MatP

[CROA] Collection automne-hiver 2004

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Dimanche 7 novembre 2004.
A 16 h je suis levé et dès 17 h, emmitouflé dans mon blouson et la main à portée de la mallette d’accessoires (parée à sortir un oculaire à la première occasion), je guette l’apparition de la première étoile depuis le jardin.
A l’Ouest : des nuages. A l’Est : des nuages. Au milieu : rien, ou presque ! Une belle bande bleu foncé qui joint le Sud et le Nord, ponctuée ça et là de petits cumulus anodins. La Nature faisant bien les choses, le vent vient justement du Nord et les nuages défilent au loin sans s’inviter au-dessus de nos têtes. Ils sont courtois ce soir, les nuages. Une fois n’est pas coutume.
Il suffit de se dire ça pour que se ramène un gros nuage gris, mais heureusement j’en vois le bout un peu plus loin vers le Nord. Il s’agira, une fois de plus, d’être patient. Particulièrement patient d’ailleurs, parce que celui-là semble ralentir à mesure qu’il se rapproche du zénith. Grmbl. Tiens, le voilà qui s’arrête. Tiens ! il recule maintenant. Et voilàtipas qu’il se dissipe. Décidément je n’arriverai jamais à comprendre la psychologie profonde des nuages.

Entre-temps, le triangle d’été est apparu et a déjà passé le méridien. Comme la nuit n’est pas encore noire, je me fais les multiples classiques telles que la Double-double (ε Lyr), Albireo (β Cyg), δ Cyg, Ras Algethi (α Her) ou Almaak (γ And). Mention spéciale pour α Her, belle petite double relativement serrée dont les deux composantes sont bien orangées (un peu moins de 5 secondes d’arc). Les autres aussi sont très bien mais (à peine) moins originales, si ce n’est δ Cyg, assez serrée avec les 2,5" qui séparent les composantes de magnitude respective 2,9 et 6,3.

Je n’ai pas fait une course effrénée à l’étoile multiple car premièrement je ne suis pas un malade de la discipline et secondement parce que les nuits tombent suffisamment vite pour se faire quelques amas ouverts en attendant que le ciel soit bien noir.

Avant de me lancer dans de folles équipées l’oeil rivé à l’oculaire je profite un peu pour m’asseoir et profiter du spectacle à l’œil nu. On voit la Voie lactée, mais le ciel n’est pas transcendant non plus : il doit y avoir un peu d’humidité résiduelle qui diffuse les lumières de l’agglomération bisontine qui se trouve à quelques km... au Sud (eh oui, pile là où il fallait pas).
Tiens ! une étoile filante au Sud-Ouest. J’en reverrai plusieurs au cours de la soirée, plus au Sud notamment, mais pour une grande majorité issues d’un radiant situé du côté de Persée (Andromède ? Taureau ? Triangle ? Bélier ?). Après consultation du catalogue des essaims météoritiques (IMO) via le logiciel Guide, ça pourrait coïncider avec l’essaim des Taurides (ça s’invente pas). Nord ou Sud je ne sais pas, sûrement un peu des deux vu qu’on se situe en ce moment entre leur deux maximums respectifs.
Sinon, dès le début de la nuit on peut voir très nettement qu’Algol (β Per) est moins brillante que Mirfak (α Per). Après vérification dans le Ciel & Espace de ce mois-ci, je suis effectivement tombé pile au moment du minimum ! C’est la première fois que j’apprécie la variation d’une étoile et ça ne me laisse pas indifférent !

Tout en contemplant la voûte céleste il m’est venu l’espace d’un minute une sensation très étrange de flottement et d’isolement. Je pense que ç’était dû au fait qu’affalé sur ma chaise et un peu transi par le froid, je ne prêtais à ce moment plus attention au plancher des vaches (vaches qui ronflaient d’ailleurs bruyamment dans le champ juste à côté). L’effet psychologique de la conscience de l’immensité du cosmos y était sûrement pour beaucoup.

