MatP

CROA avec un regard neuf

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Bonjour à tous !

Ca faisait longtemps que je ne m'étais pas fendu d'un petit CROA, donc voilà. J'espère que les Pringles, les olives et l'Adelscott vont m'aider pour la rédaction.

Samedi soir il faisait moche. Soirée cinéma à la bonne franquette pour se détendre - si tant est que nous ayions jamais été tendus - devant la petite comédie familiale en vogue. Le perchman devrait finir à l'échafaud. Ou le cadreur. Ou ceusses qui valident les scènes. Sinon c'était marrant.

Au retour, un peu après minuit, la terre humidifiée par la pluie de l'après-midi émane ce parfum d'humus caractéristique. Là-haut les ballots de nuages se succèdent, relativement denses, mais au Nord un trou d'un noir d'encre laisse voir quelques étoiles. Trois ou quatre diamants forment un arc de cercle ; je pense au manche de la Grande Casserole, mais celle-ci devrait être plus à l'Est. Ce doit être un morceau de Dragon ; en tout cas c'est lumineux pour du Dragon !

A l'Ouest le Carré de Pégase qui commence à se dévoiler est déjà bien bancal. L'automne est passé trop vite et sa météo est restée trop fidèle à sa réputation ; je n'ai pas pu en profiter comme je l'aurais voulu. Murphy oblige, c'est une des saisons les plus intéressantes. Je me rentre : il n'y a aucune raison que ça s'améliore, d'ailleurs les prévisions sont d'un pessimisme rare. C'est vrai que le modèle GFS du NOAA est très pessimiste en général (très fiable pour prévoir le beau temps mais pas le mauvais), mais là tous les modèles donnaient le même son de cloche : va plutôt te blottir sous tes couvertures, petit astronome...

Au moment de monter à l'étage, je jette un oeil distrait à travers la porte-fenêtre donnant sur le jardin. Tiens. Fichtre. Serait-ce un miracle ? Un rêve ? De la science-fiction ?
Je me rhabille vite fait et me précipite dans le jardin. Re-fichtre. Et je pèse mes mots.
Petite précision, j'ai (entre autres) un grand problème dans la vie qui s'appelle Myopie. J'avais aussi un autre grand problème : des lunettes périmées depuis un ou deux ans, d'autant plus qu'elles sous-corrigeaient d'origine ma vue. Grande première pour moi : des lentilles de contact. Ah quel bonheur, ces petits bouts de plastique ! Les étoiles sont enfin des points ! Les Pléïades ne sont plus une grande tache floue ! Autour de Mirfak, Melotte 20 est un conglomérat d'au bas mot une douzaine d'étoiles ! A la suite d'Antarès, les Hyades, constituées d'une bonne vingtaine d'étoiles, dessinent une pointe de flèche indiquant le Sud-Ouest. Peut-être un doigt pointé vers une éventuelle destination future ?
Pour en revenir aux Pléiades, les six étoiles les plus brillantes sont aisément visibles ; Pleione demeure un peu plus délicate à distinguer dans l'éclat de son encombrant époux. Je n'ai vu ni Celaeno ni Asterope ; sous un meilleur ciel peut-être ?
M31 n'est plus une vague lueur à peine plus floue que ν And qu'elle côtoie, mais bien un fuseau allongé et plus brillant au centre. Comme dans l'oculaire mais en beaucoup plus petit !
Le Double amas forme bien deux amas. Ah, c'est fou fou fou l'astro...
Je vois passer plusieurs belles étoiles filantes ayant toutes le même radiant ; il doit se situer du côté du Taureau ou d'Orion. Le catalogue d'essaims météoritiques de l'IMO m'indique qu'il s'agit probablement de Χ-Orionides Nord. Avec peut-être un peu de Monocerotides dans le lot, qui sait ?

