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Résonance gravitationnelle

Par Richard Fradette

Extrait du Vividus Lepus n°17

 

Il y a plein de situations dans le Système solaire où les mouvements de révolutions des astres produisent des perturbations sur d’autres astres qui forcent la synchronisation des uns avec les autres. Les marées sur la Terre sont synchronisées avec la Lune et le Soleil. La révolution de la Lune autour de la Terre est synchronisée dans un rapport 1:1 avec la rotation de la Lune sur elle-même. La révolution de Mercure autour du Soleil est synchronisée dans un rapport 3:2 avec la rotation de Mercure sur lui-même. L’ancienne 9e planète Pluton et sa lune Charon sont complètement synchronisées : ils ont chacun toujours la même face l’une vis-à-vis de l’autre. On dit de ces phénomènes qu’ils sont dus à la résonance gravitationnelle. Les cas précédents sont bien compris à partir de l’étude de la force gravitationnelle qui agit entre seulement deux astres en interaction. S’il y a trois astres ou plus en interaction, la résonance gravitationnelle est incomprise. Le cas qui m’intéresse le plus est le trio Soleil / Vénus / Terre qui sont quasiment synchronisés sur une période de 8 ans. Ce phénomène était connu par les Mayas ! Il y a aussi une résonance gravitationnelle pour le trio Soleil / Mercure / Terre, Pour Jupiter et ses lunes, …

 

La résonance en physique est la même chose que la résonance qu’on observe dans la vie de tous les jours. Il y a des phénomènes de résonance partout et on les perçoit facilement par le son. La résonance mécanique se produit lorsqu’une vibration dans un matériau se fait à une fréquence fixe selon une condition déterminée par la nature du matériau et ses dimensions. Le son produit par la vibration est à la même fréquence. Le son est une vibration lui-même où ce sont les molécules gazeuses qui vibrent. Les vibrations sonores se propagent comme une onde dans l’espace. On parle de résonance pour le son dans l’air lorsque les dimensions du volume qui emprisonne l’air satisfont les bonnes conditions. La géométrie est généralement simple. Un tuyau d’orgue satisfait une condition de résonance qui donne un son à une fréquence fixe. Lorsqu’une fréquence fixe satisfait une condition de résonance, des multiples de cette fréquence sont aussi des fréquences de résonance possibles.

 

Pour faire résonner un matériau, il faut lui imposer une perturbation périodique à l’une des fréquences de résonance. Les vibrations sonores des molécules dans l’air sont comme les allers et retours d’un pendule. Pour une balançoire, la fréquence des poussées correspond à la fréquence des allers et retours pour maintenir le balancement. Si la force de la poussée qui fournie l’énergie à chaque cycle demeure constante, alors l’énergie perdue à chaque cycle à cause des forces de frottement devient constante et la hauteur maximale atteinte par la balançoire devient constante.

 

 

La force gravitationnelle de la Lune et du Soleil produisent des perturbations  responsables des marées. La Lune semble faire le tour de la Terre en 24 heures 50 minutes (1 jour lunaire) et le Soleil semble faire le tour de la Terre en 24 heures (1 jour solaire). En fait, la Terre tourne sur elle-même en 23 heures 56 minutes (1 jour sidéral). Les quatre principales perturbations périodiques de la Lune et du Soleil agissant sur la Terre ont des cycles de ½ jour lunaire, 1 jour sidéral, ½ jour solaire et 1 jour lunaire avec respectivement des forces relatives de 100%, 58,4%, 46,6% et 41,5%. Les forces de marée sont petites comparées aux forces gravitationnelles qui gouvernent les orbites. Une force de marée tend à étirer l’astre qui la subie. Comme l’écorce terrestre est plus rigide que l’océan, c’est le niveau de l’eau qu’on voit varier au rivage qui rend visible les ondes de marée. Il y a deux bourrelets se déplaçant à la surface des océans. Si la Terre était entièrement couverte par l’Océan (un océan unique), la force de marée provoquée par la Lune (la plus forte) produirait un bourrelet du côté de la Lune (ou presque) et un autre à l’opposé de la Lune (ou presque).

 

Comme la Lune revient au-dessus du même point à chaque jour lunaire (en négligeant les angles entre les axes de rotation et révolution), il y a deux bourrelets par jour lunaire qui passent en chaque point. La déformation de l’Océan exige le déplacement de l’eau qui ne peut pas être instantané. Parce que la rotation de la Terre entraîne l’Océan plus vite que le mouvement des bourrelets par rapport à sa surface, ces derniers sont décalés vers l’avant par rapport à la droite joignant la Terre et la Lune.

 

 

L’origine du bourrelet rapproché de la Lune s’explique par une force d’attraction lunaire plus grande et une force centrifuge plus petite. Pour le bourrelet plus éloigné, c’est la force d’attraction lunaire qui est plus petite et la force centrifuge qui est plus grande. Au centre de la Terre et de la Lune, les forces gravitationnelle et centrifuge sont égales pour respecter les équations du mouvement des orbites.

