LogoCALA: Mesure de parallaxe: astéroïde 6037 (1988EG)


Document d'après un article à paraitre dans le Journal NGC69 du Club d'Astronomie de Lyon-Ampère, écrit par Olivier Thizy.

Abonné sur le réseau internet à la liste électronique, ou e-mail, AUDE (Association des Utilisateurs de Détecteurs Electroniques), et alors que je préparais ma nuit d'observation pour la permanence du 6 Mars 1998, je reçu dans mon courrier une proposition de manip sur l'astéroïde 6037. L'idée était de faire des mesures de position de cet astéroïde à des dates et heures précises afin de pouvoir faire des mesures de parallaxe et par triangulation des mesures de distance de l'astéroïde. La même expérience avait été faite avec succès sur 1998BY7, 1982TA, et 1997SE5.

Découvert le 12 Mars 1988 à Palomar par J.Alu, les dimensions de 6037 (1988EG) ne doivent pas excéder le kilomètre. Les astéroïdes de cette taille (100m à 1km) ne tombent sur la Terre qu'environ tout les 5000 ans, et creusent des cratères d'environ 3km de diamètre. D'excentricité 0.5 et d'inclinaison 3 degrés, 6037 (1988EG) est un géocroiseur de type Apollo. On en dénombre environ 200 à ce jour, dont 65 ont une numérotation définitive. Leur orbite entrecoupe celle de la Terre.

Avec des observateurs tout autour du globe (France, Canada, Taiti : la liste est francophone!), les chances de succès pour des astéroïdes proches de moins de 2 UA (Unités Astronomiques) sont assez grandes. L'astéroïde 6037 (1988EG) est un NEO, c'est-à-dire qu'il passa très proche de la Terre, à moins de 0.03 UA. La Lune est elle à 0.0026 UA. Une aussi courte distance permit de faire des mesures de distance même entre deux sites en France métropolitaine. Par contre, il se déplaça très rapidement dans le ciel, et la fenêtre d'observation fut assez serrée.

L'avantage de la liste électronique AUDE est de regrouper un grand nombre d'observateurs et de pouvoir montrer presque en temps réel les résultats intermédiares (mesures astrométriques). Il est à noter que les astéroïdes ne sont pas les seuls sujets de discussion de la liste. Un message annonçant la découverte le 4 Mars d'une supernova dans NGC3877 me donnait un deuxième sujet d'étude pour la nuit d'observation.

 


L'observatoire de nuit...


La permanence du 6 Mars fût assez tranquille. Olivier Quint avait amené son Meade 10inch (250mm) LX200, entièrement automatisé. Frédéric Hembert, tout juste revenu de Guadeloupe, nous projeta ses belles diapositives de l'éclipse de Soleil. Je profitais donc de la belle nuit, légèrement brumeuse, sous une Lune un peu trop brillante, pour installer la caméra CCD Hisis22 sur le CDM300. En quelques minutes, la mise au point fut faite et je pointais le télescope sur NGC3877 pour constater que la supernova découverte deux jours auparavant était vraiment très brillante et ressortait bien sur les images CCD même de court temps de pose.

Grace à des carte précises imprimées avec le logiciel Guide 6.0, le repérage de l'astéroïde ne posa pas de grande difficultés. Les premières images montrèrent rapidement le mouvement de l'astéroïde : il se déplacait vraiment très vite et traversait le champ de la CCD en environ une heure et demi! Je décidais de faire des séries de poses de 15 secondes. Avec le logiciel d'acquisition Qmips32, la manip était facile et relativement automatique ; cela me donna tout le temps d'observer des galaxies au dobson 300 avec Jérôme Altieri et Laeticia Abel. En une soirée, ce sont plus de 100MB de données qui ont ainsi été obtenus.

 


Déplacement de l'astéroïde en 40min seulement !
Images de l'auteur au CDM300+Hisis22; 13 poses de 15"
ANIMATION (570kB) également disponible sur ce site!!!


Les images de 6037 furent rapidement exploitées. La nuit même, à l'occasion d'une pause Thé/Biscuit à l'observatoire, une animation montrant le déplacement de l'astéroïde dans le ciel étoilé fut réalisée grâce aux fonctions COREGISTER et ANIMATE de Qmips32. Ensuite, la journée, j'ai traité chaque image individuellement avec les fonctions AUTOASTRO et COMPUTE pour obtenir la position de l'astéroïde à des heures précises (34 positions mesurées) Chaque mesure fut saisie dans Excel97 pour en faciliter l'analyse. Quelques graphiques rapides ont par ailleur permis de détecter d'éventuelles erreurs de saisie.

Le premier traitement fut de fournir au « Minor Planet Center » les positions mesurées. Cela a d'ailleur donné à l'observatoire du CALA un numéro officiel d'observatoire : 634. Désolé pour les joueurs de loto, le nombre dépasse la grille ! Il ne doit y avoir qu'une trentaine d'observatoires en France à avoir leur numéro MPC, mais leur nombre augmente grace à des initiatives comme celles sur AUDE.

Puis sept positions de l'astéroide à des heures précises (23h30, 23h40…) furent calculées. Une simple méthode d'interpolation fut utilisée. Ces positions furent rapidement envoyées à la liste électronique AUDE - cela donnait un air de « temps réel » à ces analyses.


Le même astéroïde fut observé par Claude Boivin du Canada, ce aux même dates et heures. Contacté par internet, il m'a envoyé ses images. J'ai pu grâce à un traitement dans le logiciel Qmips32, combiner ses images avec les miennes. On voit ainsi clairement sur la figure ci-dessous que l'astéroïde ne suit pas la même trajectoire apparente, prouvant ainsi la distance rapprochée de l'astéroïde.

 


Combinaison avec les images du Canada (C.Boivin)

Le calcul de la distance Terre-Asteroïde fut alors effectué par Alain Klotz qui a coordonné ce projet. Elle fait appel à la méthode du produit scalaire décrite dans Pulsar No715 (196) pp4-7. Un programme, PARADIST.EXE, a été écrit en langage C pour faciliter les analyses. L'erreur de mesure est calculée par la formule (mesure-éphéméride)/éphéméride, ce qui permet d'estimer la qualité des mesures.

Sur 36 observateurs potentiels (francophones ou abonné à la liste électronique AUDE), 10 ont fournit 136 observations sur 5 nuits. Les résultats complets sont mis à disposition sur internet par Alain Klotz. Les mesures entre Claude Boivin du Canada et l'observatoire du CALA, sur une base de 5458km, donnent une distance entre 0.0592 UA et 0.0637 UA, avec des écarts entre -6% et 1% ce qui est relativement correct. La parallaxe atteint les 2 minutes d'arc ! Même les mesures entre René Roy et l'observatoire du CALA, soit une base de 165km seulement, donnent des résultats intéressants.

 

Cette manip montre l'importance de la préparation des observations : trouver un sujet (internet aidant parfois), faire des cartes précises pour trouver rapidement l'objet, bien caler l'heure de son PC (faire le 3699 !), et surtout passer le temps nécessaire à l'analyse et à l'étude de ses images - cela prend souvent plus de temps que les faire !

De tels mini-projet, comme celui présenté dans un précédent numéro du NGC69 sur l'étude de variable à courte durée comme DY Pegasi, sont facilement réalisables. N'hésitez donc pas à venir les Vendredi soir participer à de tels manips - c'est instructif et passionant…


Liens internet relatifs à cette manip :


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