Bref, je redécouvre le plaisir simple de contempler cette multitude de têtes d'épingles éparpillées sur la voûte céleste. C'est d'autant meilleur ce soir-là que les conditions sont exceptionnelles pour un site à moins de 100 km de Paris : la Voie Lactée d'hiver a beau être un peu faiblarde, on peut la suivre aisément depuis le Cygne jusque dans le Petit Chien : Cassiopée puis Persée avec Melotte 20 et le Double amas, et encore un peu plus loin la voilà qui sépare le Taureau de son Cocher puis Orion et les Gémeaux. Du côté du Grand Chien c'est fini. Le lampadaire n'a pas bougé d'un pouce. Je ne parle pas de Sirius - j'aurais alors parlé de phare - mais de ce chef-d'oeuvre orangé d'urbanisme contemporain de plus en plus fréquent dans nos villages où l'insécurité ne règne que dans les crânes.
Un bref coup d'oeil au-dessus du toit de la maison : la Grande Ourse commence à gravir la façade Est ; je regarde bien Mizar, et Alcor apparaît tout simplement sur sa gauche, un brin faiblarde mais bien visible car quand même relativement brillante et distante de sa grande soeur. Je trouve qu'il est bien plus facile de séparer Mizar et Alcor qu'Atlas et Pleione, par exemple. On présente malgré tout souvent le couple ursidé comme un bon test d'acuité visuelle alors qu'on raconte qu'il est habituel de voir sept étoiles dans les Pléiades (Kepler en aurait vu quatorze). Etrange.

Moralité : quand on ne se foule pas pour déchiffrer les ch'tites lettres projetées sur le mur de l'ophtalmo, l'astronomie à l'oeil nu peut devenir un réel bonheur ! Vivent mes nouveaux yeux !

Bon, c'est pas le tout de rêver, mais le miroir devrait commencer à approcher la température ambiante. C'est qu'elle tourne la bourrique, et vite avec ça ! Je monte à toute vitesse le dobson dans un coin dégagé du petit jardin des parents, songeant déjà à ce que j'allais pouvoir violemment infliger à ma rétine. Orion s'apprête à franchir tranquillement le méridien alors que Mars a déjà bien entamé son déclin. Sirius clignote, Rigel bloblote, Betelgeuse frémit et Capella reste imperturbable : seeing plutôt correct. M33 se devine en vision décalée. Je ne pouvais espérer mieux.

Je ne pouvais espérer mieux car il s'agit de la première nuit convenable pour tester ma dernière folie. [Voici un petit intermède technique.] J'ai oublié de préciser que du barillet du miroir primaire pendouille un sac en plastique aux couleurs du supermarché du coin contenant un poids d'un kilo - la classe ! C'est que ce qui va bientôt atterrir dans le porte-oculaire n'est pas de la première légèreté. Car oui, ça y est, j'ai fait le grand saut du grand champ au coulant 2", alors que je m'étais juré d'y venir le plus tard possible. C'est que ça implique un investissement conséquent, ne serait-ce que les filtres à plus de 200 € pièce ou encore le correcteur de coma inévitable à F/4.
Voyons déjà ce que ça donne sans tout cet attirail. Voilà donc le Nagler 26 dans un Crayford légèrement reserré pour l'occasion. La mise au point reste très douce, le MoonLite encaisse mieux que je ne le pensais les plus de 700 g de l'oculaire. Première bonne nouvelle. Par contre en défocalisant une étoile je devine que ma pupille diaphragme légèrement l'ouverture. L'adjonction d'un Paracorr pourrait ramener la pupille à une valeur plus humaine : 5,6 mm au lieu de 6,4 mm. Grâce aux conditions favorables de cette nuit, le fond de ciel n'est pas trop clair. C'est de bon augure tout ça !

