être la solution (si, si... j'ai trouvé ça tout seul).

Fort et fier de cette conclusion, je me suis donc dirigé vers les coins les plus sombre de France. J'ai ainsi fait (pas forcément dans l'ordre, ni d'un seul coup) : les Pyrénées, la Sologne, les Causses, le Restefond, l'aven Armand... A force de traîner dans ces coins là, je commence à maîtriser la lecture de carte IGN (indispensable). C'est d'ailleurs un peu tout ce que j'ai gagné.

La conclusion s'est très vite imposée d'elle même... imparable, désagréable et bien évidemment immuable :

en France, il pleut vraiment beaucoup ! ! !

et en plus il fait froid.

 

Y'en a marre !

Donc en cet automne 2001, l'idée a germé d'aller sur un site certes bien sombre, mais aussi bénéficiant d'un climat beaucoup plus favorable que celui de notre métropole adorée. Un site facile d'accès... avec des routes grandes comme ça. Et puis avec une baraque pas loin... pour pouvoir dormir au calme de temps en temps. Et puis avec l'eau chaude, la baraque, s'il vous plaît. Et puis pas très loin de l'Europe aussi.
Tous ces critères désignaient tout naturellement un site d'observatoire professionnel. Là, point de question à se poser concernant la qualité du site : ils ont déjà tout prévu. La preuve ? Ils y sont (les pros).

La Palma.

A 5h. de vol depuis Paris, La Palma est un volcan émergé formant l'île nord-ouest de l'archipel des Canaries. Climat presque tropical, latitude presque australe (de quoi voir Omega du Centaure), et tracasseries administratives presque inexistantes (on est encore en Europe car les Canaries appartiennent à l'Espagne) : ça ressemble au paradis. Et quand en plus on vous dit que 80% du temps, les nuages ne dépassent pas l'altitude de 1800 mètres, que l'autorité locale a instauré une régulation pour limiter les effets de l'éclairage urbain, vous vous dîtes que vous avez trouvé le site idéal, là-haut, tout en haut de ce volcan à 2500 mètres.

Ça va être chouette !
C'est décidé : location d'une casa rurale spécialement choisie pour sa situation éloignée des lumières parasites, d'une voiture et achat des billets d'avion.

Avant d'aller plus loin, faut que je vous dise... Pour ce trip à La Palma, moi Po qui écrit ces lignes, j'ai fait une infidélité à Isaya. Nous ne sommes pas fâchés, le divorce n'est pas encore consommé : vous nous aurez encore sur le dos pendant un bon bout de temps, croyez moi.
Pour ce voyage donc, je suis parti avec mon pote Seb. Seb, fou-furieux d'astro de nos connaissances, mais aussi compagnon d'infortune météorologique depuis bien longtemps. Il est sur la photo, là, à côté de la maison.
Isaya ne sont pas fâchés de cette infidélité... non... ils sont juste jaloux de m'avoir vu partir au soleil comme ça... sans eux. Oui mais moi j'y étais pas en Floride, hein... bon.

 

 

Virée à La Palma, donc.

Avion à 7h45 du mat´ dimanche matin. Obligé de prendre le premier Orlybus à Denfert à 5h35 (sous la pluie en plein milieu du mois de février, c'est dur). Chargés comme des bourricots avec nos télescopes sur le dos. A6, Orly ouest, il est où le comptoir Iberia ? Enregistrement, croissants et chocolat chaud en salle d'embarquement : ça commence à aller un peu mieux. J'ai envie de dormir. On... a envie de dormir.
Décollage de notre vol Iberia à 7h45 (un A320), virage puis direction plein sud au-dessus des nuages. Ça va de mieux en mieux. On longe une autoroute. Les Pyrénées. L'Espagne est dégagée, on voit au sol. Atterrissage à Madrid Barajas, déjà ? Boutiques duty-free pendant l'escale (les piles des oculaires réticulés sont moitié moins chères ici qu'en France).

