Bruno-

CROA de vacances en Perséides

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Pour ces deux premières semaines d'août, j'étais parti en vacances en famille dans les Alpes, mais j'ai emporté le petit Dobson (le 300 mm) au cas où. Il n'a pas servi la première semaine, malgré le beau temps, à cause de la Lune, mais a pu sortir le soir du 12 août.

La veille, j'avais regardé quelques étoiles filantes à l'oeil nu puis regardé rapidement le ciel aux jumelles. Ma cousine et son fils étant intéressés, je leur avais donné quelques indications pour trouver certains objets faciles. Pas évident d'apprécier M4, M8 ou M11 qui ne sont que des taches floues, ou M6 qui ne montre qu'une dizaine d'étoiles faibles, lorsqu'on n'a jamais regardé dans un instrument d'astronomie. Le 300 mm était prévu de sortie pour le lendemain et j'espérais qu'il les décevrait moins.

Ce mercredi soir, j'ai donc sorti le matériel peu après le coucher du Soleil puis vérifié la collimation avec le cheshire. Dès qu'Arcturus était visible : pointage pour la vérifier. Zut, à refaire ! Pas étonnant après 600 km de route... Puisque Jupiter risquait d'être au programme, soignons-la bien ! J'oriente le secondaire grâce au laser, le primaire grâce au cheshire, puis je peaufine sur Arcturus (la Polaire n'est pas encore visible). Je chipote, j'ai le temps. Une fois la collimation terminée, je pointe Epsilon du Bouvier : pas mal !

Ma cousine et son fils étant descendus, je commence par leur montrer la couleur des étoiles en pointant quelques étoiles doubles colorées dont Albiréo. Je les laisse s'entraîner à suivre à x240 (mon plus fort grossissement) : pas facile, il faudra les habituer petit à petit.

Et la nuit tombe peu à peu. La Voie Lactée apparaît petit à petit (le gîte est à l'écart du village). Quelques étoiles filantes tombent du ciel et ne cesseront de le faire toute la soirée. J'ai décidé de leur présenter le ciel selon le thème "la vie des étoiles" qui se prête bien au ciel d'été. Je leur explique que Jupiter, il faut la garder pour la fin, quand la planète sera plus haute et que l'atmosphère se sera stabilisée.

La Lagune, M8 (à x60), est l'occasion d'expliquer rapidement que les étoiles naissent au sein de nuages d'hydrogène (nébuleuses) : une première génération forme un amas situé à droite, une nébuleuse en formera une nouvelle à gauche. J'ai bien sûr placé le filtre OIII. Mais la nuit n'est sans doute pas complète et la nébuleuse manque quand même de richesse - cela dit c'est beaucoup mieux qu'hier aux jumelles ! Ma cousine découvre qu'elle voit plus de choses en regardant de côté - ah oui, j'avais oublié de leur donner ce conseil... Son fils, lui, remarque que les étoiles filantes viennent toutes du même côté. Décidemment, ils sont très observateurs !

Passons ensuite au M17, la nébuleuse du Cygne, plus petite mais plus contrastée. Ensuite j'entame la visite des amas ouverts (sans le filtre à présent) pour illustrer ce qui se passe une fois que tout le gaz a été utilisé : un pas trop riche, NGC 6633, et un riche, M11. Pour ce dernier objet, je passe à x133. Là, c'est mille fois mieux que la petite tache floue d'hier ! Quelques étoiles filantes plus tard, je passe à la deuxième partie : la mort des étoiles. Les étoiles "normales" finissent par expulser leurs couches externes qui forment des ronds de fumée comme M57. Je laisse le x133 qui suffit pour bien apprécier la forme annulaire de la nébuleuse. Voyons-en une qui se présente de profil : M27. L'étoile centrale est visible faiblement mais personne ne la voit, je n'insiste pas. Je remets le filtre OIII, la différence est notable.

La Voie Lactée est très bien visible et mes deux "invités" distinguent sans problème sa structure générale : le nuage marquant le centre de la Galaxie, le nuage de l'Écu, le deuxième bras... Malheureusement elle va s'affaiblir peu à peu dans quelques minutes, sans doute parce que la Lune s'était levée (derrière une montagne).

Pour finir la viste thématique, voyons la fin d'une étoile très lumineuse : elle explose et laisse comme trace un rémanent de supernova : je pointe donc les Dentelles. J'ai remis le x60 muni du filtre OIII et pointe la Petite Dentelle puis la Grande. Ma cousine a du mal à voir que le filament de la Petite se dédouble mais distingue les croisements près de 52 Cygni (pas mal pour un début !) Elle arrive à balayer toute la Grande Dentelle qui dépasse du champ.