Commencent alors les choses sérieuses. L’Aigle est encore relativement haut dans le ciel, ce qui me donne envie de me faire une petite rétrospective nostalgique de l’été passé, ici avec M11. Pointez, c’est gagné (Telrad oblige), voilà l’objet dans le champ. Le fond du ciel est un peu pâlot, mais l’amas reste néanmoins très riche, et je remarque une structure étrange en son centre : une boule d’étoiles faibles isolées de celles de la périphérie, plus brillantes, par une zone sombre en forme de pentacle grossier. On découvre à chaque fois de nouveaux petits trucs qu’on n’avait pas remarqué auparavant, c’est génial !
Je me tente aussi M15 (dans le halo bisontin), correct mais vu mieux, ainsi que M13, moins pénalisé par la pollution lumineuse et toujours aussi magnifique avec ses enfilades radiales d’étoiles et son fameux « Y » sombre.
C’est ça ce qui est bien avec l’automne : le soir on a les restes du ciel d’été tout en pouvant profiter du ciel d’hiver en fin de nuit.

C’est qu’il commence à faire faim ! Allez hop, petite pause graille. Je profite de ce réchauffement improvisé pour imprimer une carte de Persée avec tous ses objets à faire. Tout un programme.

De retour sur le terrain, c’est parti pour de bon. L’humidité ambiante fait déjà perler des gouttes de rosée sur la table où je pose mes petites affaires.

Pour tout dire, j’avais déjà un peu observé la nuit précédente, mais les nuages m’avaient interrompu dans ma tentative de dessin de la Boule de neige bleue (NGC 7662), une nébuleuse planétaire petite mais connue, dans Andromède. J’avais dessiné la nébuleuse mais pas les étoiles du champ.
Je profite donc de cette nouvelle nuit, sans nuages cette fois, pour continuer l’inachevé. Le champ à un peu tourné mais ça se corrige. Le suivi est délicat à 400 fois à cause du berceau de la monture dobson qui manque de rigidité. J’arrive quand même à placer une quasi-dizaine d’étoiles dans le champ – étriqué – de 7,8 minutes d’arc.

Avant de s’attaquer à Persée, je m’étais promis de tenter des amas globulaires extragalactiques autres que Mayall II (m13,7). J’avais justement préparé il y a déjà quelques temps une carte des amas globulaires de M31 jusqu’à la magnitude 15 non comprise, Mayall II exclu. Ca donne quand même dix amas en tout, mais je n’en ai retenu que trois : les trois plus brillants qui sont heureusement parmi les plus éloignés du noyau galactique de la Galaxie d’Andromède. Tous les trois ont été vus, d’abord 338-076 (m14,2), vu comme une étoile, puis 225-280 (m14.1), à peine plus brillant, toujours stellaire, et enfin 023-078 (m14,2), que j’ai trouvé très légèrement diffus cette fois, mais peut-être n’était-ce qu’une impression...
Ces observations relèvent plus du défi de la performance que du goût esthétique, mais ça reste quand même intéressant, une fois de temps en temps.

Persée, à nous deux cette fois ! Ne prenons pas de risques pour le premier assaut : M34 sera notre première cible. C’est un amas ouvert relativement brillant, dans la moyenne au niveau de la richesse et de la condensation. Il me fait un peu penser à NGC 457, l’amas φ Cassiopée (Hibou ou E.T.) : la forme avec les deux yeux, le corps et les bras se retrouve, mais les yeux sont moins hypnotisants à cause de leur faible luminosité relative par rapport aux autres étoiles de l’amas.
Autre amas ouvert : IC 348, qui jouxte omicron Persei. L’objet est quand même assez pauvre et peu condensé, avec une quinzaine d’étoiles à tout casser. Après coup j’ai vu dans Guide qu’il y avait une nébuleuse associée. A retenter en faisant plus attention.