10h20 re-décollage de Madrid toujours sur Iberia (toujours un A320). Direction sud-ouest. On doit être au-dessus du Portugal. Ah... l'océan, enfin. Virage. Direction plein sud. Là, ça va carrément bien. Plateau repas. On amorce la descente. Excitation. Est-elle comme l'image que je m'en suis fait, cette île ? Interminables virages d'approche. Rien que l'océan à voir. Même pas un nuage pour masquer quoi que ce soit. Et dire que le pilote doit la voir... lui. Ah la voilà. Oh mais on est tout proche ! Vlam. Atterrissage. 12h30. Immobilisation de l'avion sur le tarmak ensoleillé. L'aéroport a été gagné sur la mer ; la manche à air montre un léger vent marin. La passerelle roulante s'approche ; la porte de l'avion s'ouvre. Je veux sortir. Moi aussi je veux respirer cet air qui semble bon. Récupération des sacs dans les compartiments au-dessus. Ça y est... on peut enfin se diriger vers la sortie.

Eblouissement, douceur de l'air, chaleur du Soleil, léger vent frais de la mer. Je marche sur le tarmak, c'est déjà le paradis. J'ai bien fait de garder mes lunettes de Soleil à portée de mains (ce matin à Paris sous la pluie, ce n'était pas dans la nature des choses). Bon... Seb ! Tu sors de c't'avion ? Viens voir comme il fait bon ici.

Récupération des bagages (ouf ils sont tous là). Une dame nous attend avec mon nom marqué sur un panneau. Notre voiture est avancée. Elle est Espagnole (la dame, pas la voiture ; la voiture c'était une française, une Mégane) mais ne parle qu'allemand. Je suis Français et ne parle qu'anglais. Pour cette signature de contrat de location de voiture on a du s'arranger dans un charabia qui a bien du mélanger les quatre langues. Mais on y est arrivé.

Enfournement de notre tas de matériel dans ce break. Allumage de la radio... obligatoire. La rock-pop locale et internationale ne nous dépayse guère. On est au Soleil sous les cocotiers, mais on est encore en Europe. Mais c'est tant mieux, on baisse les vitres, on pousse un peu le volume et on quitte l'aéroport.

Ça fait 5 minutes qu'on roule sur une voie rapide... Nous voilà déjà dans Santa Cruz. Jamais vu une ville aussi près de son aéroport. Une ville, que dis-je... un bourg. Santa Cruz est la principale localité de La Palma, connue dans le monde entier car l'aéroport est celui de "Santa Cruz de La Palma", mais ce n'est qu'un bourg.

On n'a rien à manger pour ce soir. Faudrait peut-être essayer de trouver quelquechose. Dit Seb... tu crois qu'on va trouver un magasin ouvert sur cette île un dimanche après midi ? Perplexité. On se gare sur le parking le long de l'avenida maritima et on rentre à pied dans le vieux Santa Cruz. "Par là... j'le sens bien" me dit Seb. Faute d'une meilleur idée, je suis. Trop fort ce Seb ! En trois minutes, il nous trouve un Spar ouvert. Dès qu'il s'agit de bouffe, Seb, on peut compter sur lui. Ebahi, je suis.

Retour à la voiture. Petite photo de Santa Cruz. Faut pas traîner, nous avons rendez-vous dans deux heures pour prendre les clés de la maison à Garafia. Deux possibilité pour y aller. Soit la route de côtière, soit on grimpe tout là-haut sur le volcan et on passe à côté des coupoles. On passe à côté des coupoles. Vroum, elle grimpe dure cette route. Il y a des citronniers partout sur le bord. Pas pour très longtemps ; forêt de conifères ; puis plus d'arbres du tout ; puis plus de végétation du tout. Une heure et demi de montée tout de même, sur cette petite route qui serpente. Les coupoles sont bien là, surplombant la route, posées sur leur roque, c'est génial. On s'arrête ; faut qu'on aille les voir, les toucher. On grimpe les derniers rochers qui nous séparent d'elles. Il fait frais à 2500m d'altitude. L'air pur, ça change de Paris. Si on regarde en-dessous de nous, on voit la mer... à travers le filtre de la basse atmosphère humide. Si on regarde au-dessus, le ciel est bleu... mais bleu. On peut le masquer avec un doigt au bout du bras tendu et on n'est pas ébloui par la diffusion du ciel. J'aime cet endroit.

