Formulaire pour calculer un spectrographe "classique"

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Le memento présenté dans cette page permet de calculer rapidement les paramètres géométriques d'un spectrographe, que l'on qualifiera de "classique" (en comparaison à des spectrographes utilisant des réseaux échelles, des montages Littrow, des Grism, ...). Nous ferons le calcul étape par étape. Les exemples pris ne sont qu'indicatifs et peuvent être bien sur adaptés, c'est même tout l'intêret de disposer de ce formulaire !

Cliquer ici pour télécharger une feuille de calcul Excel de ce spectrographe (version 2 - 6 mars 2003). Inclue le calcul de la magnitude limite.

Voici le spectrographe dont nous allons calculer les paramètres :

Nous disposons des éléments de bases suivant pour le construire :

  • un téléobjectif de 135 mm ouvert à f/2,8
  • un objectif photographique de 50 mm ouvert à f/1,4
  • un réseau à diffraction Edmond Scientific référencé modèle NT46-075 de 30 mm de coté et comportant 600 traits/mm.

Voici le schéma optique du spectrographe (les formules des éléments optiques sont représentatives), avec l'indication des paramètres que nous allons calculer :

On suppose que le télescope a un miroir principal de 200 mm de diamètre (D). Sa distance focale (f) est de 1200 mm. Le rapport d'ouverture (F#) est donc de 6. On note :

D = 200 mm
f = 1200 mm
F# = 6

De plus, compte tenu des éléments optiques disponibles, nous avons les caractéristiques suivantes :

Pour le collimateur :
Focale = f1 = 135 mm
Rapport d'ouverture = Fc = 2,8

Pour l'objectif de caméra (CCD) :
Focale = f2 = 50 mm
Rapport d'ouverture = Fo = 1,4

Pour le réseau à diffraction :
Nombre de traits au millimètre = m = 600 t/mm
Taille physique de la surface gravée = H = 30 mm


ETAPE 1 : vérifier qu'il n'y a pas de vignettage au niveau du collimateur

Les lentilles du collimateur sont assez grandes pour laisser passer toute le lumière provenant du télescope si :

Ici nous avons :

La condition est bien respectée.


ETAPE 2 : calcul du diamètre d1

soit


ETAPE 3 : calcul des angles d'incidence et de diffraction sur le réseau

On veut que les rayons de longueur d'onde l0=5500 angstroms (= 0,55.10-3 mm) arrivent au centre du CCD. Cette longueur d'onde est appelée la longueur de calage (on a pris en gros le centre du spectre visible - la couleur verte).

Soit g l'angle total entre la direction d'incidence sur le réseau et la direction de diffraction pour la longueur d'onde de calage

Des considérations mécaniques conduisent à un angle total de 38° (compte tenu du contour des objectifs, de l'obligation de ne pas intercepter les faisceaux lumineux avec ces contours, et de la nécessité de réduire au minimum la valeur de l'angle total). Cette valeur est caractéristique et il n'est pas recommandé de l'augmenter fortement.

L'angle d'incidence a est donné par

Le paramètre k est l'ordre de diffraction du réseau, un coefficient qui peut prendre les valeurs ..., -2, -1, 0, 1, 2, ... Dans un spectrographe standard tel que le notre il est vivement recommandé de travailler soit à l'ordre 1, soit à l'ordre -1 (k=1 ou k=-1). Le situation k=0 correspond à une simple réflexion sur le réseau. Celui-ci ce comporte alors comme un miroir sans disperser la lumière. Il faut souligner que travailler à l'ordre 0 permet d'imager le champ du télescope sur le capteur comme si la caméra était placée directement au foyer, à ceci près que la taille de l'image est multipliée en gros par le coefficient f2/f1. Ce rapport est normalement plus petit que 1, ce qui fait que le spectrographe ce comporte alors comme un simple réducteur de focale. En faisant pivoter le réseau il est possible donc de passer d'un mode de prise de vue spectrographique à un mode de vue imagerie directe, ce qui est très pratique pour identifier et centrer un objet dont on veux faire le spectre.

