Arnaud17

Caractérisation du système HAT-P-19b

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Bonjour à tous,

 

D'abord, désolé pour la longueur du post.... ;o) .   En septembre, j'ai observé le transit de l'exoplanète HAT-P-19b devant son étoile. C'était la 3ème tentative que je faisais sur ce type d'observation, les 2 premières s'étant soldées par des échecs à cause de problèmes de saturation. Pour cette observation, j'ai utilisé le C8 de ma jeunesse (tube de 1976...) monté sur une Losmandy G11, un filtre CLS pour diminuer l'impact de l'éclairage publique, un réducteur 0,63x Celestron et une caméra ASI 1600 MM Pro refroidie au max. L'étoile étant de magnitude 12.5, j'ai fait des poses de 90s pendant environ 5h ¼, soit un total de 207 images.

 

Coté traitement des images, j'utilise AstroImageJ qui est un freeware à la fois très performant (avec des fonctionalités dédiées à l'observation des exoplanètes) et très bien documenté. Après traitement de base et prise en compte du biais de l'Airmass, j'ai obtenu un signal assez bruité, je pense dû au fait que je n'ai pas mis le gain de la caméra au mini pendant les prises de vue. Pour améliorer la qualité, j'utilise la fonction de moyenne d'AstroImageJ. J'obtiens une courbe bien propre en moyennant 16 images. C'est beaucoup et ça fait perdre en résolution temporelle, mais ça permet de bien évaluer la baisse de luminosité. Ci-dessous la courbe obtenue : on voit HAT-P-19 au dessus et 3 courbes d'étoiles de référence en dessous. Ces courbes de référence permettent de vérifier la qualité du traitement et du biais de l'airmass. L'axe des X est gradué en centièmes de jour, ce qui permet d'évaluer la durée du transit, à savoir 2,4h dans le cas présent.

 

image.png.b3b7b5d17704ac0f9d163fd025da42fc.png

 

J'ai estimé la profondeur du transit à 2.8%. J'en ai profité pour estimer la magnitude apparente de l'étoile que j'ai trouvé à 12,49 [pour 12,56 en bande G dans la littérature].

 

Partant de cette observation, j'ai décidé d'essayer d'aller plus loin dans la caractérisation du système HAT-P-19. Pour cela, j'ai réalisé un spectre de basse résolution avec un Star Analyser 100 (SA100), toujours avec le C8, le réducteur et la caméra ZWO (mais sans le filtre CLS, bien entendu ;o) ). J'ai crée un petit tableur qui me permet de a) apprendre à bien comprendre le fonctionnement du SA100 et b) estimer la température des étoiles que j'observe. J'ai donc passé dans ce tableur les données de HAT-P-19. Le tableur me permet d'estimer la température du corps noir dont le spectre s'approche le plus du spectre de mon étoile. Dans le cas de HAT-P-19, je trouve une température de corps noir de 4900 K. La figure ci-dessous est extraite du tableur:

 

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A ce stade, j'ai donc les éléments suivants : profondeur et durée du transit, magnitude apparente et température de l'étoile. Avec la température, je peux regarder où se place HAT-P-19 dans le diagramme HR. Pour celà, j'ai pris le dernier diagramme publié par Gaia et j'ai estimé la magnitude absolue d'une étoile de la séquence principale de 4900 K [pour 4990 K dans la littérature]. Voici ce que ça donne :

image.png.2eae62f379760eddb5341a6f2cfb2357.png

 

J'en déduis que si HAT-P-19 est sur la séquence principale, alors sa magnitude absolue est voisine de 6 (on verra plus tard les cas géante et naine blanche). Toujours dans l'hypothèse d'une étoile de la séquence principale, HAT-P-19 est donc une étoile dont la luminosité est environ 30% de celle du Soleil. Connaissant sa magnitude visuelle, on peut en déduire une distance de 647 années lumières [pour 701 AL dans la littérature].

 

J'utilise alors la relation masse-luminosité sur la séquence principale (en gros Log(L/Lsoleil) = 3,5*Log(M/Msoleil) ) ce qui permet d'estimer la masse de HAT-P-19 à 77% de la masse du Soleil.

