Benj Poup

premières lumières hivernales de mon Flex-tube 10''

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Pour ma première soirée étoilée de l'année 2010 – et accessoirement ma première excursion visuelle depuis … l'été, c'est dire si le temps sait se faire clément dans la région... - j'ai décidé de sortir l'artillerie lourde. Ce 5 février 2010, ma dernière acquisition - un Skywatcher Flex-tube de 10'' - s'apprête à cueillir ses premiers photons célestes.

Ces premières lumières de mon Dobson de 250, face à un ciel dégagé, ne sont pas sans me rappeler les premières lumières de mon C8, il y a 16 ans. Ciel d'hiver, vent glacial : les conditions de départ sont les mêmes. La première sortie du C8, sous une bise glaciale, reste un moment inoubliable, tant pour la vision de M 42 que pour la pénibilité de l'exercice. Mais en 16 ans, j'ai appris à m'équiper contre le froid : armé de ma panoplie de ski et de ma bouteille thermos, je ne crains que la fatigue !

Je déballe le Dobson et installe l'ensemble de mon matériel dans un chemin qui domine la vallée de la Marne, au dessus de Try, au milieu de mes amis les petits lapins. Mars domine un ciel étoilé coupé en deux par une belle Voie Lactée, bien visible en dépit de la présence des lumières de Dormans. L'horizon nord est un peu voilé, mais l'horizon sud est très propre. J'ai hésité à m'enfoncer un peu plus dans les vignes pour m'éloigner des lumières, craignant que la pluie des jours précédents rende les chemins impraticables. La boue qui me colle aux semelles me confirme que je n'ai probablement pas eu tort. Oculaires, atlas, enregistreur, tout est prêt. Me voilà parti.

Je commence par régler le chercheur sur un objet brillant, et, ciel d'hiver obligeant, je tourne le télescope vers Sirius. Ouch, ça brille fort ! Sirius, au milieu du champ du 21mm, coupe l'espace en quatre parts égales. Les aigrettes vont bien au-delà des bords du champ. En quelques tours de vis, j'aligne le chercheur 9x50 … avec lequel je ne suis vraiment pas à l'aise. Habitué au Telrad, je suis obligé de faire de la gymnastique mentale pour remettre les étoiles à leur place. Quelques gesticulations seront d'ailleurs nécessaires pour pointer M 41. Au 21mm, l'amas occupe déjà une large partie du champ. Il est résolu sans aucune difficulté, et les étoiles sont même très nombreuses. Au centre, deux étoiles brillantes présentent même une coloration orangée, qui ne fait aucun doute quand on défocalise.

Ma cible suivante respire l'évidence : quand on inaugure un télescope en hiver, M 42 s'inscrit comme une étape incontournable. Je tourne le tube vers l'épée d'Orion, et re-ouch ! Au 21mm, la nébuleuse occupe tout le champ ! A ses côtés, M 43 n'apparaît plus comme une simple tache floue éclairée par son étoile centrale. Une bande sombre (une « rivière plus noire », pour citer mes propres mots...) apparaît en contre-jour, et coupe la nébuleuse en deux régions de taille inégale.

Le trapèze d'Orion est parfaitement résolu : la cinquième étoile est visible au 21mm, et devient évidente au 10 mm. La sixième apparaît également par intermittence, mais sa présence ne fait pas plus de doute. Une petite étoile, coincée entre le trapèze et le sommet du pilier sombre de M 42, fait également de timides apparitions. Je ne me souviens pas l'avoir déjà vue.

La nébuleuse s'étend très très loin; les textures sont très belles et très riches. Les assombrissements s'enchainent, les ailes de la nébuleuse sont très nettement définies. En contemplant la nébuleuse d'Orion, j'en arrive à me dire que sa vision vaut largement celle des photos. Tout du moins celles que j'arrive à faire ! Ne manque que la couleur.

