Les principaux défauts réels des surfaces optiques engendrées par différentes techniques de polissage

par

Jean TEXEREAU

[Cet article est paru initialement dans le bulletin Ciel et Terre, de la Société belge d'Astronomie, de Météorologie et de Physique du Globe, Bruxelles, LXVIe année, n° 3-4, mars -avril 1950]

1 - Introduction
2 - Classification sommaire des accidents d’une surface d’onde

A - Défauts d’abrasion
B – Défauts de forme
3 - Surfaces étudiées
4 - Procédé d’examen pour les accidents d’abrasion
5 - Procédés de contrôle pour les accidents de forme de grande et moyenne amplitude
6 - Procédé de contrôle pour les petits accidents de forme
7 - Polissage au H.C.F. et au rouge. Miroir n°1 - planche I A
8 - Polissage au papier et au rouge. Miroir n° 4 - Planche I B
9 - Polissage à la poix cirée et au rouge. Miroir n° 2, état 6 - Planche I C
10 - Polissage à la poix et au rose. Miroir n°2, état 1 – Planche II D
11 - Retouche locale avec une gomme garnie de taffetas de soie et du rouge. Miroir n° 2, état 3 - Planche II E
12 - Retouche locale avec le doigt (pouce) et du rouge. Miroir n°2, état 5 – Planche II F
13 - Polissage à la poix et au rouge. Miroir n°3 – Planche II G
14 – Choix d’une technique de travail
BIBLIOGRAPHIE

1 - Caractériser par un chiffre unique la qualité d’un objectif, lui donner une note en quelque sorte, est une simplification commode, qui rend des services, mais reste insuffisante dans bien des cas. On connaît les discussions, les interprétations variées, les critiques dont fut l’objet le fameux critérium de Hartmann [1] [2] qui est censé résumer la gravité des aberrations transversales.

Parce qu’elle est fondée sur une propriété physique et non sur un simple traitement mathématique, plus ou moins alambiqué, la célèbre règle du quart d’onde de Lord Rayleigh [3] a rendu beaucoup de services, on peut, la formuler ainsi :

Un bon objectif donne une onde émergente qui est comprise toute entière entre deux sphères concentriques dont les rayons diffèrent au plus de un quart de longueur d’onde.

Sans tenter d’amoindrir la porté pratique de cette règle qui suffit dans beaucoup de cas, il faut mettre en garde contre les interprétations abusives très répandues qui veulent voir dans cette limite du quart d’onde le critérium de la qualité insurpassable à un tel point que souvent on considère comme puérils les efforts de l’opticien pour faire mieux ; on dit « qu’il a dépassé le but », parfois même des opticiens de seconde zone prétendent que l’approximation de /2, quand ce n’est pas une longueur d’onde entière, peut suffire !

En fait, une surface optique (et par conséquent l’onde émergente) d’un objectif réel, est un être physique extrêmement complexe, il ne saurait être question de prévoir complètement les répercussions de ses accidents sur l’image, au moyen d’un paramètre unique.

Avant d’en tenter une analyse un peu plus serrée, rappelons quelques résultats acquis susceptibles de modérer notre enthousiasme pour les objectifs à /4 :

Tout d’abord n’oublions pas un facteur primordial qui n’est plus du domaine de l’opticien, mais ruine souvent son travail : c’est la turbulence atmosphérique. A la suite de campagnes de prospection sur la qualité des images en différents lieux, A. Danjon [4] a formulé une remarque importante ; il faut ajouter aux défauts de l’objectif, les perturbations atmosphériques, qui altèrent l’onde incidente (et émergente aussi s’il y a des hétérogénéités thermiques dans l’air du tube de l’instrument). La somme dépasse naturellement le quart d’onde beaucoup plus fréquemment, pour ne pas dire continuellement, si l’objectif a des défauts propres déjà voisins de cette limite; un tel objectif est donc plus sensible à l’agitation atmosphérique, ce qui n’est évidemment avantageux que si c’est la turbulence que l’on étudie.

La plus petite altération perceptible de la figure focale de diffraction d’une étoile, qui a servi de base à Rayleigh, pour formuler sa règle n’est pas le critère le plus sensible pour déceler les défauts d’un objectif sur les images, la dissymétrie des plages légèrement extrafocales est déjà visible pour un écart de tautochronisme de /10.

Sans pouvoir malheureusement formuler bien nettement leurs impressions, les observateurs de planètes parlent souvent de faibles contrastes plus ou moins bien vus avec différents objectifs de puissances comparables mais ayant une « personnalité » particulière, au point qu’ils arrivent à reconnaître l’objectif employé à la seule inspection de l’image de Mars par exemple [5]. Une étude de M. Françon [6] a montré effectivement que dans le cas des plus faibles contrastes perceptibles ( = 0,03) l’efficacité d’un instrument corrigé à /4 tombe à 0,62, tandis qu’avec des défauts résiduels ne dépassant pas /16, elle reste égale à 0,92.

Le critérium simple le plus satisfaisant est sans doute celui de A. Danjon et A. Couder [7] qui associe la règle de Lord Rayleigh avec la nécessité d’avoir en même temps des aberrations transversales plus petites que le rayon de la tache de diffraction.

Mais depuis longtemps A. Couder avait eu l’occasion d’observer et de signaler [8] des défectuosités particulières de la surface de l’onde, souvent très peu élevées mais parfois assez graves en raison de leur pente ou de leur périodicité ; en 1944 il a résumé beaucoup d’idées fécondes en une note [9] directement inspiratrice du présent travail.

De son côté en 1935, F. Zernike [10] a donné l’explication de la méthode par contraste de phase qu’il venait de découvrir en décrivant justement ce « réseau de phase » qu’est une surface d’onde perturbée par des petits vallonnements périodiques.

L’étude de la lumière diffractée très loin de l’image centrale devait conduire plus récemment B. Lyot [11] à trouver sous une autre forme une méthode par contraste de phase qui nous révèle toute une classe d’accidents très mal connus jusqu’à présent et qui mérite, croyons nous, une certaine attention.

2 – Classification sommaire des accidents d’une surface d’onde

Nous n’étudierons pas ici des défauts engendrés par réfraction, mais seulement ceux des surfaces optiques elles-mêmes.

Appelons a (fig. 1) la hauteur d’un défaut qui représente l’écart de tautochronisme ; b le largeur de l’élément d’onde incliné ; p = a/b la pente correspondante.
 
Fig. 1. – Les principaux défauts de forme.

Nous pouvons avec ces 3 paramètres établir une classification suffisante des accidents réels ; ceci est encore plus important pour l’opticien que pour l’usager, car nous verrons que chaque sorte de défaut a le plus souvent, une origine différente dans la technique de travail employée ; les conditions qui permettent leur élimination efficace ne sont pas toujours compatibles et il faut savoir choisir en fonction du but que l’on vise.

Distinguons tout de suite deux classes très différentes et nettement tranchées (1) :

A. Défauts d’abrasion.a et b sont le plus souvent petits et du même ordre de grandeur, par conséquent la pente p est considérable et de l’ordre de 1.