Et Jupiter ?

Je pointe la planète en expliquant qu'elle est encore basse et risque d'être décevante. Je me souviens avoir dit quelque chose comme « c'est juste pour essayer » ou « on va bien voir mais bon... ». Comme je savais que je ne ferai que du tourisme, je n'ai pas préparé l'observation et ne suis pas au courant, par exemple, de la configuration des satellites. Cela dit j'avais imprimé un diagramme des satellites au cas où. Nous les avions vus la veille aux jumelles (des 15x70), trois d'un côté et un quatrième de l'autre, plus loin, reconnu par son alignement.

J'ai remis le x133. Vue la hauteur de Jupiter et le manque d'expérience de mes "invités" (notamment en matière de suivi manuel), pas la peine de forcer. Jupiter est centrée au chercheur. Je regarde à l'oculaire, je mets rapidement au point.

Wahou !

Aussitôt je laisse le télescope à ma cousine puis son fils sans rien leur dire sinon que c'est intéressant !

Il y a un satellite de chaque côté et une ombre au milieu du disque (l'ombre de celui de gauche ou celle de celui de droite ? - aucune idée). De plus le satellite de droite est tangent au disque. Il va donc passer devant, et la transition va se faire en quelques minutes. Je vais chercher mon diagramme des satellites. Voyons ça... Zut, il paraît qu'il y a trois satellites, or je n'en vois que deux. Et le diagramme ne m'aide pas à savoir duquel appartient l'ombre. Bon...

Nous continuons à observer : le satellite de droite est maintenant rentré sur le bord du disque. Il se détache un peu, formant un petit rond blanc, plus blanc que Jupiter. L'ombre qui était à peu près au milieu du disque est maintenant dans la moité de gauche. Je finis par comprendre le diagramme des satellites : à gauche, c'est Io, à droite c'est Europe, et l'ombre au milieu est celle de Ganymède, qui est invisible à côté de son ombre. Mais oui : on est presque à l'opposition, donc les ombres se projettent juste à côté de leurs satellites !

Effectivement, l'ombre d'Europe apparaît à droite. Aussitôt, nous distingons tous qu'elle est un peu plus petite que l'ombre de Ganymède. Je n'avais jamais remarqué qu'on pouvait noter ça ! (Il est vrai que deux ombres sur le disque, c'est rare). La soirée est vraiment intéressante ! J'ai eu raison de chipoter la collimation. Cela dit, on devine comme un reflet de l'ombre de Ganymède, en haut à droite : y aurait-il de l'astgimatisme ou quelque chose comme ça ? Ou alors ce serait Ganymède, collée à son ombre ? Ma cousine l'a vu aussi (alors que je n'en ai pas parlé). Après avoir comparé avec l'ombre d'Europe (personne à côté), je comprends qu'il s'agit bien de Ganymède. La planète est visible même en plein milieu de Jupiter, peut-être est-elle plus sombre qu'Europe ? C'est épatant de pouvoir comparer ainsi les satellites. Comme l'image a l'air bonne, je suis passé à x171 (x240 est pas mal aussi mais je trouve qu'on voit tout à x171, et ça facilitera le suivi).

L'ombre de Ganymède en presque terminé avec son transit. Ganymède s'approche du bord, visible comme un petit rond blanc, plus blanc que Jupiter. Io s'est alors approché (il tourne dans le sens contraire, donc va passer derrière). De minute en minute nous apprécions le rapprochement. Le diamètre de Ganymède est clairement plus grand que celui de Io et, là encore, tout le monde le remarque sans que j'ai besoin de le signaler. Je sais que Io va disparaître éclipsée par l'ombre de Jupiter, mais il continue à s'approcher du disque (comme nous sommes presque en opposition, l'ombre de Jupiter est presque confondu avec le disque). Ganymède et Io sont à présent alignés, le plus gros en haut et le plus petit en bas. Nous alternons sur la chaise d'observation : l'un regarde au télescope, les deux autres signalent les étoiles filantes (la Voie Lactée a bien faibli). C'est ma cousine qui assiste à la disparition de Io, en une dizaine de secondes (le temps de nous le décrire : il faiblit... il a disparu !).

Pendant ce temps la Tache Rouge est apparue de l'autre côté du disque. Au début, on voyait juste que la bande sud faisait une échancrure, puis la "pupille" de la Tache Rouge est devenue visible, et enfin l'ensemble. Mais sa couleur rouge n'est pas bien visible (la faute au Pentax qui "blanchit" l'image ? à l'aluminure qui a six ans ?) En quelques dizaines de minutes son déplacement est bien perceptible, signe de la rapide rotation de la planète. L'ombre d'Europe se projette toujours devant la planète mais a dépassé à présent le méridien.

