Un
coronographe est un appareil destiné à observer la couronne
solaire (c'est à dire le pourtour du disque solaire). Cet instrument
a été inventé et mis au point au Pic du Midi en 1930
par Bernard Lyot, astronome et inventeur génial né en 1897.
Il a réussi grace à une combinaison optique particulièrement
judicieuse à surmonter tous les problèmes que présentaient
une telle observation (la diffusion de la lumière par les optiques
notament). Il est également l'inventeur d'un filtre monochromatique
permettant d'isoler la raie H-alpha et d'un "coronomètre photoélectrique"
permettant d'observer la couronne en plaine, et sans coronographe.(ci-contre,
Bernard Lyot faisant de la baignoire dans l'une des citernes gelées
du Pic)
Principe de fonctionnement du coronographe
Le coronographe est un appareil destiné à reproduire artificiellemnt une éclipse totale de Soleil. La première idée qui pourrait venir à l'esprit pour ce genre d'instrument serait de cacher simplement l'image du soleil donnée par une lunette grace à un écran. Cette idée avait fait l'objet de nombreuses tentatives au siècle dernier, toutes soldées par des échecs. La lumière diffusée par l'objectif ne permettait pas l'observation des protubérances solaires (100000 fois moins brillantes que la surface du Soleil). L'apport majeur de Lyot a été de comprendre que l'on pouvait arréter cette lumière diffusée en plaçant un diaphragme à l'endroit approprié.
Le doublet achromatique ou la lentille simple forme l'image du Soleil
à son foyer, sur le cône occulteur qui couvre exactement l'image
du disque. Seuls subsistent les rayons lumineux provenant de la couronne
solaire. La lentille O2 donne de l'image du Soleil occulté une image
virtuelle, avancée de quelques mm, et donne du doublet achromatique
(ou objectif O1) une image réelle sur le diaphragme. Ce dernier
permet de se débarasser de la lumière parasite diffusée
par la monture de l'objectif O1. Il est parfois souhaitable, surtout pour
des coronographes de fort diamètre, de placer en outre un écran
de quelques mm de diamètre, au centre du diaphragme, pour arréter
les rayons lumineux provenant de réflexions sur les faces de l'objectif
O1.
L'objectif O3 donne de l'image virtuelle du disque occulté
préalablement formée par O2 une image réelle observable
à l'oculaire ou reçue sur la pellicule d'un appareil photographique.
Entre les deux éléments constituant l'objectif O3,
les rayons lumineux sont parallèles, ce qui permet d'utiliser un
filtre monochromatique H-alpha dans les meilleures conditions. La bande
passante de ce filtre peut varier dans de grandes proportions, du simple
filtre rouge Wratten (100 nm de B.P.) au filtre de type Daystar (~0.06
nm) en passant par un filtre interférentiel classique non chauffé
(~10nm), le prix de ces éléments allant de quelques dizaines
de francs pour le premier à quelques dizaines de milliers de francs
pour le second! Nous avons opté pour la troisième solution,
entre 500 et 1200FF. Voir les remarques importantes à ce propos
un
peu plus loin.
Formules pratiques
Voyons maintenant comment fonctionne le coronographe
et surtout comment placer les elements optiques les uns par rapport aux
autres. Les formules utilisées sont très simples: on les
trouve dans tout livre d'optique géometrique.
Nous allons illustrer la théorie avec
une application numérique; on suppose donc que l'on a les composants
optiques suivants:
Objectif O1: focale F=1000mm
Objectif O2: focale f=200mm
Objectifs O3 et O3': focale identique f3=300mm
Disposition de O2:
La lentille O2 peut être soit soit bi-convexe, soit plan-convexe,
soit en ménisque. On aura interêt à la choisir dans
ces deux dernières catégories, et si possible, avec des rayons
de courbure pas trop prononcés. Ceci dit, un doute peut subsister
à propos de son orientation:
nous avons mis la face convexe à l'avant afin d'éviter
que la face plane (cas d'une plan-convexe) ou la face concave (cas d'un
menisque) ne
renvoie un reflet vers l'objectif O1. La principale raison étant
aussi que les rayons les plus inclinés émergeant de O2 vers
le diaphragme attaquent la face de sortie sous un angle moindre, diminuant
ainsi les aberrations. A noter que c'est aussi la disposition adoptée
pour le coro du Pic du Midi.
Quel diamètre pour le disque occulteur?
Bien entendu, le diamètre 'd' du disque occulteur va dépendre de la focale de l'objectif O1, mais aussi du diamètre apparent du Soleil:
avec d = le diametre recherchéEn outre, il faut tenir compte du fait que le diametre apparent ( en secondes d'arc) du Soleil varie au cours de l'année:
F = la focale de l'objectif (ici 1000)
et 206265 representant le nombre de secondes d'arc dans 1 radian,soit ((180 x 3600) / Pi)
Afin d'aider au calcul des éléments optiques du coronographe,
nous avons créé récement (Mai 2000) une feuille de
calcul au format Excel, (Microsoft Excel 97, extension .xls; pour d'autres
formats de tableurs, nous contacter);
Cette feuille permet de calculer les emplacements des divers éléments
optiques, en fournissant en entrée:
La focale de l'objectif O1Elle fournit en sortie:
La focale de la lentille O2
La distance A = O2-Disque occulteur
La focale des objectifs O3
Les dimensions mini et maxi des disques occulteursEn bref, il s'agit d'une aide au calcul, qui permet "d'explorer" facilement les diverses possibilités et combinaisons optiques, et évite de s'engager dans de mauvaises solutions (puisques certaines combinaisons optiques conduisent à des impossibilités).
La distance B = O2-Diaphragme
La valeur intermédiaire x
La distance C = O2-O3
... et indique la faisabilité du coronographe en fournissant quelques conseils d'optimisation en fonction des résultats obtenus.
Pour la télécharger (30 Ko seulement),
cliquez ici ou sur l'image ci-dessus!
Son emploi est indispensable dans le cas d'un
ciel de plaine, cependant, il peut y avoir plusieurs "écoles" quand
au type de filtre à utiliser:
-Il est totalement inutile de prendre un filtre
très resséré, de moins de 1 Angstrom de bande passante,
car alors, les protubérances apparaitront sans coronographe...et
finiront par disparaitre si le filtre est trop serré. De plus ces
filtres sont
très chers (plus de 10000F...) et s'usent
assez rapidement (quelques années).
-Nous avons utilisé un filtre interférentiel
de 10nm (100Ä), ce qui semble un très bon choix d'apres nos
observations. Il est bien moins cher (aux alentours de 1000F). On peut
en trouver pour 500F aux USA. (Edmund Scientifics par exemple http://www.edcsi.com
). C'est certainement la meilleure solution.
-Pierre Bourge recommande dans son livre un
filtre compris entre 30Ä et 5 Ä, c'est mieux, mais c'est plus
cher et un peu plus difficile à trouver. A noter cependant que les
résultats seront meilleurs avec un filtre plus resserré si
l'on observe a travers une atmosphère épaisse (pollution,...)
-Enfin, on peut signaler que J-M Roques avait
fabriqué en 1960 un coronographe muni d'un simple filtre rouge
Wratten n°70 (environ 100nm de B.P., et autour de 100F!...) avec
des résultats tout à fait bons (voir l'Astronomie,
1961 p.67-72), solution de loin la plus économique.