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La plus belle nuit de ma vie, le CROA

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Salut tous les amateurs !

Voici le récit de la nuit d'hier, qui deviendra par une succession de délectations la plus belle nuit de ma vie. Je tenais à vous la raconter…

Mardi 10 novembre, demain c'est férié, les prévisions météo sont optimistes depuis plusieurs jours et tout cela me donne une furieuse envie d'observer. Je retournerais volontiers au plateau de Beille dans l'Ariège, petite station de ski qui culmine à 1800 m d'altitude, à 1h30 de Toulouse. L'hiver approche et c'est l'occasion d'en profiter avant que la neige ne déloge les amateurs habitués du site.
Toute la journée, je subis passivement la dégradation des images satellites sur Sat24 avec une montée progressive de nuages d'altitude, tandis que les prévisions de MétéoFrance restent imperturbablement bonnes, me jetant dans l'incertitude la plus complète… J'y vais, j'y vais pas ?
La journée de travail s'achève, c'est l'occasion de faire le point et de se décider. Je scrute le ciel dans le jardin tout en avalant mon jambon-beurre astronomique habituel. On voit des étoiles mais c'est voilé, la transparence est médiocre, ça sent mauvais pour ce soir… Retour à l'intérieur pour examiner à la loupe les images infra-rouges de Sat24 : il y a des cirrus d'altitude dans la vallée de la Garonne jusqu'aus Pyrénées espagnoles mais ça a l'air de se déplacer dans le bon sens. Allez, soyons fous, j'y vais ! Je charge le matériel, ce qui ne me prend, à ma plus grande satisfaction, que 10 minutes avec mon nouvel instrument. Décollage 20h.

Arrivée comme prévue à 21h30. J'investis les lieux, chaise longue, table de camping, cartes du ciel. Les jumelles 130 sont déjà dans leur berceau prêtes à avaler du photon. Inspection du ciel : bonne transparence, belle transparence, la lumière zodiacale au SO est en train de se coucher. Le pied.
Première cible, Blue Snowball (NGC 7662), qui m'attend sagement au zénith. Je la repère aux jumelles stabilisées 15x50, comme à mon habitude pour chaque objet. Ah, voilà la petite étoile qui "blinke". Je passe aux grosses jumelles. Avec les 2° de champ des Nagler 20, j'ai vite faite de la trouver. Mais à 40X elle est encore très petite. Ethos 10, c'est mieux. Ethos 6, c'est toujours mieux, et qu'est-ce que c'est stable ! Ethos 3,7 mm, pffiou c'est toujours très propre, incroyable. Les étoiles du champ montrent des disques d'Airy hyper propres. Il y a des Neptunes partout dans l'oculaire. La boule de neige est bleue, eh oui ! Elle est belle, on ne voit pas sa centrale mais elle montre sa structure interne qui forme un C composé de 2 petites parenthèses accolées. Le C est ouvert vers le Nord-Ouest. Les filtres UHC ou mieux encore OIII le font bien ressortir sans que ça n'apporte de détail supplémentaire. La turbulence est exceptionnellement bonne. C'est dingue, il semble que le grossissement n'ait pas de limite par cette stabilité. Même les Nagler 2,5 donnent un rendu très agréable bien qu'il n'y reste plus grand chose comme lumière. Il y a une étoile de mag 8 à moins de 10' E. Je n'ai pas souvenir d'avoir vu une tache d'Airy comme ça, avec un premier anneau de diffraction complètement immobile. Je fais un petit dessin des étoiles au voisinage immédiat de la nébuleuse. La plus proche de la nébuleuse, à moins d'1' ENE se voyait facilement. StarryNight lui donne une magnitude de 13,85. J'ai même dessiné une autre étoile à une demi-minute juste au Nord de celle-ci que j'ai noté "4+" en niveau de difficulté (dont par intermittence en vision décalée) et StarryNight la donne à 15,3 mais je ne pense pas que ce soit fiable pour ces étoiles USNO aussi faiblardes. Il faudra attendre que les données du satellite Gaia soient disponibles pour les amateurs pour se faire une idée fiable de avec ce genre d'exercice. Bref j'estime que la magnitude limite visuelle dans ces très bonnes conditions (1800 m, SQM 21,3, turbulence excellente) se situe un peu au dessus de 14, et je suis surpris de ne pas voir la centrale de NGC 7662, de magnitude donnée à 13,2, mais sur un fond nébuleux c'est pas la même chose que sur un fond noir…