Jupiter montre pas mal de détails et il y a quelques rares trous de turbulence où ça devient très intéressant, mais je ne fais pas de dessin. Le croquis ci-dessous montre ce qui a été remarqué, globalement.

Il resterait à attendre le retour de Io de l'autre côté du disque, mais aussi la tache noire récente, dont je sais qu'elle est située à droite de la Tache Rouge, sans oublier la Lune pour l'instant cachée derrière la montagne. Mais il est presque une heure du matin, heure très tardive pour des non-astronomes même en vacances, surtout après une journée de randonnée. Alors nous remballons.

Je n'avais pas prémédité de faire cette découverte du ciel ce soir là, c'est le beau temps et un peu la hasard qui en ont décidé, mais que ça tombait bien !

Pour finir, un croquis rédigé le lendemain :

- Au milieu : la configuration des trois satellites, vue de haut (c'est-à-dire du pôle sud - au télescope le nord est en bas).
- En haut à droite : la configuration des trois satellites vue au télescope à différents instants.
- En bas à gauche : ce qu'il y avait à voir sur le disque de Jupiter, sans détailler (la position des satellites ne correspond pas au même moment que celle de la Tache Rouge).

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Ça y est, c'est mon 10.000è message, et c'est un CROA !

[Ce message a été modifié par Bruno Salque (Édité le 16-08-2009).]

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Bravo pour ce fantastique croa que lequel j'ai eu beacoup de plaisir a lire! et bravo pour ce 10'000 message ça fait toujours plaisir de partager sa passion avec ces proches non?
Un double transit ça doit être quelque chose. en tout cas, Bravo!

astronomicalement
José

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Bonsoir Bruno,
J'espère que tu vas bien.
J'aime bien cette idée d'observation utilisant un fil conducteur. Je n'y avais jamais pensé. Donc en plus de ce CROA sympathique qui me donne l'impression dy avoir assisté moi mêmme, je me souviendrait surtout de cette idée "hautement" pédagogique. Merci.

PS : Une autre chose qui n'a rien a voir. Depuis 2004, est ce que l'aluminure de ton miroir primaire du 495 à vieilli ou pas. Le mien a attrapé une sorte de varicelle. La perte de lumière est minime. A peine 5% et j'ai réussit a stopper l'hémorragie même si je ne connais pas la cause du problème. Peut être un mauvais stockage après des observations ou l'humidité était très présente ?...

[Ce message a été modifié par marcbarbat (Édité le 28-08-2009).]

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Salut,

j'apprécie particulièrement ce CROA car il reflète bien les belles observations d'été, en famille ou avec les amis, dans la douceur des nuits avec un instrument. Le sommaire est tout tracé avec la vie, la mort des étoiles, ce qui en est visible. J'y ajoute aussi une notion de distance relative (plus près, plus loin que...) pour finir dans le monde extra galactique avec les stars qui s'imposent.
De belles ambiances, et surtout, des moments rares.

Serge

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Un récit sympa, où on te suit pas à pas dans ton programme d'obs, on s'y croirait !

Fred.

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Extraordinaires...

Quoi? Le bonhomme, le Croa: 10 000 messages ici, presque autant sur le forum voisin, un récit beau et limpide > la classe!

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Marc Barbat : « Depuis 2004, est ce que l'aluminure de ton miroir primaire du 495 à vieilli ou pas. Le mien a attrapé une sorte de varicelle. »

Sur mon Lukehurst, ça a l'air d'aller. C'est mon Orion Optics qui me cause du souci. Je ne sais pas s'il y a une couche de quelque chose ou si c'est l'aluminure qui se flétrit, mais quand je l'ai nettoyé cet été j'ai trouvé que c'était nickel au moment où j'avais plein d'eau dessus, et après le séchage il reste une trace de je ne sais pas quoi qui le rend plus terne. Ou alors c'est le séchage qui se déroule mal ? C'est ce que je soupçonne, car la première fois que je l'avais nettoyé, l'hiver dernier, ça m'avait fait ça aussi, et je me dis que je ne dois pas trop être doué... (Le Lukehurst, je l'ai fait nettoyer l'automone dernier - et j'ai appris comment faire - mais je n'y ai pas encore touché.)

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Bah c'est pas compliqué Bruno, tu le laves dans ta baignoire, et après, tu le rinces à l'eau déminéralisée genre celle que l'on met dans le fer à repasser, là au moins au séchage tu n'auras pas de traces...à condition qu'à l'étape de la baignoire tu l'aies correctement dégraissé, genre paic citron ^^

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