La fabrication d'un coronographe d'amateur
Dans ma « carrière » dastronome amateur, jai eu très peu souvent loccasion dobserver les protubérances. Quelque rares fois dans des coronographes damateurs et une fois pendant une éclipse de soleil en Afrique. Jai gardé des ces visions fugitives, le souvenir dune émotion intense. Malheureusement ces images superbes sont bien trop rares. Je voudrais remercier là, les amateurs qui mettent à la disposition du public leurs coronographes permettant ainsi à beaucoup de personnes de voir, souvent pour la première fois, des protubérances « en vrai ».
La formule optique du coronographe
Le coronographe a été inventé en 1930 par Bernard Lyot, travaillant à lépoque à lobservatoire du Pic du Midi. Ce brillant ingénieur comprit que pour observer les protubérances, il ne suffisait pas de placer un cache masquant le Soleil. Le principal problème vient du fait que lon observe les protubérances à proximité immédiate du Soleil, ce dernier étant environ 1 000 000 de fois plus brillant. Il fallait donc pour cette observation un instrument débarrassé de toute lumière parasite. Or, le comportement ondulatoire de la lumière provoque de la diffraction sur le bord de lobjectif. Cette lumière diffractée ne suit plus le chemin géométrique de la lumière et vient donc perturber lobservation, car elle nest plus arrêtée par le cache masquant le soleil.
Il faut aussi faire attention aux conditions dutilisation du filtre. La longueur donde centrale de la bande passante de ce filtre dépend de langle avec lequel les rayons attaquent la surface du filtre. Il faut donc le placer à un endroit où le faisceau de lumière est aussi parallèle que possible. Cela est généralement fait en dédoublant lobjectif O3, qui devient donc O3 et O3. Le filtre est placé ensuite entre ces deux objectifs. On peut noter que si O3 et O3 ont la même focale, la taille du soleil au foyer final, est sensiblement la même quau foyer de lobjectif (linfluence de O2 étant très faible sur le grandissement). Si on veut changer léchelle de limage finale, on peut prendre des focales différentes, alors la taille de limage variera dans le rapport focale de O3 sur focale de O3.
Nous voyons donc que linstrument fonctionne sur une seule longueur donde (instrument monochromatique). Cela permet dutiliser comme objectif, une lentille simple, non achromatique, mais qui doit alors être asphérisée. En réduisant le nombre de surfaces sur lobjectif (par rapport à un doublet) on réduit les causes de diffusion de lumière par les poussières ou les défauts de polissage. On note aussi que lobjectif doit être dun très bon niveau de polissage (super poli ou polissage basse rugosité). En général, la réalisation d un objectif de coronographe est hors de portée des amateurs.
On peut noter que linstrument conçu par Bernard Lyot était fait pour lobservation de la couronne solaire dans différentes longueurs donde. Il était donc équipé de différents occulteurs (une lentille simple donne des images du soleil de tailles différentes en fonction de la longueur donde) et des différents filtres. Les amateurs ont tendance à nutiliser quune facette de cet instrument, lobservation des protubérances. Cette observation a le mérite dêtre la plus spectaculaire et ne nécessite pas un ciel de haute montagne. Donc à proprement parler, linstrument ne devrait pas se nommer « coronographe », mais plutôt « protubérantoscope ».
Je suis désolé pour le paragraphe qui suit, mais on est bien obligé de faire un peu de calcul optique lorsque lon veut concevoir un coronographe. Donc voici le minimum à utiliser pour la conception.
A : objet
A : image de lobjet
F : foyer image de la lentille
ce qui donne:
Il ne faut pas oublier que SA SA et SF sont des quantités algébriques, cest à dire quelles peuvent être positives ou négatives. Généralement, sur les schémas, on choisit la lumière venant de la gauche et le sens vers la droite comme le sens +, tandis que vers la gauche donne un sens moins. Dans notre exemple SA (vers la gauche) est négatif, tandis SA et SF sont des quantités positives (vers la droite).