La température est assez agréable, 10°C, la soirée commence très bien. Je passe à l'objet suivant actuellement au zénith : M31. Aux J15x50 la galaxie est splendide et offre déjà un luxe de détails. Elle forme un grand ovale aplati dont le bord NO (côté M110) est amputé légèrement de biais, sans qu'il y ait de bande sombre visible. Elle a un noyau ponctuel en plein centre. M32 et M110 y sont également visibles. M110 est la plus facile à identifier, formant un ovale allongé N-S, avec un centre plus brillant mais sans noyau. M32 est bien plus petite, elle a un noyau ponctuel bien visible. Elle n'est d'ailleurs pas évidente à différencier d'une étoile à ce grossissement. Aux Binoptic 130, l'image est renversante de beauté. La galaxie remplit les 2° de champ des Nagler 20, et va même au-delà en vision décalée. Elle a un noyau central bien ponctuel et ses 2 bandes sombres sont visibles en vision décalée, un peu en biais par rapport au grand axe de la galaxie. À plus fort grossissement on les voit même en vison directe. La bande externe est plus longue que l'interne. On voit également, mais c'est délicat, NGC 206 comme un petit nuage plus clair et ovale aux frontières mal définies, se logeant dans le virage de la galaxie du côté de M32. Par cette stabilité exceptionnelle, j'ai voulu tenter de voir Mayall II, le plus brillant amas globulaire de M31. J'ai une carte détaillée pour ça. J'y ai passé du temps, j'ai trouvé la zone, et on ne peut pas dire que je le vois, mais presque. En fait l'amas globulaire se situe entre 2 étoiles sérrées de mag 14, je vois ce paquet, on sent qu'il y a un "truc triple" à l'intérieur sans pouvoir identifier qui est qui, malgré le grossissement le plus élevé que j'avais (310X). Ça manque un peu de résolution et de lumière pour taquiner ce genre d'objet, mais c'est intéressant de s'y frotter.

Avant de passer à l'objet suivant au zénith, NGC 891, je m'accorde une petite pause photo. Je choisis de faire un petit filé sur 90', orienté NO avec la voie lactée du Cygne qui se couche. Je peaufine mes réglages quand soudain, quelque chose attire mon regard vers les pattes de la Grand Ourse. Le temps de tourner la temps et une énorme étoile filante m'extirpe un cri de stupéfaction et de ravissement. Whaouuu !!! J'en suis littéralement tombé le cul par terre (OK, j'étais accroupis, c'est pas du jeu). Un éclat vert se surexposant progressivement en une lueur blanche vient de zébrer le ciel avec une rare intensité. Quel bolide !
Encore sonné, je lance ma photo :

Je retourne à mes jumelles car NGC 891, bien sagement positionnée au zénith, m'attend de pied ferme. Elle ne sera pas visible aux J15x50 malgré mes efforts mais elle apparaît facilement dans le champ des J130 à 40X, toujours aussi délicate cependant. À ce grosissement, à part la localiser et dire son d'allongement, on ne voit pas grand chose mais avec 2 Ethos 10 la belle montre sa forme renflée au milieu avec des pointes éffilées. Un brin de bande sombre est devinée à l'arrache dans la région centrale en vision décalée. C'est clair qu'on est loin de l'image que j'avais au T500, mais c'est une autre façon d'observer.