Avec avidité mais un peu d'appréhension - que va donner l'image en bord de champ ? - je pointe le Double amas de Persée. Et quelle surprise ! L'image est très propre sur le bord du champ, c'est indéniable ! La coma n'est pas plus gênante que dans le Nagler 16, c'est une deuxième excellente nouvelle. J'y ai un peu réfléchi et ça peut très bien s'expliquer : la taille de la coma est proportionnelle à la distance réelle de l'axe, mais le grossissement est inversement proportionnel au champ réel pour un champ apparent donné, donc a priori pour une même distance apparente de l'axe la taille de la coma ne sera pas plus visible vu qu'on la grossit moins. Et si on ne le constate pas à partir d'un certain grossissement, c'est probablement que la diffraction et la turbulence finissent par noyer la coma.
Du coup le Double amas apparaît bien plus net dans le Nagler de 26 mm que dans son cadet de 16 mm, le confort en plus. Quel plaisir de contempler cet amas comme je le faisais avec mon ancien 115/900, avec juste quelques étoiles de plus !
Pour l'aspect scientifique de la chose - car je sers la science, même que c'est ma joie - j'ai essayé à titre de comparaison le Celestron SMA (Kellner modifié) de 25 mm qui traîne depuis un certain temps dans ma mallette. L'image n'a heureusement rien à voir : le bord des 50° de champ du SMA est bien pire que le bord des 82° du Nagler. Il est vrai qu'il y a un rapport de vingt question tarifs...
Pour ce qui est du chromatisme et des distorsions c'est une autre paire de manches. De ce point de vue, le Nagler 26 n'est pas à citer en exemple. Le chromatisme apparaît clairement sur la Lune dès le premier tiers (!) du champ alors que sur les Nagler type 6 il ne commence à se voir qu'au deuxième tiers. Il faut donc parfaitement centrer la Lune dans le champ réel assez gigantesque (pour un 300) de 1,7° pour ne pas avoir un joli liseré jaune autour de Séléné. La distorsion n'est pas non plus piquée des vers, même si elle n'est a priori pas plus prononcée que dans un autre Nagler du même type. C'est bien simple, quand on fait tangenter la Lune avec le bord du champ, celle-ci ressemble à s'y méprendre à un bel oeuf ! Ou un ballon de rugby, au choix. (Oui, j'ai triché : j'ai simplement regardé la Lune la semaine précédente, alors qu'il y avait de la brume.)
C'est là qu'on se rend compte qu'un oculaire est avant tout un grand compromis d'opticien : autant de verres exotiques, des lentilles aussi énormes, une marge minime pour les revendeurs... et pourtant fabriqué à Taiwan ! A moins qu'Al Nagler ne nous prenne pour de gros pigeons... De toute façon les deux défauts énoncés ci-dessus ne sont pas rédhibitoires en ciel profond... et c'est la Nouvelle Lune ! Alors ne perdons pas de temps ! [Fin du petit intermède technique.]

Poursuite de la visite, donc. Les Sept Soeurs et leurs parents rentrent en entier dans le champ. Une chose frappe : NGC 1435, la nébuleuse qui nous renvoie la lumière de Merope est résolument évidente ! Pas question de buée ici, ne serait-ce que parce que la forme n'est pas du tout celle d'un halo : au Sud de Merope, sur une zone globalement triangulaire aux coins arrondis, le fond de ciel est beaucoup plus clair qu'au coeur des Pléiades. De plus, l'air semble assez sec et la température relativement douce ; un petit vent pas trop fort pour ne pas faire vibrer le télescope mais suffisant pour prévenir la formation de la rosée permettra même au Telrad de demeurer indemne jusqu'à la fin des observations, ce qui est assez rarissime pour être mentionné !

Malheureusement, M31 commence à être un peu basse et le cyprès du jardin masque en partie la grande galaxie. Tant pis, je me rattrappe avec M33 ! Les deux bras principaux sont évidents mais l'aspect est globalement difforme. Le Nagler 26 n'apporte rien par rapport au Nagler 16 sur cet objet, c'est même plutôt le contraire. En grossissant sur NGC 604, la principale région HII de cette grande galaxie, on aperçoit vaguement quelques irrégularités. Je trouve que ça fait un peu penser à M1 à faible grossissement ; les proportions similaires y sont pour beaucoup.
D'ailleurs, en parlant de M1, cet objet est finalement assez curieux. Le filtre OIII ne permet pas de « plus » le voir, mais sous certaines conditions de « mieux » le voir. A faible grossissement, on a un peu l'impression que l'OIII fait perdre en contraste tandis qu'à fort grossissement le filtre éteint la nébuleuse. En bref, je trouve que c'est un objet plutôt esthétique à faible grossissement, mais plus intéressant à grossissement moyen avec un filtre ou à fort grossissement sans filtre. Un peu comme une nébuleuse planétaire du genre M76 qui fait d'ailleurs sensiblement la même taille apparente. Il se peut aussi que ce constat incombe à un OIII pas assez sélectif (Astronomik), puisqu'un modèle plus sélectif (Lumicon) fait des merveilles sur les Dentelles du Cygne qui sont un rémanent de supernova tout comme M1.

