Histoire de la
Lunette Jean Rösch


Dès 1943, à l’instigation de B. Lyot, avait été entreprise l’étude technique d’un télescope, dont le tube aurait été fermé à l’avant par une glace plane, protégée par une coque.

On éviterait ainsi les détériorations que les coupoles classiques amènent dans la qualité des images.

L’idée principale était d’éviter, au voisinage de l’instrument, le mélange de masse d’air ayant des températures différentes, et éviter dans toute la mesure du possible la création d’écoulements turbulents sur le trajet des rayons lumineux.


Bernard Lyot (1897-1952)

Vue d'artiste du projet d'instrument solaire au Pic du Midi
C’est ainsi qu’a été entreprise en 1954 la construction par l’Atelier de Bagnères de Bigorre, sous la direction de J. Pageault, d’une coupole de 5 mètres de base dans laquelle le cimier de fermeture se prolonge par un tube-enveloppe à l’intérieur duquel se place le tube de l’instrument.

Pré-montage de la coupole dans la cour de l'Observatoire, à Bagnères

Des rideaux et des joints sont agencés de façon telle que la coupole soit entièrement fermée à partir du droit de l’objectif, qui affleure l’extrémité du tube enveloppe, à plusieurs mètres en avant de la masse de la coupole. Cette coupole abrite une monture équatoriale à fourche exécutée par l’Atelier de construction de Tarbes.

 


La coupole en cours d'assemblage au sommet

Extrêmement rigide, véritable toupie engagée dans un roulement par sa pointe Sud et appuyée le long d’un cercle lisse de 240 centimètres de diamètre sur deux galets porteurs et moteurs, elle pouvait recevoir, au début, soit l’objectif de 38 centimètres de l’observatoire de Toulouse pour la cinématographie de la granulation, soit l’objectif de coronographe de 26 centimètres associé à trois spectrographes différents.

 

Vues en plan du projet final de la coupole

Utilisé pour la première fois lors de l’éclipse du 15 Février 1961 (98%), l’ensemble à fourni d’excellents documents de la surface solaire.
L'une des originalités de la Lunette Jean Rösch est de posséder un système de refroidissement permettant d’évacuer l’énergie apportée par le faisceau lumineux. Ce système consiste faire tomber l’image sur un disque à double paroi, noirci, à l’intérieure duquel circule un courant d’eau important (10 litres/minute). Cette cuve a eau évoluera légèrement pas la suite avec la mise en place d'une glace percée à 45° à l'avant.
On ne laisse passer qu’une petite portion du Soleil à travers un trou de 5 mm ménagé dans le disque. Les échanges par convection ainsi arrêtés, il peut y avoir conduction à travers les parois.

L’échauffement de l’air extérieur à travers les parois de la coupole est réduit par un revêtement intérieur isolant, rendu nécessaire par ailleurs pour éviter la condensation de l’humidité sur la paroi froide.

Afin de profiter des propriétés orographiques du site et d’éviter les fluctuations thermiques de l’observatoire, il a été décidé d’installer la nouvelle coupole sur la crête Est du Pic du Midi.

Le principe d’observation est basé dès les débuts sur une sélection à posteriori des meilleures images quand il est possible de recueillir un très grand nombre d’images, comme par exemple en cinématographie de la photosphère. Une sélection en temps réel des meilleures images est mise au point dès 1962 par Jean Rösch et ses collaborateurs. Au tout début, c’est avec une caméra Gaumont à manivelle prêtée par un ami de J. Rösch, que les observations ont été réalisées.

C’est avec cet instrument que furent découvert l’un des phénomènes très important de la surface du Soleil : les granules explosifs.


La cuve à eau (à droite)

Granulation solaire

Pour des raisons diverses, l’instrument ne trouve sa vitesse de croisière qu’à la venue d’André Carlier en 1966. Celui-ci réalise un certain nombre de films de la photosphère avec l’aide de F. Chauveau, M. Hugon et J. Rösch.
La résolution spatiale de 0.3 arcsec est une performance inégalée à l’époque. C’est R. Muller qui prend la relève de Carlier en 1969. Il obtient une succession d’images d’une tache solaire sur une durée de 3 heures qui lui permet après la sélection des meilleures images de montrer l’évolution des structures de la tache.

