LogoCALA: 4ème Rencontres de Carcassonne (1996)


Document d'après un article du Journal NGC69 du Club d'Astronomie de Lyon-Ampère, écrits par Olivier Thizy.


La CCD est de plus en plus utilisée par les amateurs...
Les rencontres de Carcassonne l'ont confirmé!

Tout les trois ans, les principaux acteurs de l'astronomie CCD francophone se retrouvent aux Rencontres de Carcassonne. Organisées par le club Alpha du Centaure (donc Christian Buil), ces rencontres ont toujours été un grand succès. Cette année, le succès fût encore plus grand.

Avec environ 300 personnes et une étonnante proportion d'astronomes professionnels, ces rencontres 96 furent ce qui s'est fait de mieux dans le monde. La France est le berceau de l'astronomie CCD et cela se vit à Carcassonne.

 

Pour minimiser le temps et le coût du trajet, je fis le voyage avec Stéphane Garro, cométologue amateur réputé qui observe les comètes depuis plus de dix ans. Il écrit également les chroniques régulières de Pulsar. On reparlera de lui dans le NGC69 car il participe à la mission St Veran dont je fais moi-même partie avec Régis Nicolas du groupe CCD.

Avec son C11 et sa CCD Alpha 500, Stéphane repousse les limites observables. Il n'est pas rare pour lui d'observer cinq à dix comète par nuit, certaines à des magnitudes inférieures à 15. Il lui est également possible de suivre sur plusieurs heures l'évolution de noyaux actifs de comètes faibles.

Stéphane observe une semaine par mois dans les environs de Gap. Malheureusement pour lui, une discothèque à plus de dix kilomètres vient d'installer un faisceau laser puissant qui attire les clients mais rend désormais impossible toute observation visuelle. Si la CCD permet de faire des images, le faisceau ne permet pas de faire de la photométrie. Les astronomes ont fait des progrès, les pollueurs de lumière également. C'est phénomène contre lequel on doit tous se mobiliser; notre observatoire à St Jean n'est par ailleurs pas à l'abris car un faisceau lumineux y a été vu un Vendredi soir: est-ce permanent?

 

La première chose qui marqua à Carcassonne, au delà de la présence importante d'astronomes professionnels, fût la présence forte d'astronomes amateurs étrangers: belges, suisses, canadiens, italiens, espagnols, etc... Les régions françaises furent également bien représentées, ainsi que les départements d'outre-mer.

Il est regrettable par contre que le CALA ne fût pas plus présent. Ces rencontres furent l'occasion de poser de multiples questions sur les techniques CCD et les groupes de projet du CALA auraient certainement gagné à être à Carcassonne où de nombreux projets CCD furent exposés.


Christian Buil présente son logiciel QMips32

Christian Buil, qui a été le premier à croire aux technologies CCD en astronomie amateur, ouvrit le bal des "festivités" avec une revue historique de l'évolution de la CCD amateur. Avec en fond de toile le Pic du Midi, Christian nous fit revivre les heures de l'Apple II et des barettes CCD linéaires. Les images qui nous font aujourd'hui sourir étaient pourtant inédites à l'époque.

Avec le développement de l'informatique et des technologies vidéo, les caméras CCD se sont perfectionnées et sont désormais plus simple d'emploi. L'astronomie CCD amateur est passée en moins de dix ans du stade de développement au stade de l'exploitation. Cela se vit par ailleurs dans le programme chargé des rencontres: la construction des caméras n'y apparaissait pratiquement pas.

 

Une revue du marché CCD fût ensuite présentée. On y montra la gamme de performance et de prix disponible sur le marché. Compter entre 8000F (ST4, autoguidage) et 60000F (ST8) pour une caméra CCD en France. Le décalage entre les prix américains et les prix français fût abordé, mais Medas, principal importateur, ne su pas donner une réponse satisfaisante.