Je me promène dans l'épée d'Orion, m'arrête sur les séries de nébuleuses qui dominent M 42. NGC 1977 , bien visible autour de son arc de 4 étoiles, et NGC 1973, plus discrète. Je redescends, m'arrête sur 44 Ori, une étoile triple singulière qui figure souvent sur mes périples d'hiver. Un peu plus bas, à l'extrémité de l'épée d'Orion, je m'arrête sur NGC 1999, une petite, mais immanquable tache brillante.

Je remonte sur Alnitak, et je trouve, juste à côté, NGC 2024, la « nébuleuse de la flamme », un peu perdue dans la lumière de l'étoile. Deux zones bien marquées, séparées par une bande sombre, sont malgré tout bien visibles. La plus éloignée d'Alnitak semble elle-même séparée en deux zones.

Je tombe ensuite sur M 78 comme dans un rêve. Quand je repense aux difficultés de repérage posées par cette nébuleuse par le passé ! Elle est ici visible sans problème, de même que sa voisine, NGC 2067, qui apparaît au 10 mm. NGC 2071, une autre nébulosité centrée sur deux étoiles brillantes un peu plus éloignées, est également bien visible.

Je me lance ensuite dans le repérage de M 79. Tout juste visible aux jumelles, il apparaît comme une condensation au noyau assez brillant. L'aspect granuleux apparaît au 21mm, mais il faut grossir davantage pour commencer à le résoudre. L'exercice est rendu difficile par la faible hauteur de ce petit, mais joli amas globulaire.

Je monte ensuite sur M 1, dont la forme ovale se détache nettement sur un très beau fond de ciel, littéralement constellé d'étoiles. Il faut dire que c'est ma première incursion dans la Voie Lactée. Et il y a du monde ! En grossissant à 120x, on arrive peut-être à deviner des inhomogénéités dans l'ovale de la nébuleuse.

J'enchaîne ensuite avec les 3 messiers du Cocher : M 36, M 37 & M 38. dans le désordre. Je commence d'ailleurs avec M 37, mon préféré. Il y aurait évidemment du temps à perdre dans le secteur, car au-delà des 3 messiers, les amas ouverts et les nébulosités ne manquent pas. Mais je décide de les délaisser, pour glisser vers les Gémeaux, et notamment l'un de mes objets préférés.

Me voilà ainsi sur M 35, dont les étoiles pétillent littéralement dans le champ du 21mm. A ses côtés, NGC 2158 apparaît comme une petite tache grise presque résolue. Au 10mm, il apparaît résolu en vision décalée en une quinzaine d'étoiles. En m'appuyant sur quelques étoiles brillantes, je prolonge l'itinéraire, et croise IC 2157, une condensation assez lâche d'une dizaine d'étoiles. Au-delà, je trouve également NGC 2129.

Je remonte ensuite sur NGC 2266, situé juste au-dessus de l'étoile Mebsuta. Son côté asymétrique est tout à fait surprenant : de forme globalement triangulaire, cet amas d'une vingtaine d'étoiles apparaît bordé, sur un de ses côtés, par une série d'étoiles plus brillantes.

Je redescends ensuite sur le sapin de Noël, à la recherche de la nébuleuse du Cône. Mais j'ai la mémoire qui flanche : je cherche le cône au pied du sapin, alors qu'il se trouve au sommet. Cela n'empêche pas l'imagination de faire des merveilles : je suis persuadé de voir une nébulosité autour de l'étoile qui marque le pied du sapin... mais c'est au sommet qu'il faut espérer trouver le cône.

Mars est maintenant haute dans le ciel, et offre un magnifique spectacle … à fort grossissement. A 60 ou 120x, Mars est trop brillante pour que le moindre détail soit visible. A 240x, les choses se précisent enfin : la calotte polaire est très brillante, et des détails sont bien visibles. Mais le vent se lève, et complique l'observation. Dans les rares moments de calme, des éclaircissements apparaissent au cœur de Syrtis Major. Beau spectacle !

Il n'en est pas de même pour Saturne. Basse sur l'horizon, la planète semble entourée d'anneaux voilés !

M 51, ma dernière cible de la soirée, n'est pas en beauté non plus. Les deux noyaux sont bien visibles, mais la faible hauteur de la galaxie interdit de repérer le tracé des bras en spirale.