Je regarde à nouveau ma carte et je vois deux nébuleuses planétaires annoncées dans le Sud de la constellation. Deux nébuleuses du catalogue IC, donc pas forcément très faciles. La première, IC 2003 n’est effectivement pas facile à repérer à cause de son aspect stellaire à faible grossissement. Cependant, un suivi rigoureux du champ permet d’identifier cette petite étoile verdâtre qui, à bien y regarder, n’est pas tout à fait ponctuelle... A 400 fois, la nébuleuse s’étale un petit peu, ce qui ne me permet que de m’auto-suggérer un petit anneau de peut-être 3’ de diamètre scindé en deux petites parties (comme des lèvres), dont celle située au Sud-Est serait légèrement plus brillante que celle en vis-à-vis. Si IC 2003 n’était pas facile à trouver, l’autre nébuleuse, IC 351, ne pose pas moins de problèmes à ce niveau-là, bien au contraire. Encore plus petite que la précédente (2’ maximum), je la trouve plus par chance (ou par intuition) que par repérage méthodique du champ. Le filtre O-III aide un peu à la faire ressortir, et pousser le grossissement n’aura rien apporté. Coriace le Persée ! Mais je n’ai pas dit mon dernier mot.

NGC 891 n’est pas dans Persée mais pas loin, dans la constellation voisine d’Andromède. Cette fameuse galaxie vue par la tranche est plutôt faiblarde à l’oculaire et ne montre sa bande d’absorption qu’en vision décalée. Mais quelle bande d’absorption ! Son épaisseur est telle qu’on pourrait la mesurer sans vision directe. J’en ai déjà parlé dans mon précédent CROA donc je ne vais pas insister, mais c’est vraiment un bel objet malgré le fait qu’il soit difficile d’accès.
Je retente également NGC 1023, plus brillante que la précédente et avec un noyau quasi-stellaire. Si le noyau est très brillant, c’est autre chose pour le corps. Je n’ai pas réussi à voir NGC 1023A qui est censée « déformer » NGC 1023 à son extrémité Est.

J’en viens enfin à l’un des grands défis de la soirée. Il m’a été proposé par Maïcé sur le chat Astrosurf. Il s’agit d’Abell 426, un amas de galaxies au cœur de Persée comportant un certain nombre de galaxies NGC et IC dont rares sont celles qui dépassent la magnitude 13. En me renseignant un peu sur cet amas, je n’espérais pas en voir plus de 3 ou 4.
Je pointe donc NGC 1275 (ma galaxie de référence) à 2° d’Algol en direction de ν Per. Au Nagler 16 (qui me donne 75 fois de grossissement) j’aperçois effectivement la petite galaxie, pas très folichonne il faut bien le dire. J’ai bien l’impression de distinguer deux ou trois petites autres choses à côté, mais... le ciel n’est pas transcendant, faut-il le rappeler ? C’est alors qu’entre en jeu la Powermate 2,5x, et nous voilà propulsés à 188 fois ! La petite galaxie se détache mieux du fond de ciel et ô miracle ! de petites sœurs l’escortent ! En voilà donc une (NGC 1275), deux (NGC 1272), et une troisième dans le prolongement (NGC 1270). Les magnitudes vont crescendo, c’est de moins en moins évident. Je vois un quatrième nébulosité encore un peu plus loin, mais je pense que c’est un groupe d’étoiles (il s’agissait en fait de NGC 1267). Retour dans la zone de départ, et un peu en-dessous, encore une tache (NGC 1278), collée à une autre tache, encore plus petite et plus faible (NGC 1277) ! Et là, en haut à gauche (NGC 1273) ! Et en redescendant, un petit point légèrement diffus (IC 1907) !
Huit galaxies en tout, donc. Au début je croyais n’en avoir vu que sept, mais tout compte fait j’aurais pu en voir beaucoup plus avec certitude en balayant le champ un peu en périphérie de la région centrale : NGC 1282, NGC 1260, IC 310... J’ai loupé tout ça. A charge de revanche !