« C'est bien joli tout ça, mais qu'est-ce que j'attends pour pointer [...] ? » Attends, je fais durer le plaisir !
Je n'en avais pas fini avec les galaxies. Le fort joli dessin de la Galaxie de la Page introuvable NGC "erreur" 404 par Eric Maire m'a donné matière à inspiration. J'ai donc pointé cet objet et à 46x le contraste est saisissant ! Le nom de « Fantôme de Mirach » est rudement bien choisi : on croirait presque à un reflet parasite de l'oculaire. Par contre mes aigrettes son beaucoup plus discrètes sur β And, probablement parce que les branches de mon araignée ne sont pas parfaitement radiales par rapport à l'axe optique.

Un petit tour dans Cassiopée qui menace elle aussi de disparaître derrière le cyprès. Au Nagler 26 Achird (η Cas) est magnifique ! L'une de mes étoiles doubles préférées apparaît très serrée à 46x, mais les couleurs hyper-saturées donnent à la composante secondaire une couleur encore plus étrange que d'habitude : un intense rose bonbon, garanti avec edulcorants ! La principale est toujours aussi jaune, égale à elle-même. Un bémol cependant [2e intermède technique] : je me rends compte que les étoiles ne m'apparaissent pas toujours ponctuelles avec le 26 mm ; il faut dire que le placement de l'oeil est assez délicat pour minimiser les aberrations, mais je pense que mon astigmatisme n'est pas toujours bien corrigé. Mon ophtalmo m'a dit qu'il existait deux type des correction de l'astigmatisme avec des lentilles de contact. La première consiste à mouler un lentille sphéro-cylindrique (comme pour un verre de lunettes) et d'inclure un ballast sur le bord avec l'angle voulu pour que par gravité la lentille adopte le bon angle sur la cornée ; cette technologie n'est bonne que pour les astigmatismes relativement importants (une dioptrie et plus). La seconde consiste à appuyer sur la cornée pour lui redonner une forme sphérique ; cette technique marche d'autant mieux que l'astigmatisme est faible (0,25 dioptrie). Pour les astigmatismes intermédiaires (0,5 et 0,75 dioptrie) c'est l'incertitude... et je suis dans cette tranche semble-t-il (même si j'ai été mesuré à 0,25). Donc la seconde technologie me convient en usage courant, mais je pense qu'en astro elle se révèle un peu juste. Tant pis. Avec un peu de chance mon astigmatisme va passer la barre de la dioptrie. Joke... [Fin du 2e intermède technique.]
Je disais donc, bien jolie la petite Achird à faible grossissement. Continuons notre balade dans Cassiopée. NGC 457 est très joli, presque petit dans un champ de 1,7°. NGC 7789, autre amas ouvert mais extrêmement dense celui-là, demande vraiment plus de grossissement pour passer du stade de pâté grossier d'étoiles de même magnitude à celui de conglomérat subtil d'étoiles jusqu'à la limite de la détection, avec toujours une étoile un peu moins brillante entre deux voisines.