 

A ce stade, on connait donc : la profondeur et la durée du transit, la luminosité et la masse de l'étoile et la distance du système.

 

Connaissant la luminosité et la température de l'étoile, on peut calculer son diamètre grâce à la loi de Stefan-Boltzmann . Je trouve que HAT-P-19 a un diamètre égal à 81% du diamètre solaire [pour 82% dans la littérature]. Si on suppose connu le diamètre de notre étoile, on en déduit que HAT-P-19 a un diamètre de 1,13 millions km.

 

Lors du transit, la planète passe devant l'étoile et parcours une distance de l'ordre du diamètre de l'étoile (on suppose que le transit se fait le long de l'équateur de l'étoile... ce qui est une assez grosse supposition, bien sûr!). Sachant que la durée du transit et le diamètre de l'étoile sont maintenant estimés, on en déduit une vitesse orbitale de 130 km/s pour la planète.

 

Si on suppose que l'orbite de la planète est circulaire, alors connaissant la vitesse orbitale de la planète et la masse de l'étoile, on en déduit le rayon de l'orbite (on dit simplement que la force centrifuge s'exerçant sur la planète, V2/R, est égale en module à l'attraction gravitationelle dûe à l'étoile, GM/R2 ). Ceci donne une valeur du rayon de 0,040 UA [pour 0,046 UA dans la littérature].

 

La profondeur du transit nous renseigne sur la taille de la planète. En effet, cette profondeur dépend seulement du rapport de surface de l'étoile et de la planète. Une valeur de 2,8% comme mesurée vient donc d'une planète ayant un diamètre d'environ 17% du diamètre de l'étoile. Comme nous connaissons le diamètre de HAT-P-19, on en déduit un diamètre d'environ 189 000 km pour la planète [pour 159 000 km dans la littérature], soit 1,3x Jupiter.

 

La connaissance de la température et de la taille de l'étoile ainsi que de la distance étoile-planète nous permet d'estimer la température d'équilibre de la planète, en l'absence d'atmosphère. Pour ceci, on applique la loi de Stefan-Boltzmann du corps noir une première fois sur l'étoile, ce qui donne une énergie totale émise par l'étoile. On évalue cette quantité d'énergie par m2 au niveau de l'orbite de la planète ce qui permet de connaître l'energie « solaire » reçue par HAT-P-19b connaissant sa taille. Si on suppose que la planète est en équilibre thermique, elle doit rayonner la même énergie que celle reçue, donc en appliquant une deuxième fois Stefan-Boltzmann, mais sur la planète cette fois-ci, on trouve une température d'équilibre de 794ºC [pour 737ºC dans la littérature].

 

J'ai regroupé tout ces petits calculs dans un tableur dont voici la capture d'écran pour le système HAT-P-19b. En jaune, les mesures faites. En bleu les résultats de mon tableur. En vert les valeurs trouvées dans la littérature.

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Si on fait l'hypothèse que HAT-P-19 n'est pas sur la séquence principale, mais est sur la branche des sous-géantes/géantes, on trouve que la planète doit orbiter à l'intérieur de l'étoile... donc pas possible. En revanche, si on suppose que l'étoile est sur la branche des naines blanches, alors il existe une solution possible au système : l'étoile aurait alors la taille de la Terre environ (… c'est une naine blanche), et la planète aurait la taille de la Lune... Peut-être une solution possible, mais moins probable. On en déduit dans cette configuration que la magnitude absolue de l'étoile serait d'environ 15, et donc la distance serait d'environ 10 AL, ce qui donnerait une parallaxe d'à peu près 0,3'', ce qui est en désaccord avec la mesure de Gaia qui donne 4,9 mas, soit environ 100 fois moins. HAT-P-19 est donc bien une étoile de la séquence principale.

 

En conclusion, on a donc caractérisé le système HAT-P-19b comme étant une planète du type Jupiter Chaud orbitant une étoile de la séquence principale à environ 650 années-lumière de la Terre.