 

Le champ de force responsable des marées est 11¼ fois plus grand sur la Lune que sur la Terre. Bien sûr, la Lune est plus rigide que l’Océan et la déformation est de petite amplitude. L’énergie perdue à chaque cycle de perturbation de la marée provoquée par la Terre sur la Lune lorsque la rotation de la Lune était plus rapide est en partie due à la chaleur produite par frottement interne et en partie due au couple de freinage sur les bourrelets qui lui a fait perdre de la vitesse (voir le couple de forces de marée sur la figure). Les marées sur Terre font encore perdre 1 seconde à tous les 60 000 ans à notre rotation. Comme la Terre est beaucoup plus lourde, il faudra beaucoup plus longtemps pour que sa rotation et se synchronise avec la révolution de la Lune. Pour Pluton et Charon, c’est déjà fait.

 

La synchronisation de Mercure dans le rapport 3:2 entre l’année (88 jours) et la journée (58,65 jours) de Mercure provient d’une perturbation de son orbite qui fait apparaître toujours les mêmes deux faces au Soleil lorsqu’elle est à son périhélie (au plus proche du Soleil). Ces deux faces plus exposées au Soleil développent un pôle de chaleur au centre. De même, le rapport 3:2 fait toujours apparaître les deux faces sans pôle de chaleur lorsqu’elle est à son aphélie (au plus loin du Soleil). Plus étrangement pour le trio Soleil / Mercure / Terre, deux rotations sidérales (ou presque) égalent une révolution synodique (116 jours); ce qui entraîne que Mercure présente toujours la même face (ou presque) vers la Terre lorsqu’elle passe entre la Terre et le Soleil !

 

Le Système solaire est fait de plusieurs astres de grosseurs variées. Le Soleil étant beaucoup plus gros, on peut considérer les autres astres ont peu d’effets sur sa position, sa surface ou sa rotation. Évidemment, le Soleil influence tout le Système solaire. Les autres astres ont une petite influence les uns sur les autres d’autant plus qu’ils sont proches. Le champ de force responsable des marées est plus sensible à la distance que le champ de force qui gouverne les orbites d’où une onde de marée plus grande due à la Lune que celle due au Soleil. Toutes ces interactions entre les astres au cours de l’histoire du Système solaire ont pu produire des synchronisations. La dynamique est déjà considérée complexe pour un système formé de trois astres. Si on considère l’époque où les planètes étaient en formation, les interactions ont pu agir pour permettre des synchronisations de façon encore plus complexe et maintenant impossibles à comprendre dans l’état actuelle de nos connaissances.

 

Il en va ainsi pour la disposition des orbites suivant une progression mathématique simple inexpliquée (voir la loi de Titius-Bode plus loin). La littérature a l’habitude d’invoquer la théorie du chaos pour les phénomènes où la dynamique complexe est impliquée à cause du désordre apparent. La dynamique complexe permet de comprendre l’existence d’états bien définis malgré l’absence de possibilité de prévoir l’évolution au cours du temps de l’un vers l’autre de ses états bien définis. L’orbite de la Terre est dans l’un de ses états bien définis qui peut changer à cause du chaos mais avec une faible probabilité évidente.

 

Bon, voici le cas qui m’a intrigué et à l’origine de cet article. Il s’agit de Vénus dont la révolution sidérale autour du Soleil a lieu en 224,7010 jours et de la Terre dont la révolution sidérale autour du Soleil a lieu en 365,2567 jours. Le trio Soleil / Vénus / Terre reprend sa configuration (en négligeant les angles entre les axes de rotation et révolution) à tous les 583,9212 jours; c’est-à-dire que Vénus revient entre la Terre et le Soleil (vue du dessus) à tous les 583,9212 jours. La Terre fait 1,6 tour pendant que Vénus fait 2,6 tours en 583,9212 jours. Jusque là, il n’y a pas de surprise; c’est normal que Vénus dépasse la Terre régulièrement puisqu’elle va plus vite. Chaque planète vu de la Terre a ainsi sa période de révolution dite synodique et cette révolution synodique pour Vénus vaut 583,9212 jours = 1/(1/224,7010-1/365,2567) jours.