Pour résoudre l'équation précédente pour a on peut la re-écrire sous la forme

Faisons l'application numérique

d'où

Les deux valeurs possibles pour  a , respectivement pour les ordres 1 et -1, sont  et .

Les valeurs correspondantes de b en utilisant la relation    sont respectivement et .

A ce stade nous choisissons la solution

 et  

(nous verrons à l'étape 9 si ce choix est judicieux)

Nota : des angles de signes opposés signifient que les rayons incidents et diffractés sont de part et d'autre de la normale au réseau.


ETAPE 4 : calcul de la dimension utile du réseau

On a :

soit

On trouve bien L < H, donc on ne perd pas de lumière au niveau du réseau (attention, la marge n'est que de 2 millimètres de part et d'autre du réseau, il faut tout de même bien aligner les composants optiques !).


ETAPE 5 : calcul de la dispersion spectrale sur le CCD

Soit r la valeur de la dispersion spectrale sur le CCD en angstroms par pixel.

On utilise un CCD Kodak du type KAF avec des pixels de taille p=9 microns = 0,009 mm.

La dispersion est donnée par

soit

 
ETAPE 6 : calcul du diamètre d2

avec X, la distance entre le réseau et la lentille frontale de l'objectif de caméra et N le nombre de pixel du CCD le long de l'axe de dispersion. Pour l'aménagement mécanique on trouve X=60 mm. Le CCD est un KAF-0400 et N=768 pixels. D'où

Pour ne vignetter en aucun point du CCD KAF-0400 il faut respecter la condition suivante

soit ici

La condition est respectée mais il s'en faut de peu. L'objectif de 50 mm de focale travaille à pratiquement pleine ouverture, ce qui n'est pas excellent pour la qualité image et la résolution spectrale. Une optimisation sera envisagé plus loin.

Il faut ici fortement insister sur la nécessité de réduire au mieux la valeur de X (distance réseau - objectif de caméra), tout en prenant garde bien sur à ne pas occulter le faisceau provenant du collimateur. C'est une condition importante pour ne pas vignetter et pour minimiser les aberrations optiques.

Nota : le rapport   est appelée le facteur d'anamorphose du spectrograhe (voir son application plus loin).


ETAPE 7 : calcul du domaine spectral couvert

Les longueurs d'ondes extrêmes de part et d'autre de l'image CCD sont données par la relation :

L'application numérique donne

l1 = 4363 angstroms et l2 = 6637 angstroms

Le spectrographe permet donc de saisir en une seule image pratiquement tout le spectre visible avec un échantillonnage de 2,96 A/pixel. Cependant, pour explorer les régions ultraviolette ou infrarouge du spectre il est nécessaire de pouvoir tourner le réseau suivant un axe passant par son plan de manière à faire varier les angles d'incidences et de diffraction. Un mécanisme de rotation fine du réseau est donc un élément important du spectrographe.


ETAPE 8 : calcul de la résolution spectrale

Le pouvoir de résolution spectrale R est défini par le rapport

avec le plus petit élément spectral résolu (le parallèle peut être fait avec la capacité à séparer les composantes d'une étoile double dans un autre domaine). Plus la valeur de R est élevée, plus fin seront les détails perceptibles dans le spectres. Notre spectrogtraphe est du type à moyenne résolution avec une valeur R de 1000 environ. Ceci permet par exemple à la longueur d'onde de 6000 angstroms de séparer des raies spectrales distantes de 6 angstroms (le doublet du sodium dans le jaune par exemple). Nous allons vérifier si cette performances est effectivement atteinte.