« Sans vouloir m'impatienter, je pointerais bien expressément [...]. » Minute !
C'est qu'il reste encore plein de choses dans Persée et le Cocher.
Hormis le Double amas dont j'ai déjà chanté les louanges, il existe dans le Cocher trois fameux amas ouverts du catalogue Messier.
En remontant la Voie Lactée de l'été vers l'hiver, on tombe d'abord sur M38, splendide objet qui présente des alignements remarquables d'étoiles, disposés radialement par rapport au centre de l'amas. Certaines personnes ont tendance à donner un nom à partir des forment que dessinent les étoiles, mais en ce qui me concerne je remarqsue plutôt les vides, c'est-à-dire que j'imagine que l'amas est uniformément dense et qu'un objet/animal/autre vient en obstruer une partie. Pour M38 j'ai vu une clef : il y a une région centrale avec quelques étoiles très rapprochées (qui correspond au trou pour passer le porte-clefs), un anneau vide autour (anneau de la clé), puis des étoiles alignées parallèlement (bords de la tige). Donc pour moi M38 c'est l'Amas de la Clef.
Ensuite vient M36 à deux degrés et quelques au Sud-Est. Il est moins riche que M38 et plus petit. Je ne lui ai pas trouvé de nom, mais il est joli quand même.
Un peu plus à l'écart, en progressant toujours un peu plus dans une Voie Lactée en plein délitement, M37 attend patiemment son tour. Ah, pas mal ! Dense et raltivement brillant, il présente avec un évidence une de ces fameuses zones sans étoiles qui m'intéresse. Légèrement en périphérie, on peut imaginer un K ou un X empâté qui empiète sur l'amas, un peu à la manière du Y de M13, en plus facile et plus gros cependant. Après la X nebula, voilà le X cluster !

Afin de changer un peu de registre, les nébuleuses ne manquent pas dans le coin. Je tente d'abord un grand classique... en photo ! NGC 1499, la Californie dans Persée. Dans le Nagler 26 cette nébuleuse n'est pas de la dernière fraîcheur : tout juste voit-on un léger éclaircissement du champ du côté de ξ Per. Rien de très excitant. Un jour peut-être, avec un bon filtre H-beta... Dans le même type d'objets je tente IC 405, aussi connue sous le nom de la Nébuleuse de l'Etoile flamboyante. Il s'agit en principe d'une nébuleuse ionisée par l'étoile variable AE Aur. Là encore, c'est très subtil. Cet objet semble être aussi assez émissif dans le H-beta, d'après quelques infos glanées sur le net. Juste à côté siège l'amas ouvert NGC 1893 qui abrite paraît-il une nébuleuse. Ah bon. Pareil pour IC 417 non loin de là : sans succès. Il faut dire que les amas ouverts contenus dans ces nébuleuses ont tendance à rentre la détection difficile. Toutes ces régions seraient-elles des régions H-beta ?