B. Défauts de forme. a est limité (dans le cas de surfaces finies) à un quart d’onde au plus mais peut descendre à 1/10000 d’onde toute en restant très décelable, b peut varier aussi dans de grandes limites depuis le rayon du miroir jusqu’à 1/10 de mm. La pente des ses défauts est toujours très faible ; dans le cas d’une bonne surface elle est de l’ordre de 10-6 à 10-5 au plus.

On peut chiffrer quantitativement la lumière éparpillée dans tous les cas au prix d’hypothèses simplificatrices plus ou moins suffisantes, nous nous contenterons de mentionner l’effet général pour les principales catégories, étant entendu qu’une étude directe de la répartition de l’énergie hors de l’axe est toujours à conseiller à l’observateur.

A - Défauts d’abrasion

1°) Piqûres de « gris ».a et b sont de l’ordre du micron, la lumière parasite est diffractée dans un angle solide considérable de plusieurs dizaines de degrés. Il y a aussi des micro piqûres qui ne sont visibles qu’avec un puissant éclairage ultramicroscopique et qui diffractent très peu de lumière dans toutes les directions.

2°) Rayures.- a et b sont de l’ordre du dixième de millimètre ; pour avoir une idée de leur gravité il faut préciser d’autres paramètres ; si une rayure est rectiligne et assez longue, une aigrette de diffraction orthogonale sera observable avec une étoile assez brillante, mais si elle est courbée l’effet sera éparpillé et le plus souvent insensible.

3°) Filandres.- a et b sont de l’ordre du micron, la longueur de l’ordre du centimètre ; ces très fines rayures peuvent exister à l’état d’anomalie (quelques unes sur tout le verre) et l’effet optique sera le plus souvent négligeable ; ou bien être très nombreuses et l’effet sera comparable à celui du « gris ». On peut mentionner aussi les micro-filandres, invisibles par les moyens ordinaires, qui peuvent être très nombreuses sur une surface polie avec une régime doux, mais dont l’effet optique est à peu près négligeable dans tous les cas.

B – Défauts de forme

1°) Défauts de grande amplitude.a peut atteindre le quart d’onde ; b est de l’ordre de plusieurs centimètres, la pente de quelques 10-6 au plus. Ce sont des défauts classiques, les plus graves par leur répercussion directe sur la figure centrale de diffraction ou son voisinage immédiat. Il faut distinguer aussi les défauts zonaux des défauts astigmates. Nous n’insistons pas, un bulletin de contrôle comportant l’analyse de ces défauts accompagne chaque objectif astronomique bien exécuté.

2°) Défauts d’amplitude moyenne.a est de l’ordre de quelques centièmes d’onde et b de l’ordre du centimètre.

a) Accidents locaux. – Veine superficielle du verre (la pente peut dépasser 10-5 avec la bonne glace), trace de polissoir local d’effet généralement négligeable.

b) Accidents assez nombreux plus ou moins périodiques : mamelonnage principal.- Le résultat peut être grave, dans les cas extrêmes (travail à la machine non surveillé) l’altération de la figure de diffraction est nettement visible, il y a dislocation des anneaux de diffraction à partir des n° 2 et 3 qui sont remplacés par un poudroiement lumineux, un effet analogue particulièrement désastreux est produit par les remous de turbulence qui peuvent déchiqueter l’onde incidente en petits éléments très inclinés. Les contrastes planétaires sont atténués et l’image empâtée.

3°) Défauts de petite amplitude : micromamelonnage.a est de l’ordre du millième d’onde (quelques Angströms) b est de l’ordre du millimètre, comme pour les grands défauts de forme la pente est comprise entre 10-6 et 10-5.

On ne doit pas considérer ces défauts comme des anomalies locales, mais comme un état général de la surface, il y en a des millions sur un verre ; aussi ne faut-il pas s’étonner que même si leur répartition n’est pas très régulière, une portion appréciable du miroir peut se trouver en phase loin de l’axe et produire un spectre de diffraction. La lumière diffractée surtout jusqu’à 1° de l’axe environ peut atteindre dans les cas graves (a environ 30 Å ; b environ 1 mm) plusieurs millièmes de l’énergie totale à 2’ de l’axe. Elle saute aux yeux si l’on fait sortir du champ un objet brillant, elle compromet beaucoup plus sérieusement que bien des accidents d’abrasion la détection de la couronne solaire avec un coronographe de Lyot.

Mentionnons enfin pour mémoire les accidents élémentaires possibles que l’on pourrait peut-être étudier par incidence rasante avec un microscope électronique ; nous ne disposons pas du matériel nécessaire pour avoir le moindre renseignement permettant de les classer ou même de reconnaître leur existence.

3 - Surfaces étudiées

Au cours des vacances de 1948 et 1949 nous avons taillé et étudié quatre miroirs sphériques concaves, quasi identiques, de 125 mm de diamètre et 2000 mm de rayon de courbure.

Le choix de ces caractéristiques est un compromis entre notre désir de pouvoir extrapoler, avec assez de sûreté, les régimes de polissage types, pour le travail de grosses pièces d’optique astronomique, et les nombreuses complications que la taille et l’étude de grands miroirs eut comportées. D’ailleurs la plupart des caractéristiques du travail exécuté à la main à poste fixe furent choisies d’après une expérience reposant sur l’exécution d’une cinquantaine de pièces d’optique de 20 à 60 cm de diamètre.

Il est évidemment préférable d’étudier les défauts de surfaces avec des miroirs au lieu de lentilles ; non seulement la perturbation sur l’onde est quatre fois plus grande que par réfraction (avantage partiellement annulé par l’obligation d’utiliser seulement une réflexion vitreuse) mais surtout on est sûr d’éviter sa composition avec les défauts de l’autre face et les hétérogénéités internes de la matière.

Les miroirs sont numérotés 1-2-3-4. Les n° 1-2 et 4 en glace de St Gobain de 15 mm d’épaisseur dont la biréfringence ne dépasse pas 30 à 40 m (recuit spécial), le réseau de fils internes sans grosse anomalie, n’a que peu ou pas de rapport avec les veines saillantes très apparentes visibles sur les clichés. Le n° 3 est en verre d’optique de premier choix, c’est un boro-silicate crown ordinaire (B 1864 de chez Parra Mantois) de 15 mm d’épaisseur spécialement et soigneusement choisi pour cette expérience, sa trempe de dépasse pas 10 m. Le n° 2 a été retravaillé 6 fois par des techniques différentes, pendant des temps suffisamment prolongés pour être sûr de la pureté du résultat dans chaque cas.