Dans un spectrographe à réseau une expression possible de la résolution est

avec r, le facteur d'anamorphose (voir l'étape 6) et FWHMt la largeur à mi-hauteur de l'image de l'étoile dans le plan du capteur CCD et suivant l'axe de la dispersion, en supposant que l'astre émet une lumière monochromatique (une seule couleur absolument pure). FWHM est l'abréviation de Full Width at Half Maximum, c'est à dire largeur à mi-hauteur en français. Si la dimension du disque de l'étoile est limitée par une fente au foyer du télescope, alors FWHMt est la largeur de cette fente projetée dans le plan du CCD (plus précisément la largeur à mi-hauteur du profil d'étalement de fente, en anglais LSF, pour Line Spread Function).

Si le spectrographe est utilisé sans fente (un cas que les anglais appellent seeing limited, signifiant que la résolution du spectrographe est une fonction de la dimension angulaire apparente de l'étoile), le paramètre FWHMt peut être calculé de la manière suivante

avec

f la valeur du seeing en radians
FWHMc la largeur à mi-hauteur en millimètres de l'image d'un objet ponctuel délivrée par l'optique du collimateur
FWHMo la largeur à mi-hauteur en millimètres de l'image d'un objet ponctuel délivrée par l'optique de l'objectif de caméra
FWHMd le FWHM du spectrographe s'il était uniquement limité par la diffraction
p la dimension en millimètres d'un pixel du capteur CCD

Nota : cette définition du FWHM est la valeur que l'on mesurait en nombre de pixels et fraction de pixels dans l'image, puis que l'on transformerait en millimètres connaissant la taille des pixels.

Si la taille de l'objet étudié est limitée par une fente (cas slit limited, par exemple lorsqu'il s'agit d'observer un objet présentant une large étendue angulaire), la paramètre FWHMt est donnée par

avec la largeur de la fente au foyer du télescope.

En outre si

avec p la taille d'un pixel du capteur CCD, alors le spectre est sous-échantillonné au sens de Nyquist, ce qui signifie que la résolution est limitée par la taille des pixels, et on fera

Avec des optiques photographiques classiques et un faisceau d'entrée du spectrographe à F#=6 nous avons typiquement

FWHMc = 10 microns = 0,010 mm
FWHMo = 15 microns = 0,015 mm

Nota : l'objectif de caméra travaille à plus grande ouverture relative que le collimateur, d'où la différence des FWHM.

La valeur de FWHMd est donnée par :

La valeur de FWHMest de seulement 1 micron, ce qui est très peu par rapport aux autres paramètres qui influencent la taille de la tache image. Nous pouvons ignorer FWHMd dans le reste du calcul sans faire d'erreur significative.

La dimension p des pixels du CCD KAF-0400 qui équipe la caméra Audine est de 9 microns, donc p = 0,009 mm.

On adopte un seeing de 4 secondes d'arc, une valeur médiocre mais qui est caractéristique d'un site de plaine pour une observation en longue pose (cet étalement englobe aussi un éventuel défaut de suivit d'une monture équatoriale un peu en difficultée). En radians ceci donne

f = 2.10-5 rd

Pour les autres paramètres utiles nous avons

f = 1200 mm
f1 = 135 mm
f2 = 50 mm

Enfin, la valeur du facteur d'anamorphose est

Faisons l'application numérique :

La dimension de l'étoile monochromatique à 5500 angstroms suivant l'axe de la dispersion est de 19,5 microns, soit environ l'équivalent d'une largeur à mi-hauteur de deux pixels du CCD. C'est une bonne valeur d'échantillonnage du spectre (l'élément le plus fin résolvable doit être couvert par au moins deux éléments d'échantillons pour être effectivement vu).

Le pouvoir de résolution est en fin de compte :

La résolution envisagée est pratiquement atteinte. Remarquer que ce ne serait pas le cas si la distance focale de l'objectif collimateur était égale à 50 mm (la même que celle de l'objectif de caméra). Une telle focale permettrait de compacter le spectrographe et de l'alléger, mais dans ce cas R serait de 625 seulement. Ceci justifie le choix d'un objectif de 135 mm de focale pour la fonction de collimation, en association avec un objectif de 50 mm pour la caméra, de manière à avoir un rapport f1/f2 relativement élevée. Dans le montage sans fente, la clef pour une bonne résolution spectrale est par ailleurs d'employer un télescope de focale relativement courte (paramètre f dans les formules). Par exemple, si f=500 mm, il redevient possible d'utiliser un objectif de 50 mm de focale pour le collimateur sans perte trop appréciable de résolution spectrale dans les conditions de seeing médiocres de l'exemple.