Oups... on en oublierait presque l'heure. Il faut redescendre. La propriétaire de la maison va nous attendre. Résultat, une heure de retard à notre rendez-vous. Llano Negro, dans la municipalité de Garafia, est un petit village ensoleillé avec personne dans les rues. Ça va être dur de retrouver notre propriétaire. Une voiture passe à côte de nous, s'arrête, une dame nous parle en espagnol. Notre propriétaire. Elle doit avoir l'habitude de ces touristes étrangers qui sont toujours en retard.

Elle nous conduit à la maison. Effectivement vraiment isolée. Parfait. Dans cette maison c'est le luxe. De vrai lit avec de vrai couvertures. Une cuisine avec même une plaque vitrocéramique (ce détail parait incongru, mais je ne m'attendais pas à en trouver une ici). Ce réseau de location de maisons rurales ne se moque vraiment pas du client.

Re-explications en Espagnol, et règlement de la location en espèces... en Euros donc. Nous alignons la somme jusqu'au dernier centime d'Euro. Elle examine nos pièces françaises qu'elle n'avait jamais vues jusqu'alors (février 2002, l'Euro n'est en circulation que depuis 40 jours). Surtout nos 5 et 2 centimes, et s'exclame interrogative Ah... carnaval ? Non, non... Marianne :-/ La France doit être le seul pays européen à avoir fait frapper sur sa monnaie un visage qui ressemble à un masque de carnaval.

Elle s'en va, le Soleil se couche, nous dînons en montant les instruments.

 

 

Première nuit tant attendue à La Palma.

Nous sommes debout depuis 4h30 ce matin, après juste avoir dormi 4h. Avec un tel ciel qui nous attend, on ne peut pas être fatigué. Ce soir, nous ne montrons pas là-haut : le Soleil est déjà couché, avec la demi-heure de monté nous devrions entrer dans l'enceinte de l'observatoire avec tous phares allumés. Et puis tout à l'heure, nous avons remarqué que la barrière d'accès à l'observatoire se ferme à 20h. On n'y sera jamais.

Nous restons à 10 mètres de la maison. Pari gagné : quand on aura froid, ou quand on voudra se coucher, nous n'aurons qu'une vingtaine de mètres à faire et hop... au chaud sous les couvertures. Ça change du champs Solognot à trente kilomètres du lit le plus proche. Et puis, vu le temps magnifique que nous avons eu aujourd'hui, il reste toute la semaine pour monter. Nous sommes à La Palma : il va faire beau.

Pour cette session, je me suis équipé avec du matériel presqu'exclusivement photographique. C'est léger, peu encombrant, donc facilement transportable en avion. Donc pas de gros instrument d'observation. Dommage, peut-être, mais il fallait faire un choix. Je ne fais faire que de la photo en parallèle, au 50 mm. et au télé de 180. Pour le guidage, un lunette de 80/400 Astronomix avec un oculaire guide de 12,5. Le tout monté sur ma brave SP (elle a fait la Zambie aussi). Question film, du Kodak Supra 400 : il parait qu'il est bien. C'est la première fois que je sors ce montage. Espérons que je n'ai rien laissé au hasard.

Seb aussi s'est équipé léger pour la photo. Il a sa GP, sa Pronto pour le guidage, son OM-1 avec un 50 et un 135 pour les photos. Du Kodak E200 comme film.

Equilibrage, mise en station. Ca fonctionne, ouf... La luminosité a déjà bien baissé.

Premier choc : la lumière zodiacale monte jusqu'au zénith. C'était pas prévu. Ça va nous gêner. D'autant que le Taureau avec Saturne rentrent carrément dedans. Va falloir attendre un peu qu'elle diminue d'intensité avant de tirer leur portrait. Heureusement, Orion est au sud-est, pas encore passée au méridien : elle va me permettre de me familiariser avec ce nouveau montage.

