AstroChile

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  1. Voici NGC 3324, nébuleuse en émission aussi appelée la nébuleuse "Gabriela Mistral" en raison de sa ressemblance avec la poétesse chilienne du même nom (on voit bien son visage de profil !), imagée en HOO avec un Planewave CDK20 sur monture L-500 et une caméra QHY600. 34x300s en Ha et 35x300s en O3 Photo Jean-Philippe Cazard et Jean-Brice Gayet
  2. RCW58 et sa "fontaine" WR40

    Merci pour vos compliments
  3. RCW58 et sa "fontaine" WR40

    Comme vous le savez peut-être, depuis quelques mois notre équipe "Astrochile" (Jean-Philippe Cazard et Jean-Brice Gayet) s'amuse avec un télescope CDK20 sur une monture Planewave L-500 avec une caméra QHY600MM, installé au Chili, donc piloté en remote. Avec environ 99 % des ciels nocturnes exploitables, en presque 6 mois nous avons pu imagé une bonne centaine de cibles. Malheureusement, la caméra est tombée en panne, donc le temps de la remplacer, nous allons pouvoir souffler un peu et partager quelques-une de nos images Voici pour commencer RCW58, une nébuleuse alimentée par l'éjections de particules émises par l'étoiles Wolf-Rayet WR40 (l'étoile au centre de l'image). 44x300s en Ha et 46x300s en O3
  4. Bonjour à tous, Nous revoici fin prêts avec une nouvelle image et surtout un nouveau setup déployé au Chili après "upgrade" du CDK 12.5 que nous avions là-bas. Seule la caméra est restée la même, tout le reste a été changé. Il a fallu du temps (beaucoup de temps) et toute la patience de @Jean-Philippe Cazard pour arriver à ce résultat. NGC 2359. Team Astrochile. CDK 500 avec monture Planewave L-500 pilotée par PWI4. Caméra QHY600MM, focusing avec PWI3. Séquenceur CCD Autopilot. Traitement image par Siril, Pixinsight, PS. Luminance : 16x300s, R, G et B : 12x300s Pour la luminance, toutes les poses ont été conservées, elles ont un FWHM compris entre 1,5 et 2,0" d'arc, avec une moyenne à environ 1,7" d'arc Niveau 0 : Fameuse nébuleuse diffuse à émission en forme de casque ailé, NGC 2359 doit son petit nom de Casque de Thor à sa forme assez caractéristique. De taille digne d'un dieu nordique, ce casque céleste mesure une trentaine d’années-lumière de diamètre. Nébuleuse en émission située dans la constellation du Grand Chien à environ 15 000 années-lumière du système solaire, NGC 2359 a été découverte par William Herschel en 1785. La nébuleuse en émission NGC 2361 est un "grumeau lumineux" située en bordure de NGC 2359 découvert par Bigourdan le 25 février 1887. Aujourd’hui, elle n’apparait plus dans la base de donnée de Strasbourg (Sinbad), fusionnée avec NGC 2359. Niveau 1 : Ce "casque" est une bulle de gaz interstellaire (le nuage moléculaire environnant) soufflée par les vents d’une étoile massive et brillante en son centre, extrêmement chaude, de type Wolf-Rayet (WR), en l’occurrence ici WR7. Les étoiles WR sont des géantes bleues massives rares extrêmement chaudes qui se trouvent dans une brève étape de l'évolution stellaire précédant l'explosion en supernova. Elles développent des vents stellaires dont la vitesse peut atteindre des millions de kilomètres par heure. La structure « torturée » du Casque est liée à des interactions avec un grand nuage moléculaire, qui ont entrainées la formation de cette architecture complexe et notamment de ses structures courbées. A titre de comparaison, il suffit de regarder la forme nettement plus harmonieuse de la Nébuleuse de la Bulle : Nébuleuse de la bulle par @danielo Avec un taux d'expansion du Casque variant entre 10 km/s et 30 km/s selon l'endroit considéré, l'âge de cette nébuleuse donc est estimé entre 78 500 et 236 000 ans (cad un peu après l’époque où l'Homme de Saccopastore parcourait la terre près de Rome). L'Homme de Saccopastore, il y a environ 250 000 ans. Niveau 2 : Le vert-émeraude de cette nébuleuse provient des fortes émissions des atomes d'oxygène dans le gaz rougeoyant Image réalisée par le VLT pour célébrer le 50e anniversaire de l'ESO. La structure filamenteuse du Casque de Thor renferme une masse de gaz ionisé estimée à environ 70 M⊙, alors que la masse de l'ensemble du complexe ionisé est comprise entre 850 et 1100 M⊙. La masse totale du gaz neutre, située en périphérie de la bulle, est d'environ 320 M⊙. Toute cette matière ne provient pas de l'étoile ; il s'agit en grande partie du milieu interstellaire balayé par les vents stellaires. En tenant compte de toutes les composantes de la bulle, la masse totale de l'ensemble est d'environ 2200 M⊙. Niveau 3 : L’émission de rayons X de NGC 2359 peut être décrite par un modèle d'émission de plasma optiquement mince. Les observations de XMM–Newton montrent ci-dessous la composante d’émission X de NGC 2359 : Image composite en couleur de l'observation XMM-Newton de NGC 2359. Les couleurs rouge et verte correspondent aux bandes Hα et [O III] et la couleur bleue correspond à l'émission de 0,3-1,1 keV. Les sources ponctuelles ont été supprimées de cette image. J. A. Toalá et al. 2015. @Jean-Philippe Cazard et @JB Gayet Sources : Wikipedia J. A. Toalá, M. A. Guerrero, Y.-H. Chu, R. A. Gruendl, On the diffuse X-ray emission from the Wolf–Rayet bubble NGC 2359, Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, Volume 446, Issue 1, January 2015, Pages 1083–1089, https://doi.org/10.1093/mnras/stu2163
  5. Acquisitions entre le 25 janvier et le 22 avril 2021, systématiquement lors de la présence de la lune, à quasiment toutes les phases. Planewave CDK 12.5, Paramount II, QHY600M. Maxpilote, TSX, Focusmax et PHD2 RGBSHO : 8x300, 9x300; 8x300, 34x300, 33x600, 34x600s Obstech, Chili. I– les bases : Nébuleuses à émission, Herschel, etc NGC 3576 est une nébuleuse en émission située dans la constellation de la Carène. Les nébuleuses en émission sont des nuages de gaz ionisé dans le milieu interstellaire (InterStellar Medium en anglais, ou ISM) qui absorbent la lumière d'une étoile chaude proche et la réémettent sous forme de couleurs variées à des énergies plus basses. Le milieu interstellaire est la matière qui, dans une galaxie, remplit l'espace entre les étoiles et se fond dans le milieu intergalactique environnant. Il est un mélange de gaz (ionisés, atomiques et moléculaires), de rayons cosmiques et de poussières. L'énergie qui occupe le même volume, sous forme de rayonnement électromagnétique, correspond au champ de rayonnement interstellaire. Elle a été découverte par l'astronome britannique Sir John Frederick William Herschel dans les nuits du 14 et du 16 mars 1834. John Herschel (7 mars 1792–11 mai 1871) était premier baronnet (rang intermédiaire entre celui de chevalier de la gentry - les aristocrates non-pairs - et celui de baron de la noblesse). Il s'agit du fils de Sir William Herschel, lui même astronome. Il était philosophe, physicien et météorologue et il compte parmi les pionniers de la photographie. John Herschel par Julia Margaret Cameron (1867). En observant la nébuleuse de la Liberté, Herschel a cru observer six objets différents à l'aide de ses instruments et c'est pour cette raison que cette nébuleuse a reçu six numéros différents dans le New General Catalogue of Nebulae and Clusters of Stars de John Dreyer (NGC 3576, NGC 3579, NGC 3581, NGC 3582, NGC 3584 et NGC 3586). En général, on considère la nébuleuse dans son entier comme NGC 3576. Si le surnom de nébuleuse de la Statue de Liberté en raison de la forme centrale de celle-ci est une évidence pour tout le monde aujourd’hui, il s'avère que ce surnom n’a pourtant été suggéré qu’en 2009 par un autre médecin, le Dr Steven Mazlin. Elle est située à proximité de la nébuleuse de la carène comme le montre cette image tirée des archives de l’APOD (26 février 2010). APOD 26 02 2010, image de Dieter Willasch. La grande nébuleuse de la Carène, alias NGC 3372, s'étend sur plus de 300 années-lumière (l'une des plus grandes régions de formation d'étoiles de notre galaxie). La flèche montre NGC 3576. L’ensemble de ces nébulosités est aussi appelé l’Arc de la Carène. II – Des bases au niveau intermédiaire... Dans les publications scientifiques, NGC 3576 est plus souvent référencée sous le nom RCW 57A. C’est une excellent candidat d’étude des régions d'hydrogène ionisé. Ces régions H II (lire « H 2 », différent de l'hydrogène moléculaire H2 et de l'hydrogène neutre atomique HI) sont des nébuleuses en émission constituées de nuages principalement composés d'hydrogène dont la plupart des atomes sont ionisés s'étendant sur plusieurs années-lumière. L'ionisation est produite par la proximité d'une ou plusieurs étoiles très chaudes, de type spectral O ou B, qui rayonnent fortement dans l'ultraviolet extrême, ionisant ainsi le gaz alentour à partir duquel ces étoiles se sont elle-mêmes formées. Une fois les particules de gaz restant dispersées par les vents stellaires provoqués par les étoiles les plus massives de l'amas stellaire nouvellement formé (voire par des supernovæ), ces régions H II laissent derrière elles des amas d'étoiles tels que celui des Pléiades. Mais avant ce stade, ces régions H II présentent souvent une architecture spectaculaire, avec des bulles sphériques ou en forme d'anneau, elles-mêmes bipolaires ou unipolaires et qui peuvent être “cerclées” par des nuages brillants, et/ou accompagnées de filaments. Ces éléments architecturaux ont surtout pu être mis en évidence grâce aux apports des missions spatiales récentes, telles que Herschel, Spitzer et WISE; qui ont montré que la plupart des nuages moléculaires présentaient une structure filamentaire et qu’ils étaient associés à une architecture prédominante en “bulles bipolaires”. Ces bulles s’avèrent être le résultat naturel de l'expansion anisotrope des fronts ionisants des régions H II hébergeant des étoiles massives de type O / B situées dans les filaments. L’image suivante montre parfaitement l’étendue de ces “bulles” dans le cas de la Liberté : Figure 0 : Image tricolore de la région RCW 57A réalisée à l'aide d'images WISE 4,6 μm (rouge), 2MASS Ks-band (vert) et DSS2 R-band (bleu). Les contours jaunes entourant des flèches blanches représentent la structure bipolaire en forme de bulle observée en infrarouge moyen (MSX, Spitzer et WISE). Cette structure apparaît comme une boucle élargie étendue en bande R, comme le montre le contour jaune étendu dans la partie Nord. Le contour cyan épais représente l'émission radio de 3,4 cm du gaz ionisé, délimitant l'étendue de la région H II. Les contours blancs représentent le continuum d'émission des poussières à 1,1 mm, montrant un filament poussiéreux allongé du Nord-Est au Sud-Ouest, qui traverse la région H II. L'étendue du nuage moléculaire, à partir de l'émission de la raie CO(1-0) est représentée par le contour magenta (la ligne horizontale en bas du contour magenta est la limite de la zone cartographiée). Les directions possibles des flux de gaz éjectés sont représentées par des flèches blanches. Notre champ d’acquisition est nettement plus petit. Ces champs magnétiques qui façonnent ces nuages vont donc jouer un rôle important dans la formation des étoiles. À l'échelle des nuages moléculaires, le