Omega du Centaure

depuis le Pic du Midi

Voici un compte-rendu de diverses observations du passage
du mythique amas Omega du Centaure, depuis le Pic du Midi.

Contributions: A.Jaureguiberry, S.Fontaine, S.Tretan, M.Goutaudier, S.Rondi

Introduction

Observation du 10 Février 2005 (Audine + obj. 135mm) - S.Rondi

Observations des 16 et 19 Mars 2005 (Atik + obj. 135mm & 200mm) - A.Jaureguiberry

Observation du 25 Mai 2005 (Artemis 285 + obj. 400mm) - S.Rondi


Article paru dans Astrosurf Magazine n°15 (Juill/Aout 2005)

Omega du Centaure - Introduction

Pourquoi? Comment?...

Omega du Centaure est un véritable monstre du ciel austral: une magnitude de 4.2, un diamètre de 36 arcmin et donc un objet très aisement visible à l'oeil nu. Cependant, situé dans la constellation du Centaure, il n'est en principe pas observable depuis la France... enfin presque:

L'observation de Omega du Centaure depuis le Pic du Midi est en effet un petit défi amusant et troublant. Ce gigantesque amas globulaire est situé à la latitude céleste de -47.50°. Or le Pic du Midi se situant à une latitude géographique de +42.94°, la hauteur théorique d'Omega du Centaure lors de son passage au méridien est de:
h= 90-42.94-47.50=-0.44°
soit pas 0.444 au dessous de l'horizon!
Heureusement, la refraction atmosphèrique est là pour nous aider et pour "relever" Omega du Centaure au dessus de l'horizon. De nombreux observateurs visuels ayant vu Omega passer dans le col entre le Pic Méchant et la Munia en temoignent.
On peut aussi le vérifier par le calcul: A.D. Wittman (Astron.Nachr. 318 - 1997) donne une formule pour calculer la dépréssion angulaire de l'horizon sous l'effet de la réfraction. Il rappelle que cette formule dépend enormement des conditions atmosphériques locales et sur la ligne de visée et qu'elle n'est qu'une approximation:
dip(°) = 0.02931 (h)^0.5
avec h = altitude de l'observateur
Ainsi, pour l'altitude du T60 (2860m) on a dip = 1.57°, ce qui signifie qu'un objet théoriquement à l'horizon se trouve "relevé" de 1.57°. Si l'on considère Omega du Centaure comme étant à proximité de l'horizon, elle se trouve relevée à une altitude approximative de 1.12° au dessus de l'horizon... calculs à prendre avec des pincettes bien entendu :-)
Enfin bref, l'essentiel est qu'elle puisse être observée, la preuve un peu plus loin...


Panorama gradué montrant le Méchant, la Munia et la position du Sud.

Gérard Coupinot m'a témoigné que Jean Rösch connaissait ce phénomène. Plusieurs récits d'observations visuelles de François Colas, et des photos grand champ de Henri Aurignac démontraient également que l'observation était possible. J'ai donc voulu réitérer l'observation en utilisant cette fois des caméras CCD et des téléobjectifs.

Quand ?...

Reste à savoir à quelles époques Oméga du Centaure est observable depuis le Pic ...

C'est ce que montre le graphe ci-contre montrant (en vert) l'heure de passage de Omega du Centaure au Méridien, en fonction de la date.
La nuit est représentée en noir et le jour en jaune clair, tandis que le dégradé représente le crépuscule (les différents crépuscules Civil, Nautique et Astronomique sont également représentés par des courbes respectivement cyan, violettes et bleues.

Ainsi on peut voir que la période d'observation de Omega du Centaure peut s'éttendre de mi-Janvier à fin-Mai et que son passage au Méridien en milieu de nuit se fait à la mi-Avril.

 

Jeudi 10 Février 2005

Monté un jour à l'avance à l'occasion de la visite des élèves du Master de Peter Von Ballmoos (CESR), j'en ai profité d'avoir le T60 à ma disposition pour m'en servir de monture équatoriale de luxe. La caméra Audine et un objectif de 135mm ont été montés en bout de tube sur une rotule afin de viser l'horizon tandis que le télescope était dans une position normale.

Le pointage de la zone, à l'Ouest du Pic Mechant a été assez aisé étant donné le large champ de vue. J'ai terminé le cadrage à la raquette du T60, puis ai éteint le moteur de suivi en attendant la sortie de l'amas. M'y étant pris suffisament à l'avance, j'ai pu avoir le temps d'identifier les étoiles qui passaient dans le col afin de ne pas être "surpris" par la sortie de Omega.


L'écran d'acquisition avec Skymap en rafraichissement rapide derrière au Audela en acquisition série... fébrilité quelques minutes avant la sortie! :-)

Puis c'est l'heure H, je mets le moteur de suivi en route et l'amas pointe le bout de son nez derrière l'arète comme prévu. Ca a beau être prévisible, le spectacle est tout à fait trépidant! J'enchaine des poses de 10 secondes en binning 2x2... peu de choses à faire pendant le passage hormis vérifier que les acquisitions se font et que le moteur ne s'arrète pas. De nombreux avions, sans doute au dessus de l'Espagne ont laissé leurs traces lumineuses.

