Philippe Roux (Janvier 2000)
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où G est la constante de la gravitation universelle qui vaut :
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La forme sphérique des principaux corps du système solaire se présente comme une évidence aux savant Grecs : la Lune et le Soleil le montre sans ambiguïtés, mais aussi l'observation des bateaux sur Terre permet de prendre conscience de la courbure de la surface de notre planète (lorsque les bateaux s'éloignent leur mâts restent visible alors que la coque à déjà disparut ).
C'est à Erathostène ( 276-190 AVJC ), directeur de la grande bibliothèque d'Alexandrie que l'on doit le premier calcul de la circonférence terrestre [1]. Il remarqua la différence d'inclinaison des rayons du Soleil entre Syène et Alexandrie le jour du Solstice d'été par un simple calcul trigonométrique il pu trouver une circonférence de 40000 Km valeur remarquablement proche de la réalité (malgré les erreurs dans ses données). Aristote (384-322 AVJC) pensait que l'omniprésence de la sphère dans la nature découlait de son haut degrés de perfection. Malgré le caractère peu scientifique de son raisonnement il n'avait pas tout à fait tord ! Si l'on considère une répartition de masse en léger écart par rapport à la symétrie sphérique (de rayon R) on obtient un écart pour l'énergie interne de la configuration :
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donc un principe de moindre action permet de comprendre que la sphère est la forme la plus probable pour les objets du système solaire. En d'autres termes la petite masse dm qui se trouve écartée de la symétrie sphérique possède de l'énergie et va certainement tomber pour combler le trou le plus proche .
Mais il se pose un nouveau problème : quelle peut-être la taille maximum des irrégularités par rapport à la forme sphérique globale . Le problème est lié à la résistance de la matière qui forme la planète (par exemple) et en particulier la chaleur lattente de fusion Lf . Si est la densité des roches d'une planète tellurique et que l'on considère une montagne cylindrique de hauteur h et de base dS celle-ci doit s'enfoncer d'une hauteur dh si l'énergie (gravitationnelle) libérée lors de l'enfoncement est supérieure ou égale à l' énergie nécessaire à la fusion de la roche qui s'est enfoncée, donc la montagne est stable si : en remplaçant dE par (2)
On peut comparer le résultat théorique aux données
du système solaire, en supposant que Lf = Cste
et en comparant les valeurs de rR pour différentes
planètes on obtient une bonne idée de la hauteur des montagne
sur la plupart des planètes :
planète | rayon (km) | densité (g/cm3) | [((R)planete)/((R)Terre)] | htheo(km) | hmax(km) |
Terre | 6378 | 5,52 | 1 | / | 8,8 |
Vénus | 6051 | 5.25 | 0.902 | 8 | 8 |
Mars | 3397 | 3.93 | 2.637 | 23.2 | 27 |
Lune | 1738 | 3.34 | 6.065 | 53.4 | 8.2 |
En particulier pour = 3 et R = 100km on a hmax = 100km ce qui au niveau des petits objets du système solaire, les Astéroïdes, ce traduit par un forme de patatoïde assez éloigné de la forme sphérique . Pour la Lune ou Mercure l'écart entre la hauteur maximum permise et la hauteur maximum observée résulte de l'absence de phénomènes susceptible de créer des montagnes (tectonique des plaques, volcanisme).
Le second effet produisant un écart significatif à la forme sphérique est la rotation des planètes . C'est Héraclide du Pont (388-310 AVJC) qui le premier émet l'hypothè se de la rotation de la Terre comme explication plus simple du mouvement diurne des étoiles [1]. Mais cette idée fût largement combattue à l'époque en particulier par Simplicius (VIième APJC) qui objectait que dans le cas d'une rotation de la Terre sur elle même la force centrifuge aurait due nous éjecter de sa surface ! En fait cette force centrifuge est encore mal connu, il faut attendre Huygens (1629-1695 APJC) pour obtenir la formule exacte : une masse en rotation uniforme, sur un cercle de rayon R, à la vitesse angulaire w est soumise à une force centrifuge de module f = m R2 w[1]. Dans le cas de la rotation Terrestre au niveau de l'équateur la surface de la Terre est soumise à une force plus faible qu'au niveau du pôle . En considérant un modèle fluide pour la Terre on en conclut que le rayon polaire doit être plus faible que le rayon équatorial . Pour effectuer le calcul de l'aplatissement des planètes il reste à modéliser le champ de pesanteur.