champ agit en résistant à la contraction gravitationnelle du nuage en confinant les particules ionisées. Le confinement conduit à l'apparition de structures filamenteuses et, dans certains cas, le champ peut même "sortir" un nuage d'une "fragmentation en cascade". À plus petite échelle, le champ peut être responsable de la formation d'un disque circumstellaire autour d'une protoétoile, avec le plan du disque perpendiculaire au champ, c'est-à-dire en forme de sablier, collimatant ainsi les flux ou les jets le long des lignes du champ. III - niveau Intermediaire + Une manière d’étudier ces champs magnétiques consiste à mettre en évidence leur polarisation. La collision thermique avec les atomes de gaz fait tourner les grains de poussière et produit un moment dipolaire magnétique parallèle au petit axe. Les grains sont orientés avec leurs grands axes perpendiculaires au champ. La polarisation à partir du grain de poussière aligné peut être parallèle ou perpendiculaire au champ magnétique, selon que la polarisation est créée par la lumière des étoiles de fond absorbée préférentiellement dans une certaine direction sur le plan du ciel (en optique ou NIR) ou par rayonnement thermique par les grains de poussière eux-mêmes (en infrarouge thermique ou submillimétrique). La figure 1 montre les différentes circonstances de polarisation par la poussière interstellaire. Figure 1 : La polarisation des grains de poussière alignés L'étude de la polarisation se fait surtout dans le proche infra-rouge (NIR) (moins d’absorption par le nuage) afin de sonder la structure des champs magnétiques des régions massives de formation d'étoiles, comme le montre par exemple une magnifique image de la Flamme qui a fait tout récemment l’APOD (17 avril 2021). Par contre, le fait que les bulles bipolaires soient le résultat naturel de l'expansion anisotrope des fronts ionisants des régions H II hébergeant des étoiles massives de type O / B situées dans des filaments ne fasse pas de doute n'est pas contradictoire avec le fait que les détails de leurs processus de formation et d'évolution soient par contre complexes à modéliser, comme l’évoque d’ailleurs le texte de l'image de la Flamme en APOD. En effet, les étoiles massives (> 8 M☉) ont des effets profonds et variés sur le milieu de leur nuage natal environnant en y déclenchant des flux expansifs par leurs rayonnements ionisants forts et par leurs vents stellaires puissants. Ces flux peuvent soit engendrer de nouvelles zones d'effondrement du nuage de gaz conduisant à la formation de nouvelles étoiles, soit au contraire "nettoyer" le milieu environnant, mais ce serait sans compter l'association de la survenue de supernova, qui vont elles-mêmes déclencher ou arrêter la formation d'étoiles. Figure 2 : La polarisation de RCW 54A superposée à l'image SIRPOL H. A gauche, chaque ligne rouge représente le vecteur de polarisation d'une géante rougie. À droite, les lignes bleues correspondent à des étoile non rougies (Eswaraiah el al. 2011) Pour plus de détails sur la complexité des interactions de ces phénomènes, je vous renvoie vers cette excellente étude de Eswaraiah et al. de 2017 référencée ci-dessous qui donne des clefs de compréhension des liens entre champs magnétiques, filaments, bulles bipolaires et formations d'étoiles dans RCW 57A (à travers l’étude de la polarimétrie en proche infra-rouge, donc, comme nous l’avons vu ci-dessus). Références : Understanding the links among the magnetic fields, filament, bipolar bubble, and star formation in RCW 57A using NIR polarimetry. Eswaraiah C., Lai S.-P., Chen W.-P., Pandey A.K., Tamura M., Maheswar G., Sharma S., Wang J.-W., Nishiyama S., Nakajima Y., Kwon J., Purcell R. And Magalhaes A.M. The Astrophysical Journal, 850:195 (22pp), 2017 December 1 Magnetic Field Structure inferred by Near Infrared Polarization in the Carina Nebula and RCW 57A. B. H. Su, W. P. Chen, C. Eswaraiah, M. Tamura, R. Kandori, N.Kusakabe, J. Hashimoto, J. Kwon, Y. Nakajima and A. K. Pandey. First International Conference on Chemical Evolution of Star Forming Region and Origin of Life. AIP Conf. Proc. 1543, 115-119 (2013) La team Astrochile : @Jean-Philippe Cazard (aux curseurs) et @JB Gayet (au texte) Pour le plaisir des yeux, les trois couches S, H et O dans leur jus : Couche S Couche H Couche O
  6. NGC 4565 au 200/800 carbone

    Sérieusement, elle tient plus que la route ! (et pour le site, et pour le diamètre, et pour le traitement )
  7. AM 0644-741 est une pétouille également connue sous le nom d’Anneau de Lindsay-Shapley, une galaxie lenticulaire non barrée en anneau, située à 91.6 Mpc dans la constellation du Poisson volant, visible dans l'hémisphère sud. Son diamètre de 150 000 années-lumière lui donne une taille apparente de 1.7'... on est bien dans la pétouille. Planewave CDK 12.5, QHY600M, Paramount II. Obstech, Chili. LRGB : (154)x300s, 25(25)x300s, 29(30)x300s, 25(26)x300s AM 0644-741 montre un anneau presque complet, et un second anneau partiel, plus interne. C'est probablement la galaxie la plus proche de la Roue de Charrette sur le plan morphologique et malgré leur toute petite taille apparente, l’une et l’autre sont parmi les plus grandes galaxies de type RiG (Ring Galaxies, RiG). Les galaxies en anneau sont des laboratoires uniques pour étudier les phases particulières de l'évolution des galaxies caractérisées par des taux de formation d'étoiles élevés (SFR), jusqu’à 20 masses solaires/an ! Elles constituent toutefois une petite sous-classe de galaxies (on estime qu'elles représentent environ 0,02% –0,2% de toutes les galaxies spirales, Athanassoula & Bosma 1985) bien qu’il ne soit pas connu la proportion de RiG se formant via des collisions (presque) frontales avec des galaxies massives. Comme nous l’avons vu avec la Roue de Charrette (l'archétype des RiG), en raison de la perturbation gravitationnelle induite par la galaxie "projectile", une onde de densité se propage à travers le disque de la galaxie cible, générant un anneau en expansion de gaz et d'étoiles (Lynds & Toomre 1976), l'onde de densité associée à l'anneau de propagation déclenchant des sursauts de formation d'étoiles. L'anneau est donc dominé par une population d'étoiles massives, bleues et chaudes. Les régions roses le long de l'anneau sont des nuages raréfiés d'hydrogène gazeux rougeoyant rendus fluorescents par le rayonnement ultraviolet émise par les étoiles bleues. Si le SFR de la Roue de Charrette est de 20, celui de l'Anneau de Linsay-Shapley est entre 2.6 masses solaires par an (si on se réfère aux données Hα de Higdon & Wallin (1997)) et 11,2 ± 0,4 masses solaires par an à partir des données LHα (Higdon et al., 2011). Les modèles de simulation galactique suggèrent que l’anneau d’AM 0644-741 continuera à s’étendre pendant encore 300 millions d’années, avant qu'il ne commence à se désagréger. Figure 1 : à gauche, image optique en bande B d'AM0644-741 et de ses deux galaxies compagnons les plus proches. A droite, image Hα soustraite de la galaxie correspondante à la région en pointillés à gauche. Les rectangles rouges marquent les fentes utilisées pour la spectrométrie lors de l'étude. Cette image montre particulièrement bien les zones de formation intense d’étoiles. Par ailleurs, j'ai extrait d'une publication sur l'étude millimétrique AM 0644-741 par Hidgon et al (2011) un schéma (figure 2) illustrant les différences des conditions d'évolution du milieu interstellaire (l'ISM) au sein d’un bras spiralé de grand style tel que ceux de M 51 (en haut) et l’évolution au sein d’un anneau d'une galaxie annulaire évoluée; telle que AM0644-741 ou la Roue de Charrette (en bas). Dans un bras en spirale, les nuages moléculaires (noirs) et atomiques (verts) sont traversés par une onde de densité de grande amplitude, où se forment des nuages moléculaires géants (GMC, Giant Molecular Coulds) et surviennent des sursauts de formation d'étoiles. Les GMC finissent par "sortir" de l'onde de densité après un temps de l'ordre de 15 millions d'années, mais subissent désormais les effets consécutifs à la formation d'étoiles, ce qui entraîne la formation de jeunes amas d'étoiles bleues, de complexes H II et la photodissociation du H I "en aval" du bras, dominé par une composante moléculaire. Les fragments de nuages moléculaires qui s'échappent ne subiront plus de telles élévation de la pression et de la densité de l'ISM ou de rayonnement UV avant de recontrer un nouveau bras, quelques 100 millions d'années plus tard. En revanche, dans une galaxie en anneau évoluée avec une solide formation d'étoiles; les nuages moléculaires sont confinés à l'anneau en expansion pendant plus de 100 millions d'années, où ils sont soumis à des champs de rayonnement FUV élevés pendant des périodes beaucoup plus longues. Le résultat est un anneau dominé par du H I photodissocié et (en moyenne) des nuages moléculaires plus petits. Figure 2 : Répartition de l’hydrogène neutre, du Hα et courbes de vélocité (figure 3), mêmes auteurs. Figure 3 : observations datant de 1996 via l'Australia Telescope Compact Array (ATCA) de AM0644-741. En haut à gauche : distribution totale du H I en échelle de gris. En haut à droite : contours de densité de surface H I pondérés robustes (ΣH i) sur l'image Hα. Les contours logarithmiques correspondent à ΣH i de 5,0, 7,7, 12,0, 18,6, 28,8, 44,6, 69,0, 103,0 Masses solaire par pc². En bas à gauche : contours du continuum radio à 20 cm en utilisant une pondération robuste sur l'image Hα. Les contours correspondent à des densités de flux de 0,11, 0,15, 0,20, 0,27, 0,36, 0,49, 0,66, 0,89, 1,20, 1,60 mJy/faisceau. En bas à droite : contours d'isovélocité H I (en km/s) superposés à une image en échelle de gris en bande B. Séquence souvenir : Image de Hubble publiée pour les 14 ans du télescope dans l’Espace. Sources The X-Ray Luminosity Function of Ultraluminous X-Ray Sources in Collisional Ring Galaxies. Anna Wolter, Antonella Fruscione and Michela Mapelli. The Astrophysical Journal, 863:43 (12pp), 2018 August 10 On the interpretation of ring galaxies: the binary ring system II Hz 4. Lynds, R.; Toomre, A. Astrophysical Journal, Vol. 209, p. 382-388 (1976) Shells and rings around galaxies. Athanassoula, E.; Bosma, A. Annual Rev. Astron. Astrophys., Vol. 23, p. 147-168 (1985) Wheels of Fire. III. Massive Star Formation in the ``Double-Ringed'' Ring Galaxy Am 0644-741. Higdon, James L.; Wallin, John F. The Astrophysical Journal, Volume 474, Issue 2, pp. 686-700. Wheels of Fire. IV. Star Formation and the Neutral Interstellar Medium in the Ring Galaxy AM0644-741. Higdon, James L.; Higdon, Sarah J. U.; Rand, Richard J. The Astrophysical Journal, Volume 739, Issue 2, article id. 97, 24 pp. (2011). Image center ............. RA: 6 43 06.322 Dec: -74 14 27.74 Image bounds: top-left .............. RA: 6 37 27.621 Dec: -74 00 09.74 top-right ............. RA: 6 48 40.994 Dec: -73 59 43.08 bottom-left ........... RA: 6 37 21.516 Dec: -74 28 39.50 bottom-right .......... RA: 6 48 54.955 Dec: -74 28 12.07 Amitiés, La team Astrochile, @Jean-Philippe Cazard et @JB Gayet.