Je fus impressionné par le nombre de clubs ou de personnes qui possédait une caméra: environ la moitié à Carcassonne. Il parait qu'il s'est déjà vendu 600 caméras en France. Stéphane Garro fût par contre désolé d'apprendre que seulement 10 Alpha 500 s'étaient vendues. Trois acheteurs étaient venu à Carcassonne, et tous furent d'accord pour dire que c'était une belle caméra. Le modèle le plus vendu après la ST4, ou en tout cas le plus représenté à Carcassonne, est la HiSys 22. Tous les utilisateurs en dirent du bien, à part le prix de vente élevé et un retard permanent à la livraison. Le groupe CCD du CALA a clairement fait le bon choix en achetant une HiSys 22 qui est en passe de devenir un standard. Les résultats obtenus par le club cet été sont également la preuve de la qualité de cette caméra.

Les astronomes professionnels parlèrent ensuite des technologies d'aujourd'hui et de demain. Avec les mosaiques de CCD de 4096x4096 et bientôt 8192x8192, la CCD grand champ est devenu une réalité. Les astronomes professionels français semblent être aussi en avance dans ce domaine.

Je fis moi même une présentation sur l'utilisation de caméra CCD bas de gamme. Elle fût bien applaudie car elle montra qu'avec de faible moyen (un C8 et une caméra à moins de 2000F) on peut faire plein de pojets intéressants.

Christian Buil présenta ensuite les perspectives d'une caméra CCD en ville. Ses images sont superbes, et on en retiendra le suivi photométrique d'un astéroïde en rotation. Un projet SAGAS en perspective! Les mauvaises langues firent remarquer que Christian avait débuté au télescope de 1m du Pic du Midi pour utiliser ensuite le 60cm, puis un 280mm, un 150mm, et enfin une lunette de 128mm! En parallèle, la taille du CCD utilisé est passé de 1024 pixels à plus d'un million de pixels. A ce rythme, il devrait avoir un CCD de plusieurs centaines de millions de pixels implanté dans l'oeil (objectif de 6mm) vers l'an 2005!!!...


La caméra CCD HiSis 22 est un modèle très répandu...

La deuxième journée commença avec une brillante intervention de François Colas et Jean Lecacheux du Bureau des Longitudes (BdL). Le Pic du Midi fût bien entendu à l'honneur avec de superbes images de Jupiter, Saturne, et de la comète Hyakutake qui a embrasé notre ciel en Mars/Avril. Cette dernière fût très bien observée par le BdL, et de nombreux détails sur le noyau (rotation, éjection de matière, etc...) apparaissent sur leurs images CCD.

Il a beaucoup été question du Pic du Midi et de son avenir pendant ces quatre jours à Carcassonne. Depuis plusieurs années, le Pic est menacé par les coupes budgétaire dans la recherche. Il a même été question de fermer l'observatoire, menaçant ainsi les fantastiques travaux planétaires haute résolution du BdL.

Bien entendu, l'association T60 qui gère les activités amateurs du télescope de 60cm du Pic a eu très peur car les premières coupes auraient certainement été sur ce télescope. Cela aurait été regrettable car en dehors des travaux scientifiques réalisés au T60, c'est plus le lieu d'échange entre amateurs et professionnels qu'il s'agissait de conserver.

Le projet Pic 2000 a pour but de préparer le Pic de demain. Plusieurs projets étaient en compétition, dont un télescope de 1m lancé par Patrick Martinez pour les étudiants en DEA et les amateurs pendant l'été. Il fût clair à Carcassonne que ce projet était mal accepté, et qu'une guerre de clan, si ce n'est de personne, faisait rage sous le Soleil des Pyrénées. On pourra regretter que cette énergie n'ait pas été consacrée à un projet commun.

Carcassonne éclaircissa toutefois l'avenir du Pic. Il semble acquis que le projet Pic 2000, dont les premiers travaux sont prévus au 15 Août pour finir fin 1996, tende vers une structure professionnelle incluant le télescope de 1m éducatif et le T60. Une structure touristique incluera un hotel en contre-bas, un accès rénové, et un musée au sommet. Le T60 devrait avoir une vitre transparente pour permettre aux touristes de voir des astronomes au travail!...