Avec une lunette apochromatique moderne, le rapport d'ouverture est typiquement de F#=8. Par exemple, j'utilise souvent avec le spectrographe décrit ici un lunette Takahashi fluorite de 128 mm de diamètre et de distance focale f=1040 mm. Avec un faisceau d'entrée à F#=8, les optiques du spectrographes travaillent de manière plus satisfaisante que dans le cas précédent. Avec de bons objectifs de marque Nikon on a relevé avec un faisceau à F#8 :

FWHMc = 8 microns = 0,008 mm (Nikkor 135 mm f/2,8)
FWHMo = 12 microns = 0,012 mm (Nikkor 50 mm f/1,4D)

De plus, avec un instrument de 128 mm de diamètre le seeing est plus proche de 3 secondes d'arc que de 4 secondes d'arc en pose longue de routine. Tout calcul fait avec ces paramètres on trouve FWHMt=16,0 microns. La largeur de l'étoile monochromatique est plus petite que la taille de deux pixels du CCD, si bien que la résolution effective est à présent limitée par le détecteur lui-même. Compte tenu du sous-échantillonnage, la valeur à adopter pour FWHMt est 2 . p = 2 . 9 microns = 18 microns. Le pouvoir de résolution atteint est alors de 920 (pour cette combinaison optique, c'est la valeur maximale possible compte tenu de la taille des pixels du CCD). Il y a un intérêt important à travailler avec un spectre légèrement sous échantillonnée : avec un spectrographe à fente large le profil des raies observé est relativement indépendant de la variation du seeing (turbulence atmosphérique) sur des plages de quelques dizaines de pourcent, ce qui a son importance lorsqu'il s'agit de faire une interprétation astrophysique des résultats. Pouvoir ce passer de l'obligation d'utiliser une fente de quelques dixièmes de microns de large pour étudier des étoiles est un plus considérable pour le rendement d'exploitation du spectrographe et est l'apanage des petits télescopes d'amateur (le seul vrai inconvénient d'éliminer la fente étroite sur un petit télescope est un étalonnage spectral plus difficile, qui nécessite d'identifier des détails spectraux sans ambiguïtés sur le spectre acquis).


ETAPE 9 : choix du facteur d'anamorphose
 

Nous avons sélectionné un peu arbitrairement les valeurs angulaires suivantes à l'étape 3 :  et  . Ce choix est-il judicieux par rapport à l'autre solution possible :  et    ?

Calculons la dimension de l'étoile sur le CCD et le pouvoir de résolution avec ces nouvelles données. On trouve en utilisant les formules de l'étape 8 les valeurs suivantes :

puis

FWHMt = 20,60 microns
R = 920

La largeur à mi-hauteur de l'image de l'étoile formée sur le CCD a légèrement augmenté (20,6 microns pour 19,5 microns), ce qui représente à priori une dégradation de la résolution spectrale. Mais attention, le fait d'avoir à présent un facteur d'anamorphose supérieur à l'unité a pour effet en même temps d'augmenter la dispersion spectrale. En reprenant la formule de l'étape 5 on trouve :

au lieu de 2,96 A/pixel précédemment. Cet accroissement de la dispersion compense l'effet d'élargissement de l'image stellaire (ou de la largeur de l'image de la fente) et en fin de compte, le cas r>1 donne ici une résolution spectrale légèrement supérieure au cas r<1. C'est toujours bon à prendre, même si une dispersion élevée n'est pas toujours un but à poursuivre (qui dit forte dispersion dit dégradation de magnitude limite atteinte). Donc, si on cherche à privilégier la résolution spectrale, on adoptera au final la configuration  et    (attention, ce n'est pas un résultat général, vous devez faire le calcul complet pour une configuration de spectrographe donnée).