NGC 1535, OK, je la vois aux J15x50, une petite étoile avec effet blink. Aux J130, elle est belle. Sa centrale est visible à l'Ethos 3,7 mm, avec la zone interne et la périphérie plus claire lui donnant son aspect habituel en cocarde. OIII, UHC, et tous les grossissements se succèdent. J'y passe une bonne heure, avec cette stabilité, c'est un régal !
Tiens, en parlent de stabilité, Orion est déjà bien haut, si j'allais lui rendre une petite visite. Ahh M42, quelle beauté à tous les grossissements. Le trapèze est magnifique à 200X, 6 petites billes d'intensités différentes posées sur un champ de moutons. La vision binoculaire apporte une confort, une esthétique indescriptible et dans des oculaires Ethos, l'expérience immersive est absolument extatique ! C'est pas demain la veille que je retournerai dans des Plossl en monoculaire…
Sirius est là aussi, ça turbule très peu… et si j'osais ? Sans toucher aux Nagler 2,5 (310X) qui venaient de voir M42, je dirige les jumelles vers Sirius, dubitatif. Je regarde… boudu on voit Sirus B !!!! Pendant des années je l'ai tenté au T300 sans succès et là bingo. Sirius B aux jumelles, j'y crois pas !! La seule explication qui me vient à l'esprit c'est qu'au T300 je ne l'avais jamais vu avant, alors qu'entre temps je l'ai vu au T500, donc je sais ce qu'il faut chercher, ça aide. Je le tente à 210X, non on ne le voit plus. Je retourne à 310X, ouiiii il est là, juste derrière la brillante dans son déplacement vers l'Ouest. Moralité, pour voir Sirius B, ce n'est pas une question de diamètre, c'est une question de grossissement et de stabilité.
Galvanisé par cette expérience je me lance dans une petite série de doubles serrées, comme celle à côté de Procyon (STF 1126) qui me sert de test de turbulence. Spectacle garanti, mais c'est dommage de ne pas profiter de ce ciel noir, je me réserve ça pour les soirées en ville.

Retour donc au ciel profond avec M79. C'est un bel amas globulaire. De nombreuses étoiles de l'amas sont résolues à 300X, notamment une plus brillante en bordure Nord. Je cherche une étoile brillante pas trop loin pour peaufiner la mise au point. Tiens, en voilà une à environ 30" SO. Une double large. Ah non, c'est une triple ! La brillante étoile est en fait un superbe couple étroit ! Je vois aujourd'hui que c'est HJ 3752 (mag 5,4 + 6,5 ; sep. 3,5").

Ensuite, je tente d'observer le spirographe, une NP dans le Lièvre. Je la cherche dans le SkyAtlas, OK. Je la cherche dans le ciel… rien. Je la recherche… ben elle est où ?? Et au bout de 3/4 d'heure, après avoir quadrillé à tous les grossissements avec et sans filtre la zone précise où elle est censée se trouver, je me rends compte que je suis en train de chercher IC 438, et pas IC 418 ! Purée quel goliot, j'ai pas bien regardé, c'est un autre truc dans le Lièvre. Donc IC 438 est une galaxie qui n'est PAS visible aux J130, et je peux affirmer cela avec certitude… En revanche IC 418, finalement pas si difficile puisqu'on la trouve déjà aux J15x50, est belle. Aux J130, elle est petite, mais facile à différencier d'une étoile à 40X. À l'Ethos 6, on voit la centrale en vision directe tandis que la nébuleuse est quasiment éteinte. En vision décalée, elle a un aspect annulaire avec un fin liseré périphérique plus brillant et un centre plus sombre. Elle a une couleur bleutée. Elle réagit bien à l'OIII ou l'UHC, mais ça n'apporte pas plus de détail. Au contraire, ça lui fait perdre son annularité, elle devient une boule uniforme, et la centrale disparaît.

Le ciel bleuit, la lumière zodiacale que j'ai vue se coucher tout à l'heure à l'Ouest, se lève maitenant à l'Est. Je vais arrêter le ciel profond. Les planètes vont prendre le relais.