« Bon allez faudrait peut-être pointer [...] maintenant, hein ! » Au fait, pourquoi ne pas rechercher quelques étoiles doubles non répertoriées dans le Lynx ?
Allez hop, fini de rigoler. C'est décidé, je ne tiens plus en place. Là on attaque du gros, du lourd. La star de l'hiver trône plein Sud. Elle a déjà un peu passé le méridien. Aucun arbre, aucune maison, aucune haie n'obstrue le champ de vision. Le ciel est d'un noir d'encre. Betelgeuse ne bouge plus.
Le filtre OIII devant l'oeil, la Grande Nébuleuse devient l'objet le plus brillant de la région de la pointe du glaive d'Orion qui, à travers le filtre, fait vraiment figure de géant vert.
D'un coup d'un seul, je propulse le Nagler 26 aux avant-postes, même si je n'ai pas de filtre à lui offrir. L'oeil lubrique et la bave aux lèvres, je m'approche de l'oculaire et là, c'est le drame. Nébuleuse n'a jamais aussi bien rimé avec majestueuse qu'à cet instant. Cette corolle vert d'eau affiche une luminosité exceptionnelle et malgré le fond de ciel, le contraste est bien là, surtout dans la région du Trapèze où les quatre petites têtes d'épingle ont preque du mal à émerger dans la lumière ambiante. Je n'avais vu auparavant la boucle de M42 qu'avec le Nagler 16 et l'OIII, mais là on l'aperçoit très bien sans filtre ! Tentant le tout pour le tout, je replie la bonnette du 26 et plaque le filtre en 1"¼ devant la lentille d'oeil. Par la barbe du prophète, c'est magnifique ! Pas confortable mais magnifique ! Le grand anneau est maitenenant évident, la partie intérieure de M42 ressemble par endroits à des draperies, un peu comme sur les photos. Le tout est vert foncé, comme une étoile vue à travers le filtre ! M43 disparaît presque complètement. Un UHC serait vraiment idéal dans de telles circonstances, je pense. Bref, cette vue d'ensemble a déjà de quoi se poser en point d'orgue d'une bonne nuit d'observations. C'était sans compter sur les grossissements...
Avec le Nagler 16, la baie sombre qui file entre M42 et M43 et semble vouloir phagocyter le Trapèze est plus contrastée. On peut suivre cette formation sombre sur un bonne longueur tandis qu'elle est bordée par les deux ailes déployées de M42. Je préfère regarder sans filtre. Et je continue. Nagler 11 maintenant. Trapezium E et F sont désormais faciles et on commence à distinguer de nombreux enchevêtrements de gaz dans cette région, mais ça reste un peu petit. La bordure Sud de l'aile Ouest est toujours découpée au couteau, d'une netteté effarante ! On commence également à voir quelques détails dans M43. Sans filtre bien entendu. Ne nous arrêtons pas en si bon chemin. La Powermate 2,5x couplée au Nagler 16 (188x) permet de plonger encore plus au coeur de M42. La région centrale devient ahurissante de détails. C'est tout bonnement indessinable. Les détails sont brillants, nets, pas besoin de vision décalée, c'est là, sous mes yeux ! Tant de volutes, de circonvolutions, de méandres, de chenaux, de piliers... Quand je me revois en train de m'arracher l'oeil sur les Piliers de la Création de la Nébuleuse de l'Aigle cet été, je me fais presque pitié tout seul. Ici les piliers de la création on les a par poignées, par paquets de douze, par camions entiers. J'exagère à peine. La Nébuleuse d'Orion, c'est un peu une synthèse de tout ce qu'on peut trouver dans l'ensemble les nébuleuses qui nous sont accessibles. Ce qu'on voit dans M16 on l'a dans M42, ce qu'on voit dans M17 on l'a dans M42, ce qu'on voit dans M8 on l'a dans M42, ce qu'on voit dans M20 on l'a avec M42, même ce qu'on voit dans les Dentelles du Cygne on l'a dans M42. C'est honteux. Consternant. Heureusement, il reste les galaxies et les amas globulaires... à condition de n'avoir jamais observé Omega du Centaure j'imagine !
J'ai pu monter encore le grossissement à 273x, et le contenu de l'oculaire restait surréaliste. C'est vraiment LA nébuleuse pour laquelle on peut se permettre toutes les excentricités.

Je m'en serai voulu de ne pas avoir fait un seul dessin de la nuit, vu les conditions. Preuve d'une santé mentale à peu près intacte (quoique), l'idée de gribouiller M42 ne m'est même pas venu à l'esprit. Par contre sa timide voisine m'est apparue bien plus accessible, je décidai donc de la croquer ! M43 reste un objet assez évanescent, il n'empêche que c'est à des grossissements plutôt élevés que j'ai pu le détailler. Au cours du dessin, j'étais à la limite de faire sortir M42 du champ, à cause de sa présence déconcertante. Voici donc le résultat :


Comme dimanche soir le temps a de nouveau fait des siennes, j'en ai profité pour apporter quelques détails supplémentaires. Le contraste ne va peut-être pas être dément sur tous les écrans, par contre.

Mais revenons-en à la nuit de samedi à dimanche.
Même si le sommet a été atteint avec le mastodonte M42, la soirée m'aura réservé quelques bonnes suprises. Pour en revenir au 26 mm, la Nébuleuse de la Flamme (NGC 2024) avait enfin une forme de flamme et surtout la Rosette (NGC 2244) s'est révélée extraordinaire avec le filtre OIII placé devant la lentille d'oeil ! Infiniment plus belle qu'avec le Nagler 16 et le filtre ! Un vraie couronne brillante, avec des détails que je n'ai malheureusement pas réussi à préciser faute de confort d'observation (avec la hantise de laisser tomber le filtre par terre).