Il faut souligner par ailleurs que le calcul de la dimension d2 avec ces paramètres (voir l'étape 6) donne 28,2 mm, une valeur significativement plus petite que les 33,7 mm trouvés précédemment. Le faisceau est moins étendu à l'entrée de l'objectif de caméra, ce dernier travaille donc dans de meilleures conditions et donne des images plus fines. Ceci consolide le nouveau choix pour les angles d'incidence et de diffraction.

ETAPE 9 : comment accroître simplement la résolution spectrale

Il apparaît dans les calcul précédent que le facteur limitant la résolution spectrale est la taille des pixels du capteur CCD. Sans tout casser dans le spectrographe, le moyen le plus simple pour augmenter la résolution est d'adopter un réseau ayant une plus grande densité de traits au millimètre. Nous allons plus que doubler la résolution spectrale en remplaçant le réseau de 600 traits/mm par un réseau gravé de 1200 traits/mm.

En conservant l'angle total de 38° (la géométrie du spectrographe ne change pas), nous trouvons  et   . Attention, contrairement au résultat trouvé avec le réseau de 600 t/mm, ici les rayons incidents et diffractés sont du même coté de la normale au réseau (les angles sont de signes identiques).

On vérifiera que la dimension du réseau est suffisante, que le diamètre d2 est de 25,7 mm, ce qui fait travailler l'objectif de caméra à f/1,9 pour ne pas vignetter, que la dispersion est de 1,16 A/pixel et que le pouvoir de résolution est de 1990. C'est bien, mais il faut ce rappeler que l'adoption d'un réseau de 1200 t/mm fait perdre une magnitude en détectivité par rapport à la configuration avec le réseau de 600 t/mm. Pour calculer la magnitude limite d'un spectrographe ayant des caractéristiques données, cliquer ici. Il faut donc choisir en connaissance de cause la résolution ou... disposer des deux réseaux (au d'autres) en fonction du type d'observations réalisées !

Nota : les réseaux de qualités ont un axe de diffraction privilégié suivant lequel ils concentrent un maximum d'énergie lumineuse (on appelle cela le blaze). Il faut bien faire attention lorsqu'on monte le réseau dans le spectrographe à respecter l'orientation qui permet d'envoyer le flux maximum vers l'objectif de caméra. En observant un lampe se reflétant sur le réseau et les spectres associés, il est facile de repérer le sens d'utilisation optimal du réseau. De plus, lors des manipulations, il est capital de ne pas toucher la surface gravée du réseau avec les doigts. Un réseau souillé par des traces de doigts n'est pas nettoyable. Il est absolument interdit de frotter, même avec le plus doux des cotons, la surface gravée du réseau. Compte tenu de l'impossibilité de nettoyage, il faut aussi bien mettre le réseau à l'abris des poussières et éviter de l'exposer inutilement aux courants d'air ou même de le déposer longuement sur une table.

ETAPE 10 : variations...

La figure suivante montre une variante qui permet d'obtenir une qualité d'image correcte en remplaçant le téléobjectif par un simple doublet achromatique pour la fonction de collimation. Ce montage a l'avantage d'être plus compact que le précédent. La distance X est la même (60 mm), en revanche le réseau est plus proche l'objectif collimateur car ce dernier est moins encombrant à présent. Le doublet achromatique est de marque Edmund et a dans l'exemple une focale de 100 mm et 25 mm de diamètre (référence E32-327). A partir du moment où on reste sur l'axe optique, la finesse d'image délivrée par le doublet est équivalente à celle du téléobjectif.

A titre d'application, essayer de refaire les calculs des paramètres du spectrographe dans cette configuration.

