Par Denis Bergeron
Depuis que je fais de l'astronomie et grâce aux congrès d'astronomie, j'ai eu la chance et le grand privilège de rencontrer plusieurs des astronomes amateurs les plus avancés qui m'ont permis d'apprendre et d'évoluer personnellement. Ces occasions sont des tremplins pour rencontrer, échanger, partager et discuter sur notre passion. Les clubs y présentent leurs projets, leurs activités et c'est l'occasion de se faire des liens d'amitié avec des gens passionnés et prêts à partager leurs grandes connaissances. L'une des grandes qualités des astronomes amateurs, c'est leur simplicité et leur grande ouverture d'esprit. J'ai souvent rencontré de ces astronomes qui malgré leur profession (ingénieur, informaticien, policier, architecte, électronicien, etc) était d'un dévouement incroyable prêts à partager la moindre parcelle de leur savoir. Le contact de ces gens est immédiat et le lien d'amitié est instantané.
Je trouvais qu'il manquait quelque chose pour compléter les congrès de la Fédération des astronomes amateurs du Québec comme activités québécoises. Comme les astronomes sont dispersés un peu partout au Québec et oeuvrent principalement au sein de leur club ou même laissés à eux-mêmes s'il n'y a pas de club dans leur région, il fallait trouver une activité pour rallier les astronomes passionnés autant avancés que débutants d'où l'idée de former un camp d'astronomie. C'était au début de l'année 1980.
Malgré le fait que je demeurais dans l'Outaouais (250km à l'ouest de Montréal) et bien que je sois originaire de la région de Montréal, je connaissais plusieurs astronomes résidant dans les villes autour de la grande région métropolitaine ainsi que quelques clubs très actifs. Il me fallait donc pour que le projet réussisse, trouver un camp situé pas trop loin de Montréal mais dont le ciel était suffisamment noir et exempt de lumières parasites pour pouvoir y faire de l'observation astronomique et de l'astrophotographie. Il fallait aussi prévoir des activités à faire en cas de mauvais temps. J'avais des contacts avec les administrateurs du camp Marcel (Ste-Béatrix) situé au nord de la ville de Joliette. J'avais déjà été observer à cet endroit à plusieurs reprises par le passé et le ciel était très acceptable. L'environnement est dans un décor naturel de lacs et de montagnes et le site d'observation est sur le sommet d'une montagne et complètement isolé des lumières parasites.
J'ai contacté les administrateurs du camp Marcel afin de m'informer des prix, disponibilités des salles et chalets et de la possibilité de fermer les lumières parasites autour des chalets. J'avais obtenu une très bonne collaboration (frères de St-Gabriel) et tout semblait à point pour réaliser le premier camp d'astronomie au camp Marcel au mois de mai 1980. J'ai choisi la fin de semaine la plus proche de la nouvelle lune du mois de mai puis j'ai rédigé une lettre type que j'ai envoyée personnellement à tous les astronomes que je connaissais dans la grande région métropolitaine et des environs. J'avais écrit aussi aux Présidents des clubs d'astronomie de Drummondville, Trois-Rivières, Québec, Montréal, etc. J'attendais avec impatience leurs réponses...
À ma grande surprise, une grande partie de mes correspondants m'ont répondu positivement avec beaucoup d'enthousiasme. Avant de faire la réservation officielle, j'attendais de connaître le nombre d'intéressés. À mon grand étonnement, une trentaine de participants avaient manifesté leur intérêt à participer à ce premier camp d'astronomie au Québec.
J'ai procédé à la réservation du camp Marcel pour la fin de semaine la plus proche de la nouvelle lune du mois de mai et pour l'occasion, je demandais aux participants d'apporter un instrument d'observation, des diapositives et je demandais aussi à certains participants de préparer une causerie sur un sujet relié à l'observation ou à l'astrophotographie en cas de mauvais temps.
Les participants arrivaient dans l'après-midi et la soirée du vendredi et commençaient à s'installer dans un chalet commun que j'avais réservé. Nous avions une cuisine commune avec poêle, réfrigérateur, vaisselle, ustensiles, etc. Cependant, nous prenions nos repas à la cafétéria du camp Marcel pour ceux qui le désiraient. Nous pouvions aussi prendre nos repas au chalet pour ceux qui préféraient diminuer les coûts. Les chambres étaient isolées et individuelles. Les participants se plaçaient quatre par chambre et les familles étaient ensemble.