Ne pouvant songer à formuler des règles ayant un caractère de généralité suffisant en ce qui concerne les défauts de grande amplitude qui dépendent de facteurs inextricables, nous avons seulement retenu les procédés qui permettent d’obtenir avec un grand outil de surfaces d’une vingtaine de centimètres pas trop déformées avec une approximation de /10 au moins. En fait pour ces miroirs expérimentaux, surtout destinés à l’étude des petits et moyens accidents, nous avons souvent laissé subsister des grands défauts voisins du quart d’onde, pour éviter des perturbations de régime qui auraient diminué la netteté des résultats en ce qui concerne les petits accidents. Les petits accidents ne dépendent en effet que de la technique et du régime de polissage ; les cas que nous examinerons sont tout à fait reproductibles. Nous avons tâché pour chaque exemple de définir le mieux possible le régime employé. Il n’est pas facile de décrire, même au prix de lourdes périphrases, les termes consacrées les plus banals qui ont une signification précise mais comportent une réaction, très complexe à analyser, des praticiens exercés vivant au contact des réalités expérimentales ; c’est surtout à eux que nous nous adressons. Pour abréger nous désignerons l’oxalate ferreux calciné par l’opticien lavé et tamisé, sous le nom de rouge et l’oxyde de cérium industriel pour l’optique sous le nom de rose.

4 - Procédé d’examen pour les accidents d’abrasion

Un condenseur achromatique C (fig. 2) focalise sur la surface étudié M, l’image d’un filament ramassé d’une lampe à bas voltage L de 6 V 32 b (phare d’auto) en régime poussé à 8 V Cette image de grande brillance n’a que 4 mm de côté environ.
 
Fig. 2 : Dispositif pour l’examen et le dénombrement des accidents d’abrasion.

Un microscope binoculaire B vise la plage éclairée, mais de façon à ne recevoir que la lumière diffractée par les accidents à une vingtaine de degrés de l’image régulière. L’ouverture numérique des objectifs du microscope est de 0,03 et les oculaires donnent un grossissement final de 36.

A titre d’indication, ce montage permet de compter environ 80 piqûres au millimètre carré, sans parler d’un brouillard de micropiqûres et des microfilandres, sur une surface où un œil expert très myope ou armé d’une bonne loupe ne voit absolument rien, même dans une pièce sombre en utilisant le voisinage de l’image réfléchie d’un filament de lampe ordinaire.

Pour apprécier l’efficacité des différentes méthodes de polissage, on dénombre les piqûres décelables avec ce montage dans de nombreuses plages réparties sur tout le verre. Naturellement, la qualité du douci a une grande influence, la répartition numérique par grosseur des accidents d’abrasion est une courbe en cloche, qui peut être assez évasée avec un émeri mal trié, mais qui tombe très vite si l’émeri et l’opérateur sont de premier ordre, nous avons cherché à reproduire le mieux possible le même douci pour les quatre miroirs travaillés verre sur verre avec de l’émeri 60 minutes très bien débourbé ; cependant, à titre d’indication, un dos de miroir a été douci sur un plan en laiton avec un raffinage soigné poussé au noir (la courbe correspondante sur la fig. 3 n’est donc pas entièrement comparable aux autres) ; cette façon de faire régularise beaucoup les dimensions extrêmes des fractures, mais elle est très délicate à appliquer à des verres de plus de 25 cm de diamètre.
 
Fig. 3 : Progrès du polissage en fonction du temps.

L’allure générale du progrès du polissage en fonction du temps est une exponentielle (fig. 3), sauf au début du travail parce qu’il est évident que le nombre d’accidents que l’on peut compter est fini et voisin de 4 à 5000 au plus par mm² avec notre appareil, et à la fin où des discontinuités considérables peuvent résulter d’une seule séchée mal conduite : on ne marque pas nécessairement un progrès en continuant de polir un verre ayant moins de quelques piqûres par millimètre carré. Si les accidents qui restent proviennent d’une faute de douci (changement d’émeri trop rapide par exemple) ; en cherchant à les niveler, on n’obtiendra guère que des accidents supplémentaires et de même avec un procédé de polissage trop peu efficace (papier).

Remarquons qu’il suffit de trois ou quatre dénombrements au début du polissage d’une grosse pièce pour reconnaître si elle est polissable de façon satisfaisante et en combien  de temps à régime constant.

5 - Procédés de contrôle pour les accidents de forme de grande et moyenne amplitude

Les méthodes de la lame de couteau de L. Foucault et par contraste de phase de F. Zernike (loc. cit.) ont été conjointement employées, les résultats obtenus par la méthode de Zernike ne sont pas donnés ici, bien qu’ils soient parfois intéressants dans le cas d’accidents petits et moyens, mais il faudrait des planches en couleur pour reproduire nos clichés sur autochrome, dont la structure est d’ailleurs un peu grossière.

Pour l’interprétation des Foucaulgrammes, il faut prévenir ceux qui pratiquent la méthode des ombres avec des sources constituées par de simples trous ronds plus ou moins mal éclairés avec des flammes ou des lampes de faible brillance, que tous les petits et moyens accidents reproduits planche I et II sont invisibles dans ces conditions ; seuls les accidents à grande amplitude sont décelables, avec des ombres peu contrastées, au moyen de tels montages. La source employée ici est un arc à vapeur de mercure à haute pression dont la colonne lumineuse est projetée et focalisée sur une fente avec un système de lentilles, la fente a 4 mm de hauteur et sa largeur est 10 à 20  en général, c’est à dire qu’elle est moins large que la figure de diffraction (faisceau à f/16). Le couteau est à droite dans tous les cas ; on a donc la représentation correcte du relief en imaginant l’éclairage fictif rasant venant de la gauche. La chambre photographique munie d’un petit objectif astronomique de 47 mm d’ouverture n’admet pour les Foucaultgrammes qu’un faisceau diffracté d’un douzaine de millimètres (les petits accidents sont étudiés par la méthode de Lyot), le tirage est de 520 mm et les originaux sont agrandis environ quatre fois sur les fragments reproduits planches I et II où les accidents du verre figurent échelle grandeur.

Les grands défauts de forme voisins du quart d’onde, qui sont enregistrés sur les clichés, ont été exploités pour une appréciation photométrique de l’importance des accidents moyens et petits aux prix de l’hypothèses suivante qui n’est pas rigoureuse à cause de la diffraction :

Deux points de la surface d’onde ayant même pente (mais appartenant à des éléments inclinés de largeur différentes) sont enregistrés sur le Foucaultgramme avec des densités égales.

Le profil du grand défaut est déterminé avec une approximation surabondante par des mesures directes d’aberration ; souvent il s’agit de 2 zones, chacune isolément bien sphérique, mais de rayon de courbure légèrement différents (mesure de différence d’abscisses des positions d’extinction en teinte plate) ; on recherche sur la photographie le point de la zone aberrante qui a même densité que le petit défaut considéré ; la pente une fois trouvé, un simple rapport de similitude donne la hauteur du petit accident. Si, l’on prend garde de ne pas choisir de petites plages latérales à un défaut net qui diffracte beaucoup, la concordance avec les déterminations obtenues d’une façon toute différente par la méthode de Lyot est meilleure qu’à 10 % près.

6 - Procédé de contrôle pour les petits accidents de forme

La merveilleuse méthode de B. Lyot (loc. cit.) n’étant pas encore très connue, il n’est sans doute pas inutile de s’y arrêter un peu longuement. Un schéma d’interprétation sommaire avec la représentation de Fresnel nous dispensera d’une longue théorie (fig. 4).
 
Fig. 4. Interprétation de la méthode de Lyot.