Fin de l'observation lorsque l'amas bascule irremediablement derrière la Munia, quelques 20 minutes après... on peut passer au traitement des images:


Compositage de trois vues à des instants différents montrant Omega du Centaure et son trajet dans le col.


Animation du passage (Gif 520Ko)
format réduit et recadré

Puis en plein format et mouvement plus lent:
Le passage seul au format DivX (1.1Mo) et l'observation complète au format DivX (2.4Mo)

[ à consulter à l'adresse suivante http://www.astrosurf.com/rondi/t60/missionmaster/ ]

16 et 19 Mars 2005

Observations réalisées par l'équipe ICARE de A.Jaureguiberry, S.Fontaine, S.Tretan, M.Goutaudier.

Durant ces deux observations CCD, un observateur de l'équipe n'a rien mis en évidence avec des jumelles 7x50. On peut émettre l'hypothèse que le capteur noir et blanc étant plus sensible dans le proche infra-rouge, l'observation CCD était facilitée par rapport à l'observation visuelle (où les parties bleues et vertes du spectre sont fortement absorbées par l'atmosphère en incidence rasante).

Enregistrement du 16 Mars 2005.

Poses de 25 s par image.
Caméra Atik HS II N&B.
Objectif Canon 135 mm sur pied (f/3.5): quatre cadrages successifs en position fixe
Première image : environ 01h32m UTC
Dernière image : 01h55m26s UTC
Vitesse d’animation : 4 images par seconde.

800Ko

Enregistrement du 19 Mars 2005

Poses de 8 s par image.
Objectif de 30 mm, F = 200 mm sur pied: quatre cadrages successifs en position fixe
Première image : 01h27m47s UTC
Dernière image : 01h43m14s UTC
Vitesse d’animation : 6 images par seconde.

2.2Mo

Mercredi 25 Mai 2005

Il s'agissait de l'une des dernières possibilités d'observation de ce printemps étant donné que Omega passait environ 1h30 après le coucher du Soleil.
Afin d'avoir un dispositif plus léger, la petite monture à base de commutateur horaire (affectueusement baptisée "compteur à gaz") que j'utilisais pour des poses argentiques a repris du service.
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J'ai donc observé depuis la fenètre du labo de la Lunette Jean Rösch (ex-Tourelle) avec une caméra CCD Artemis 285 et un téléobjectif de 400mm muni d'un filtre KG-3 (coupant les IR). J'avais donc un champ plus petit d'environ 1.3° x 1° idéal. La visée s'est faite en s'aidant des images du 10 Février afin de bien cadrer la zone de l'arète du Méchant derrière laquelle allait sortir Omega. Il y avait cependant un peu plus d'absorption ce jour-là près de l'horizon.
Le reste de la procédure a été assez semblable avec une mise en route du moteur quelques secondes avant la sortie de l'amas, et des poses de 10 secondes en binning 3x3, rythmées par le tic-tac du moteur mécanique.


Passage complet de Omega du Centaure - recadré pour tenter d'allegér le gif animé (2Mo)
Ici une version non recadrée du GIF (8Mo)

Une observation plus en détail du passage montre que les étoiles semblent légèrement bouger au cours de l'animation. Il est très probable que ce phénomène soit dû à des changements d'indice de réfraction de l'atmosphère le long de la ligne de visée et au cours du passage.


Le phénomène est bien visible sur l'animation accélérée ci-dessus où l'on voit un léger "morphing" dans le champ.

Afin d'aller plus loin dans cette hypothèse, j'ai additionné les images de Omega du Centaure pour mieux voir les étoiles. La forme et la morphologie de l'amas devienent alors évidentes:


La partie inférieure noire correspond aux montagnes. On voit déjà que certaines images du champ sont allongées alors que d'autres sont rondes, signe d'un déplacement de leur image au cours du passage.

Puis j'ai superposé l'image de Omega du Centaure à une carte de champ en la plaçant à la même échelle horizontale. On s'apperçoit alors d'un décalage des étoiles par rapport à leur position théorique.
Si l'on prend une ligne médiane au milieu du champ (en jaune) où les étoiles sont bien superposées à celles de la carte, les autres étoiles sont d'autant plus loin de leur position théorique qu'elles sont éloignées de cette ligne médiane. C'est ce qui est illustré ci-dessous avec les traits rouges ou verts montrant un déplacement dans un sens ou dans un autre par rapport à la théorie.
Comme on le voit, les étoiles sont relevées par rapport à leur emplacement réel, conformement à la théorie de la réfraction atmosphérique.


Superposition d'une cartographie et de la photo.

Superposition cartographie + photo avec différences de déplacements dûs à la réfraction.

Animation montrant la superposition.

Le "vrai" visage de Omega, étiré verticalement pour compenser la réfraction.

On a quantifié ce déplacement dû à la réfraction, en mesurant l'écart relatif des étoiles entre le haut et le bas du champ. On trouve environ 5 arcmin. Ce phénomène est celui qui donne au Soleil sa forme elliptique lorsqu'il se rapproche de l'horizon, avec un relèvement relatif du bord inférieur et un abaissement relatif du bord supérieur par rapport à son centre, comme illustré sur l'image ci-dessous. Ce phénomène est évidement plus prononcé lorsqu'on se rapproche de l'horizon.


S. Rondi