La figure suivante montre ce qu'il advient lorsque le spectrographe a du champ (par exemple ceci correspond à l'observation sans fente d'un ensemble d'étoiles simultanément).

Le spectrographe accepte un champ linéaire de +/-3 mm au foyer du télescope sans produire de vignettage (environ 0,3° de champ avec un télescope de 1200 mm de focale). Le fait d'avoir approché l'objectif collimateur du réseau a permis d'imager pratiquement la pupille du télescope sur la pupille d'entrée de l'objectif photographique, ce qui est un très bon moyen de réduire les aberrations lorsque l'on s'éloigne de l'axe optique (malgré l'angle de champ, l'objectif photographique est pratiquement utilisé à la même ouverture qu'avec un champ nul). En d'autres termes, si on mettait un écran juste devant l'objectif photographique on pourrait voir à cet endroit le contour net du miroir primaire du télescope. Pour effectuer ce type d'imagerie pupillaire, si on note

  • X' la distance entre la lentille fontrale du collimateur (coté réseau) et la surface du réseau
  • X la distance entre la surface  du réseau et la lentille frontale de l'objectif de caméra

il faut essayer de respecter approximativement

Dans l'exemple nous avons X'=50 mm, X=60 mm et f1=100 mm. Ce n'est pas trop mal (à 10 mm près) et suffisant pour imager correctement la pupille du télescope dans le bon plan.

La figure suivante présente le tracé de rayons dans une vue en trois dimensions du spectrographe. On y voit comment la fente d'entrée (entrance slit en anglais) est orientée et comment le spectre coloré se forme sur le CCD.

Enfin, les trois figures ci-dessous montrent la dimension des taches images pour trois longueurs d'onde correspondant à la partie bleu, verte et rouge du spectre. Le FWHM (largeur à mi-hauteur) des images délivrées est compris entre 15 et 20 microns dans le domaine spectre visible . C'est satisfaisant compte tenu de l'échantillonnage des pixels du CCD (taille de 9 microns de coté), l'échantillonnage optimal devant être, on le rappelle, de l'ordre de deux fois plus fin que la qualité des images produites par l'instrument. Un seeing standard (étalement des étoiles en raisons de la présence de la turbulence atmosphérique) ne dégrade pas significativement la résolution spectrale du spectrographe, comme nous l'avons vu précédemment.






 

 

ETAPE 11 : réglages et tests

Lorsque le spectrographe est équipé d'une fente d'entrée, il est important de vérifier que l'image de cette dernière est rejetée à l'infini à la sortie du collimateur. C'est pratiquement le seul réglage optique à faire. Un bon chercheur de télescope réglé à l'infini en observant un paysage lointain convient parfaitement à cette opération : en regardant la fente à la sortie du collimateur avec le chercheur vous devez tourner la bague de mise au point du téléobjectif jusqu'à ce quelle devienne nette. La photo suivante illustre l'opération :

Une fente d'entrée est toujours un accessoire important dans un spectrographe. Même un modèle rudimentaire constitué de deux lames de rasoir rend déjà bien service. Voici quelques fonctions de cette fente : (A) isoler l'objet étudié de ces voisins (une fente relativement large, de quelques dixièmes de millimètres à quelques millimètres de large est suffisante pour cela), (B) réduction du niveau de fond de ciel pour accroître le contraste des spectres (ici encore une fente relativement large, voire fixe en largeur, convient parfaitement), (C) limiter la zone d'analyse de l'objet afin de ne pas dégrader la résolution spectrale (voir l'étape 8 - ceci est utile notamment lors de l'observation d'objets étendus, comme des comètes ou des nébuleuses gazeuses), (D) faciliter le réglage du spectrographe en permettant de travailler de jour.