J'ai quand même trouvé un objet trop grand pour le champ du Nagler 26 : l'Amas de la Ruche dans le Cancer. Grosse boule floue à l'oeil nu, elle devenait un amas épars d'étoiles brillantes dans le champ de l'oculaire. Une paire de jumelles aurait sûrement été plus adéquate.

Et pour finir, un grand classique : Saturne, flanquée de Dioné, Rhéa, Thetys et Japet, Titan restant toujours à distance. Je n'ai réussi à voir ni Mimas ni Encelade ni Hyperion. Je ne sais pas si le deux premiers sont accessibles facilement du fait de leur proximité à la planète mère, mais Hyprion doit être visible s'il s'éloigne suffisamment de la planète aux anneaux.
Le seeing était correct, la division de Cassini était visible par intermittence sur tout le pourtour. Encke ne sera pas pour cette nuit.

C'est pas grave, j'ai eu ma dose. Des nuages sont venus perturber l'orgie, ce fut un bon prétexte. Même s'ils disparurent au bout de dix minutes. Je sais, c'est mal, mais ne dit-on pas qu'il ne faut pas abuser des bonnes choses pour garder le plaisir intact ?

Gavé, ivre et repus. Voilà ce qui aurait pu caractériser mon état avant de rejoindre Morphée.

[Ce message a été modifié par MatP (Édité le 25-01-2006).]

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Oui, une bien belle nuit d'astro et un dessin délicat pour couronner le tout.

Heureux veinard... ;-)

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Ah, mais c'est plein de choses intéressantes, ce CROA ! Le récit est passionnant, il y a du suspense. On attend l'observation de cette nébuleuse qu'il ne nomme pas (mais bon, on a tous devinés de laquelle il s'agit) mais non, il faut qu'il observe d'abord quelques petits objets comme M37, NGC 2024, M42, le Double Amas... D'ailleurs j'ai été déçu, finalement il n'a pas observé la nébuleuse jamais nommée (mais tout le monde avait sûrement deviné qu'il parlait de la nébuleuse du Canard).

MatP : ton explication de la coma pas plus gênante au 26 mm qu'au 16 mm me paraîte convaincante. Je n'y avais pas pensé, mais je crois que tu as raison, surtout que tu l'as constaté par l'observation. Du coup un Nagler 26 mm risque d'être mon prochain cadeau de Noël (pas mon cadeau du prochain Noël, que je me suis déjà offert, mais mon prochain cadeau de Noël, donc dans pas mal de temps.) Rhaa, il va falloir changer tous les filtres... Mais c'est vrai que 20 mm, c'est encore trop fort pour mon cadeau du prochain Noël (j'espède que vous me suivez.)

Ton observation de M42 me rappelle la mienne l'hiver dernier. Le premier hiver avec le 300 mm, j'avais loupé M42, car il a fait beau par Pleine Lune uniquement, ou alors ça tombait mal. Du coup, mes premières grandes émotions au 300 mm, c'était M51, puis M13, puis les Dentelles. Et je me demandais : c'est quoi le plus bel objet au 300 mm ? Les Dentelles ? M13 ? Quand j'ai vu ensuite M42 sous un ciel sombre, j'ai arrêté de me poser des question idiotes ! Il n'y pas, mais alors vraiment pas, photo. Et, comme toi, je me suis contenté l'an passé de dessiner M43 (plus un dessin global de M42 avec uniquement les structures à grande échelle), découragé devant l'ampleur de la nébuleuse. Bref, j'ai remis le dessin à l'année suivante. Ah, ce n'est pas très malin, maintenant que j'y pense... avec mon cadeau de prochain Noël (le 495 mm que j'ai reçu il y a un mois) !

Sinon, ton éclaircie, maintenant que tu as fini de t'en servir, tu pourrais me l'envoyer ? En Colissimo, si tu me l'envois demain, je l'aurai vendredi soir, parfait. Merci d'avance !