La surprise provient de la synchronisation (ou presque) du cycle de 8 années de 365,2564 jours :

 

8 révolutions sidérales de la Terre :

8*365,2567=2922,0557 jours

 

13 révolutions sidérales de Vénus :

13*224,7010=2921,1130 jours

 

5 révolutions synodiques de Vénus :

5*583,9212=2919,6060 jours

 

Ces chiffres sont étonnants. Le rapport 8:5 implique qu’à tous les 8 ans, on observe à la fois Vénus à la même position par rapport au Soleil et par rapport aux constellations ! Il y a 5 révolutions synodiques qui donne 5*(1,6 tours) = 8 tours pour la Terre et 5*(2,6 tours) = 13 tours pour Vénus. Il y a aussi :

 

12 rotations sidérales de Vénus :

12*243,0185=2916,2220 jours

 

À moins d’une simple coïncidence, la rotation de Vénus est plus particulièrement étonnante. Vénus présente la même face (ou presque) vers la Terre à tous les deux ans et une fois sur cinq lorsqu’elle passe entre la Terre et le Soleil ! Le champ de force de marée exercé par la Terre sur Vénus peut-il avoir synchronisé la rotation de Vénus dans le rapport 12:8 = 3:2 ? On peut le croire surtout si on se rappelle que Mercure a une synchronisation 1:1 de ce genre. Selon moi, il y a quelque chose comme la résonance gravitationnelle ou la dynamique complexe (voire les deux) qui agit derrière ça.

 

Tant qu’à soulever des questions de chiffres, je poursuis avec la loi de Titius-Bode qui a servi à localiser des planètes mineures au 19e siècle et la planète Uranus au 18e siècle. Parce que trop petites et devenues trop nombreuses, les planètes mineures ont été déclassées de la catégorie planète et reclassées dans la catégorie astéroïde avant la fin du 19e siècle. Les distances moyenne entre le Soleil et les planètes connues avant le 19e siècle suivaient une progression mathématique simple mais avec un trou entre la position de Mars et Jupiter ! C’est là qu’ont été découverts les premiers astéroïdes (le 1er étant Cérès en 1801).

 

 

On suppose maintenant qu’une planète entre Mars et Jupiter n’aurait pas pu se former à cause de quelque chose comme la résonance gravitationnelle ou la dynamique complexe (voire les deux) qui a agit par le passé ! Les astéroïdes entre Mars et Jupiter sont des astres qui se sont assemblés à partir de la matière restante qui n’a pas été expulsée de l’orbite par le chaos engendré principalement par Jupiter, la plus grosse planète. Tous les astéroïdes du Système solaire mis ensemble ne formeraient pas un astres plus gros que la moitié de la taille de la Lune.

 

Voici les distances calculées par la loi de Titius-Bode et la distance réelle des astres correspondants :

 

Astre

n

Distance relative calculée par (4+3n²)/10

Distance relative observée

Mercure

0

0,4

0,39

Vénus

1

0,7

0,72

Terre

2

1,0

1,00

Mars

3

1,6

1,52

Cérès

4

2,8

2,77

Jupiter

5

5,2

5,20

Saturne

6

10,0

9,54

Uranus

7

19,6

19,2

 

Pythagore (encore lui) a fait le premier usage mathématique appliqué à la physique en constatant les rapports entre la longueur de cordes qui entrent en résonance en produisant des sons harmonieux. C’est un cas exemplaire où l’esthétique et la physique se rejoignent, où la Philosophie et la Science sont intriquées. Il en a profité pour donner les définitions mathématiques aux notes de musique, aux octaves, aux quintes, aux tierces,… Après lui et pendant des siècles, les astronomes ont cru à l’harmonie dans les sphères célestes. Les mathématiques appliquées à la physique que Pythagore a aidé à fonder trouvent ses limites là où la dynamique complexe est nécessaire. C’est peut-être encore à astronomie qu’on devrait s’intéresser pour apprendre des leçons sur ce qu’on connaît qui est simple et ce qu’on ne connaît pas qui est complexe. C’est comme si l’histoire se répétait et que la résonance gravitationnelle suggérait l’emploi de mathématiques nouvelles pour s’appliquer à une physique nouvelle.

 

Pour finir, j’amène quelques perspectives historiques. Pythagore laisse un autre vestige moins bénéfique par les mythes qu’il entretient avec les nombres. Il ne faut pas voir de force mystique derrière les nombres que les cycles périodiques de rotations et révolutions célestes présentent. D’abord les nombres ne sont que des nombres. Il y a aussi l’astrologie issue de l’Antiquité qui soutient la prétendue influence des astres sur nos vies. Il ne faut pas croire que la résonance gravitationnelle qui agit entre les astres puisse agir sur nos vies. La résonance gravitationnelle ne produit un effet que sur des corps très étendus et après une très longue période de temps. L’astrologie n’est que l’astrologie qui fait néanmoins le bonheur de beaucoup de monde. La variation du champ de force gravitationnel de Vénus au cours d’un cycle synodique est la même que celle d’un avion Airbus A350 (250 tonnes métriques) qui passe à 10 mètres (30 pieds) ou pour chaque mètre gagné en altitude en grippant un colline.

 

 

L’effet de Vénus sur nous (à sa distance la plus rapprochée) représente deux millionième de pour cent de notre poids ! Pour une personne de 50 kilogrammes (~110 livres), Vénus créé une force d’attraction maximale réduisant le poids de l’équivalent de 1 milligramme; autant d’effet qu’une pilule homéopathique (~1 milligramme) !

 

 
 

 
  Mise à jour : le 17 décembre 2008.