Une vibration perturbée représentée par un vecteur OM (fig. 4 A) peut être considérée comme équivalente aux deux vecteurs OP et ON obtenus par projection sur des axes en quadrature, OP représente la vibration régulière et ON la fraction beaucoup plus petite diffractée par les accidents. La méthode de Lyot consiste à affaiblir le vecteur OP de manière à l’égaliser à peu près avec ON (fig. 4 B) puis, toujours sans toucher à ON, à le déphaser de /2) ; alors il sera soit en phase avec ON et l’amplitude sera doublée (fig. 4 C), soit en opposition et l’on aura l’obscurité (fig. 4 D).

En appelant x la hauteur du défaut sur l’onde et N l’absorption de l’onde incidente, M. Lyot donne la formule suivante pour l’intensité en chaque point de l’image :

Le contraste est donné par le second terme de la parenthèse, on voit que la sensibilité de la méthode est multipliée par la racine carrée de l’absorption que l’on fait subir à l’onde normale, mais naturellement il faut que les défauts à étudier diffractent assez peu de lumière pour justifier une telle absorption.

La fig. 5 donne la disposition de notre appareil qui utilise d’ailleurs la plupart des pièces de montage pour la méthode de Foucault.
 
Fig.5. Disposition générale pour le contrôle par la méthode de Lyot.

En M le miroir est placé sur un support à contacts géométriques avec son dos poli en immersion contre une glace noire ; le baume de Canada permet une extinction presque totale du reflet dorsal. La face concave en examen est nettoyé comme pour un traitement par évaporation dans le vide, en faisant plusieurs séchées de bouillie ammoniacale de carbonate de calcium, le dernier essuyage au coton hydrophile en insistant longuement jusqu’à obtenir des figures de souffle très régulières. En S se trouve la source qui est celle de l’appareil de Foucault : arc au mercure à haute pression, condenseur, prisme à réflexion totale et fente, mais cette dernière est élargie cette fois à 100 ou 200 . (On n’étudie plus que les défauts assez petits pour diffracter loin de l’image centrale, et il faut beaucoup de lumière.)

La lame de phase L, d’un style déjà employé par M. Françon est B. Lyot, est une semi aluminure faite sur une glace optique ç faces planes et parallèles, on la réalise en mettant sur la lame une fente dont le biseau est tourné du côté de l’évaporateur de la cloche d’aluminure et dont la largeur est de 4 à 500.

La semi-aluminure, d’une densité de 2 ou 3 par exemple, ne laisse donc passer que 1/100 ou 1/1000, de l’image régulière de S et produit en outre le déphasage désiré qui est une avance suffisamment voisine du quart d’onde, paraît-il, même pour des densités assez différentes et de l’ordre de 3. Les premiers déphaseurs décrits par B. Lyot permettent un déphasage variable et certain, mais leur construction est moins facile ; nous avons également obtenu à titre de contrôle des effets complémentaires au moyen de lames de phases simplement réalisés en copiant une fente sur une plaque de Lactate (tous ceux qui tirent des diapositives ont pu remarquer comme nous le relief des traits), dans la plage exposée, la gélatine a une épaisseur plus grande et son indice de réfraction est sans doute changé ; quoi qu’il en soit, après quelques essais et en se limitant à des densités peu supérieures à 1,5, on obtient des lames utilisables, mais qui, étant donné leur structure et les défauts optiques du support, ne valent pas les semi-aluminures.

Les lames semi-aluminées les plus employées ont une densité (mesurée par polarisation dans les conditions d’emploi), pour le longueur d’onde efficace  = 4358 (plaques non chromatisées), égale à 1,69 et 2,81 : cette dernière montrait donc les accidents de 1 Angström sur le verre avec un contraste de :

On doit mettre en garde ceux qui veulent appliquer la méthode à l’étude d’accidents un peu grands (quelques dizaines d’Angströms par ex.), contre la tentation d’employer une lame trop dense qui ne montre plus les défauts que par diffraction sans exploiter sérieusement le contraste de phase, parce qu’absorbant beaucoup trop l’image directe par rapport à l’énergie diffractée alors très notable.

Les accidents d’abrasion ne sont pas particulièrement bien mis en évidence par contraste de phase ; on a intérêt si l’on s’adresse à ce genre de défauts, à prendre un objectif de chambre de très grand diamètre pour recueillir le lumière diffractée dans un angle suffisant ; l’image centrale peut être complètement arrêtée par un diaphragme opaque juste assez large (méthode classique).

Pour mesurer les accidents, M. Lyot a indiqué une disposition pratique reproduite ici : un coin photométrique P placé au contact du miroir (ici traversé deux fois) dévie légèrement les rayons qui le traversent et arrivent sur L en dehors de la partie aluminée ; en appelant avec l’auteur O et O’ les opacités des deux points du coin dont les images sur le cliché ont même densité que le fond moyen et le défaut de hauteur x sur l’onde on a : 

Notre objectif de chambre recueille un faisceau diffracté de 40 mm de diamètre à 2000 mm du miroir ; on a pris le facteur K = 0,5 comme pour le montage assez voisin décrit par M. Lyot.

La fig. 6 donne l’aspect d’ensemble d’un cliché avec l’image du coin, les fragments reproduits pl. I et II sont des agrandissements 8,5 environ des originaux, les accidents y figurent avec des dimensions latérales doubles de leur largeur réelle.
 
Fig. 6
Les clichés originaux ont été enregistrés au microphotomètre Chalonge : 10 mm de cliché (40 mm sur le verre) amplifiés 20 fois en abscisses et avec les déviations de fond de 200 mm ; le coin est enregistré sur le même papier avec des repères de densités étalonnés au centième. La fente exploratrice est un carré de 0,05X0,05 sur le négatif. Bien que la précision interne des déterminations soit à quelques centièmes d’Angströms près, il ne faut pas s’illusionner sur la valeur réelle des résultats : Un source d’erreurs très importantes peut provenir du coin photométrique, en 1948 nous avions employé un simple coin de Goldberg en gélatine, étalonné sur plages diffusantes, la diffusion dans ce coin était telle que dans les conditions d’emploi les repères sur les clichés pouvaient différer, toutes choses égales, de 0,6 D des repères correspondants d’un autre coin en verre d’optique bien neutre (V.N. 3 fonte M 6227 – Parra Mantois) que nous avons spécialement taillé, parfaitement poli et étalonné d’abord sur plages diffusantes également, et ensuite dans les conditions d’emploi, sans trouver cette fois de différence beaucoup supérieure aux erreurs de mesure (0,01 D env.).

Il est bien évident aussi que le microphotomètre ne peut pas analyser fidèlement même à la plus faible vitesse et avec une fente bien étroite, des accidents très petits déjà enregistrés sur le négatif avec tous les effets photographiques nuisibles.

L’important est de donner un ordre de grandeur raisonnable pour chaque surface type.

Sauf indication contraire les défauts de hauteur x sont donnés sur l’onde ; pour avoir la hauteur réelle des accidents sur le verre il faut les diviser par deux.