Une formule simple permet aussi de calculer le grandissement (noté gamma) :
Limage est gamma fois plus grande que lobjet. Les quantités sont toujours algébriques. Si gamma est négatif, cela veut dire que limage est à lenvers par rapport à lobjet.
Ma conception
Ma conception ressemble beaucoup à celles dautres amateurs ayant fabriqué leur coronographe. Lidée est de partir dune lunette astronomique du commerce. La mienne, est une lunette 90/1000 de fabrication chinoise vendue sous la marque Vivitar. Lobjectif est un doublet achromatique. Nous sommes donc loin de la formule optique « pure » qui préconise une lentille simple asphérisée. La dégradation du contraste est contrebalancée par un coût de fabrication très nettement plus faible. Il est préférable davoir une lunette de focale assez longue (1m ou plus). Vous éviterez ainsi de faire de la miniature lors de la réalisation du cône et des disques occulteurs. Ce qui importe, cest aussi le rapport F/D de linstrument qui va directement influencer léchauffement du cône. F/D 10 est un minimum, mais 12 ou 15 serait préférable.
Le cône et le disque occulteur sont maintenus sur une vis dont la tête est collée
sur la lentille O2. Le défaut de cette méthode se situe dans la largeur de la tête de
vis (bien que les vis BTR sont celles qui ont la tête la moins large).
Un tracé des faisceaux optiques permet de voir que la lumière passe à environ 1mm de la tête de vis. Il va donc falloir faire très attention lors du collage. Le cône est en inox et sa surface a été polie afin de refléchir au mieux la chaleur. La lentille O2 est une lentille plan-convexe en BK7 faisant 37 mm de diamètre et 128 mm de focale. Elle est achetée chez Astam pour 12,6 port compris. Il faut faire attention, car toutes les focales ne sont pas utilisables, si la focale est trop longue, limage de lobjectif (donc le diaphragme) peut se retrouver au delà de O3 (cas impossible). Vous pouvez prendre comme base, davoir la focale de O2 comprise entre les 2/3 et les ¾ de O3.
Le porte oculaire dorigine na pas été utilisé, car sa grande course nécessiterait des objectifs O3 et O3 de focale égale à 300 mm ou plus, ce que je navais pas. Jai donc utilisé un porte oculaire 2 de type crayford originaire des pays de lEst. Ce porte oculaire avec sa course faible (35mm), reste compatible avec un objectif O3 de 200 mm de focale. Des essais, en ne montant que O3 devant le porte oculaire, ont permis de déterminer la meilleure position du doublet afin de pouvoir faire la mise au point avec des oculaires et instruments variés (oculaires divers, boîtier photo, webcam ). Le coronographe sera utilisé avec un oculaire Plossl de 32mm de focale. Cet oculaire donne un champ denviron 1°. Pour pouvoir grossir beaucoup (visuel ou photo), il est nécessaire de pouvoir décentrer loculaire. Comme mon porte oculaire est en coulant 2 pouces (50,8 mm), il est très facile de fabriquer un adaptateur 2 pouces pour les oculaires 31,75 dans lequel loculaire est décentré dune valeur égale au rayon du Soleil au foyer, soit environ 5mm. En tournant cette pièce, on peut faire le tour du soleil.
Ma réalisation
Lorsque jai récupéré la lunette, je me suis aperçu que le barillet de lobjectif (et donc lobjectif aussi) était monté de travers. Lobjectif était penché denviron 2°. Nayant aucune vis de collimation jai donc essayé de démonter le barillet. Après avoir démonté les lentilles de lobjectif, jai essayé de dévisser le barillet, mais rien nest venu. Jai donc supposé quil était collé. Jai essayé de lôter en chauffant au sèche cheveux (en espérant réduire la puissance de la colle), mais rien ny a fait. Jai fini par le séparer du tube en frappant au marteau, avec lintermédiaire dune cale en bois. Et il y avait bien un filetage ! Mais à lextrémité du tube, le filetage très fin était recouvert dune bonne couche de peinture Le barillet ne pouvait donc sy visser. En usine, le technicien a donc forcé jusqu'à ce que cela veuille bien se mettre en place, mais malheureusement de travers (les joies de loptique made in china ). Ayant abîmé les restes de filetage lors de lopération, je me suis vu contraint de faire sauter le filetage sur le barillet (au tour) puis jai collé le barillet sur le tube à l'Araldite. Cest maintenant totalement indémontable, mais cest dans laxe. Au passage, jai pu constater une nette amélioration de la qualité dimage.