 

Voilà le projet... Il y a plein d'hypothèses simplificatrices, bien sûr, et peut-être que j'ai eu de la chance avec la géométrie du système, mais au final, on arrive quand même, avec des moyens amateurs, à s'amuser et à aller au delà de la photo esthétique. Je vais refaire la manip sur d'autres système !!!

 

Si certains d'entre vous sont intéressés, n'hésitez pas à me contacter.

 

Bonnes observations !

 

Arnaud

 

 

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Bonjour Arnaud 17,

 

Je me permet d'intervenir sur la partie "spectro" de ta manip. Je ne pense pas que tu as corrigé ton spectre de la réponse instrumentale et de la masse d'air ce qu'il faut absolument réaliser afin d'avoir une mesure "vrais" du continuum de l'étoile et donc de sa température. 

Pour cela il faut faire le spectre d'une étoile de référence typiquement de type A ou B à la même hauteur dans le ciel que la cible et de comparer le spectre obtenu avec un spectre de référence que l'on a à dispo dans les base de données ISIS par exemple. La division des 2 courbes te donne la courbe de réponse de ton instrumentation + la correction de la masse d'air que tu appliques ensuite à ton spectre.

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Merci Jacques et Olivier pour vos messages. Concernant le point soulevé par Olivier, je n'ai pas détaillé toute la manip spectro, mais il est vrai qu'elle n'est pas faite dans toutes les regles de l'art. J'ai corrigé le spectre de la réponse instrumentale que j'ai obtenu en observant un certain nombre d'étoiles de spectres variés. J'ai ensuite pris la médiane de la réponse de ces différentes observations. Je l'ai aussi comparé avec la courbe de sensibilité du détecteur qui doit, à mon sens, sans doute être l'élément déterminant de la réponse du système: je trouve une courbe proche, mais pas identique, comme on peut s'y attendre. En revanche, c'est vrai que je n'ai pas corrigé de la masse d'air. Pour la prochaine manip, je vais faire les choses un peu plus précisement comme suggéré par Olivier.

 

Encore merci à vous deux.

 

Arnaud

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Très jolis calculs et de belles conclusions à partir de tes images ! Simplement, ton hypothèse que la corde du transit est égale au diamètre de l'étoile est faux. Tu peux aller voir sur le site d'ETD pour visualiser la corde de HAT-P-19b. Aussi, c'est assez surprenant que les résultats que tu déduis après cette hypothèse ne sont pas trop loin des valeurs connues. Je n'ai pas vérifié, mais peut-être que l'erreur commise sur la longueur de la corde n'est pas suffisamment importante pour influer sur les calculs.

 

Belle manip dans tous les cas.

Jean-Christophe

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bonjour Jean-Christophe,

 

merci pour ton message. Tu as absolument raison sur le fait que je fais l'hypothèse que la planète effectue un transit équatorial, comme je l'indique dans le post. J'ai fait cette hypothèse car je n'ai pas de moyen (que je sache...) de connaître la latitude du transit. Je suis retourné sur le site d'ETD, mais je ne trouve pas cette info. Une autre approche serait de supposer un transit à latitude moyenne (45 degré ), ce qui diminuerait la vitesse orbitale de la planète d'un facteur racine(2), et donc éloignerait la planète de l'étoile. A défaut d'info supplémentaire, je ne sais pas comment je pourrais trancher. Si tu sais comment lever ce doute, toi ou quelqu'un d'autre sur le forum, je suis tout à fait preneur. Je ne suis même pas sûr que la connaissance des mouvements radiaux soit suffisiante...

 

Bonne fin de weekend et merci encore pour ton message.

 

Arnaud

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Si tu charges tes données sur le site d'ETD, il ajuste tes données, mais surtout pour ce que tu cherches, il te montre la corde de la planète. A vue de nez, 35° ou 40° me paraît pas mal.

 

Jean-Christophe

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ok, merci Jean-Christophe pour cette info. Je vais essayer de faire ça et rentrerai le résultat dans mon tableur. Je serais quand même curieux de savoir comment le site d'ETD peut estimer cette latitude.