Les différents aspects reproduits planches I et II obtenus avec des lames de phase et des temps de pose différents ne sont pas directement comparables, entre eux ; on aura tout de même une première et grossière idée de l’importance relative de la lumière diffractée par le micromamelonnage en notant que les accidents de HCF, planche I A, sont déjà photographiés avec plus de contraste, au moyen d’une lame de densité 1 et une pose de quelques secondes, que ceux laissés par l’outil de poix,planche II G, avec une lame de densité 2,8 et une pose d’un quart dheure.

7 - Polissage au H.C.F. et au rouge. Miroir n°1 - planche I A 

On sait que le H.C.F. (Honey Comb Foundation) n’est autre que le cire gaufrée qui sert à amorcer les ruches à cadres. L’idée d’employer ces gâteaux de cire dont les cloisons hexagonales garnies de rouge constituent un polissoir énergique est due à A. W. Everest [12].

Avantages.- Polissage rapide : sur la courbe correspondante de la fig. 3, il faut tenir compte du douci sur laiton, mais il n’en est pas moins vrai que le polissage est plus rapide que par toute autre technique normale.

Minimum de risques de provoquer des accidents d’abrasion même pour des régimes d’eau et de rouge très inégaux et maladroitement entretenus, les alvéoles creuses constituent une importante réserve d’eau et de rouge qui permet dans de bonnes conditions des séchées prolongées.

Régime adopté. – Rouge abondant, séchées peu poussées, courses extrêmement variées, pour limiter le mamelonnage primaire que l’on savait d’avance être considérable. Sans précaution spéciale il peut être beaucoup plus accusé que celui obtenu ici.

Forme d’ensemble. – Très médiocre, comme avec tous les outils qui ne pressent pas, on ne peut espérer un ajustage automatique de la forme en régime thermique constant ; les anomalies de bord sont maxima et toute inégalité de l’outil produit des dégâts considérables tant qu’elle n’est pas usée. On voit ici un trou central (pl. I A, à gauche) de près d’une demi frange (par rapport au tirage choisi), les retouches par surpressions locales étant aléatoires avec cet outil nous l’avons laissé, plutôt que d’employer des bandes de cire rapportées ou une autre technique qui eut modifié l’état élémentaire de la surface.

Mamelonnage primaire. – catastrophique et absolument inévitables, à moins bien entendu de continuer le travail pendant une heure au moins avec un outil de poix, les moyens efficaces avec d’autres techniques donnent des résultats très incomplets. Les accidents du verre sont superposables à ceux de l’outil ; ce sont comme eux des hexagones en creux raccordés par des versants plus inclinés.

L’application du procédé d’estimation indiqué § 5 donne des pentes moyennes de 3,7.10-6 au milieu d’une maille mesurant sur plats 5,7 mm, l’écart de tautochronisme est donc de 11 millimicrons soit 1/51 d’onde ; la méthode de Lyot donne un écart total de 102 Angströms ; la gravité de ce mamelonnage est due surtout au nombre et à la disposition quasi périodique des accidents.

Micromamelonnage. - Très important, le plus grave de tous ceux étudiés ici, la surface est extrêmement bouleversée de façon heureusement fort incohérente, par des accidents surtout compris entre 0,3 et 2 mm de largeur, la profondeur des premiers est d’une quinzaine d’Angströms ; celle des derniers dépasse 42 Angströms avec des pentes de 12.10-6 ! (on rouve pour ces derniers par la méthode de Foucault le chiffre de 37 Angströms). Signalons que les petits accidents sont cotés par rapport au fond moyen les dénivellations totales de l’onde sont doubles. 

8 - Polissage au papier et au rouge. Miroir n° 4 - Planche I B

On ne peut guère mentionner comme avantage à cette technique, que la propreté relative d’employer le rouge à sec et d’avoir été décrite admirablement par Léon Foucault [13] en 1859. Le texte de Foucault à certains points de vue a malheureusement eu un résultat nuisible imprévu, parce qu’il est resté, depuis cette époque, à peu près unique (sur le continent au moins) ; pour les pédagogues il n’existe aucun autre exposé d’une orthodoxie scientifique suffisante, ceux d’entre eux qui se risquent dans leurs « traités d’optique » à dire quelques mots du travail du verre recopient (en 1948) une demi page au plus de Foucault et leurs lecteurs e réalisent pas toujours qu’en cent ans les opticiens astronomes ont travaillé comme tout le monde et sont devenus plus difficiles.

Régime de polissage. -  Nous avons essayé plusieurs sortes de papiers soigneusement et traditionnellement conservés par les vieux opticiens qui emploient encore très rarement ce procédé ; les plus efficaces tout en n’étant que peu ou pas encollés, ne sont pas trop pelucheux ; l’épaisseur est de 1/10 de mm environ et il faut éviter de « dégarnir » trop fort. L’opérateur doit veiller perpétuellement à conserver un bon aplomb s’il veut éviter les dépôts adhérents, surtout à craindre avec le tripoli de Venise ou un excès de rouge. Le début du polissage, au lieu de montrer les plateaux de Rayleigh, présente un aspect de mauvais présage qui rappelle la « chair de poule » des surfaces polies au drap ; cet effet disparaît heureusement assez vite et si l’on conserve un bon aplomb, l’adhérence est bonne.

Accidents d’abrasion. – Le miroir n° 4 n’a pas pu être entièrement poli, la forme de la courbe (fig.3) ne laisse pas grand espoir à ce sujet ; pour obtenir un bon poli ordinaire satisfaisant aux moyens de contrôle habituels (80 piqûres au mm²), il avait déjà fallu un temps double qu’avec un outil de poix. Finalement il est resté une moyenne de 15 piqûres par mm et le prolongement du polissage n’a produit que des accidents supplémentaires (filandres égérénées). Ceci n’est pas nouveau, le gris des surfaces polies au papier est bien connu.

Forme d’ensemble.- Les moindres défauts de dégarnis produisent des anomalies très graves qui ne peuvent guère être attaquées efficacement que par retouches locales ; plutôt que d’y avoir recours nous avons laissé une bosse d’un tiers d’onde.

Mamelonnage primaire et accidents moyens.- Assez accusés malgré la structure générale bien unie de l’outil uniformément garni de rouge. Les accidents d’aspect floconneux atteignent /10 mais leur répartition incohérente ne doit pas leur faire jouer un rôle très grave.

Micromamelonnage : forcené, la structure granitée est déjà frappante sur le Foucaultgramme, la méthode de Lyot donne une aspect qui se passe de commentaires. Les accidents, plus fins que ceux de H.C.F. ont une longueur de 0,1 à 1 mm, une amplitude atteignant 30 Angströms et des pentes de 10.10-6. La lumière diffractée, très grave, n’est due que pour une faible part aux accidents d’abrasion mentionnés plus haut.

Le micromamelonnage de papier n’est pas spécial au miroir étudié ici, nous l’avons retrouvé sur d’anciennes pièces polies au papier, y compris le premier miroir historique de verre de L. Foucault de 12 cm de diamètre extérieur et de 531,5 mm de longueur focale (remarquablement bien parabolisé), ces anciens miroirs sont malheureusement trop mal polis (200 à 400 piqûres au mm²), pour que l’on puisse appliquer des puissants critères ; on trouve de plus sur le miroir historique précité, de curieux centres étoilés partant de minuscules pitons en relief de 0,3 mm de diamètre dans des directions suffisamment parallèles sur tout le verre pour produire un effet de réseau très accusé.