Le programme du vendredi était très détendu. Les participants arrivaient et s'installaient au chalet. Le soir vers 21h, il y avait présentation de chacun des participants et de leurs activités. Personnellement, j'étais l'hôte du camp et j'organisais les activités. Le ciel n'étant pas favorable à l'observation; nous en avons donc profité pour faire plus ample connaissance et je leur ai expliqué quelles étaient les objectifs du camp. Ces objectifs étaient de rallier les astronomes autant avancés que débutants pour pratiquer et échanger sur leur passion. Les débutants pouvaient apprendre plus rapidement grâce aux conseils des plus avancés. Certains voulaient comparer un type de télescope avec d'autres sur le terrain. D'autres voulaient faire leurs premières armes en astrophotographie. D'autres encore voulaient simplement se retrouver dans un milieu naturel pour savourer la beauté du ciel étoilé. Bref, chacun pouvait y trouver son compte. Les échanges entre participants se sont déroulés jusqu'aux petites heures du matin pour certains.
Le samedi matin débutait par le petit déjeuner à la cafétéria du camp. Si le ciel était couvert, il y avait des présentations par certains participants dans une salle commune. Ces présentations étaient libres mais la plupart des gens y participaient. Si le ciel était clair, il y avait observation du ciel de jour comme l'observation du Soleil, d'étoiles et de planètes en plein jour. Heureusement, le ciel s'était éclairci et tous avaient hâte de monter leurs instruments sur la montagne.
Durant l'après-midi, plusieurs échangeaient sur leurs méthodes et intérêts en astronomie. Nous avons eu beaucoup d'échanges. Les astronomes débutants échangeaient avec les plus avancés et déjà, nous pouvions voir des gens s'associer pour l'observation du soir.
Après le souper, si le ciel était clair, tous les particiapants montaient sur la montagne afin d'y monter leurs instruments. Les véhicules se mettaient en cercle et les astrophotographes étaient séparés des observateurs pour ne pas être perturbés par les lumières des lampes de poche ou des véhicules. Une diversité d'instruments de toutes sortes (lunettes astronomiques, Schmidt-Cassegrain, monture sidérale de fabrication maison, jumelles, télescope Dobson à gros diamètre, etc) parsemaient le terrain. C'était toute une ambiance!
On entendait de part et d'autres des cris d'émerveillement, de la musique de circonstance, on voyait des gens qui apprenaient les constellations, d'autres qui faisaient leurs premières armes en astrophotographie sous les conseils d'experts, d'autres qui observaient les galaxies avec un gros télescope, bref toute une ambiance qu'il est difficile de décrire dans un texte. A l'occasion, la pause café permettait de faire le surplus d'énergie et d'échanger sur nos projets d'observation. Tout le monde était emballé.
Le ciel était d'une beauté féérique malgré la présence d'un dôme lumineux au sud. On y voyait très bien la voie lactée au zénith et l'observation astronomique était à son meilleur. La plupart des participants observaient une bonne partie de la nuit et certains en avaient profité pour se coucher à l'aurore ne voulant pas rater cette occasion privilégiée.
Le lever du dimanche matin fut très pénible pour certains. Cependant, leur satisfaction était évidente. Après le petit déjeuner, nous prenions cela tranquillement. La plupart des participants discutaient de ce qu'ils avaient observé. Les astrophotographes avaient hâte de voir leurs résultats.
Après le dîner, la dernière activité consistait à faire la critique de ce premier camp d'astronomie et je prenais bonne note des commentaires des participants. Les commentaires étaient très positifs et tous les participants furent emballés de leur premier camp et tous voulaient qu'il y en ait un autre l'année suivante. Je m'engageais à nouveau à organiser un second camp pour le printemps de l'année 1981. Le premier camp se termina vers 15h, le dimanche. Certains décidèrent de profiter des derniers instants pour faire une ballade sur le lac ou en forêt.
Ce qui est ressorti d'extraordinaire de ce premier camp, c'est l'amitié entre les participants et les liens qui se sont créés. Les gens se sont connus et ont échangés. Il n'y avait aucune barrière de sexe, race, profession, statut social, etc. Seul l'intérêt, la passion et le plaisir d'échanger ont fait le succès du camp. Les moins avancés ont été impressionnés par la grande gentillesse et la disponibilité des plus avancés et aujourd'hui certains des débutants de cette époque sont devenus des experts et montrent à d'autres leurs connaissances acquises.
Les deux premières années (1980 et 1981), c'est moi qui s'est occupé d'organiser les premiers camps d'astronomie au camp Marcel. Puis en 1982 et 1983, Thomas Collin a pris la relève suivi par la suite par Marc Martineau qui faisait partie du club de Joliette à l'époque.
Le camp Marcel avait toujours lieu au printemps. Nous avons eu des années où le camp a été organisé au mois d'avril afin d'éviter la période des mouches mais nous avons eu quelques surprises dont une belle tempête de neige en 1983. Nous avons donc privilégié la fin de semaine la plus proche de la nouvelle lune du mois de mai.