Huygens est le premier à le faire en supposant que l'essentiel de la masse est concentrée au centre de la planète [2] ce qui donne :
Newton lui choisit de considérer la Terre comme une répartition homogène de densité r qui le conduit à une valeur de 1/231 pour l'aplatissement de la Terre. Une théorie plus complète énoncée par Clairaut au début du XVIIIième siècle conduit à une valeur de l'aplatissement de 1/291 suivant la formule :
Pour la Terre les deux valeurs 1/583 pour Huygens et 1/291 pour Newton différent d'un facteur 2 ! Ce résultat est à l'époque largement contesté par les "Cartésiens" qui soutiennent l'hypothèse des frères Cassini selon laquelle la Terre devrait être allongée selon son axe de rotation [1],[5]. Durant prés de 50 ans les partisans des deux camps vont s'affronter sans retenue jusqu'à ce que l'Académie des sciences décide de déterminer "la figure de la Terre" ! Pour cela une expédition, menée par Bouguer et La Condamine, est envoyée au Pérou en 1735 afin de déterminer la longueur du l'arc de méridien à cette latitude. Mais face aux nombreux problèmes rencontrés par l'expédition un second groupe conduit par Clairaut et Maupertuis en laponie pour réaliser la même mesure. Finalement en 1740 le résultat des deux expéditions confirme l'hypothèse de Newton avec un aplatissement de 1/298 (et donc la loi de la gravitation universelle!) ce qui fera dire à Voltaire "vous avez trouvé en des lieux pleins d'ennuis ce que Newton savait sans sortir de chez lui" . Le tableau suivant compare les valeurs théorique calculée et celles observées dans le système solaire :
planète | rotation (s) | w = 2p/T | densité(g/cm3) | ((DR)/R)theo | ((DR)/R)obs |
Vénus | 243,01 j | 2.9926 10-7 | 5,25 | 0 | 0 |
Terre | 23h56min 4s | 7.2921 10-5 | 5,52 | 3.45 10-3 | 3.35 10-3 |
Lune | 27j7h43min11s | 2.6617 10-6 | 3,34 | 0 | 0 |
Mars | 24h37min22s | 7,0883 10-4 | 3,93 | 4,57 10-3 | 5,9 10-3 |
Jupiter | 9h55min30s | 1,7585 10-4 | 1,33 | 8,92 10-2 | 6,5 10-2 |
Saturne | 10h39min22s | 1,6379 10-4 | ,71 | 15,3 10-2 | 9,8 10-2 |
Uranus | 17h15min | 1,0118 10-4 | 1,24 | 2,93 10-2 | 2,3 10-2 |
Les résultats montre que pour les planètes telluriques on peut considérer la densité comme constante (comme dans le modèle de Newton) parcontre pour les planètes gazeuses il doit y avoir un noyau beaucoup plus dense .
Dans les trois premiers cas nous avons considéré la planète comme ne subissant aucune influence extérieur or dans bien des cas (par exemple les satellites des planètes géantes ou la Lune ) cette influence déforme chacun des corps [2]. Par exemple la Lune possède un "bourrelet" de matière dans la direction de la Terre, ce bourrelet agit comme un balancier sur la rotation de la Lune : dès qu'il n'est plus dirigé vers la Terre la Lune est soumise à une force de rappel qui la ramène dans cette direction en conséquence les période de révolution et de rotation de la Lune se trouvent synchronisée . C'est aussi le cas de Io le satellite de Jupiter montrant le caractère général de ce phénomène dans le système solaire .
planète | satellite | T (jours) | rayon sub-planète (km) | rayon le long de l'orbite (km) |
Mars | Phobos | 0.318 | 13.3 | 11.1 |
Déimos | 1.2624 | 7.5 | 6.2 | |
Jupiter | Io | 1.769 | 1818.7 | 1815.7 |
Amalthée | 0.498 | 131 | 73 | |
Adrastéia | 0.298 | 13 | 10 | |
Saturne | Thétys | 1.887 | 535.6 | 528.2 |
Encelade | 1.370 | 256.3 | 247.3 | |
Mimas | 0.942 | 209.1 | 196.2 |
La mesure des rayons sub-planète (i.e. en direction de la planète) et orbitaux (tangentiellement à l'orbite) attestent de la réalité d'une déformation causée par la planète autour de laquelle ils orbitent.
On peut pousser le raisonnement plus loin : si le satellite s'approche encore plus de la planète les forces de marée augmentent jusqu'à dépasser les forces de cohésion du satellite, en d'autre termes les déformations s'amplifient jusqu'à briser le satellite ! C'est en 1850 que le mathématicien Roche s'attaqua au calcul de la distance minimale à laquelle un satellite peut continuer à exister. Si on appelle Rs le rayon du satellite et Ms sa masse, sa densité, w sa vitesse angulaire de rotation, et r la distance à la planète (de masse Mp), la condition d'équilibre " forces de marée < forces de cohésion " s'écrit :
si on se place dans le cas général de la rotation synchrone w2 = [(GMp)/(r3)] on trouve :
le facteur numérique est faux car avant d'éclater le satellite passe par différentes étapes de déformations et de désagrégation progressive, après une étude plus fine Roche retiendra la valeur de 2,44 pour ce coefficient . Un bel exemple où se trouve mise en valeur cette limite de Roche est le système d'anneaux et satellites de Saturne . Le satellite le plus proche de la planète, Janus, se trouve à 2,63 Rs de celle-ci (pour les satellite de glace le rapport de la densité à la densité de Saturne vaut presque 1 ), en deça de cette limite il ne subsiste qu'un système d'anneaux débris ne pouvant s'agglomérer du fait des forces de marée .
Un autre ouvrage très complet sur le sujet (et sur la mécanique céleste) facilement abordable (mais découvert après la rédaction de cet article) : Les pommes de Newton par Jean-Marie Vigoureux dans la collection Jardin des sciences, publié chez diderot éditeur