Nous allons illustrer plus particulièrement ce point D. Notre spectrographe est équipé d'une fente réglable en largeur avec une vis micrométrique. Ce dispositif a été récupéré sur un équipement au rebus (un bon bricolage permet un résultat équivalent) :

Pour réaliser les premiers tests on travaille en plein jour ou dans la pénombre. Le spectrographe est monté à l'extrémité du télescope posé sur une table (ici une lunette de 120 mm à F/D=8,5) :

L'objet observé est un simple papier blanc éclairé par la lumière du Soleil ou par une lampe produisant des raies d'émissions étroites (par exemple une veilleuse au gaz néon, ou comme ici, une lampe de poche à tube fluorescent de marque OSRAM contenant un peu de mercure à l'origine de raies bien fines et intenses) :

Les exemples suivants on été obtenus avec le spectrographe équipé d'un réseau de 1200 t/mm. La fente peut être fermée jusqu'à laisser passer un mince filé de lumière d'une dizaine de microns de largeur seulement (paramètre w introduit à l'étape 8). Une fente aussi fine n'influence pas la résolution spectrale. La résolution spectrale mesurée est alors intrinsèque aux caractéristiques optiques du spectrographe. La lunette elle même ne joue pas directement sur la résolution puisqu'elle a simplement le rôle de collecteur du flux provenant de l'écran blanc. Cependant son usage permet de garantir que l'ouverture du faisceau pénétrant dans le spectrographe est contrôlée et connue. Ici nous avons F#=8,5. C'est très important pour s'approcher des conditions réelles d'observation et pour avoir une vision objective des performances.

La photographie suivante montre la disposition du spectrographe avec le réseau de 1200 traits/mm (référence Edmund E47-077). L'angle total est de 38°. On remarque que le réseau à sa surface gravée pratiquement perpendiculaire à l'axe du collimateur pour envoyer le spectre vers l'objectif de caméra :

De simples bouchons en plastique de protection arrière d'objectifs photographiques (ici de marque Nikon), avec un peu de colle Araldite, et percés pour l'occasion, sont utilisés pour réaliser les interfaces avec la caméra et avec le dispositif de fente.

La portion de spectre ci-après montre la région vert-jaune de la lampe OSRAM. On peut voir des raies de fluorescence larges et diffuses, peu exploitables, mais aussi des raies très fines produites par la vapeur de mercure contenue dans le tube :

Les deux raies du mercure au centre sont aux longueurs d'ondes de 5769,60 et 5789.66 angstroms (pour un spectre complet de cette lampe cliquer ici). La colorisation de ce spectre est artificielle mais réaliste (commande RAINBOW de Iris). Les traits horizontaux sont dues à des irrégularités du bord de fente (on rappelle que la largeur de celle-ci est de seulement 10 microns environ). On appelle ces structures horizontales le transversalium.

Le profil spectral ci-après est extrait du spectre de la lampe OSRAM. Les deux raies du mercure sont visibles au centre et bien nettes (l'axe horizontal est en numéro de pixel, sachant que la dispersion est ici de 1,1 A/pixel) :

La graphe suivant montre un agrandissement autour des deux raies du mercure. La largeur à mi-hauteur est de l'ordre de 1 pixel seulement, ce qui est la valeur attendue compte tenu des options techniques prises. On note que le profil de raie, ou LSF (Line Spread Function), est bien symétrique, sans diffusion excessive dans les pieds, ce qui dénote une très bonne qualité d'image. Sur le ciel le seul facteur dégradant de la résolution sera la qualité du télescope et la finesse des étoiles (dans une configuration sans fente étroite).

La lumière solaire diffusée sur l'écran blanc placé en avant de l'objectif de lunette est un excellent laboratoire pour se familiariser avec la manipulation du spectrographe, poursuivre le diagnostic de performance et apprendre à se retrouver dans la multitude des raies de Fraunhofer. Voici par exemple l'allure du spectre solaire au voisinage du triplet vert du magnésium, toujours avec une dispersion de 1,1 A/pixel et un pouvoir résolvant R de 2200 à 5200 angstroms. La longueur d'onde de ces trois raies est 5167,33, 5172,70 et 5183,61 angstroms.