  8. Toujours en phases de tests et de réglages, et même si nous faisons dans la grande cible ces-derniers temps, nous visons surtout et toujours les pétouilles ! Nous en voulons pour preuve cette galaxie bien connue des amateurs pour sa forme si particulière en “roue de charrette" qui lui a valu son surnom. Planewave CDK 12.5, Paramount II, QHY600M. Maxpilote, PHD2, TSX, SIRIL, PS LRGB : 42(51)x300s, 12x300s, 15x300s, 11x300s I description Galaxie lenticulaire à anneau située à environ 500 millions d’années-lumière (133 Mpc avec une vitesse de récession de 9050 km/s selon le catalogue NED) dans la constellation du Sculpteur, PGC 2248 présente un diamètre d’environ 150 000 années-lumière, soit une fois et demi plus grand que celui de la Voie lactée. Découverte par l’astronome Fritz Zwicky en 1941, elle possède une masse estimée entre 2,9 à 4,8 milliards de masses solaires et une vitesse de rotation d’environ 217 km/s. Son cercle de jeunes étoiles bleues, qui s'étend 50% plus loin que le disque de notre Voie lactée, est très probablement le résultat d'une collision galactique survenue il y a 200 millions d'années. II - formation Archétype de la classe des Galaxies Collisionnelles à Anneau, la Roue de Charette a fait très tôt l'objet de nombreuses études en multi-longueurs d'onde en raison de sa morphologie inhabituelle (Zwicky 1941; Fosbury & Hawarden 1977). Ce type de galaxie forme une fraction relativement restreinte des galaxies qui ont subi une interaction récente et sont censées s'être formées après collision frontale de deux galaxies dans lesquelles une galaxie intruse passe par le centre (ou à proximité) d'un disque rotatif d'une galaxie plus grande, créant ainsi une onde de densité se propageant vers l'extérieur de la plus grande galaxie (mécanisme proposé dès 1976 par Lynds & Toomre). Lorsque l'onde en expansion se déplace vers l'extérieur, elle déclenche des sursauts de formation d'étoiles dans un anneau circulaire, ces sursauts de formation s'arrêtant une fois que la "vague" est passée laissant derrière elle une population stellaire vieillissante (Higdon 1996). Dans le cas de PGC 2248, sa forme si particulière est a priori la conséquence d’une collision survenue il y a environ 200 millions d’années avec la petite galaxie jaunâtre visible sur la gauche. Initialement probablement spirale, PGC 2248 a probablement été entièrement traversée par la plus petite galaxie, ce qui a créé une immense onde de choc provoquant une perturbation gravitationnelle à travers toute la galaxie. L’onde de choc s’est propagée à une vitesse d’environ 320 000 km/h (environ 90 km/s) en balayant la poussière et le gaz interstellaire et amorçant du même coup des régions à sursaut de formation d’étoiles. L’apparition des bras spiraux ou de faibles rayons entre le noyau de la galaxie et l’anneau extérieur de celle-ci fait penser que la structure en spirale de la galaxie commence à réapparaître. Les image Hα à haute résolution avec Hubble suggère que la majeure partie de la formation d'étoile actuelle se déroule dans 29 complexes de formation d'étoiles de l'anneau (Higdon 1996), chaque complexe contenant plusieurs nœuds compacts. L'anneau est de forme elliptique, avec une longueur de demi-grand axe de 23 kpc et un rapport d'axe de 0,75. Le centre de l'ellipse est décalé du noyau de ∼6,5 kpc. Les émissions radio non thermiques de la population vieillissante ont été détectées au sein de rayons radiaux étroits qui s'étendent jusqu'à environ 4 kpc à l'intérieur de l'anneau actuel (Mayya et al. 2005). Les contours d'intensité du continuum radio (RC) à 20 cm superposés sur (figure a) une image Hα (en échelle de gris), et (figure b) une image en bande B du HST. La figure de gauche montre l'excellente concordance de position entre les pics radio et les complexes H II qui ont été repérés par leurs numéros H95. Des lignes droites sont tracées reliant les structures filamenteuses ou les rayons au centre géométrique de l'anneau. Contrairement aux rayons optiques (structures reliant l'anneau intérieur à l'anneau extérieur sur la figure b) les rayons RC sont droits et courts. La position du noyau est marquée par une croix. (Mayya et al. 2005). Ceci étant, il a été proposé une hypothèse alternative de formation de cette structure en anneau en se fondant sur l’instabilité gravitationnelle. Des perturbations gravitationnelles axisymétriques (radiales) et non axisymétriques (spirales) de faible amplitude permettrait d’expliquer l'association entre des amas de matières grandissants et des vagues axisymétriques et non axisymétriques gravitationnellement instables prenant l’apparence d’une roue à rayons. La nature du second anneau (interne), très marqué, est discutée en tant que second anneau dans les études théoriques alors que le rapport des rayons du premier et du second anneau de 4,2 est en accord qualitatif avec la théorie analytique des galaxies collisionnelles à anneaux (Struck 2010). Cependant, contrairement à l'anneau externe, l'anneau interne est pauvre en gaz avec très peu de présence de HI, de Hα et formation d'étoiles. En ajoutant le fait que le CO détecté dans la région centrale présente une excitation faible (ce qui suggère un faible taux de formation d'étoiles), l'ensemble de ces éléments est contre une origine "post-collisionnelle" de la formation de ce second anneau, et il se pourrait qu'il soit d'origine précollisionnelle. III autres Enfin, on peut évoquer une publication de 2020 Barway et al. qui, en relisant des images d'excellente qualité (seeing à 0,42 '') des archives de l'ESO a mis en évidence une barre et un pseudo-renflement (ainsi qu’une source ponctuelle non résolue) en bande K dans le proche infrarouge (NIR). Struck et al. (1996) avaient déjà émis l'hypothèse de la présence d'une faible barre à l'intérieur de l'anneau avec une structure en « D » d'après des observations HST. Cependant, leurs données ne permettaient pas de confirmer la présence de la barre de manière concluante. Dans un article plus récent, Struck (2010) avait analysé cette structure comme un éventuel troisième anneau et les simulations numériques d'un intrus “tombant” dans une galaxie barrée prévoyaient que la barre survivrait (Athanassoula et al. 1997). Les données NIR ont donc pu mettre en évidence cette barre, de forme ovale, avec un demi-grand axe de 3,23 '' (∼2,09 kpc) et une distribution de lumière presque plate tout le long de la barre alors que cette barre n'est pas visualisable sur les images optiques, même avec la résolution spatiale du télescope spatial Hubble (en raison d'une combinaison de sa couleur rouge et de la présence des bandes de poussière). Le renflement est quant à lui presque rond (ellipticité = 0,21) avec un rayon effectif de 1,62 '' (∼1,05 kpc) et un indice Sersic de 0,99 (je vous renvoie à l’article du numéro 109 d’Astrosurf Magazine sur la détection des galaxies naines satellites pour plus d’information sur l’indice Sersic), soit des paramètres typiques des pseudo-renflements dans les galaxies de type tardif. Barway estime que cette barre et ce pseudo-renflement appartenaient très probablement - comme l’anneau interne - à l'ancêtre précollisionnel de la Roue de Charrette. Mais surtout, pour les auteurs, la découverte d'une barre dans un archétype de galaxie en anneau collisionnel est la première preuve observationnelle confirmant la prédiction selon laquelle les barres (mais aussi les structures morphologiques tels que les (peudo) renflements centraux) peuvent survivre à une collision. Barre de fer ! La galaxie dans différents spectres lumineux (rayons X, ultraviolets, visible et infrarouge). L'image combine les données de quatre observatoires spatiaux : Chandra (violet), GaLEx (ultraviolet / bleu), Hubble (visible / vert) et Spitzer (infrarouge / rouge). L'image mesure 160 secondes d'arc. RA Crédit: NASA / JPL / Caltech / P.Appleton et al. Radiographie: NASA / CXC / A.Wolter & G.Trinchieri et al. Et comme toujours, séquence souvenirs... Image de PGC 2248 sur plaque IIIaJ sensibilisée à l’azote prise au Schmidt de 48 pouces du Lick Observatory en 1974. Filtre GG395. Sources : Hydrodynamics and the Structure of Stellar Systems. Zwicky F. p. 137 in Theodore von Kármán Anniversary Volume: Contributions to Applied Mechanics and Related Subjects; Pasadena: California Institute of Technology (1941) A0035 "the cartwheel" a large southern ring galaxy. Fosbury, R. A. E.; Hawarden, T. G.Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, Vol. 178, 473-487 (1977) Discovery of a near-infrared bar and a pseudo-bulge in the collisional ring galaxy Cartwheel. Sudhanshu Barway, Y D Mayya, Aitor Robleto-Orús. Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, Volume 497, Issue 1, September 2020, Pages 44–51, Wheels of Fire. II. Neutral Hydrogen in the Cartwheel Ring Galaxy. Higdon, James L. Astrophysical Journal v.467, p.241. The Detection of Nonthermal Radio Continuum Spokes and the Study of Star Formation in the Cartwheel. Mayya, Y. D.; Bizyaev, D.; Romano, R.; Garcia-Barreto, J. A.; Vorobyov, E. I. The Astrophysical Journal, Volume 620, Issue 1, pp. L35-L38. Hubble Space Telescope Imaging of Dust Lanes and Cometary Structures in the Inner Disk of the Cartwheel Ring Galaxy. Struck, Curtis; Appleton, Philip N.; Borne, Kirk D.; Lucas, Ray A. Astronomical Journal v.112, p.1868. Applying the analytic theory of colliding ring galaxies. Struck, Curtis. Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, Volume 403, Issue 3, pp. 1516-1530. Formation of rings in galactic discs by infalling small companions. E. Athanassoula, I. Puerari, A. Bosma. Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, Volume 286, Issue 2, April 1997, Pages 284–302 la Team Astrochile, @JB Gayet et @Jean-Philippe Cazard
