Astronomie en Crau,
Phares Navettes

Observer les projecteurs de la Navette Endeavour à plus de 400 km d'altitude.
Saint-Martin de Crau le 3 décembre 2000 à 22h57.

Tout le monde a déjà observé des passages de satellites artificiels. Parmi eux, les Iridiums nous offrent des spectacles époustouflants.
Chacun sait que si on peut voir les satellites, c'est parce qu'ils sont éclaires par le soleil. Il est d'ailleurs toujours impressionnant de les voir disparaître subitement, au moment ou ils entrent dans le cône d'ombre de la terre.
Des éclipses au quotidien en quelque sorte !
Conséquence, en automne et en hiver le soleil étant longtemps bas sous l'horizon, il est impossible de voir des satellites en orbite basse, c'est à dire ceux qu'on voit à l'oeil nu, pendant une bonne partie de la nuit. Voila un fait bien établi.

Et pourtant...

Tout le monde a entendu parle de l'ISS, la Station Internationale, et des Navettes qui vont la ravitailler, à 380 km d'altitude, donc en orbite basse.
Il se trouve que pendant que la navette décharge son matériel, en volant sur le dos, elle passe régulièrement dans l'ombre de la terre.
Résultat, de gros projecteurs éclairent la soute et le bras télémanipulateur pour que le travail se poursuive.
Je laisse à Daniel Deak, spécialiste québécois de l'observation visuelle des satellites artificiels, le soin de nous décrire l'éclairage de la soute.

"J'ai fait un peu de recherche et j'ai trouvé un extrait du manuel de la navette qui parle des systèmes d'éclairage à bord. Pour la soute, il y a bien 6 projecteurs utilisant des lampes à arc. Elles sont au fond de la soute en 2 rangées de 3. Il y a un autre projecteur situé juste derrière la cabine qui est utilisé pour l'amarrage et dirigé vers le haut. Le bras télémanipulateur a lui aussi 2 petits projecteurs situés juste au dessus des caméras du poignet et du coude. Je n'ai cependant pas d'indications concernant la puissance de ces projecteurs."

Cet éclairage peut-il être vu depuis le sol ?
Hé bien oui, Daniel Deak, a réalisé une telle observation le 12 octobre 2000.
Faire ce genre d'observation, voila un beau challenge.
Il faut que plusieurs conditions soient réunies :
Etre sur la trajectoire de la Navette, que ses projecteurs soient éclairés, et qu'il fasse beau.

C'est ce qui s'est produit le dimanche 3 décembre 2000 dans le Sud de la France.

Reprenons le cours des événements.

Après des semaines de pluie et de temps couvert, enfin une soirée avec un ciel dégage. Le vent s'était calmé et l'humidité devait disparaître en début de nuit.
A partir de 22h locale, Saturne et Jupiter étaient bien placés pour se faire photographier, et la turbulence diminuait à vue d'oeil. Seules quelques brumes restaient au niveau de l'horizon.
La nébuleuse d'Andromède était bien visible à l'oeil nu, preuve d'un bon ciel.
A 22h30, j'ai trouvé sur la "Liste Alphonse" le message de Daniel Deak qui informait de conditions favorables pour l'observation de la Navette au Sud de la France à 22h57 heure locale.
Il restait peu de temps, mais c'était jouable.
Le ciel étant très dégagé sur la région d'Arles, je pensais que pas mal de gens étaient déjà prêts. Il ne fallait pas que je sois le seul à ne pas faire l'observation !
L'affichage de la projection du satellite sur le sol montrait que la Navette Endeavour devait arriver du Sud-Ouest.

satellites_sts97_globe.gif (7821 octets)
La trajectoire de la navette calculée par le logiciel SATF d'Alphonse Pouplier.
Le terminateur solaire, en pointillé, montre que la Navette est entrée dans le cône d'ombre de la terre au dessus de l'Amérique du sud, et n'était donc plus éclairée par le soleil.

Je l'ai donc attendue en balayant aux jumelles 7x50 au niveau de Gamma Pégase, à 35 degrés de hauteur pour ne pas être gêné par les brumes.
Le ciel fourmillait d'étoiles.
Un peu avant 22h 56, un point brillant est apparu, immanquable, magnitude 7 au moins.
Il est passé un peu à l'Est de Gamma Pégase.
Aux jumelles, le déplacement était très rapide.
Rapidement, sa luminosité a augmenté, régulièrement.
J'avais l'impression de ne voir que ça dans le champ de mes jumelles.
Il est venu passé juste à coté de Gamma Andromède que j'ai eu dans le champ, pratiquement au zénith.
A ce moment-la, je n'aurais pas été étonné qu'il soit visible à l'oeil nu, mais je n'ai pas eu le temps de vérifier.
En fait, il est vraisemblable qu'un objet qui se déplace et qu'on suit au centre d'un instrument paraisse plus lumineux que les étoiles qui filent à coté. J'ai donc dû surestimer inconsciemment sa luminosité.
Coup d'oeil à mon réveil radio-piloté, il est 22h 56min 36s environ.

Le lendemain matin, Daniel Deak qui avait eu connaissance de mon observation, a confirmé qu'il s'agissait bien de la Navette.

" Bonsoir ou bonjour à tous,
Après analyse de l'observation d'Etienne Simian, j'en conclus qu'il s'agissait bien du duo ISS-Navette. Ce sont bel et bien les projecteurs dans la soute de la Navette qui éclairaient l'ensemble.
C'est donc une preuve de plus pour affirmer que la navette peut être observée lorsqu'elle est dans l'ombre de la Terre et quand il y a une sortie en cours.
Daniel Deak
représentant, projet spatial Starshine
Drummondville, Quebec
COSPAR site 1746 : 45.8537°N, 72.4857°W, 90 m., UTC-5:00
Site en français sur les satellites:
French-language satellite web site : http://www.obsat.com "

 

Alphonse Pouplier a fort aimablement salué cette observation en faisant une représentation du ciel avec la trajectoire du duo Navette-ISS.

satellites_sts97_carte.gif (5903 octets)
"J'étais derrière toi, Etienne, avec mon appareil et j'ai fait cette photo"

 

Voir les phares d'une station orbitale à environ  400 Km de distance, en pensant que la-haut des hommes sont en train de travailler pour faire progresser la science, c'est vraiment extraordinaire.

Cette observation n'aurait pas été possible sans l'aide de Daniel Deak et d'Alphonse Pouplier ainsi que des colistiers de la "Liste Alphonse" qui communiquent à tous l'envie d'observer les satellites artificiels. Qu'ils en soient remerciés.


Des sites pour en savoir plus :
http://users.skynet.be/alphonse/  le site d'Alphonse Pouplier.
http://www.obsat.com/  le site de Daniel Deak.

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Dernière mise à jour : 13/12/00