Ce bout de spectre montre un nombre considérable de raies. Il est affiché ici tel qu'il sort directement du spectrographe. Un certain nombre de défauts géométriques sont clairement visibles. Tout d'abord le transversalium n'est pas confondu avec l'axe des lignes du CCD. Un spectre stellaire montrerait une même inclinaison (on dit tilt en anglais). Le problème vient du fait que la direction des traits gravés du réseau n'est pas orthogonale aux axes du capteur CCD à cause d'un montage mécanique un peu approximatif. Ce défaut gène l'extraction optimale des spectres et doit être corrigé. Par exemple la commande TILT de Iris permet de faire cette correction (il faut fournir l'angle d'inclinaison que l'on trouve facilement à taton, ici il vaut 0,75°). Voici le résultat de la correction du défaut de tilt :

Un examen attentif des raies montre que celles-ci sont légèrement incurvées. Les anglais appelles ce défaut le smile (sourire en français). C'est une distortion optique de l'image très classique dans les spectrographes. Ici encore, la correction est importante, notamment pour réaliser le binning du spectre afin d'extraire le profil spectral sans perte de résolution. Sous Iris on utilise la commande SMILE qui demande qu'on lui fournisse le rayon de courbure des raies en pixels. Après quelques essais successifs on trouve ici un rayon de courbure de -7000 pixels. L'image suivante montre le résultat après correction :

 

Les raies spectrales sont à présent bien droites et l'analyse spectrale proprement dite peut commencer. Le graphe qui suit montre l'allure du profil spectral solaire au voisinage du triplet du magnésium et la richesse de ce spectre. Les raies sont très fines et le sous-échantilonnage du spectre évident. Il est possible d'accroître encore un peu la résolution (de 20 à 30%) en faisant une séquence de nombreux spectres en les décalant légèrement à chaque fois par rapport aux pixels, puis en appliquant la technique du drizzle.

La spectre ci-après montre la région du doublet du calcium dans l'ultraviolet (raies H et K à 3933,68 et 3968,49 angstroms).

Cette image illustre le problème du chromatisme avec les optiques dioptriques photographiques qui équipent le spectrographe (optiques constituées de lentilles). Dans cette région du spectre le meilleur plan de mise au point change extrêmement vite en fonction de la longueur d'onde. Il faut bien comprendre que ces objectifs sont calculés pour délivrer une image nette sur un film photographique uniquement sensible au spectre visible. La région des raies H et K du calcium est hors du domaine normal d'utilisation. On jouant sur la bague de mise au point de l'objectif de caméra il est possible de rendre le spectre net au niveau des raies du calcium, mais de part et d'autre, le spectre devient rapidement flou. Ce sont des conditions d'utilisations un peu extrêmes du spectrographe. Le problème du chromatisme resurgit dans la partie infrarouge du spectre, mais fort heureusement avec une variation plus lente du plan du mise au point, comme nous allons le voir.

Le spectre ci-après montre la région de la raie H-alpha dans le rouge (raie intense légèrement à gauche du centre). La bande très large à droite est dû à l'oxygène atmosphérique (longueur d'onde de 6700 angstroms). Dans le domaine couvert par ce spectre, qui va jusqu'au rouge profond (entre 6230 et 7100 angstroms) il s'avère que les optiques Nikon utilisées se comportent fort bien : il n'est pas nécessaire de retoucher le plan de mise au point.

 

Ci-dessous, le spectre solaire entre 7200 et 8000 angstroms. La bande de l'oxygène atmosphérique à 7605 angstroms est visible au centre. Dans cette partie infrarouge du spectre le défaut de chromatisme demeure encore relativement faible.

Le profil spectral de la bande O2 à 7605 angstroms :

Le spectrographe est bon pour le service et peut voir ces premières étoiles ! On trouvera ici un exemple d'utilisation en "haute-résolution" et ici un exemple d'utilisation en "basse-résolution" sur un objet faible.


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