Toutes les pièces de tour ont été réalisées par un petit artisan situé non loin de chez moi. Je me suis contenté de faire les perçages et taraudages. La lentille O2 comme le diaphragme sont montés dans des épaulements faits dans des rondelles dalu de 77mm de diamètre et de 5mm dépaisseur. Un jeu de 0,1mm a été laissé entre les rondelles et le tube dans lequel elles vont se monter. La lentille comme le diaphragme sont maintenus par trois rondelles et trois vis de 4 mm. Le corps principal fait le même diamètre que les grandes rondelles. Des vis sans tête permettent de fixer les objectifs O3 et O3 par leur tranche. Le filtre H-alpha est fixé de la même manière que la lentille O2 ou le diaphragme.
Procédure de réglage
- Monter lobjectif O3 dans le corps central puis y fixer le porte
oculaire, le renvoi coudé et un oculaire.
- Viser un objet situé à linfini et bloquer la mise au point.
- Monter lobjectif O3, le diaphragme, lensemble cône+O2 (utilisez le
disque occulteur le plus grand que vous avez).
- Translater la lentille O2 de façon à voir le disque occulteur net dans
loculaire. Un pied à coulisse permet, en mesurant le long des trois tiges,
dobtenir un bon parallélisme des différents éléments.
- Régler la position et la taille du diaphragme, soit par le calcul soit sur un banc
optique (en ayant mis un objet lumineux simulant lobjectif et en plaçant le
diaphragme où limage est nette).
- Monter lensemble dans le tube de la lunette et viser un objet à linfini.
- Faire coulisser les deux tubes, de façon à ce que limage de lobjet
apparaisse nette en même temps que le disque occulteur.
- Démonter le porte oculaire et lobjectif O3
- Monter le filtre H-alpha, lobjectif O3 et le porte oculaire.
- Pointer le soleil.
- Si en observant vous vous apercevez que la mise au point nest pas la même pour le
disque occulteur et pour les protubérances, il faut faire coulisser les deux tubes afin
darriver à ce résultat.
Utilisation
On constate rapidement que la qualité du ciel est prépondérante. Un ciel bien bleu avec une bonne transparence donne de très belles images (même en plaine). Par contre, le moindre léger voile de nuage daltitude fait baisser dune manière considérable le contraste des images.
Résultats
Conclusions
Finalement, jai trouvé la conception et la construction plutôt aisées et motivantes. Lorsque vient le moment de la première image, il mest venu une pensée : pourquoi avoir attendu autant dannées ?. Vous qui, comme moi, hésitez depuis longtemps, lancez-vous dans laventure, vous ne le regretterez pas. Cette réalisation, comme celles qui sont indiquées en références, permettent de défricher le terrain afin de construire de mieux en mieux. Si vous avez une question sur nimporte quel point concernant le coronographe, nhésitez pas, contactez-moi.
Jespère, par cet article, avoir démontré que la réalisation dun coronographe damateur est à la portée de tous. Il ny a pas besoin de sommes dargent astronomiques, ni de grosses compétences en optique ou en mécanique. Il suffit dêtre motivé et en quelques temps vous voilà prêt à observer le soleil sous lune de ses facettes les plus spectaculaires.
Références:
Je tiens particulierement à remercier les personnes suivantes pour leurs précieuses pages (web, mais de livre aussi) qui m'ont beaucoup aidé dans cette réalisation.
- Site
web des Rondi
- Site web de
Bertorello
- Site de
Claude Richard
- « Astronomie Guide de lamateur » tome I par
Patrick Matinez
- Filtres Andover : http://www.andcorp.com
(revendus en France par LotOriel)
- Astam (petits composants optiques)