Espèrons que cette éclaircie soit la bonne... En tout cas, si vous avez un projet en tête, n'hésitez pas à en parler autour de vous au CALA et de proposer un dossier à l'association T60. Je fus surpris par le nombre de personne qui était déjà monté au Pic --au moins la moitié à Carcassonne-- et tous était très content de leur séjour.

 

La CCD haute résolution fût à l'honneur lors de ces rencontres. La commission planétaire de la SAF, à travers Gino Farroni, présenta ses travaux; la présentation sur la cartographie de Jupiter par Alain Klotz fût également très remarquée. Les planisphères obtenus lors de l'impact de Schoemaker-Levy 9 et les animations réalisées avec ces images sont superbes.

Jean Pouget nous montra de nombreuses images de Jupiter numérisées sur Photo-CD Kodak à partir de négatifs. Il avait observé Jupiter en Angola pendant des alertes à la bombe. Le télescope étant sur le toit d'un immeuble, il devait le rentrer rapidement à la moindre alerte, sa forme pouvant le faire passer pour une batterie anti-aérienne!


Christian Buil présente son logiciel QMips32

Les comètes furent longuement abordées, le passage de Hyakutake ayant échauffé les esprits. Tout d'abord, une équipe d'astronomes amateurs italiens (Roberto Grippa et Frederico Mazini) nous présenta ses travaux CCD. La partie traitement d'image est très importante, le gradient rotationnel étant le plus utilisé sur les comètes.

Bien entendu, Stéphane Garro présenta ses images de comètes; certaines étaient vraiment très faibles. Stéphane a le mérite de faire de nombreuses observations, et le nombre de comète qu'il a déjà imagé est incroyable. Les comètes sont des objets fascinants, d'aspect cahngeant souvent, parfois même en quelques minutes.

Les logiciels modernes de cartographie tel Guide permettent de dresser des cartes très précises pour repérer ces astres chevelus. Leur observation CCD peut se faire même dans un endroit pollué comme l'observatoire du CALA. Un abonnement aux circulaires de l'UAI (disponibles électroniquement également) permettrait d'avoir les derniers éléments et être tenu informé des découvertes récentes.

 

La photométrie CCD fût également abordée d'abord de façon générale (techniques, algorithmes, etc...), puis de façon plus détaillées. La photométrie d'astéroïdes était à l'honneur avec l'étude des rotations astéroïdales. Trois courbes à des passages différents permettent de calculer les axes de rotations. Selon Jacques Boussuge, une mesure avec un filtre rouge permet de s'affranchir de la variabilité dûe à la réfraction atmosphérique (fausse période de 24h). Sur environ 7000 astéroïdes, seuls 700 ont une courbe de lumière enregistrée et on ne connait les axes de rotation que pour 90 astéroïdes. Il y a encore beaucoup de travail à faire.

La photométrie stellaire, ou l'étude des étoiles variables, est une discipline plus complexe car elle requière l'utilisation de filtres BVRI relativement onéreux. Alain Bruno de l'AFOEV nous montra ce qu'il est possible de faire avec un équipement CCD.

Enfin, la photométrie cométaire est très complexe. Il n'existe pas encore d'algorithme permettant de faire le lien entre les images CCD et la magnitude visuelle de l'objet. Là aussi, il y a encore beaucoup à faire.

 

Parfois, des sujets simples en apparence révélèrent beaucoup de surprises. Ainsi, la famille Moratta (père et fils) présentèrent M31 comme je ne l'avais jamais vue. A partir d'une mosaique de plusieurs dizaines d'images (13MB au total!), ils firent une cartographie des amas globulaires, rémanents de supernova, et autres région HII de la galaxie d'Andromède. Bref, ils ont montré qu'avec un peu d'effort (environ trois mois de travail), même un objet hyper classique comme M31 pouvait révéler beaucoup de détail. Le résultat, obtenu avec un T300 (tiens, tiens...) et beaucoup d'efforts, est vraiment du niveau des 1m professionnels!