L’objectif de 38 centimètres qui avait été conçu pour des applications stellaires avait un champ trop faible pour l’étude du Soleil. A partir de 1972, Jean Rösch trouve les financements pour faire fabriquer un excellent objectif de 50 centimètres taillé par Jean Texereau qui a mis tout son savoir dans la réalisation du Flint et du Crown. Avec ce nouvel objectif et la conception de la coupole, de nombreuses études de la photosphère solaire ont été possibles.
Afin de réduire l’échauffement différentiel des lentilles par le barillet qui les supporte, J.P. Mehltretter (astronome) proposa dans les années 70 de placer un anneau en tôle devant le barillet.
Egalement, une machine à développer les films facilita le travail.


L'opticien Chauveau en train de nettoyer l'objectif de 50cm
(à gauche: J.P. Mehltretter)

L'anneau protecteur
Dans les années soixante-dix, R. Muller utilise pour la première fois le filtre étroit dans la bande-G (4305Å) que l’on trouve aujourd’hui dans de nombreux observatoires pour étudier les contreparties optiques des tubes de flux magnétiques. Dans les années quatre-vingts et quatre-vingt-dix, les recherches de R. Muller et Th. Roudier portent sur les effets de l’interaction entre le champ magnétique et la convection à la surface du Soleil. Une variation de la taille des granules au cours du cycle d’activité est mise en évidence.

La mise en service en 1980 d’un spectrographe par Z. Mouradian et d’un DPSM (Double Passage Soustractif Multicanal) par P. Mein, J. M. Malherbe, Ch. Coutard, R. Hellier et F. Colson de l’observatoire de Meudon permettent de mesurer les vitesses Doppler dans l’atmosphère solaire (Photosphère et Chromosphère).

A partir de 1981, Jean Rösch développe l’Héliomètre pour la détermination de l’aplatissement du Soleil. Cette instrumentation donnera ses premières mesures en septembre 1984.

Complètement rénové en 1996, notamment en ce qui concerne l'informatique et l'électronique (adjonction d'un ''image slicer'' permettant de faire des mesures de diamètre solaire dans toutes les positions angulaires), l'héliomètre permet maintenant de mesurer la forme du Soleil, c'est-à-dire l'hélioïde, terme forgé par Jean Rösch lui-même, par analogie au géoïde (terrestre).
L'instrument fonctionne toujours à l’heure actuelle sous la responsabilité de J.P. Rozelot (Observatoire de la Côte d'Azur).


L'Héliomètre

Dans les années quatre-vingt-dix, c’est la fin de l’utilisation des caméras à films et l’adaptation des instrumentations en imagerie et spectroscopie aux caméras CCD.


Dernière caméra à film utilisée

Première caméra CCD utilisée sur la lunette
Aujourd’hui (2000-2004) l’accent a été mis sur les mesures polarimètriques par la fabrication de nouveaux polarimètres par Jean- Marie Malherbe.
Une nouvelle instrumentation d’imagerie, la caméra grand champ CALAS est développée sous l’impulsion de N. Meunier, M. Rieutord, S. Rondi et R. Tkaczuk pour l’étude de la supergranulation solaire.

Notons encore qu'entre 1966 et 1972, un petit coronographe de 15 cm d'ouverture, muni d'un spectrographe mis au point par M. Hugon, était installé à demeure dans le tube de la lunette. L'objectif était escamoté en tant que de besoin par un ingénieux système à bascule. C'est avec cet instrument, et profitant de la qualité du site que J.P. Rozelot a pu observer et mesurer l'ensemble des raies coronales du fer ionisé (Fe X à Fe XVII) accessibles du sol.


La Lunette Jean Rösch de nos jours

Intérieur de la coupole

Cette coupole conçue en 1954 est toujours compétitive au niveau international en physique solaire et le restera avec les dernières instrumentations en cours de développement.

Jean Rösch avait proposé en 1962 que cette coupole porte le nom de Bernard Lyot, en mémoire de sa contribution si féconde à l’amélioration des conditions d’obtention d’images d’excellente qualité.

Compte tenu de sa forme le nom de coupole Tourelle a été donné par un visiteur américain et l’habitude a été prise de la nommer ainsi.

Afin de rendre hommage à son concepteur, nous avons proposé à nos instances fin-2004 que cette coupole porte le nom de Lunette Jean Rösch (LJR).



Jean RÖSCH (1915-1999)

Pour plus de détails, nous vous renvoyons au livre d’E. Davoust
sur l’Observatoire du Pic du Midi (CNRS éditions, 2000, ISBN: 2-271-05723-X)

Documents © Lunette Jean Rösch - Observatoire Midi-Pyrénées