Le vent, le froid et la fatigue me font renoncer à poursuivre une soirée déjà riche, et plutôt réjouissante. Et ce à plus d'un titre : outre la satisfaction de retrouver le ciel étoilé, je suis très heureux de mon nouveau jouet, et de la perspective de tous ces objets célestes qu'il me permettra de découvrir … ou redécouvrir.

Benjamin Poupard - Le blog du Voyageur immobile

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Une délicieuse promenade et une lecture aisée grâce à une écriture fluide et une présentation aérée ... vraiment un excellent moment, merci beaucoup !!

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Sympas ton CROA et ton blog. Tu devrais aussi poster tes "solargraphies" !...

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Un CROA riche et détaillé !

Pour ce qui concerne la nébuleuse du Cône, note que c'est une nébuleuse obscure. Effectivement, elle est au sommet du sapin, mais l'ensemble nébuleux à la frontière duquel se détache le Cône entoure une bonne partie de l'amas. C'est comme NGC 2024 vis à vis de la Tête de Cheval. Et cette nébuleuse, bien plus facile que le Cône (je n'ai jamais entendu parler d'observation visuelle du Cône), a sa portion la plus brillante dans la région basse du sapin, sur un des côtés. Elle englobe aussi l'étoile principale (S Mon).


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Bonjour

Avec le même diamètre que toi, Benjamin, je n'ai jamais vu la nébuleuse du Cône, par contre une partie circulaire de la nébuleuse en surimpression de NGC2264 était facilement vue.

Pour le Cône, ça me rappelle trop le journal des Satos Fous dont c'était l'Arlésienne!

Beau CROA qui berce le lecteur, on sent que tu t'es amusé et as bien profité de cette belle nuit.

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@ Xavier et Bruno : je partais de toutes façons du mauvais coté du sapin de Noel, avec cette arlésienne céleste , mais je crois que je m'appuyais sur le souvenir de certains dessins, représentant le cône comme un triangle sombre dominant une nébulosité circulaire. Maintenant, si le cone n'est vraiment pas visible, ce n'est pas grave : je me consolerai avec le reste du ciel.

@ Kaptain : j'avais déjà posté un essai de solargraphie dans le forum "image", et l'accueil avait été assez ... mitigé.
Il aurait probablement fallu le poster dans une catégorie à inventer sur Astrosurf, genre "rencontre du 3ème type" ...

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Salut Benj'

Je vois que tu as fais ta nouvelle acquisition, même si au départ tu étais parti pour un 300, je crois.
Un joli petit CROA, tu t'es axé sur les objets les plus brillants, hormis les zones vers la Flamme et M78, logique, quand on veut voir ce que vaut notre jouet la première fois. Je sais qu'on ne peut pas tout faire, mais je te conseille d'essayer IC418 dans le Lièvre. C'est une petite nébuleuse planétaire, très brillante, mag9, où tu devrais déceler quelques détails. Elle visible au 203mm vers Paris.
J'ai hâte de rentrer un week-end de beau temps en Champagne, et faire une nuit pleine d'objets diffus.

Bonnes observations pour la suite.

Astrofab-51

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Oui, comme c'était la première sortie, j'ai fait le Louvre et la Tour Eiffel

Mais je me suis déjà mitonné quelques itinéraires du côté du Grand Chien et de la Poupe, qui n'attendent que le retour du beau temps.

J'ai finalement opté pour un 250 sorti du destockage de chez Optique Unterlinden (-30% sur le prix d'origine à cause des bosses. Je cherche toujours les bosses). Le grand frère de 300mm aurait été ultra-problématique avec ma voiture, et le 250mm est donc une solution de compromis.

Je craignais ne pas voir de différences sensibles entre le C8 et le 250, mais après ce premier test, je revois mon opinion. Je suis évidemment très loin d'avoir fait le tour des "plus" et des "moins" de ce télescope, mais dès que j'aurais de la matière, je rédigerai un test plus complet de l'engin.

Benjamin

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