  9. En complément d'un article publié dans le numéro 109 d'Astrosurf, voici quelques éléments complémentaires sur NGC 1291 Télescope PlaneWave CDK 12,5 sur monture Paramount II avec caméra QHY600M. 130 x 300 s en L, 15 x 300 s en R, 20 x 300 s en V, 15 x 300 s en B. NGC 1291 = NGC 1269. Le Nord est en bas, l'Est à droite. Traitement Siril et Photoshop. Obstech, Décembre 2020. NGC 1291 = NGC 1269 (= PGC 12209) est une galaxie située dans la constellation de l'Eridan (Eridanus). Cette constellation de l'hémisphère austral doit son nom au fleuve de la mythologie grecque, dont l’origine était alternativement considérée comme liée au Pô (pour les Romains), au Rhône (pour Eschile), au Rhin (pour Hérodote) ou au Nil (pour Diodore et Théon d'Alexandrie), comme le fait d’ailleurs évoquer cette comparaison : Comparaison entre la constellation et les fleuves Nil, Rhin et Rhôine d’après une idée d'Alice-Astro sur Wikimedia. Située à environ 30 millions d'années-lumière, NGC 1291 a été découverte le 2 septembre 1826 par James Dunlop et fut plus tard inscrite au New General Catalogue of Nebulae and Clusters of Stars par Johan Ludvig Emil Dreyer sous la référence NGC 1291, qui l’a décrivit comme un "amas globulaire, très brillant, assez grand, rond, beaucoup plus lumineux au milieu, extrêmement marbré mais non résolu ". John Herschel l’observa à son tour en 1836 et l'inscrivit à son tour dans le Nouveau Catalogue Général sous la référence NGC 1269, sans réaliser qu'il s'agissait d'un doublon. Avec sa structure annulaire externe et sa barre interne de morphologie inhabituelle, elle a été utilisée par Gérard de Vaucouleurs dans son Atlas des Galaxies comme galaxie morphologique type de (R)SAB(l)0/a, ce qui signifie qu’il s’agit d’une spirale barrée annulaire. Son anneau est souvent mentionné comme « atypique », mais en fait, environ un cinquième des galaxies à disques en spirale comprennent un motif en forme d'anneau dans la distribution de leur lumière, et un tiers supplémentaire ont des anneaux brisés ou partiels (pseudo-anneaux) constitués de bras en spirale. Ces anneaux sont le plus souvent associés à des barres ou à d’autres perturbations courantes non axisymétriques (telles que les formes en ovale). Les données photométriques montrent que la plupart de ces anneaux sont des sites actifs de formations d'étoiles et que dans certaines galaxies, l’anneau est même le seul endroit où une formation d'étoiles récente est observable. Certains anneaux sont d’ailleurs les sites de sursauts de formations d’étoiles les plus « spectaculaires » connus dans les galaxies en interaction « non violente ». Bien qu'une petite fraction des anneaux observés puisse être due à des collisions et/ou à des fusions de galaxies ou à de l'accrétion de gaz intergalactique, la vaste majorité des anneaux sont probablement de simples phénomènes de résonance, provoqués par l'action d'une barre rotative ou d'une autre perturbation non axisymétrique sur les mouvements des nuages de gaz dans le disque, conséquences naturelle de la dynamique des galaxies barrées (ils sont d’ailleurs plus faciles à modéliser que les barres et les ovales qui les ont sans doute créés). Je laisse d’ailleurs à votre réflexion l’existence de problèmes intéressants tels que l'absence d'anneaux dans certaines galaxies barrées ou l'existence simultanée de différents types d'anneaux avec des échelles de temps très différentes dans la même galaxie. Mais nous reviendrons dans le futur sur les anneaux et nous allons nous focaliser sur la barre de NGC 1291, ou pour être plus précis, sur « ses » barres, car comme notre « première » cible NGC 1365, NGC 1291 présente en réalité deux barres… En 1975, de Vaucouleurs décrivait une « rareté » au centre de NGC 1291 : pour la première fois, il était détecté une barre interne qui suivait ce motif « lentille-barre-noyau » qui caractérise les barres externes (ou « principales ». Toutefois, comme nous l’avons vu avec NGC 1365 les barres dans les barres sont en fait loin d’être une bizarrerie, deux publications de 2004 et 2015 suggérant même que ∼30% de toutes les galaxies barrées hébergent une barre interne (Erwin 2004, 2011; Buta et al.2015). Cela dit, l'importance des barres internes ne se limite pas à leur forte incidence : elles sont considérées comme un mécanisme efficace de transport du gaz vers les régions centrales de la galaxie, alimentant les noyaux galactiques actifs et affectant la formation de nouvelles structures stellaires. Or peu d’images d’amateurs s’arrêtent sur ces barres. Peut-être certains d’entre vous l’avaient remarqué, mais on la voit sur l’image de Laurent et Michel; il s’agit de la portion centrale de la barre qui a presque l’air saturée. Cela étant, 40 ans après la description de de Vaucouleurs, on sait toujours peu de choses sur l'origine des barres internes. Les scénarios actuels conduisant à la formation d'une barre stellaire interne comprennent : - un afflux de gaz à travers la barre externe induisant la formation d'une barre gazeuse interne qui forme ensuite des étoiles ; - ou un afflux de gaz à travers la barre externe, créant un disque stellaire interne qui devient d’abord dynamiquement froid puis qui forme une barre stellaire interne. Ce dernier scénario a également été élaboré dans des simulations sans dissipation, où un disque interne stellaire dynamiquement froid est imposé au début de la simulation. Outre leur origine différente, la différence la plus frappante entre ces deux classes de modèles est le devenir de la barre interne : dans le premier type de modèles, les barres sont de courte durée et se dissipent après quelques rotations de galaxies alors que dans les modèles du second type les barres s’avèrent aussi avoir une vie courte mais en raison de l'effet destructeur de la concentration de masse centrale (cf. là encore NGC 1365 https://www.ciel-de-nuit.com/catalogue/ngc-1365), bien que dans les simulations plus récentes de ces modèles, les barres internes puissent perdurer dans le temps (Wozniak, 2015). Concernant les barres, on a vu dans l’introduction de NGC 1365 qu’elles présentaient, en fonction de leurs familles d’orbites, des formes en « boite » ou en « cacahuète ». L’apparition de structures « en boite » ou « en cacahuète » au sein des barres traduit une étape cruciale de leur développement, qui correspond à une phase où elles bouclent, autrement dit, le moment où la région centrale de la barre se développe dans le sens vertical. Cette phase se produit généralement après que la barre se soit complètement formée et dure environ 1 à 2 milliards d’années ou au final, la région centrale présentera alors une structure en boîte / en cacahuète aussi appelée Box / Peanut Structure (B/P), pouvant aller jusqu’à une forme en « X » comme le montre l’image ci-dessous de NGC 128 : Adam Block/Mount Lemmon SkyCenter/University of Arizona Les catalogues d’étoiles tels VISTA puis GAIA ont d’ailleurs permis de montrer que la région centrale de notre propre galaxie présentait cette forme de cacahuète au sein d'une barre très allongée, cet aspect étant caractéristique des galaxies barrées qui se sont développées à partir d'un disque d'étoiles pur. Si les structures B / P sont facilement reconnaissables au sein des galaxies vues sur la tranche, avec leur forme caractéristique qui se détache du plan du disque, la détection des structures B / P dans les galaxies à faible inclinaison est une tâche beaucoup plus difficile en raison des effets de projection. Une méthode élégante consiste à démontrer la détection de doubles minimas symétriques du moment Gauss – Hermite du quatrième ordre (h4) de la distribution de vitesse en ligne de visée (LOSVD) le long du grand axe de la barre. Si si. Je vais revenir en détail sur ce point mais ce qu’il faut comprendre, c’est que c’est par cette méthode que les auteurs ont mis en évidence pour la première fois une structure B / P au sein d’une barre interne d'une galaxie à double barre vue de face (car des structures B/P doubles avaient déjà été observées dans des galaxies vues sur la tranche, cf. Ciambur & Graham 2016) Un schéma valant mille explications, voici de quoi il retourne dans le cadre de NGC 1291 : Sur cette image, on voit à gauche NGC 1291 imagée à 3.6 µm par S4G (Spitzer Survey of Stellar Structures in Galaxies) et le champ de l’image sur laquelle s’appuie l’équipe, obtenue grâce à au spectroscope MUSE. Le carré bleu est un champ de 1 arcmin x 1 arcmin. A droite, l’image du dessus est un zoom dans l’image, et celle du bas, une image de contours photométriques afin de mieux mettre en évidence les structures de la barre interne. On comprend déjà mieux que la première limite à ce genre d’étude est la résolution spatiale. Sur les images ci-dessous, on peut voir en haut, les cartes cinématiques stellaires et en bas les profils radiaux avec, de gauche à droite, les vélocités, les dispersions de vélocités et les moments h3, et h4 (Le moment d'ordre 3 permet le calcul du coefficient d'asymétrie et celui d'ordre 4 permet le calcul du coefficient d'aplatissement). Les profils radiaux du bas sont extraits de pseudo-fentes de 2 arcsecs dessinées sur les cartes du haut à la fois sur l’axe principal de la barre interne et sur l’axe principal de la galaxie. Les positions des minimas des moments du 4ème ordre h4 sont montrés par les lignes en pointillés en bas à droite. Le Nord est en haut et l’Est à gauche. La faisabilité de la mise en évidence par « diagnostic cinématique » des bulbes en forme de cacahuète dans les galaxies vues (presque) de face avait été démontrée par Debattista et al. en 2005. Ce diagnostic se fonde sur le fait que les « bulbes en cacahuète » sont associés à une distribution de densité plane dans le sens vertical ; or la signature cinématique correspondant à une telle distribution est un minimum dans le moment de Gauss-Hermite du quatrième ordre (h4). Je vous laisse lire la publication de Debattista et al. de 2005 référencées ci-dessous pour toute information complémentaire. Mais les auteurs avaient pointé du doigt les difficultés technologiques pour arriver à ce genre de résultat, et il a fallu effectivement toute la puissance d’ALMA pour y parvenir. En termes scientifiques, la présence d'une structure B / P dans la barre interne de NGC 1291 impose des contraintes clés sur l'origine et l'évolution des galaxies à double barre. En langage courant, cela veut dire que la mise en évidence de cette structure en cacahuète au sein d’une barre interne montre que, indépendamment qu’elles soient internes ou externes, la formation des barres est marquée par la même dynamique, avec un développement dans le sens vertical (qui correspond à ce moment où elles « bouclent »). La première « contrainte » est que si les barres internes développent des structures verticales telles que les structures B / P, c’est donc qu'elles « souffrent » d'instabilités verticales exactement comme les barres externes au sein desquelles ces structures B/P ont été largement étudiées. La découverte d’une forme en cacahuète à travers les données observationnelles et dynamiques de la barre interne de NGC 1291 est donc extrêmement important car cela indique que les barres internes « «imitent » l'évolution des barres externes et qu’elles présentent donc une - et probablement plusieurs - phases de boucle. Mais, comme le rappelle les auteurs, ceci est à confirmer par des simulations numériques. Deuxièmement, la présence d'une structure B / P introduit une contrainte de synchronisation sur la formation de la barre interne. Bien que dans les simulations, les échelles de temps de formation des barres et des structures B / P dépendent des caractéristiques spécifiques des simulations numériques telles que la fraction de gaz, la forme du halo et la dominance du bulbe, la chronologie globale inclue d’abord la formation de la barre elle-même (∼1 milliard d’années) puis la formation consécutive de la structure B / P due à la première phase de boucle (∼1 milliard d’années). En supposant que les échelles de temps évolutives des barres interne et externe soient similaires, la barre interne de NGC 1291 présenterait donc un âge d'au moins ∼2 milliards d’années, ce qui est plus long que la durée de vie attendue pour les barres internes dans bon nombre de simulations. De nouvelles simulations de galaxies à double barre montrant la formation de la structure B / P sont donc nécessaires pour mieux comprendre leur évolution dans le temps. Un argument « indépendant » en faveur de la durabilité des barres internes est l'âge des populations stellaires présentes dans les parties centrales de NGC 1291, qui s'avère être de l’ordre de 6 à 7 milliards d’années. Mais comme vous avez pu le voir dans le numéro 109 d’astrosurf magazine, il y a deux petits objets particulièrement intéressants dans ce champ ! Pour ces deux là, nous vous renvoyons à la lecture du magazine, le post étant déjà assez chargé Sources : Inner bars also buckle. The MUSE TIMER view of the double-barred galaxy NGC 1291. J. Mendez-Abreu, A. de Lorenzo-Caceres, D. A. Gadotti, F. Fragkoudi, G. van de Ven , J. Falcon-Barroso, R. Leaman, I. Perez, M. Querejeta, P. Sanchez-Blazquez & M. Seidel.MNRAS 482, L118–L122 (2019) Double-barred galaxies I. A catalog of barred galaxies with stellar secondary bars and inner disks. Peter Erwin. A&A 415, 941–957 (2004) A classical morphological analysis of galaxies in the spitzer survey of stellar structure in galaxies (S4G). R. J. Buta, K. Sheth, E. Athanassoula, A. Bosma, J. H. Knapen, E. Laurikainen, H. Salo, D. Elmegreen, L. C. Ho, D. Zaritsky, H. Courtois, J. L. Hinz, J.-C.Muñoz-Mateos, T. Kim, M. W. Regan, D. A. Gadotti, A. Gil de Paz, J. Laine, K. Menéndez-Delmestre, S. Comerón, S. Erroz Ferrer, . Seibert, T. Mizusawa, B. Holwerda and B. F. Madore. The Astrophysical Journal Supplement Series, 217:32 (46pp), 2015 April The Kinematic Signature of Face-on Peanut-shaped Bulges. V. P. Debattista, C. M. Carollo, L. Mayer & B. Moore. The Astrophysical Journal, Volume 628, Number 2 Full stellar kinematical profiles of central parts of nearby galaxies. A. Vudragovic, S. Samurovi c, and M. Jovanovic. A&A. 593, A40 (2016) Quantifying the (X/peanut)-shaped structure in edge-on disc galaxies: length, strength, and nested peanuts. B. C. Ciambur & A. W. Graham. MNRAS 459, 1276–1292 (2016) Séquence souvenirs ... NGC 1291 vue par le télescope Schmidt de 1.2m de l'Observatoire Royal d'Edimbourg à Siding Spring en 1979 (plaque IIIa-J) @JB Gayet et @Jean-Philippe Cazard