Il est vraiment bien ce site. Il ne fait pas encore totalement nuit et on voit déjà la lumière zodiacale et la voie lactée. Et pourquoi pas le gegenshein tout à l'heure... tant qu'on y est.

Je m'acharne sur Orion au 50mm f/2.8 pour tester le film. 1, 4, 16, 64 minutes. 2 de chaque, même. On verra bien ce qu'il en sortira. Avec ça, j'arriverai bien à déterminer un temps de pose idéal.

Déjà 2 heures et demi que je suis sur ce programme. La lumière zodiacale a laissé un peu de champs au Taureau. Je me réoriente. Je suis maintenant rodé pour le suivi, je déclenche.

 

le Taureau, nébuleuse California, Saturne
- Le 10 février 2002, Garafia (la Palma, alt. 1000 m.)
- 16 minutes sur Kodak Supra 400 non hyper
- obj. AF Nikkor 50mm f/1.4 D diaphragmé à 2.8
- développement standard C41
- scan sur Minolta Dual Scan II sans optimisation
- rehaussement du niveau de noir de l'histogramme
- augmentation du contraste par légère courbe logarithmique

Le niveau de noir a été calculé à partir du niveau de l'image dans les nuages obscurs à côté de California.
La grande zone lumineuse triangulaire appuyée à droite est la lumière zodiacale
.
Le halo bleuté le long du côté gauche est un artefact du scanner.

 

4h30 : ça fait bientôt 24h que nous sommes debout. Nous arrêtons avant le lever du jour. La météo du reste de la semaine va immanquablement être belle... on va pouvoir continuer tranquillement notre programme. On rentre les instruments et on se couche. Confiants...

 

 

Pendant les journées, nous ne pouvions pas nous empêcher d'aller traîner sur le site de l'observatoire.

Galerie.

 

Nordic optical telescope Nordic optical telescope.
Hershel telescope De gauche à droite : ???, Herschel telescope, New Swedish solar telescope, Carlsberg meridian telescope, Dutch open telescope.
Gran T Can, Telescopio nazionale Galileo.
Gran T Can.
Nordic optical telescope, et bâtiments administratifs en contrebas.
Nordic optical telescope.
Telescopio nazionale Galileo.
Magic, Herschel.
Hegra, Nordic optical telescope (au fond).
Hegra, Nordic optical telescope (toujours au fond).

 

Et il y en a même qui font les pitres là-haut...

Pour plus d'informations à propos de ces télescopes, il faut aller voir le site de l'Instituto de astrofísica de Canarias.

 

 

Le seconde nuit fut dégagée, mais moins transparente : les images furent voilées par le fond de ciel. Rien d'intéressant ne sortit.

La troisième nuit, nous la passèrent pour la première fois, là-haut, à l'observatoire. Coucher de Soleil magique à 2400m... Première moitié de nuit sublime malgré un vent... mais un vent... froid ! Puis grêle en fin de nuit : j'ai jamais rangé mon matériel aussi vite. La preuve... quel bordel  :

Au matin, nous avons appris qu'il y avait eu de la tempête au niveau de la mer. Finalement avec notre vent, là-haut, ce n'était pas si terrible.

La quatrième nuit, fut dans les nuages.

La cinquième aussi.

Puis la sixième. Ce soir là, y'avait le Star Academy local à la télé... Operacion Triumfo qu'ils appellent ça. C'est fou ce qu'on peut regarder quand on est paumé au milieu de nulle part. J'aime pas Star Academy ! J'préfère Kylie Minogue (à fond dans la voiture).

Puis la septième. Celle-la, notre dernière, nous la passèrent en haut malgré tout. Si jamais ça s'était dégagé en milieu de nuit. Jamais... c'est le mot. Ça ne s'est jamais dégagé. L'image, à droite, a été prise à la fin de cette dernière nuit. Le blanc ? C'est de la glace. De la glace que les nuages ont déposé tout au long de la nuit. Et nous, nous étions dans la voiture. Givrés ? Nous ? Non !

 

 

La photo du Taureau présentée plus haut est donc la seule valable de toute cette semaine.
Snif...

 

Faut qu'on y retourne !
Youpi !
: )

 

Pog

 

 


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