D'autres sujets furent abordé lors de ces rencontres: étoiles doubles, observation des Pleïades, polarimétrie, techniques de traitement d'images (déconvolution, ondelettes, etc...), système unix/PC linux et le logiciel MIDAS, réseaux neuronaux appliqués à la cartographie automatique, les résultats d'Hyparcos, archivages de données et bases de données du CDS, le Soleil, la spectroscopie, les intensificateurs d'images, astrométrie diverse, etc... Bref, un programme très chargé comme la lecture de cet article peut le laisser supposer.


Cyril Cavadore présente l'Atlas des Pises.

Les exposés eurent lieu la journée, la soirée étant réservée aux ateliers dont les trois quarts furent commerciaux. Les logiciels prirent une grande place sur les stands, surtout les CD-ROM qui poussent comme des champignons.

Christian Buil présenta son logiciel d'acquisition et de traitement d'images QMips32 que le CALA devrait utiliser avec la HiSys 22, ainsi que le BT-Atlas 2 qui contient plus de 5000 objets sur un seul CD-ROM. Je passe maintenant mes soirées à regarder ce CD, qui est le meilleur du genre.

L'équipe de Cyril Cavadore (Société Astronomique de Montpellier) présenta elle son atlas des Pises. Il s'agit d'un logiciel de cartographie assez complet avec en prime de nombreuses images CCD et des plaques de Schmidt numérisées. Bref, un bon concurrent au BT-Atlas.

La SAP (Pulsar) présenta le logiciel C2A, qui s'interface directement au BT-Atlas 2. L'ensemble BT-Atlas, QMips32, et C2A étant par ailleur vendu ensemble pour un prix intéressant. On nota également l'excellente initiative de I3A, affilliée à la SAP, qui lance une compilation d'images amateurs (CCD et négatifs numérisés) sur CD-ROM pour un prix inférieur à 100F. Le programme gérant les images est vraiment très bien fait, et très simple d'utilisation. Le premier CD, déjà livré, est vraiment exceptionnel. Le CALA est par ailleur cité, et j'espère pouvoir distribuer les images de cet été avec ce nouveau média.

L'astronome d'aujourd'hui se doit donc d'avoir un lecteur de CD-ROM. En plus des logiciels de cartographie, il aura aussi accès à une base de donnée giganstesque d'images lui permettant de comparer ses résultats à ceux d'autres astronomes amateurs (enfin, peut-on parler d'amateur avec Christian Buil et Cyril Cavadore?). Les images de références servent aussi à la détection d'un élément étranger, comme un astéroïde ou une supernova. La bibliothèque du CALA pourait envisager l'achat d'un CD-ROM (400F) et d'un tel logiciel...

Plusieurs associations présentèrent leurs travaux sous la forme d'atelier: SAFGA, SAF, etc... Encore une fois, je regrettais que le CALA ne soit pas plus en nombre. A noter le stand AUDE, Association des Utilisateurs de Détecteur Electroniques. Plus de la moitié de ses membres (environ 70 personnes donc) furent présent à Carcassonne. AUDE édite un journal très intéressant pour tout utilisateur de caméra CCD (encore une idée pour la bibliothèque du CALA). Mais AUDE est surtout connu pour la liste internet gérée par Alain MAURY qui regroupe beaucoup d'astronomes amateurs très compétents. On apprend beaucoup à la lecture des différents messages qui circulent sur la liste AUDE.

Patrick Dufour vint du Canada pour présenter son système d'aide au positionnement de télescope Eurêka 2001. Avec des encodeurs 8192 pas, supérieur à ce qui se fait dans le commerce (2048 ou 4096), et une mémoire flash qui permet un changement facile du code interne, ce système semble très performant. Relié à un PC, il permet de préparer son programme d'observation puis de pointer d'objet en objet de façon rapide et précise. Bref, l'astronomie sans contrainte; on regretterait presque le bon vieux T115/900!

 

Il est difficile de résumer ces rencontres de Carcassonne, et la longueur de cet article le prouve. En tout cas, c'est certainement le plus beau rassemblement auquel j'ai pu assister. La qualité des interventions et des rencontres en font un "must" dans le domaine des CCD.


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