  10. Découvertes par John Herschel en 1835 dans le Grand Chien, les galaxies spirales IC 2163 et NGC 2207, distantes de 35 Mpc, sont actuellement impliquées dans une rencontre rasante dont l’étude des zones de formation d’étoiles et des structures de poussière est fascinante. Médecin « anatomiste », je vous propose une dissection au scalpel du télescope spatial Hubble (HST) de cette image traitée par @Jean-Philippe Cazard. NGC 2207, poses de 5 minutes. 79 poses en L retenues sur 161, 20 poses en R, 19 en G et 23 en B Le Nord est en haut, l'Est est à gauche. Planewave CDK 12.5 monté sur Paramount II. Maxpilote, PHD2, TSX et Focusmax. Train optique : focuser NightCrawler et caméra QHY600M Champ de vue : 46' 33.9" x 30' 28.6" Traitements : SIRIL et PS. Notre image de «simples terriens » montrent des formations d'étoiles et des structures de poussière dans un système qui a récemment subi une rencontre rasante. Les forces de marée de NGC 2207 ont comprimé et allongé le disque d'IC 2163, formant une crête ovale de formation d'étoiles le long d'une caustique où le gaz perturbé a rebondi après son excursion vers l'intérieur. Comme nous le verrons plus en détail plus bas, le gaz s'écoulant de cette crête a une structure particulière, caractérisée par de minces filaments de poussière parallèles transversaux à la direction du mouvement. Les filaments deviennent plus épais et plus longs à mesure que le gaz s'approche du bras de marée, les bras s'étirant en filaments parallèles à mesure que la queue de marée se forme. Crop dans l'image, montrant mieux l'interaction rasante entre les deux galaxies, NGC 2207 se projetant sur IC 2163 (NGC 2207 est à droite sur l'image, IC 2163 à gauche) La plus grande des deux spirales, NGC 2207, est classée comme galaxie spirale intermédiaire (plus précisément, de type SAB(rs)bc pec) et présente une structure annulaire interne faible autour d’une barre centrale. Sa taille est estimée à 140 000 années-lumière. Un des bras spirale de NGC 2207 est rétro-éclairé par IC 2163 et contient plusieurs filaments noueux parallèles couvrant toute la largeur du bras. Ces filaments sont probablement des fronts de choc dans une onde de densité. La structure parallèle suggère que les chocs se produisent à plusieurs endroits dans le bras. Des amas bleus de formation d'étoiles à l'intérieur des amas de ces bandes de poussière montrent un déclenchement d'onde de densité avec un détail sans précédent. Le processus de formation des étoiles semble être celui d'un effondrement gravitationnel local, plutôt que de collisions de nuages. Son compagnon plus petit, IC 2163, est une spirale barrée (classée SB(rs)c pec) qui présente également un anneau interne faible. IC 2163 se trouve à l’Est. Il est estimé à 101 000 années-lumière de diamètre. Il présente un double bras Est assez caractéristique de mouvements de marée. NGC 2207 NGC 2207 est la plus grande et la plus lumineuse des deux galaxies. Si on se fondait sur leur magnitude, elle serait 2.4 fois plus brillante qu’IC 2163 mais en corrigeant les valeurs d’angle liées à la ligne de vue, ce ratio pourrait descendre jusqu’à 1.4 (bien que le fait que IC 2163 soit perturbée sur le plan gravitationnel ne permette plus de déduire de façon simple son inclinaison par un simple ratio isophote entre le petit et le grand axe). En pose « courte », NGC 2207 ne présente pas de structure particulière, avec une structure en spirale normale et une faible barre centrale. Pose unitaire de 300 s en filtre L, révélant la barre centrale de NGC 2207 (à droite) La structure nucléaire en forme barre de NGC 2207, en filtre R (Emelgreen et al. 1995) Le grand axe de la barre de NGC 2207 est décalé d’environ 45° par rapport à l’axe photométrique principal du disque central. Elle s’arrête à 28’’ (soit 0.22R25, où R25 est le rayon pour lequel la brillance de surface bleue atteint 25 mag/arcsec²) ; la barre est donc relativement petite par rapport aux autres structures de la galaxie. La structure des bras spiraux de NGC 2207 en bande optique et en imagerie Hα comporte deux bras spiralés courts très brillants qui émergent de la région nucléaire et de deux grands bras spiralés de grand style qui dominent la plupart du disque principal. Les régions HII sont particulièrement proéminentes au sein de la région NE du bras externe (le plus proche de IC 2163) et dans le bras externe situé le plus à l’Ouest. Sur l’empilement en filtre B, on voit un disque externe très nettement asymétrique surtout étendu vers le Sud avec de longs jets qui s’arquent à presque 3’ de la portion la plus brillante du disque(30 kpc dans le plan du ciel). Le jet Sud le plus à l’Est apparait être une prolongation du bras Est le plus brillant. Il y aussi encore quelques jets au Sud qui se branchent sur le bras spiral principal. Cette extension Sud, aussi visible en H I, associée une contrepartie Nord où l’on peut observer une extension ténue du bras spiral le plus à l’Ouest qui se termine en petites nodosités bleues, suggère que des forces de marée à courte portée étirent le disque de façon asymétrique. Empilement en filtre B montrant un disque externe asymétrique, surtout étendu vers le Sud, avec de longs jets qui s’arquent à presque 3’ de la portion la plus brillante du disque (à regarder avec un écran correctement calibré ...) IC 2163 En première lecture, on voit bien que IC 2163, à l’Est, présente une forme « occulaire » avec un ovale central en forme d’œil et un apex pointu à chaque extrémité présentant des régions intenses de sursauts de formation d’étoiles sur les « paupières » et une structure en forme de bras parallèle double du côté opposé à NGC 2207. La barre de IC 2163 se termine à 16’’ de distance du noyau, où elle rejoint le bord de l’ovale en forme de paupière. Un noyau optique proéminent se trouve à l’extrémité Nord-Est de la barre, dont l’étude en filtre R et B révèle qu’il est plus bleu que la plupart du bras Est et correspond à une région de sursaut de formation d’étoile (il fut un temps considéré comme une galaxie naine satellite potentielle, cf. Emelgreen et al. 1995). Zoom sur la région centrale d’IC 2163 en bande R. L’amas optique est à l’extrémité NE de la barre. (Emelgreen et al. 1995) Les forces de marée ont déformé IC 2163 dans la direction du plan de la rencontre, formant un bras de marée avec deux composantes de vitesse du côté anti-companion et un disque intrinsèquement ovale avec une morphologie en forme d'œil ("oculaire"), les mouvements de flux au sein de l'oeil dépassant les 100 km/s. Les forces de marée ont également déformé NGC 2207 perpendiculairement au plan, formant une chaîne forte et torsadée. L'hydrogène neutre (HI) dans les deux galaxies présente une grande dispersion de vitesse de l’ordre de 30 à 50 km/s et est concentré dans des nuages inhabituellement grands (cf infra). Paire NGC 2207 / IC 2163 Les modèles numériques de l’interaction des deux galaxies montrent que la rencontre est perpendiculaire, prograde pour IC 2163 et rétrograde pour NGC 2207 avec un rapprochement maximal survenu il y a 40 millions d’années à une séparation d’environ 2 rayons d’IC 2163. Il est intéressant de constater que, sur l’alignement actuel, les deux galaxies se superposent partiellement. La bande de poussière du bras le plus à l’Est de NGC 2207 traverse IC 2163 juste au Sud de son noyau, ce qui signifie que NGC 2207 est en avant et chevauche la portion Ouest d’IC 2163, obscurcissant potentiellement optiquement un bras de marée d’IC 2163. Image du HST datant du 04 novembre 1999 montrant parfaitement la superposition des deux galaxies avec le bras spirale de NGC 2207 et les bandes de poussière en avant d’IC 2163 L'orbite apparente de la paire a fait passer IC 2163 du côté le plus proche de NGC 2207 à son bord distant en plusieurs centaines de millions d'années, vers un point situé à l'Ouest à environ deux rayons du centre de NGC 2207. IC 2163 s'est ensuite déplacée dans la direction Est derrière NGC 2207 en passant le périgalacticon (point de l’orbite d’un objet céleste par rapport au centre d'une galaxie où la distance est minimale par rapport au foyer de cette orbite) à une distance d'environ deux rayons il y a environ 40 millions d'années. Actuellement, IC 2163 se déplace vers le Sud-Est. Ces distances relatives restent incertaines car elles dépendent de la taille et de la masse du halo autour de chaque galaxie. Le vaste halo Sud semble marquer le point précédent où IC 2163 a traversé le plan du disque externe de NGC 2207, maintenant tourné d'environ un quart de tour dans le sens horaire. Au cours de cette interaction, les forces de marée de NGC 2207 ont comprimé et allongé le disque d'IC 2163, formant une « crête » ovale de sursauts de formation d'étoiles le long d'une caustique où le gaz perturbé a rebondi après son excursion vers l'intérieur (Une caustique est - en optique - l’enveloppe des rayons lumineux subissant une réflexion ou une réfraction sur une surface ou une courbe. Un exemple de caustique sont les mirages gravitationnels). En effet, IC 2163 a subi les forces de marée de NGC 2207 dans une direction prograde dans le plan, ce qui a entrainé un mouvement rapide des étoiles et du gaz vers l'intérieur du disque de IC 2163, initié par l'action d'étirement et de compression des forces de marée et amplifié par l'auto-gravité du disque de IC 2163. Le mouvement vers l'intérieur a provoqué une accélération azimutale dans le sens anti-horaire, et le mouvement radial du gaz l’a alors fait "rebondir" en raison de la conservation du moment angulaire. L'ovale marque l'étendue interne de cette excursion radiale. Le petit axe cinématique de IC 2163 se situe à 117° du petit axe photométrique, traduisant un disque de morphologie intrinsèquement ovale. Les éléments de poussière sont des indicateurs sensibles des fronts de choc, car même de petites compressions peuvent changer le gaz d'une épaisseur optique fine à une