 

Arnaud

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Ils obtiennent ce résultat en fixant un certain nombre de paramètre physique : le rayon de l'étoile, la distance étoile/planète et la période. Forcément, il ne reste plus que quelques paramètres libres. Peu importe pour toi, le seul paramètre qui t'intéresse (et donc que tu fixerais dans ton calcul) est la latitude de la corde.

Ci-après une représentation de la corde pour HAT-P-19b. Il faut que tu retiennes l'image "catalogue geometry".

HAT-P-19b.jpg.122cc074c369e85aef3f34ca222a2546.jpg

 

Jean-Christophe

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Bonjour Jean-Christophe,

 

Merci pour ces infos. Effectivement, le transit n'est pas exactement équatorial. J'ai aussi trouvé ce document explicatif très bien fait :

 

http://web.gps.caltech.edu/classes/ge133/reading/transits_review_Winn.pdf

 

La corde est estimée en analysant la pente de la courbe de lumière autour des contacts: plus elle est abrupte, plus on est proche d'un transit équatorial, pour un obscurcissement du limbe de l'étoile donné. J'ai un petit doute quant à la résolution temporelle de mes mesures pour cette estimation. Je vais quand même aller sur le site de l'ETD.

 

Merci encore 😊 

 

Arnaud

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Je trouve votre travail excellent. Par contre je n'ai compris que la moitié. Faut-il un niveau particulier en maths ou physique pour arriver à un tel résultat ? Je n'ai pas compris la partie ou vous déduisez la distance de la planète grâce à la durée du transit.

Pourriez vous me partager votre feuille de calcul Excel ?

Bon ciel à vous (même si en ce moment…)

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Bonjour Olivier,

 

Merci pour ton post. Voici quelques éléments de réponses à tes questions:

 

- Les connaissances en math et physique que j'ai utilisées sont, en gros, les suivantes: en math, de la géométrie de base (surface d'une sphère, diamètre d'un cercle... donc rien de compliqué). En physique, c'est un peu plus compliqué, mais un peu seulement. Les formules principales ont trait au "corps noir". C'est une notion de physique pour décrire un corps qui absorbe toute la lumière qu'on lui envoie. Ça ne veut pas dire qu'il est noir au sens commun du terme: la plupart des étoiles se comportent presque comme des corps noirs parfaits! Cette propriété des étoiles permet d'avoir une bonne idée du type et de la quantité de lumière qu'elle va émettre et qui ne dépend alors (presque) que de sa température de surface. Les relations de Képler décrivant l'orbite d'un petit corps autour d'un gros sont aussi utilisées. Finalement, j'utilise aussi des relations entre masse/taille/luminosité des étoiles de la séquence principale. Ces relations sont trouvées dans la litérature sur Internet.

- La déduction de la taille de l'orbite de la planète se fait de la façon suivante: je fais l'hypothèse que la planète passe le long de l'équateur de l'étoile vu depuis la Terre (c'est une grosse hypothèse, mais ma courbe de lumière ne permet pas d'en faire raisonablement une autre). Donc, pendant les 2,4 heures du transit, la planète va parcourir une distance qui vaudra environ le diamètre de l'étoile. Or, si on suppose que l'étoile est sur la séquence principale, la connaissance de sa température (obtenue avec un petit spectre ou en mesurant sa magnitude en bleu et en rouge) permet de connaitre sa masse et son diamètre (formules dans la litérature). En divisant le diamètre de l'étoile par la durée du transit, on obtient donc une estimation de la vitesse de la planète le long de son orbite. Si on fait l'hypothèse que l'orbite de la planète est circulaire (je n'ai pas de moyen de faire une estimation autre...) alors, la loi de la gravitation de Newton permet de calculer le rayon de l'orbite de la planète. En effet, à cette distance, la force centrifuge s'exerçant sua la planète est égale à l'attraction gravitationnelle exercée par l'étoile sur la planète.

- J'ai essayé de mettre mon tableur en PJ, mais apparement Astrosurf n'autorise pas ce genre de fichier. Contactez moi sur mon mail perso et je vous l'enverrai. Et je pourrai aussi répondre aux questions que vous pourriez encore avoir.

 

Arnaud

 

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