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Matp=> super CROA ! ça doit vraiment être incroyable M42 dans des "gros" diamètre ( par rapport à mon petit mak... ). Dommage que tu ne l'ai pas dessinner

Bruno=> tu veux lui piquer son nagler 26? ^^

Astroamicalement

Boris

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Grand moment de lecture. Merci.

Merci d'utiliser le verbe "Blobloter". J'aime beaucoup. On n'est pas si nombreux à l'utiliser...
Certains de mes copains du club pensent que je l'ai inventé. Que nenni !
Pierre

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Content d'avoir pu partager avec vous au moins en partie ce petit week-end de bonheur ! Et merci pour vos encouragements.

Seb> Oui, en principe dans grosso modo deux mois je vais pouvoir tâter à nouveau du climat franc-comtois. Sous un bon ciel jurassien tant qu'à faire.

Bruno> C'est vrai que tu as déjà un XW de 20 mm. Le Nagler 31 te donnerait quelle pupille avec le Lukehurst ? Parce que le tarif du 31 est à pleine plus abusif que celui du 26, d'ailleurs je crois bien que le 31 est le moins cher des Nagler... au kilo !
C'est vrai qu'il va falloir s'équiper en filtres, sachant qu'un bon filtre coûte le prix d'un Pano de 15 mm... à moins de prendre ailleurs que chez Lumicon (ce qui ne change pas grand chose en général) ou d'avoir une bonne opportunité en occasion (avec un peu de chance un UHC sera arrivé quand je rentrerai à la maison ce week-end).

Je suis allé voir ton dessin de M43 et même si le niveau de détails est similaire au mien, on dirait que je suis méchamment passé à côté d'une nébulosité au Sud de la « virgule » que j'ai dessinée. Serait-ce parce que j'ai trop poussé le grossissement ? A moins que tu aies vu la nébulosité en question avec ton OIII ?...

Boris> Il faut reconnaître qu'un 300 c'est vraiment le panard sur ce genre d'objet, cependant je me souviens avoir fait le même constat que ce week-end il a deux ans avec mon Mak de 150 d'alors. Je me souviens avoir pareillement grossi pas mal (200x avec le LE 7,5) et constaté des détails filamentaires dans la région très brillante tout autour du Trapèze, alors que ce n'était pas vraiment visible à moins de 100x. Peut-être que tu devrais aussi essayer de grossir un peu ? Je pense que ça doit se voir avec un 127 si les conditions sont correctes.
Sinon c'est pas de sitôt que j'aurai le courage d'entamer M42 en dessin... à moins peut-être d'une table équatoriale et d'une poussée d'héroïsme. En tout cas il y en a qui osent : http://www.geocities.com/ex_cathedra_3/Orion_10-30-05_Color.jpg (dommage pour les coups de crayons, mais les circonvolutions du coeur sont bien rendues). Un jour moi aussi je verrai du pourpre dans M42...
Sinon voilà à peu près ce qu'on peut voir dans un 150 : http://www.cloudynights.com/ubbthreads/showflat.php/Cat/0/Number/288850/page/4/view/collapsed/sb/5/o/all/fpart/1 (le gars devait avoir de très bonnes conditions et/ou une excellente vue quand même).

Pierre> http://www.ortholud.com/conjugaison/v1/b/blobloter.php D'après mon dico, c'est de l'argot qui veut dire trembler de peur ou de froid. En fait je ne connaissais pas la définition exacte, mais on peut quand même deviner une partie du sens. D'ailleurs je ne sais même pas où et quand j'ai pris la connaissance de ce mot, si ça se trouve tu l'as déjà écrit et je l'ai inconsciemment retenu.

P.S. Rââh ça fait la troisième fois que j'écris ce message après avoir tout perdu pour cause de plantage... Va falloir me reformater tout ça...

[Ce message a été modifié par MatP (Édité le 07-12-2005).]

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Passionnant CROA!!! Ma page est introuvable? il ne me semble pas

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Merci Eric. Mais non elle est pas introuvable ta page.

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