épaisseur optique épaisse, or il existe de nombreuses zones de poussières intéressantes dans ce couple de galaxies en raison de la dynamique complexe et inhabituelle des milieux interstellaires et la résolution spatiale offerte par le HST et le rétroéclairage du bras en spirale externe du NGC 2207 par IC 2163 offrent une occasion unique d'étudier ces structures. Nous allons nous intéresser à deux régions de poussières particulières : les stries parallèles dans la queue de marée de IC 2163, et les bras en spirale au premier plan dans NGC 2207. Un nuage sombre dense dans le bras extrême Ouest de NGC 2207 sera étudié dans un second temps. Filaments de poussière parallèles dans la queue de marrée de IC 2163 La queue de marée de IC 2163 commence à l'extrémité Est de l'«œil» interne, avec une distribution de lumière large et peu "profonde". Le gaz s'écoulant de la crête décrite ci-dessus a une structure particulière, caractérisée par de minces filaments de poussière parallèles transversaux à la direction du mouvement. Le gaz et les étoiles s'écoulent vers l'extérieur et vers le bas (Sud) le long d'un arc incurvé au Sud-Est où se trouve une bande de poussière qui traduit la présence d’un front de choc et où le flux change de direction, s'étendant au Nord-Ouest le long du bras sur environ 15 kpc de largeur. Le long du flux de marée, on peut voir de nombreux filaments de poussière presque parallèles de 85 pc d'épaisseur, perpendiculaires à la direction d'écoulement et espacés d'environ 2". Ils s'élargissent vers le bord externe du bras de marée, où ils se séparent en deux longues bandes de poussière denses, restant parallèles l'une à l'autre. La formation d'étoiles qui se produit dans les filaments est « à la traîne », comme si le gradient de pression exponentiel du disque poussait vers l'extérieur le gaz mais pas les jeunes étoiles. Le gaz situé à des rayons petits et intermédiaires le long de l’arc inférieur retourne vers la galaxie, tandis dans le reste du bras de marée, le gaz s'écoule vers l'extérieur. Les modèles numériques suggèrent que ces filaments proviennent de bras en spirale floculants qui étaient présents avant l'interaction. (d’après Emelgreen el al. 2000) De nombreux filaments du bras de marée de l'IC 2163 ont des amas d'étoiles brillants qui leur sont adjacents. En règle générale, ces amas se trouvent sur les bords internes des filaments, à des rayons galactocentriques plus petits, ce qui est d’ailleurs le cas dans les filaments de poussière plus petits et plus faibles d'IC 2163 ainsi que dans les bandes de poussière denses près du bord du bras de marée. Le déplacement systématique des amas d'étoiles par rapport aux filaments de poussière du bras de marée est un outil de d'évaluation important de la dynamique du gaz : ces amas se forment dans les bandes de poussière puis deviennent "balistiques" après leur formation alors que la poussière et le gaz ne le sont pas, réagissant aux forces de pression. Le déplacement relatif des poussières par rapport aux amas est donc un excellent indicateur de la direction des gradients de pression. Pour expliquer que les filaments de poussière soient systématiquement en dehors des amas, il faut donc que la pression du gaz soit décroissante avec l'augmentation du rayon galactocentrique (comme il l'est attendu pour un disque exponentiel). Poussières au premier plan dans les bras de NGC 2207 Le rétro-éclairage par IC 2163 offre une vue unique de la bande de poussière et de la formation d'étoiles de l'un bras en spirale externe de NGC 2207. Ce qui apparaît dans notre image "au sol" comme une bande de poussière unique dans le bras en spirale de NGC 2207 se compose en réalité de quatre à sept banderoles presque parallèles qui couvrent toute la largeur du bras en haute résolution. Les décréments d'amplitude de luminosité dans de nombreux éléments de poussière de ces bras sont compris entre 0,4 et 1,5 mag. Les bandes de poussière du bras en spirale dans l'image HST de NGC 2207 montrent une structure interne complexe rappelant les cirrus galactiques ou d'autres structures interstellaires diffuses de la Voie lactée, mais à une échelle beaucoup plus grande. Il y a aussi des étoiles ou des amas bleus adjacents à de nombreux nuages de poussière, comme s'ils venaient de s'y former. Ces bras en spirale sont des ondes de densité dans NGC 2207, et leurs structures de poussière délimitent vraisemblablement les chocs au sein du bras, comme dans la théorie standard. Cependant, les chocs ne sont pas "lisses" ni non plus simplement grumeleux au sens habituel : ils sont composés de longs filaments noueux qui, à certains endroits, sont disposés côte à côte en stries parallèles. Une telle structure suggère que les chocs de densité se sont produits en plusieurs endroits séparés le long de la largeur du bras, ou que le gaz inter-bras n'est pas réparti sous la forme de nuages sphériques, mais en mode filamentaire, comme dans M51. Il n'est pas observé de vieilles étoiles dans ces bras car elles sont trop faibles par rapport au disque de IC 2163 en arrière-plan, alors qu'elles sont visibles dans d'autres parties du bras notamment au niveau de la région au nord de IC 2163 (avant que les bras ne traversent le disque). Ils présentent aussi de nombreuses étoiles rouge pâle dans ces régions, aux côtés de jeunes amas et d'autres bandes de poussière. Les étoiles bleues dans les bras spiraux au premier plan sont intéressantes par ce qu'elles disent sur les processus par lesquels les ondes de densité déclenchent ou organisent la formation d'étoiles. NGC 2207 a été le premier exemple de galaxie où ont pu être vues en rétro-éclairage de telles formations d'étoiles déclenchées. La résolution d'Hubble (1 pixel / 17 pc) permet de voir des images d'allure stellaires bleues mélangées à de la poussière. Ces objets bleus sont probablement de jeunes amas. Le processus de formation des étoiles semble être celui d'un effondrement gravitationnel local plutôt que de collisions de nuages. Tous les bras en spirale de NGC 2207 n'ont pas ces structures parallèles de poussière. À l'Ouest, à mi-chemin dans le disque optique, les bandes de poussière traversent le bras en saillies mais plus à l'Ouest, dans le bras externe, certaines des bandes de poussière sont à nouveau parallèles. Il est possible que ces saillies traduisent une résonance orbitale. Régions d’intérêt d’émissions particulières L'analyse en détail de l'image de Hubble révèle plusieurs éléments d'émission particuliers coniques ou en forme de jet, la plupart d'une taille comprise entre 100 et 1000 pc. Carte des éléments d'intérêt (Emelgreen et al. 2000) Structures entre 100 et 1000 pc Un panel des éléments en émission particuliers allant d'une échelle de 100 à 1000 pc est représenté sur la figure ci-dessous, avec leur localisation sur la figure ci-dessus. Le Nord est en haut et l'échelle physique sur la droite est supposée les galaxies distantes de 35 Mpc. tableau des éléments d'intérêt de la paire NGC 2207 / IC 2163, à rapporter à la carte ci-dessus (Emelgreen et al 2000) On peut observer plusieurs structures linéaires ou en forme d'arcs d'émissions bleus avec des"nodosités", telles que c, h, s, t et o. Elles sont composées de jeunes étoiles, bien qu'elles présentent une forme linéaire atypique. La structure f est similaire mais plus lumineuse ; u est une ligne courbe de formation d'étoiles. Les éléments a, g et p sont d'autres structures punctiformes multiples, apparemment constituées de jeunes étoiles. Des éléments semblables à des jets sont visibles à plusieurs endroits: e contient deux structures semblables à des jets qui pointent l'une vers l'autre; q a deux éléments en forme de jet avec un objet stellaire au centre; b a un petit objet en forme de jet pointant à l'opposé d'une tache diffuse brillante et d'autres structures linéaires perpendiculaires à celle-ci; g (mentionné ci-dessus) contient également une traînée de faible émission entre la structure pointue centrale et un objet d’allure stellaire au nord ; n contient trois trainées d'émission linéaire faibles dans ce qui semble être une région de formation d'étoiles. Il existe plusieurs éléments en forme de V qui pourraient être des régions d'émission coniques : - i, qui est une une source de continuum radio puissante à l'extrême Ouest de NGC 2207 présentant une formation d'étoiles intense, un nuage de poussière dense et une possible région d'émission conique au nord; - l, une forme en V latéral, peut-être un élément conique de poussière et de réflection dans le bras en spirale NGC 2207 qui présente des nœuds de formation d'étoiles bleues à l'intérieur; - et peut-être r, un élément sombre particulier juste en haut et à droite du centre, avec un bord brillant autour de lui. L'élément j contient deux stries presque parallèles s'étendant verticalement, une strie étant brillante l'autre sombre, ce qui lui confère un côté tridimensionnel. Il y a deux enveloppes de poussière: - k, une enveloppe de poussière avec trois nœuds de formation d'étoiles à l'intérieur, très probablement dans la spirale de NGC 2207 en raison de la couleur bleue de la formation d'étoiles, - et m, une enveloppe de poussière avec une étoile rouge au centre (peut-être une étoile au premier plan ?). - Au Nord-Ouest de l'enveloppe de poussière k, il y a un arc lumineux d'un kiloparsec (élément d) qui ressemble à un reflet du bord interne de la bande de poussière qui se trouve à l'intérieur du bras du disque interne. Les éléments rougeâtres (k, d, l, m, n) juxtaposés au-dessus de IC 2163 peuvent être à l'intérieur d'IC 2163 ou dans le bras en spirale de premier plan de NGC 2207. Les autres éléments sont principalement de couleur blanche ou bleue, et à l'exception de a et éventuellement de r, ils appartiennent vraisemblablement à NGC 2207. Les objets individuels en forme de jet mesurent généralement 1" à 2", soit 150 à 300 pc de longueur bien que les deux trainées de l'élément e couvrent 1000 pc. Il n'est pas connu d'objets analogues dans notre galaxie. Les hypothèses les concernant seraient que certains de ces éléments soient liés à des événements de transfert de masse dans lesquels le gaz de IC 2163 a récemment impacté le disque de NGC 2207, des illusions d'optique et ou des éléments galactiques normaux non reconnus auparavant dans d'autres galaxies. Eléments linéaires à plus grande échelle Le panneau supérieur de la figure ci-dessus montre quatre structures allongées assez inhabituelles grossièrement alignées, chacune coupant un bras spiral avec un angle obtus. La plus marquante est la crête rectiligne de formation d'étoiles le long du bras spiral Nord le plus interne de NGC 2207 (près du milieu du cadre). Cette crête n'est pas si particulière en soi, car elle présente une bande de poussière à son bord interne et des étoiles jeunes d'aspect normal, mais elle est exceptionnellement droite pour un élément d'onde de densité et elle ne suit pas la courbure du reste du bras. Juste à l'Ouest de cet élément brillant (et le long de la même ligne) se trouve une traînée d'émission plus faible et plus mince composée de plusieurs spots diffus sans bande de poussière évidente qui coupe le même bras en spirale. Dans la direction opposée, au niveau du bras externe suivant de NGC 2207 et à l'Est de la strie linéaire la plus brillante, on trouve un autre élément linéaire composé de poussière au centre de deux stries