Délaissons maintenant Persée pour nous intéresser à ce qui est déjà bien levé.
En vrac, je jette d’abord un coup d’œil à NGC 1514, assez célèbre nébuleuse planétaire dans le Taureau, mais à proximité de la limite avec Persée (toujours lui !). C’est une étoile assez brillante avec un halo diffus et assez étendu tout autour. Le filtre O-III permet de bien rehausser le contraste, mais je n’arrive pas à déceler des détails dans le halo en question, que ce soit avec ou sans le filtre.
Comme la Grande Ourse commence à bien remonter, je ne résiste pas à l’envie de pointer le célèbre couple galactique M81-M82, qui est en fait un ménage à trois avec NGC 3077. Cette dernière galaxie est censée présenter un jet de matière mais je ne l’ai pas vu. Les deux autres sont toujours aussi spectaculaires, notamment M82 qui, à 273 fois, fourmille de détails tout en restant bien brillante.
Plus bas, il y a aussi M108 et M97 qui se côtoient. A vrai dire mon attention se focalise principalement sur cette dernière : avec le filtre O-III le disque ressort extrêmement bien, mais bizarrement il n’est pas plus facile de détecter les yeux du Hibou à l’aide du filtre.

Les conditions de turbulence s’améliorant au fil du temps, je n’ai à partir de minuit (peu-être une heure du matin) d’yeux que pour Saturne et la Nébuleuse d’Orion.
Saturne est vraiment splendide à 273 fois, surtout quand la turbulence se fige. Le globe est cerclé de bandes aux nuances pastel, on voit très bien son caractère gibbeux et l’ombre qu’il projette sur les anneaux. Parlons-en, de ces anneaux ! L’anneau de crêpe, gris clair et évanescent ; la division de Cassini sur tout le pourtour, celle d’Encke, dans les anses, par intermittence... Et des bords ciselés... Magnifique, tout simplement.
M42 et M43 valent aussi leur pesant de cacahuètes. A faible grossissement on regarde une photo en noir et vert clair. Voilà l’impression : photographique ! Le cœur ultra brillant et tout sauf homogène, les « ailes » sont parfois diffuses, parfois extrêmement découpées selon les endroits, les parties obscures assombrissent le fond de ciel entre M42 et M43, ainsi que dans certaines parties de la virgule nébuleuse qu’est M43. A plus fort grossissement, le centre n’est plus qu’enchevêtrements anarchiques de filaments gazeux sur lesquels reposent tranquillement un trapèze... à six côtés !

L’astro, c’est bon.

Sauf pour la santé. 2 h de sommeil par nuit c’est moyen, en fait.

[Ce message a été modifié par MatP (Édité le 10-11-2004).]

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Copieur !

Les amas globulaires de M31 et les galaxies de l'amas Perseus, c'est mon programme d'observation ! Sauf que j'ai un ciel au mieux voilé depuis des semaines. Bon, pas grave, je suppose qu'ils ne s'en iront pas.

Pour IC 351, ben moi je n'ai rien vu non plus. À essayer sous un vrai ciel transparent, à Boueland par exemple...

Attention dans ton texte, tu parles de Pégase au lieu de Persée, ça embrouille un peu. À te lire, on a presque envie d'aller chercher le Double Amas de Pégase...

Ce CROA, je l'aurais mis plutôt sur le forum habituel. Je crois qu'ici il faut réserver les CROAs consacrés à un seul objet, comme c'était suggéré dans le message original, et comme rappelé par Maïcé. Tu vas me dire, et les énigmes, elles n'ont rien à faire là ? Oui, c'est vrai, heu...

Mais quand même.

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Bon, j'ai corrigé les confusions Pégase/Persée que j'ai vu. Voilà un des effets secondaires d'une nuit de 2h...

Je m'embrouille aussi pour poster les CROA : avec tout ce qui s'est dit là-dessus récemment je savais plus trop quoi poster où... Enfin bon c'est pas très grave je pense.

Sinon, Bruno, on ne doit pas être les seuls à avoir ce genre d'observations avec Maïcé qui nous tannait ( ) sur le chat pour l'amas Pega... heu... Persée et le groupe Ciel Extrême qui nous a rappelé qu'il n'y a pas que Mayall II dans M31...

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