En octobre 1982, j'envoi au tout jeune Comité des Programmes du
télescope de 60 cm du Pic du Midi un courrier patiemment tapé
à la machine à écrire qui sera lourd
de conséquence. Je sollicite du temps d'observation sur un télescope
déjà mythique. Le sujet concerne la photométrie photoélectrique,
la maitrise technique du CCD n'étant pas encore jugée suffisante
! Cette demande est acceptée et j'utilise le T60 pour la première
fois en juillet 1983 avec des membres du club Alpha Centauri. Je tombe
instantanément amoureux de ce coin des Pyrénées. La
même année, je remonte au Pic, mais cette fois sur le télescope
de 1 mètre, dans le cadre du programme SONATE de mesure de la turbulence
atmposhérique, sous la responsabilité de Gerard Coupinot,
astronome à l'Observatoire Midi-Pyrénées. J'apprends
pour l'occasion à utiliser ce prestigieux télescope.
Fin 1983, j'ose téléphoner à Pierre Lacques, qui est
le responsable du télescope de 1 mètre, en lui demandant
s'il ne serait pas possible de l'utiliser pour y faire des images CCD.
Après un bref instant d'étonnement de la part Pierre (le
CCD est à l'époque balbutiant, même chez les professionnels),
la réponse tombe, et c'est un oui ! Ce oui a complètement
bouleversé ma vie d'astronome amateur (et peut être ma vie
tout court !). Durant l'été, l'Apple IIe est installé
dans la coupole du T1M et la petite barrette au foyer des 15 mètres
de focale, pour réaliser les toutes premières images CCD
sur ce télescope (par la technique du défilement de l'image).
En ce mois de juin 1984, avec Richard Szczepaniak, nous avions inventé
l'observation planétaire CCD et en prime, découvert indépendamment
la technique du masque flou (pas tout à fait au point, comme le
montre cette image, mais le potentiel de progression était considérable,
nous le pressentions).
Une image rare. Toujours en 1984, lors d'une seconde mission au T1M du
Pic du Midi (le télescope était décidément
peu utilisé en ce temps !), un spectrographe à prisme et
à barrette CCD est mis au point, le tout à grand renfort
de bois et de ruban adhésif. Du vrai professionnalisme ! En étant
attentif, vous verrez au niveau de la fente d'entrée une lampe d'étalonnage
qui produit un spectre du néon. La barrette CCD est refroidie par
un module Peltier ; c'est une première. Pour éviter le givrage
du détecteur, un épais bloc de verre est plaqué contre
sa vitre d'entrée (on le devine sur l'image). Rudimentaire, mais
efficace. Dès l'aube du CCD, l'idée de faire un peu de science
était sous-jacente. C'est une de mes photographies préférées
pour cela.
Dans le petit téléphérique grimpant au Pic du Midi
: à gauche, Pierre Lacques, à droite, François Colas.
Lors de l'été 1984, pour l'occasion d'un camp d'astronomie
de l'ANSTJ, Olivier Saint Pé et Laurent Colot construisent un extraordinaire
spectrographe de très bonne superficie (!) qui occupe une partie
de la terrasse d'un des toits de l'école Supérieure d'Aéronautique
(Sup'Aréo) de Toulouse. On profite de l'occasion pour placer la
barrette CCD TH7801 au foyer de ce spectrographe prévu pour l'observation
du Soleil. On voit ici une très petite partie du spectre solaire
centrée sur le triplet du magnésium (à 5167.3, 5172.7
et 5183.6 A). La résolution atteinte est excellente : 0.4 A. Manifestement
à cette époque, le domaine privilégié du CCD
est la spectrographie.
Une date importante et une planche d'époque. Le 30 janvier 1985,
un Celestron 8 lourdement chargé participe à l'acquisition
de la première image faite avec une matrice CCD : un CCD TH7852
de 221 x 148 pixels. Pour l'occasion la matrice CCD remplace la barrette
dans le boîtier du photomètre. Le CCD n'est pas refroidi et
son courant d'obscurité est particulièrement important (le
TH7852 utilisé alors était un vilain rebut). La mémoire
de l'ordinateur ne faisant que 16Ko, il n'est possible que de faire des
images de 64 x 64 pixels. La cible est la nébuleuse M42, observée
depuis un balcon fortement éclairé par des lampadaires, à
Rangueuil, un quartier de Toulouse. Sur les images brutes, la nébuleuse
d'Orion est à peine perceptible. Il faut beaucoup de patience pour
extraire une information qui représente quelque chose, mais c'est
enthousiasmant !
Entre 1984 et 1986, tout doit être programmé en assembleur,
il n'y a pas le choix. Le code machine du processeur 6502 hante les nuits.
En lisant les commentaires de ce bout de listing vous remarquerez que rien
n'a vraiment changé depuis ces temps
héroïques.