de formation d'étoiles qui n'est pas non plus aligné avec son bras local. Le quatrième élément est situé dans le bras Ouest à mi-hauteur de NGC 2207, sur le côté droit du cadre supérieur (élément u le panneau ci-dessus). La partie linéaire traversant le bras en spirale est composée de poussière et de formation d'étoiles, mais juste à l'Ouest du bras, dans la région inter-bras, se trouve un grand objet diffus en forme de bulle. Plusieurs points d'émission bleus et un filament de poussière s’incurvent vers le haut à partir de l'extrémité de la bulle, et un objet ténu en forme de V latéral qui ressemble à un choc d'arc est situé plus à l'Ouest, le long de la même ligne. La ligne entière de quatre éléments pointe vers l'arrière à moins de 1 "du noyau d'IC 2163. Cet alignement ressemble à un jet, mais il n'y a pas de source de continuum radio significative au centre d'IC 2163 ou le long de la ligne, la seule source radio étant une forte crête continuum de radio à environ 15’’ au nord de la ligne reliant ces quatre éléments linéaires et alignée à un angle de 30° par rapport à eux. Des modèles numériques détaillés des deux galaxies de l'interaction (Struck et al. 2000) retrouvent parfois des éléments linéaires à partir de traînées de débris provenant de matière extraite de IC 2163 et peignant l'arrière de NGC 2207. La durée de vie de toutes ces éléments linéaires composés d'étoiles et de poussière, contraints par la rotation galactique, est assez courte, de l'ordre moins de plusieurs millions d'années. Emissions HI et formation d’étoiles Les cartes de l'émission HI de chaque galaxie sont superposées aux images HST sur les deux figures ci-dessous. L'émission HI de la paire NGC 2207 / IC 2163 présente deux particularités : une grande dispersion de vitesse (environ 50 km/s) et la présence de grandes masses nuageuses (de plus de 100 millions de masses solaires), caractéristiques des systèmes en interaction. Ceci étant, les plus gros nuages ne semblent pas associés à des zones de formation d'étoiles (en cela, ils sont comparables à Cygnus X, dans notre galaxie). Contours de densité de colonne H I de IC 2163 superposés sur l'image en filtre B de Hubble en échelle de gris. Les niveaux de contours de densité de colonne H I sont de 5, 10, 15, 20 et 25 masses solaires par pc². Sur le côté Est de l'IC 2163, les triangles sur la queue de marée marquent la crête de la composante de flux HI à grande vitesse, les pentagones marquant la crête à basse vitesse et les signes + marquant la ligne de démarcation entre les deux. Sur le côté Ouest d'IC 2163, il semble y avoir un bras bleu ténu coïncidant avec le pont de marée H I. (Emelgreen et al. 2000) Dans IC 2163, il y a cinq concentrations géantes de HI : deux dans le bras de marée Est, une dans la région d’écoulement du bras de marée Est au Nord, une dans le bras de marée Ouest près du centre de NGC 2207, et une dans la région de la paupière nord. Aucune n'est associée à des régions de formation d'étoiles spécifiques, mais celle de la paupière nord a une formation d'étoiles tout au long de sa bordure intérieure. Celle du bras de marée Ouest est fortement obscurcie par NGC 2207. Il y a un nuage H I moins massif dans la région de la paupière Sud, qui est centré sur une région avec des taches brillantes de formation d'étoiles. Contours de densité de colonne H I de NGC 2207 superposés sur l'image en filtre B de Hubble en échelle de gris. Les niveaux de contours de densité de colonne H I sont de 10, 15, 20, 25, 30 et 35 masses solaires par pc². Les banderoles de poussière dans le bras en spirale rétroéclairé de NGC 2207 décrits ci-dessus se trouvent le long d'une crête H I. Les nuages de HI d'au moins 100 millions de masses solaires sont identifiés par la notation N1, N2, etc. Dans NGC 2207, il y a un premier nuage HI géant situé à l'extrême Nord-Ouest (N1) avec une émission faible en filtre B, et trois autres dans le bras spiral Ouest en dessous (N2, N3, N4) avec un sursaut de formation d'étoiles uniquement dans le plus bas des trois. Les deux derniers nuages géants de NGC 2207 (N5, N6) se trouvent à l'Est, au premier plan d’IC 2163. L'un (N5) se trouve à l'extrémité du bras extérieur Est de NGC 2207 et est associé à un élément de poussière et un amas bleu pâle. L'autre (N6) est dans une région traversée par des bandes de poussière entre le pont de marée d'IC 2163 et le bras médian sur le côté Est de NGC 2207. Il n'est pas centré sur une région de sursaut de formation d'étoiles. Il coïncide avec une partie d'une crête de continuum radio de 10 kpc de long. Les régions de sursaut de formation d'étoiles brillantes sont principalement associées à des nuages H I plus petits, ayant des masses de 10 millions de masses solaires ou moins. L’élément i, un nuage sombre dense de la région Ouest extrême de NGC 2207 Agrandissement de la région i contenant la source de continuum radio non thermique sur le bras Ouest de NGC 2207. Les contours représentent l’émission du continuum radio superposée à l'image en filtre B de Hubble en échelle de gris. L'intervalle de contour est de 10 K, soit 3 fois le bruit efficace, et les niveaux de contour sont à 1, 2, 3, 4, 5 et 6 fois l'intervalle de contour. Le signe + marque l'emplacement du maximum du continuum radio. L’élément i est une région de poussière particulière associée à un sursaut de formation d'étoiles à l’extrémité de partie Ouest du bras en spirale externe de NGC 2207. Il est le site d'une source radio intense, et la source Ha la plus lumineuse du système. Il faut savoir que le composant I est à lui seul le sujet d’une publication de 16 pages (Kaufman et al. 2020) ! Cette région est l’élément le plus lumineux à 8 µm, à 24 µm, à 70 µm, en Ha et en onde radio de la paire de galaxie, et émet à lui tout seul 24% du flux à 24 µm de l’ensemble de la paire de galaxies. Image composite couleur HST de la structure i et de ses environs avec le complexe central d'étoiles, les arcs concentriques de petits amas, le cône de poussière optiquement opaque s'étendant à 3’’ au Sud-Ouest du complexe d'étoiles central et le V rouge de structure de poussière s'ouvrant au Nord. Le sommet du V rouge coïncide avec le pic du continuum radio et le pic d'émission Spitzer 8 µm. L'ULX possiblement détecté avec Chandra se situe au niveau ou à proximité du pic du continuum radio. (Kaufmann 2020) Le caractère le plus frappant de la structure i est un grand nuage de poussière de forme conique optiquement opaque s'étendant sur une projection de 3 '' (∼ 500 pc) du centre de son noyau de ∼ 1 ''. Cette structure suggère qu'il y a un écoulement de gaz à grande échelle incliné par rapport au disque de i et donc une rétroaction du sursaut de formation d'étoiles. En effet, la structure i présente un taux de formation d’étoiles qui étonne : estimé à 1.6 masses solaires par an, il s’agit d’un taux énorme pour un nodule qui n’est pas dans un noyau galactique ni impliqué dans une fusion de galaxie, ou dans l’anneau d’expansion d’une galaxie en collision. La formation d'étoiles observée dans son centre sur 10 millions d’années peut suffire à fournir l'énergie cinétique nécessaire à la formation du cône sombre (estimée à environ 2 × 10^52 ergs) via des supernovae et des vents stellaires. Sur l'image HST en filtre B, le seul complexe d'étoiles détecté au cœur de la structure i a une masse de millions de masses solaires, un âge de 0,6 millions d’années et une taille de 0,6 " × 0,4 " (100 × 70 pc). Le centre de ce complexe d'étoiles est à 0,4 '' à l'est, à 0,4 '' au sud du pic radio, les incertitudes de position étant de 0,25 '' en astrométrie absolue de l'image HST et de 0,1 '' - 0,2 '' pour le pic du continuum radio. Ce complexe d'étoiles central est entouré d'arcs concentriques de 13 complexes d'étoiles plus petits qui se trouvent dans la région radio et 8 µm d'émission étendue. Ceux-ci varient en âge de 0,6 à 60 millions d’années avec un âge moyen de 7,9 millions d’années et une masse moyenne de 160 000 masses solaires. Conclusion Les galaxies IC 2163 et NGC 2207 sont impliquées dans une quasi-rencontre qui a comprimé IC 2163 dans l’axe et a déformé NGC 2207 hors axe. Les observations optiques avec HST montrent de nombreuses caractéristiques intéressantes et particulières. Deux types de motifs d'extinction ont été détaillés : les longs filaments parallèles dans la queue de marée de IC 2163, et les filaments grumeleux dans les bras en spirale de NGC 2207 que l'on voit en rétro-projection en avant d’IC 2163. Les filaments de queue de marée semblent être des bras en spirale flocculents normaux qui se trouvaient dans le disque d'IC 2163 avant la rencontre et qui se sont ensuite étirés dans la queue de marée après la rencontre par déformation globale du disque (simulation numérique qui reproduit bien ces filaments). L'extrême jeunesse de l'interaction (environ 40 millions d’années) explique pourquoi les bras en spirale n'ont pas été beaucoup influencés individuellement, à l'exception de la distorsion globale qui a suivi le flux de marée. De nombreux filaments ont une formation d'étoiles qui « traîne » systématiquement derrière eux, suggérant une accélération à grande échelle du gaz par rapport aux étoiles qui se forment à l'intérieur. Le bras en spirale de premier plan dans NGC 2207 montre également plusieurs filaments parallèles, mais probablement pour une raison différente. Il peut y avoir plusieurs chocs dans l'onde de densité ou des filaments indépendants provenant de la région inter-bras. Une telle structure pourrait être normale pour les galaxies mais non couramment observée en raison de la rareté d’un rétro-éclairage. Dans tous les cas, la formation d'étoiles se produit dans les amas de ces filaments d'une manière qui ressemble à la formation d'étoiles locales dans de petits nuages sombres filamentaires. Le processus de formation d'étoiles dans les ondes de densité de NGC 2207 est donc celui dans lequel les filaments, soit fabriqués par l'onde, soit préexistants, s'effondrent gravitationnellement en globules, qui continuent ensuite de s'effondrer en amas et étoiles individuelles. La formation d'étoiles ne semble pas se produire aux interfaces entre des nuages en collision ou entre des filaments en collision. Plusieurs structures d'émission particulières ont été décrites sur l'image HST. Beaucoup sont linéaires avec des structures internes lisses ou grumeleuses, et certaines ont des objets en forme d'étoile à une ou aux deux extrémités. Elles mesurent généralement plusieurs centaines de parsecs, bien que des éléments plus petits soient difficiles à voir. Certaines peuvent être des jets ou des écoulements coniques, mais ils sont beaucoup plus gros que les jets protostellaires trouvés dans la Voie lactée. Il peut s'agir d'alignements coïncidents d'étoiles ou d'amas, mais les plus lisses n’y ressemblent pas. Une longue ligne de quatre traits colinéaires qui présentent des angles bizarres avec leurs bras en spirale locaux a également été notée. Le H I est faiblement associé à la formation d'étoiles dans les deux galaxies, mais les plus gros nuages H I, avec des masses d'environ 100 millions de masses solaires ne produisent généralement pas d’amas riches. La dispersion de vitesse H I est 5 fois plus élevée que la normale, ce qui peut expliquer pourquoi les bras en spirale de NGC 2207 semblent épais et plumetés. Sources : Hubble Space Telescope Observations of the Interacting Galaxies NGC 2207 and IC 2163. Elmegreen, Bruce G.; Kaufman, Michele; Struck, Curtis; Elmegreen, Debra Meloy; Brinks, Elias; Thomasson, Magnus; Klarić, Mario; Levay, Zolt; English, Jayanne; Frattare, L. M.; Bond, Howard E.; Christian, C. A.; Hamilton, F.; Noll, K. The Astronomical Journal, Volume 120, Issue 2, pp. 630-644. Properties and simulations of interacting spiral galaxies with transient 'ocular' shapes. Elmegreen, D. M., Sundin, M., Elmegreen, B., & Sundelius, B. Astronomy and Astrophysics (ISSN 0004-6361), vol. 244, no. 1, April 1991, p. 52-63. The Interaction between Spiral Galaxies IC 2163 and NGC 2207. I. Observations. Elmegreen, Debra Meloy; Kaufman, Michele; Brinks, Elias; Elmegreen, Bruce G.; Sundin, Maria. The Astrophysical Journal, 453 : 100 - 138, 1995. Outflow from Outer-arm Starburst in a Grazing Collision between Galaxies. Kaufman, Michele; Elmegreen, Bruce G.; Andersen, Morten; Elmegreen, Debra Meloy; Struck, Curtis; Bournaud, Frédéric; Brinks, Elias; McGarry, James C. The Astronomical Journal, Volume 159, Issue 4, id.180, 17 pp. (2020) The Interaction between Spiral Galaxies IC 2163 and NGC 2207. II. Models. Elmegreen, Bruce G.; Sundin, Maria; Kaufman, Michele; Brinks, Elias; Elmegreen, Debra Meloy. Astrophysical Journal v.453, p.139 The grazing encounter between IC 2163 and NGC 2207: pushing the limits of observational modelling. Struck C., Kaufman M., Brinks E., Thomasson M., Elmegreen B.G. & Elmegreen D.M. Mon. Not. R. Astron. Soc., 364, 69-90 (2005/November-3) Amitiés, @JB Gayet et @Jean-Philippe Cazard