9 - Polissage à la poix cirée et au rouge. Miroir n° 2 état 6 – Planche I C

Avantages. – Le cirage des carrés de résine ou de poix décrit par G.W. Ritchey [14] permet de polir un peu plus vite qu’à la poix nue et avec moins de surveillance du régime d’eau et de rouge. Les risques de rayures sont moindres. On peut tirer parti de poix défectueuse ou de succédanés de poix, ce qui est intéressant pour l’amateur surtout. La technique n’est pas sans intérêt pour l’optique astronomique car la forme d’ensemble n’est pas sacrifiée comme avec les outils durs.

On associe partiellement les avantages (et les inconvénients) des carrés de poix et de la cire, mais il faut beaucoup de soins pour conserver un outil dont la surface rest bien unie (fig. 7), dès que le régime est un peu poussé, l’affaissement de la poix sous-jacente est inévitable et des fripures se produisent.

Régime adopté.- Pour réduire le plus possible les accidents élémentaires et le mamelonnage, on a adopté un régime très doux à séchées copieuses non ressuyées.

Accidents d’abrasion.- La plage fortement éclairée diffuse une faible lumière bleutée, le microscope binoculaire révèle un voile de micro-piqûres à la limite de résolution et, en outre, une moyenne de 5 piqûres ordinaires et 3 micro-filandres au millimètre carré. Il ne peut être question de piqûres d’émeri, le verre étant à son 6ème polissage. Ces accidents d’abrasion très petits se produisent chaque fois que l’on n’écrase pas suffisamment le rouge, dont les grains n’ont que 0 microns 5, mais sont groupés par paquets de quelques centaines qui nécessitent une action un peu efficace du polissoir pour s’étaler ; ceci a déjà été observé par M. A. Couder.
 
Fig. 7 – Structure macroscopique d’un bon outil ciré.

La lumière diffractée résultante n’est pas bien grave ; elle est dispersée dans toutes les directions et l’observateur n’en recueille qu’une portion infime ; une seule séchée un peu poussée élimine tous ces accidents à la fois.

Forme d’ensemble.- Susceptible d’une bonne précision comme avec un outil de poix ordinaire ; on a laissé ici une bosse de /5.

Mamelonnage primaire et accidents moyens.- La surface est assez douce, le mamelonnage principal, qui coïncide avec les carrés de l’outil est à pente raisonnable : 2 à 3.10-6 ; au milieu de la maille la dénivellation est de 20 à 30 m (/30 ou /20).

Micromamelonnage.- Malgré les précautions prises, il reste important. Sur l’original du Foucaultgramme il est déjà faiblement visible. Les accidents atteignent rarement 1 mm et leur dimension courante est de 0,3 à 0,5 mm ; les amplitudes moyennes peu supérieures à 5 Å et les pentes de 3,6.10-6.

Notons que pour les photographies prises par la méthode de Lyot et relatives aux différents états du miroir n° 2 (pl. I. C, pl. II D,E,F), on a isolé le même portion du verre, indiquée fig.6. On retrouve sur tous les états (en haut et à droite des photographies) les grosses veines saillantes dues à des hétérogénéités superficielles de la matière, pratiquement sans rapport avec les fils internes, et qui sont impossibles à niveler quelle que soit la technique et la durée du travail.

10 - Polissage à la poix et au rose. Miroir n°2 état 1 – Planche II D

Il est inutile de souligner l’importance de la technique de polissage adoptée par tous les ateliers d’optique industrielle à « une frange » et qui est le résultat d’innombrables expériences. Le polissage à l’oxyde de cérium avec régime de petites séchées dures et renouvellements à l’eau, donne rapidement un beau poli très noir.

Régime adopté. – Avec un outil à carrés et le travail à poste fixe nous ne pouvions atteindre la brutalité du travail à la machine industrielle où l’on laisse parfois crier les blocs pendant des minutes entières, quand on ne cale pas le moteur. Cependant les séchées furent poussées assez loin, avec un régime d’eau et de rose clair.

Accidents d’abrasion.- Poli absolument noir, aucune trace visible de diffusion par la plage violemment éclairée. Le microscope ne montre aucune piqûre certaine, les poussières très fines électrisées sont très difficiles à éviter complètement.

Forme d’ensemble.- Difficile à obtenir d’emblée avec une bonne précision, il reste ici une bosse de 1/3 d’onde, en régime thermique poussé le rabattu disparaît presque complètement si la poix reste assez dure.

Mamelonnage primaire.- Naturellement très prononcé, les carrés de l’outil sont imprimés sur le verre sous forme de cuvettes à fond presque plat, mais dont les versants ont des pentes qui atteignent 6.10-6 sur 6 mm de large ce qui donne des dénivellations de 36 m ou /16. Avec un outil plein, le mamelonnage serait moins régulier et sans doute moins nuisible mais on ne pouvait exécuter une pièce d’optique astronomique de cette façon.

Micromamelonnage. – La structure fine est très douce ; on peut penser qu’avec un régime aussi poussé le fluage d’une mince couche de Beilby est possible et suffisant pour que les tensions superficielles de liquide puisse jouer ? Quoi qu’il en soit de l’explication, les accidents élémentaires ont une largeur de 0,5 mm et une amplitude moyenne de 3 Angströms, mais le grippage de l’outil en fin de séchée provoque des sillons de 13 Angströms de profondeur (parfois bien davantage) avec des pentes de 14.10-6 (planche II D à droite). Ces dénivellations ne sont pas mesurées de façon bien sûre ; le cliché a été obtenu en 1948 avec le mauvais coin photométrique.

11 - retouche locale avec une gomme garnie de taffetas de soie et du rouge. Miroir n° 2, état 3 - Planche II E

Ce polissoir local dû à M. A. Couder est sans doute le plus efficace, il permet à un praticien exercé les interventions les plus exactes sans laisser de trace décelable avec un bon appareil de Foucault.

Dans le cas de lentilles de coronographe on s’est aperçu depuis longtemps que toute tentative de travail local, même non suivie d’accident d’abrasion visible, augmente notablement la lumière diffractée. L’application de la méthode de Lyot permet de comprendre pourquoi.

Travail exécuté. – retouche d’une bosse de /4 au milieu du verre sur l’état (non figuré ici) obtenu avec un régime doux et un outil de poix. L’intervention qui a duré une minute et demi a comporté 3 « tours » avec une gomme de 30 mm de large soigneusement garnie de taffetas, sans aucun pli, et de crème de rouge étalée au doigt, les courses continuellement déphasées et croisées sans aucun arrêt sur place, la pression exercée de l’ordre de 50 gr. Par cm².

Accidents d’abrasion. – Un examen à l’œil nu en lumière diffractée ne montre rien d’anormal, même au microscope il faut faire des statistiques pour reconnaître un peu plus de micro-filandres et piqûres dans la partie retouchée.

Forme d’ensemble. – Bosse éliminée au mamelonnage près.
Défauts moyens.- Sur le Foucaultgramme (non donné ici) on voit quelques traces de l’action de la gonne qui n’atteignent pas /50.