Je pointe Vénus… excellent Vénus a un satellite ! Par coincidence la planète se trouve à 1' d'une étoile de mag 7 ou 8. C'est insolite. La turbulence est toujours très bonne malgré sa hauteur. Elle est en premier quartier, toute blanche, superbe !
Mars, un peu plus haut, est minuscule. On voit quand même un semblant de calote polaire et la forme gibbeuse.
Et voyons cette étoile là, c'est pas Mercure ? Ah non, c'est juste une ét… mais c'est une double, et même une superbe double !!! 2 oeufs au plat avec quasiment la place pour un disque d'Airy entre les 2. Encore une magnifique double par hasard, c'est un festival. Mon atlas me dit que c'est Gamma Virginis (2 étoiles de mag 3 à 2").
Il est 5h, Jupiter a dépassé les 20-25° de hauteur. Je la pointe. Ouhh qu'elle est belle ! C'est stable. Incroyable les détails visibles pour le diamètre. Je la tenterai à tous les grossissements. Ça sera 210X (Ethos 3,7) le plus adapté. Avec les Nagler 2,5 (312X) on commençait à avoir une petite perte de contraste et le suivi était franchement plus acrobatique. Quelle image ! Elle en a vraiment sous le coffre cette jumelle. La bande Sud est divisée en 2 sur toute sa longueur par une fine bande claire, et la bande Nord est tourmentée, sa limite Sud est irrégulière et est le siège de festons bleutés qui envoient des panaches dans la zone équatoriale. 5h30, la tache rouge apparaît ! J'ai un bol incroyable ce soir ! Elle est orange-saumon, séparée du reste de la bande par un fin trait clair que surligne un trait marron foncé. Il y a comme un point plus sombre en son centre.
Je remets les Nagler 20 pour changer un peu et voir ce qui est visible à 40X. Je mets bien au point. OK, bon, c'est trop lumineux, je ne m'attarde pas. Mais là (5h45), tournant la tête vers l'ouest, un point en mouvement attirre mon attention. L'ISS ? Je pointe vite, je suis déjà au point, ouiiii c'est elle ! Je la suivrai du début à la fin de son transit sur environ 3 minutes, sans la lacher d'un cil. Rhâââ, je meurs, les panneaux solaires, les détails de folie. C'est vers la moitié du ciel qu'elle est la plus grande et qu'on voit le plus de choses mais c'est aussi là qu'elle va le plus vite, c'est pas évident à suivre mais c'est une excitation incroyable que de regarder cet objet passer, et la quantité de détails visibles à faible grossissement est surprenante. Ça a fini de m'achever.

Je terminerai la nuit sur Jupiter jusqu'à ce que le ciel soit trop bleu. Je lèverai le camp à 7h30, en pleine forme. C'est la première fois que je me sens aussi dynamique au petit matin après une nuit blanche. Probablement l'excitation de tout ce qui m'est tombé dessus.
Quelle nuit ! Mais quelle nuit !!! J'aurais tout eu. Aucun nuage, aucune humidité, pas de vent. Bonne transparence, mais surtout la turbulence était excellente. Les planètes, les étoiles filantes, les doubles, l'ISS, quel pied !

Une dernière photo souvenir avant de partir, les montagnes à l'Est, dont une pointe projette son ombre avant le lever du Soleil.

Voilà, c'était le récit d'une magnifique nuit sous les étoiles. Une nuit que je n'aurais probablement pas vécu avec le T500, parce que j'aurais été trop frilleux des mauvaises conditions météo initiales. Une nuit de celle qui donnent envie de recommencer bien vite. Et j'espère vous avoir donné l'envie d'être chamboulés à votre tour…
Bonnes observations à tous !
Alain

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Sensationnel récit, au terme d'une nuit qui ne l'était pas moins !
Merci infiniment de ce partage : j'ai retrouvé à te lire toutes les émotions de mes plus belles nuits sous les étoiles
Alain

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Hum, je déguste le récit! Je suis suspendue...
Avec les jumelles, tu peux faire des dessins ou c'est vraiment trop acrobatique sans suivi? (paske, oserais-je le dire, la même chose avec un dessin de M31 et de IC 418 et je me pâme!!!)

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Salut et merci pour ce magnifique partage, ça donne vraiment envie de passer une telle nuit avec de grosses jumelles comme les tiennes
Au plaisir, Yohan

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Merci pour vos messages.

Maïcé > oui bien sûr on peut dessiner, après c'est sûr qu'à fort grossissement c'est moins confortable parce qu'il faut recentrer tout le temps. Mais c'est faisable. Je suis sur une piste actuellement pour voir si c'est possible d'adapter une monture motorisée, parce que malgré tout un suivi c'est royal. Je ne suis pas dans une phase dessin pour l'instant, mais ça viendra...

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