  11. Bonjour à tous, Nous sommes heureux de vous présenter cette seconde image, qui nous a fait travailler nos process de traitement en Narrowband. Certains problèmes sont résolus (au moins temporairement) et cette image a gagné en maturité par rapport à la première. Il s'agit d'une nébuleuse peu imagée, que Yann Pothier va détailler dans sa rubrique Ciel Extrême du numéro 109 d'Astrosurf. Référencée PN A66 35 dans le catalogue Simbad, Abell 35 (Sharpless, Sh2-313) a été considérée plusieurs décennies après sa découverte comme une nébuleuse planétaire (NP) et l’est d’ailleurs toujours selon SIMBAD, qui se réfère à la publication de Frew et al. datant de 2013. Image composite HOO et RGB Planewave CDK 12.5, Caméra QHY600M, Monture Paramount II 88x600s en OIII, soit 14.6H, 81x600s en Hα soit 13.5H et 30 minutes de R, G et B pour les étoiles Acquisitions entre mi janvier et début février Team Astrochile, Obstech, Chili. Mesurée à environ 16 x 11’ de taille apparente avec une faible luminosité de surface dans la constellation de l’Hydre (Hydra), elle fut découverte en 1955 par George Ogden Abell et référencée avec 73 autres nébuleuses planétaires dans la publication Amas globulaires et nébuleuses planétaires découvertes lors du relevé du ciel de l’Observatoire de Palomar de la National Geographic Society, papier qui introduira le célèbre Catalogue Abell des Nébuleuses Planétaires (Abell Catalog of Planetary Nebulae) publié ultérieurement en 1966. Voici la plaque photographique produite en août 1955 au télescope Samuel Oschin de 48 pouces (1,2192 m) du mont Palomar (les fameuses « plaques POSS », pour Palomar Optic Sky Survey) : Abell 35, plaque POSS en filtre B (1955). Pourtant, dès 1981, Jacoby émet des réserves sur la nature d’Abell 35 et, à l'instar de PHL932 - joliment introduite par @JMBeraud - les dernières publications, dans la foulée de la thèse de Frew en 2008 puis des travaux de Frew et Parker en 2010, révèlent qu'Abell 35 n’est pas une nébuleuse planétaire : « […], la nébuleuse particulière de type PN Abell 35 (Jacoby 1981; Hollis et al.1996) semble être une nébuleuse en arc à l'intérieur d'une sphère de Strömgren photo-ionisée dans l’ISM » mais bel et bien là aussi une sphère de Strömgren ionisée par le compagnon nain blanc chaud DAO de BD - 22º 3467, l’étoile entourée par l’arc parabolique central qui a récemment évolué à partir de la phase nébuleuse planétaire. Le système produit un vent fort, venant probablement de la sous-géante en rotation rapide, qui interagit avec la zone interne de la nébuleuse d'émission pour produire cet arc de choc. La couche OIII. On voit parfaitement bien l'arc de choc centré sur BD - 22º 3467 La couche Hα, très différente de la couche OIII Plus de détails à venir dans le numéro 110 d’Astrosurf ! Sources : Amas globulaires et nébuleuses planétaires découvertes lors du relevé du ciel de l’Observatoire de Palomar de la National Geographic Society. O. G. Abell. Publications of the Astronomical Society of the Pacific, Vol. 67, No. 397, p.258-261 The peculiar planetary nebula Abell 35. G.H. Jacoby. Astrophys. J., 244, 903-911 (1981) A catalogue of integrated Hα fluxes for 1258 Galactic planetary nebulae. D.J. Frew, I.S. Bojicic & Q.A. Parker. Mon. Not. R. Astron. Soc., 431, 2-26 (2013/May-1) En espérant que cet objet vous étonne autant que nous, Jean-Philippe et Jean-Brice.
  12. Bonsoir à tous, Nous sommes heureux de vous présenter cette première image d’une nouvelle collaboration australe; AstroChile, qui nous réunit avec un bonheur certain, Jean-Philippe et moi-même, autour d’un "pied chilien" qui porte un CDK 12.5 équipé d’une caméra QHY600M. Une jolie collaboration qui nous vaut d’innombrables coups de téléphone et beaucoup de bons moments déjà, et dont nous espérons pouvoir vous faire bénéficier la richesse ici, par de simples images, mais aussi et surtout à travers de nouveaux formats, dont une extension de certaines présentations (comme celle-ci) à travers la revue Astrosurf-Magazine. Pour notre première image, nous avons fait le choix d’une cible "spectaculaire" pour laquelle nous avions un "mètre-étalon" : l'image bluffante de Laurent Bernasconi et Michel Meunier (http://www.astrosurf.com/topic/116351-premiere-image-de-janus-sud-ngc1365/) qui avait également fait office, pour Laurent et Michel, de "première lumière" officielle de Janus Sud. Sur le plan technique, nous avons donc ici une image en poses de 300s : 144x300s en luminance, 24x300s en B, 29x300s en G et 20x300s en R Cette image a été réalisée avec le défauts inhérents à un setup en cours de mise au point (des soucis avec le filtre G et une route à filtre instable). A très bientôt pour de nouvelles images ! La team AstroChile (Jean-Brice Gayet et Jean-Philippe Cazard). L'ensemble du champ (cliquer sur l'image pour la voir à 100%) : Un crop à 100% sur la galaxie elle-même : Et l'ensemble du champ avec le repérage de quelques galaxies en fond : NGC 1365 a été découverte par l'astronome australien James Dunlop en 1826. Sans surprise, elle est appelée "The Great Barred Spiral Galaxy" par les anglophones. Située dans la constellation du Fourneau (Fornax) à environ 56 millions d'années-lumière de nous, NGC 1365 s'étend sur environ 200 000 années-lumière. Les parties externes de la barre complètent une rotation en 350 millions d'années environ (l’équivalent du temps qui nous sépare de l’époque où les trilobites nageaient encore au fond des océans, au début du Carbonifère… soit plus de trois millions et demi de siècles…Il est à noter que 8 millions d’années plus tôt avait eu lieu la première grande extinction terrestre). Il s’agit d’une galaxie spirale barrée de grand style (grand design spiral galaxy), un type de galaxie spirale qui présente des bras spiraux longs et bien définis, et qui se distingue des galaxies spirales cotonneuses ("flocculent" en anglais), qui possèdent des caractéristiques structurales plus subtiles. Les bras spiraux d'une galaxie spirale de grand style peuvent s'étendre sur plusieurs radians de façon nette autour de la galaxie et être ainsi observés jusqu'à une distance significative du noyau. Aujourd’hui classée de type morphologique SB(s)b D selon Simbad (2021), NGC 1365 avait été utilisé par Gérard de Vaucouleurs comme galaxie type de la morphologie SB(s)bc dans son Atlas des galaxies avant d’être classée de type SBb(s)I par Sandage et Tammann en 1981. 10 % des galaxies spirales sont de grand style, comme par exemple M81, M51, M74, M100 et M101. La formation et la structure des galaxies spirales de grand style sont expliquées par divers modèles mathématiques qui font intervenir pour la plupart la density wave theory, théorie selon laquelle les bras spiraux sont créés à l'intérieur d'ondes de densité tournant autour de la galaxie à des vitesses différentes de celles des étoiles du disque, les étoiles étant "prises" dans ces ondes par attraction gravitationnelle (et impliquant que leur position dans un bras spirale spécifique ne soit pas permanente). Ceci étant, si on y regarde bien, NGC 1365 est en fait une galaxie spirale à double barre. Cette deuxième barre dans la région centrale est plus nette en imagerie infrarouge et résulte probablement d'une combinaison d'instabilités dynamiques (des orbites stellaires de la région centrale, de la gravité, des ondes de densité et de la rotation globale du disque). L’hypothèse d’une rotation plus rapide de cette barre intérieure par rapport à la barre principale est avancée pour expliquer la forme diagonale assez caractéristique de la galaxie avec ses bras en spirale s'étendant en une large courbe au Nord et au Sud des extrémités de la barre Est-Ouest et forment un halo en forme de Z quasiment annulaire (anneaux dont nous reparlerons très bientôt avec NGC 1291). Comme nous le verrons plus en détail dans le prochain numéro d’astrosurf, la barre principale de NGC 1365 joue un rôle crucial dans l'évolution de la galaxie, attirant le gaz et la poussière vers son centre et entraînant un sursaut de formation d'étoiles mais, en fin de compte, alimentant son trou noir central et entraînant à terme sa propre dissolution. D’une manière générale, les barres ont deux intérêts fondamentaux dans la compréhension de l’évolution des galaxies : elles sont à la fois un traceur de leur évolution passée et le moteur de leur évolution, contribuant significativement à la redistribution de matière et de moment angulaire dans les disques galactiques. Image de NGC 1365 réalisée avec la caméra infrarouge HAWK-I du télescope de l'ESO à l'observatoire de Paranal au Chili, créée à partir d'images prises à travers les filtres Y, J, H et K avec des temps d'exposition de respectivement de 4, 4, 7 et 12 minutes. Enfin, NGC 1365 fait partie du groupe de NGC 1316, qui comprend au moins 20 galaxies, dont les galaxies IC 335, NGC 1310, NGC 1316, NGC 1317, NGC 1341, NGC 1350, NGC 1365, NGC 1380, NGC 1381, NGC 1382 et NGC 1404. Ce groupe est un des membres de l'amas du Fourneau. Galaxie à noyau actif de type Seyfert 1, NGC 1365 est lumineuse dans l'infrarouge (LIRG) mais présente une brillance de surface de 14,18 mas/am, ce qui en fait une galaxie à faible brillance de surface (LSB en anglais pour low surface brightness. Les galaxies LSB sont des galaxies diffuses (D) avec une brillance de surface inférieure de moins d'une magnitude à celle du ciel nocturne ambiant). Jusqu'à 2012, quatre supernovas y ont été observées : SN 1957C de type inconnu, SN 1983V de type Ic, SN 2001du de type II-P et SN 2012fr de type Ia. Photographie de NGC 1365 obtenue en 1999 lors d'une exposition de deux heures au foyer primaire du télescope de 3,6 m de l’ESO sur une plaque III a-J avec filtre GG 385. Le Nord est en haut et l'Est est à gauche. (Lindblad, 1999). Plus à venir dans un prochain numéro d’Astrosurf-Magazine !