Micromamelonnage.- Très important ; la planche II. E. montre dans la partie droite le centre de la partie retouchée raccordée progressivement à la zone marginale obtenue avec le grand outil. Les accidents sont de deux sortes, les plus graves sont des plages de 0 mm 7 à 1 mm de diamètre dont l’amplitude dépasse 9 Angströms (pentes 2.10-6) ; les plus curieux sont des petits sillons écartés de 2/10 de mm exactement comme la trame de la soie (fig. 8) et dont la profondeur mesurée est de 1,3 Angström (ces déterminations sont incertaines à cause du coin défectueux et de la petitesse en largeur des sillons. La diffraction au voisinage de l’image centrale, produite par ces défauts est très décelable avec un simple appareil de Foucault, il suffit d’ouvrir la fente largement et de faire pénétrer le couteau juste devant l’image, le miroir apparaît noir sauf les zones retouchées qui sont grises.
 
Fig. 8. – Structure macroscopique du taffetas de polissoir local.

12 - Retouche locale avec le doigt (pouce) et du rouge. Miroir n°2, état 5 – Planche II F

On ne peut attaquer de cette façon que certains défauts peu élevés et bien entendu pas trop larges.

Travail exécuté.- Retouche d’une couronne saillante de lambda sur 20 environ à partir de l’état 4 (non figuré ici) obtenu avec un outil de poix et du rouge en régime doux. Cinq « tours » de pouce en deux interventions, rouge abondant.

Accidents d’abrasion .- Rien de spécial n’a été noté dans la partie retouchée.

Forme d’ensemble. – Couronne éliminée, il reste des vestiges (accidents moyens) de l’ordre du centième d’onde.

Micromamelonnage.- La concordance entre les accidents produits et l’empreinte digitale, n’est pas poussée au point de permettre l’identification judiciaire de l’opticien qui a taillé le miroir, mais on voit des points très réguliers de 0,4 à 0,7 mm de diamètre dont l’amplitude moyenne est de 3,7 Angströms et la pente de 2.10-6. Ces accidents sont beaucoup moins graves que ceux produits par le taffetas.

13 - Polissage à la poix et au rouge. Miroir n°3 – Planche II G

Il ne faut pas s’étonner que la technique qui apparaît, avec les plus puissants critères récents, comme la meilleure, soit justement cette dégagée par les patients eforts de générations d’opticiens astronomes. Le manque de documentation et d’expérience n’excuse pas complètement les amateurs de nouveau ou de vieux neuf, ils devraient bien se douter que l’on ne peut réfuter valablement l’expérience établie par des dizaines d’années de pratique dans tous les ateliers, avec quelques expériences isolées et que pour marquer un progrès réel il faut proposer quelque chose de vraiment neuf et intéressant, mettant en jeu par exemple un principe physique encore non appliqué.

Régime adopté.- Nous avons décrit longuement ailleurs [15] cette technique. Le régime adopté ici était moyen, on a voulu garder une efficacité d’action de l’outil suffisante pour donner un poli noir ; séchées poussées au « ressui » du rouge mais pas jusqu’aux « cris », outil en poix dure de la meilleure qualité, avec sa surface très uniformément mate et garnie de rouge (fig. 9) ; il existe des petites plages saillantes écartées de 1/10e de mm en moyenne.

Accidents d’abrasion.- Quand le nettoyage, à la bouillie ammoniacale de carbonate de calcium, est bien réussi, et le dépoussièrage efficace, on ne voit absolument rien dans la plage éclairée, même au microscope.
 
Fig. 9. – Structure macroscopique d’un bon outil de poix.

Forme d’ensemble.- Sphérique au mamelonnage près, le régime n’est pas assez poussé cependant pour éliminer totalement le rabattu qui atteint ici /5 au fin bord, mais il s’agit de conditions particulières à ce diamètre et à cette épaisseur de verre ; avec un 20 cm de 35 mm d’épaisseur le même régime n’aurait pas laissé de rabattu sensible.

Mamelonnage primaire. – Bosses et cuvettes moins régulièrement disposées, qu’avec un régime poussé, les pentes sont de 1 à 2.10-6 et les dénivellations de moins de /40. On peut atténuer ce mamelonnage primaire à /100 environ en adoptant un régime plus doux ou des courses plus incohérentes (plusieurs opérateurs se relayant).

Micromamelonnage. – C’est la surface la plus unie que nous avons pu obtenir ; la photo planche II G, malgré ses faibles contrastes, é été prise avec la lame la plus dense (2.81) que nous avions et une pose de 15 m sur des plaques Collodium Process et Guilleminot à grands contrastes, comme les autres photos d’ailleurs. Les accidents de polissage mesurent de 0,2 à 0,5 mm de largeur ; l’amplitude extrême reproduite avec une pseudo-période assez régulière de 1,6 mm atteint juste 2 Angströms sur l’onde, mais les trois quarts de la surface ne s’écartent pas de plus de 1 Angström du fond moyen (0,5 Angström sur le verre) et bien des petits crochets de l’enregistrement micro-photométrique correspondent seulement à 0,2 Angström. Mais il y a des accidents plus étendus et irrégulièrement distribués qui sont dus à des hétérogénéités structurales superficielles de la matière ; il ne faut pas espérer les niveler, quel que soit le temps d’action et la technique mise en œuvre. Dans le cas de ce miroir taillé dans un verre de premier choix, sélectionné avec soin spécialement pour cette expérience, les défauts affectent la forme de sillons assez larges ; les plus graves sont une largeur de 1 mm 6, une dénivellation maximum de 4 Angströms par rapport au fond moyen et une forme rectiligne ou faiblement courbée qui peut atteindre 10 mm de longueur. Sans doute, ce sont les hétérogénéités internes qui restent le problème n° 1 pour le verrier, mais l’étude de miroirs, taillés dans les meilleurs verres, montre une nouvelle classe de défauts qu’il faudra prendre en considération, si l’on veut marquer un progrès sensible dans l’exécution des objectifs de coronographe.

14 – Choix d’une technique de travail

Si nous voulions interpréter en gros les résultats au moyen des théories classiques, nous dirions que les outils rigides (cire, papier) agissent comme des grattoirs qui arrachent le verre à l’échelle moléculaire ; même en pleine efficacité, les frottements sont relativement faibles et il n’absorbent pas une énergie très grande ; la théorie de Rayleigh s’applique presque intégralement. Par contre, si l’on pousse la séchée avec un outil souple qui se presse (poix), l’énergie absorbée avec un bon polissoir bien en régime devient énorme, on peut penser que le fluage de la couche de Neilby est possible ; en tous cas la pente des accidents tombe de 1.10-5 (peut-être bien plus en réalité, à cause des erreurs d’analyse de profils fins) à 1.10-6 comme si une tension superficielle de semi-fluide arrivait à les étaler partiellement. Quant aux petits accidents d’abrasion à pente 1, ils son subitement bouchés !

N’insistons pas : il est très présomptueux d’expliquer avec le « bon sens » commun ce qui se passe à l’échelle moléculaire ; le praticien à mieux que cela à faire et plus sûr aussi ; c’est de déterminer comment il conduira son travail pour produire une certaine classe de défaut avec l’amplitude minimum. On voit que c’est surtout en ce qui concerne les accidents moyens et petits que le choix d’une technique de polissage est important :

S’agit-il d’une surface pour un interféromètre de grande dimensions (40 cm de diamètre par exemple), on prendra un régime doux avec un grand outil de poix et du rouge et l’on ne se privera pas du secours des polissoirs locaux qui permettront de pousser la forme d’ensemble à /100 si c’est nécessaire. On se moque bien des accidents d’abrasion et du micro-mamelonnage ; même la maille catastrophique de /50 du HCF est à peine déclelable sur la plus belle « teinte plate » par interférences.

Désirons-nous un miroir de télescope peu déformé (à f/8 ou f/10) pour  « faire des surfaces planétaires », nous adopterons également un régime doux avec un outil de poix et du rouge, mais tâcherons de paraboliser à /20 ou /30 rien qu’avec le grand outil, ce qui n’est pas bien difficile. Le cirage des carrés n’est pas absolument à prohiber dans les cas usuels où quelques cent-millièmes de l’énergie peuvent être éparpillés sans inconvénient.

Ne parlons pas des objectifs pour étoiles doubles ou variables ou mieux encore pour la photo au foyer : seul un mamelonnage principal forcené serait gênant dans certains cas ; toutes les techniques sont bonnes pourvu que le double criterium de A. Danjon et A. Couder soit satisfait (§ 1).

Par contre, la réalisation d’une lentille de coronographe apparaît pour le verrier, comme pour l’opticien, une entreprise beaucoup plus intéressante. Notons spécialement l’erreur à ne pas commettre : confondre les accidents d’abrasion et les accidents de forme, dans le cas présent, à quelques minutes de l’axe ils peuvent produire des effets analogues, mais pour l’opticien au moins, ils se traduisent par des réactions bien différentes, on s’en doute un peu : la pente des premiers est de l’ordre de 1, celles des seconds de l’ordre de 10-6 (dénivellation de 30 cm entre Paris et Bruxelles).

Demander à un opticien non prévenu une lentille « parfaitement polie » c’est vouloir un surfaçage du genre de celui examiné § 10., ce ne sera pas une bonne lentille de coronographe malgré la noirceur de son poli. Au contraire, il faudra prendre un outil de poix et du rouge, ne pas pousser le régime au point de faire des stries de grippage, sans pour cela laisser tomber l’efficacité de la dernière séchée au point de ne pas écraser le rouge. Il sera bon de ne pas imposer en outre des conditions trop sévères pour la forme d’ensemble et le mamelonnage, si l’on peut se contenter pour la première fois de /10 et pour le second de /40 la réussite sera beaucoup facilités.

Remerciements. – Nous remercions bien sincèrement tous ceux qui ont facilité notre travail : les Ets Parra-Mantois et M. Ritz qui nous ont procuré le verre neutre pour le coin photométrique et le plateau choisi pour le miroir n° 3 ; notre ami M. Miroff qui a réalisé avec son obligeance inlassable les lames de phase de densité imposée ; notre ami G. de Vaucouleurs pour ses bons conseils relatifs aux mesures photométriques ; M. B. Lyot pour ses conseils et ses encouragements.

Il est une reconnaissance difficile à exprimer avec des phrases, c’est celle qu’un élève doit à un maître exceptionnel, plus encore que pour les encouragements et l’aide matérielle qu’il nous a donnés, qu’il nous soit permis d’exprimer ici à M. A. Couder toute notre gratitude et notre admiration pour son exemple de travail poussé aux plus extrêmes limites des possibilités matérielles.

Août 1949. Jean Texereau.
BIBLIOGRAPHIE

[1] HARTMANN. – Objektivuntersuchungen, Zeit für Inst., t. XXIV, 1904.
[2] (par exemple) DEMETRESCU. – Etude d’un objectif astronomique. R. O., t. 2, 1923, p. 452.
- Sur quelques critériums pour déterminer la valeur d’un objectif. R. O., t. 5, 1926, p. 193.
[3] RAYLEIGH.-Phil. Mag., 1879 et Scientific Papers.
[4] DANJON. – Réunions Institut d’Optique, 4e année, 1933. 2e réunion, p. 20 et « Lunettes et télescopes » P. 85.
[5] Annales des observatoire Jarry-Desloges : fasc. I, 1907, p. 115 ; fasc. IV. 1913-14, p. 296.
[6] M. FRANCON. – Vision dans un instrument entaché d’aberration sphérique : Comm. des labo I. O., fasc. VII, 1945 ; Cahiers de Physique, 1944, n° 26, pp. 15-27.
[7] A. DANJON et A. COUDER. – « Lunettes et télescopes », p. 522.
[8] A. COUDER. – Sur la construction cellulaire des miroirs de télescope, l’A., t. 50, fév. 1936, p.65.
[9] A. COUDER. – Défauts des instruments réels. Cahiers de Physique, n° 26, déc. 1944, pp. 27-38.
[10] F. ZERNIKE. – Diffraction theory of knife edge test and its improved form : the phase contrast method, M. N. A. A. S., 1934, pp. 377-384.
[11] B. LYOT. – Procédés permettant d’étudier les irrégularités d’une surface optique bien polie, C. R. Ac. Sc.,  t. 222, 1er avril 1946, pp. 765, 8.
[12] A. W. EVEREST. – The H. C. F. lap. Amateur telescope making, 4e éd., p. 149.
[13] L. FOUCAULT. – Ann. Obs. Imp. De Paris (mémoires) t. V, 1859 ; réédité : Vol. II des Classiques de la sciences (A. Colin).
[14] G. W. RITCHEY. – Le télescope moderne à réflexion,  p. 72 ; réédition 1905 par la Soc. D’Encouragement pour l’Industrie Nat.
[15] J. TEXEREAU. – La construction du télescope d’amateur, l’A. t. 63, 1949, fév, p. 42, mars, p. 85.
 
 
Planche I
 
A. Miroir n° 1.
Polissage au HCF et rouge
Foucaultgramme.
Fente : 10
Methode de Lyot.
Lame, densité 1,69
B. Miroir n° 4.
Polissage au papier et rouge
Foucaultgramme.
Fente : 22
Methode de Lyot.
Lame, densité 2,81
C. Miroir n° 4. Etat 6. Polissage à la poix cirée et rouge.
Foucaultgramme.
Fente : 22
Methode de Lyot.
Lame, densité 2,81
Planche II
 
D. Miroir n° 2. Etat 1. Polissage poix et rose (oxyde de cérium).
 Foucaultgramme. Fente : 20
 Methode de Lyot. Lame, densité 2,7
E. Miroir n° 2. Etat 3. Retouche à la gomme.
Methode de Lyot.
Lame, densité 2,7 env.
F. Miroir n° 2. Etat 5. Retouche au doigt.
Methode de Lyot.
Lame, densité 2,81.
G. Miroir n° 3. Borosilicate Crown. Polissage poix et rouge. 
Foucaultgramme.
Fente : 22
Methode de Lyot.
Lame, densité 2,81.