La formule des activités astronomiques a évolué au rythme de l'évolution de la technologie. Au début des années 1980, on voyait beaucoup de télescope de fabrication domestique de petits diamètres, des tables sidérales de fabrication maison, la photographie avec film sensible de l'époque. J'avais donné à l'époque des démonstrations sur le développement des films noir et blanc et couleur ainsi que des diapositives. Je faisais partie aussi d'un programme de recherche (projet Problicom) qui consistait à comparer des images photographiques du ciel afin de trouver des étoiles variables, astéroïdes, comètes, novae, etc. J'avais fait plusieurs démonstrations et présentations à ce sujet. Il y eut aussi la stéréoscopie qui permettait de visualiser deux images pour voir un aspect 3D. J'avais présenté de petits bricolages à cet effet.
Le milieu des années 1980 avait permis de voir apparaître de plus en plus de télescope de type Schmidt-Cassegrain (Meade, Celestron, Dynamax). Plusieurs s'essayaient à photographier les objets du ciel profond avec ces instruments. C'était l'époque de l'hypersensibilisation des films. Plusieurs démonstrations et présentations avaient été faites sur le sujet. Il y eut aussi plusieurs démonstrations sur la mise en station des télescope sur le pôle nord céleste, la collimation de l'optique des télescopes, le pointage des objets célestes avec télescope, l'astrophotographie conventionnelle, etc.
Le début des années 1990 nous arrive avec les premières caméras CCD dont le pionnier à cet effet fut Gilbert St-Onge avec sa caméra SBIG ST-4. Je suivis le pas avec l'acquisition d'une caméra SBIG ST-4 et SBIG ST-6. On voyait aussi de plus en plus de participants apportant des ordinateurs portatifs équipés de logiciels de planétarium. Nous étions tous fascinés par ces nouvelles technologies.
Vers le milieu des années 1990, on voyait de plus en plus de participants équipés de télescope Meade LX-200 de 20cm et 25cm permettant de pointer automatiquement un objet céleste. Certains y branchaient un ordinateur équipé de logiciels spécialisés comme TheSky, Megastar, Guide pouvant pointer n'importe quel objet dans le ciel. Daniel Provencal et Jacques Gagnon nous ont épatés en utilisant un logiciel (C-SAT) permettant de pointer automatiquement les satellites artificiels présents dans le ciel et de les suivre. Nous avons vu la station orbitale MIR, la navette spatiale américaine, plusieurs satellites qui clignotaient, etc. Nous avons pu suivre aussi certains phénomènes particuliers comme la comète Hale-Bopp et d'autres comètes un peu moins populaires.
Ces dernières années, nous avons pu voir de plus en plus de lunettes astronomiques de qualité, des télescopes à très gros diamètre (Dobson), différentes caméras CCD, plusieurs démonstrations de logiciels, l'observation des taches et protubérances solaires, l'observation d'étoiles et de planètes en plein jour, techniques de traitement d'images CCD, imagerie planétaire à haute résolution, etc. Les futurs camps d'astronomie seront de plus en plus intéressants puisque les participants sont de mieux en mieux équipés, de plus en plus compétents, et de plus en plus motivés.
À l'aube du prochain millénaire, nous aurons plusieurs camps maintenant organisés par d'autres clubs. Outre les premiers «camps Marcel», le club de Laval a organisé les camps d'astronomie de printemps et en a créé un autre l'automne. Les premiers camps d'automne avaient lieu à Notre-Dame-de-la-Merci près de St-Donat au nord de Montréal. Le camp a ensuite changé pour un autre endroit et avait lieu au camp «Village des Jeunes» à St-Côme au nord de Joliette. Les camps d'astronomie du printemps et de l'automne organisés par le club de Laval ont eu lieu à cet endroit depuis plusieurs années. Le club a l'intention d'essayer d'autres endroits où le ciel est encore plus noir.
Le club de Sherbrooke a enchaîné avec la création d'un camp d'astronomie ayant lieu l'hiver sous le nom camp «Val-Estrie». La Société d’astronomie du Planétarium de Montréal a aussi organisé des camps d'astronomie au camp Marcel de Ste-Béatrix devenu maintenant le «Havre Familial».Le Club des astronomes amateurs de Longueuil en organise aussi pour ses membres. Bref, les premiers camps d'astronomie ont maintenant des petits et les astronomes peuvent maintenant participer à l'un ou l'autre de ces camps.
Les dates et endroits ainsi que les activités prévues lors de ces camps sont généralement annoncés sur la liste ASTRO.
Les camps d'astronomie sont parmi les activités les plus captivantes et motivantes qui soient pour tout astronome amateur intéressé. Que vous soyez débutant ou expert, que vous connaissiez ou non les participants, cela importe peu. Si vous voulez apprendre, échanger, partager, il n'en tient qu'à vous de participer à l'un de ces camps. La plupart des nouveaux participants sont revenus emballés de leur expérience. Toutes les activités se déroulent dans une ambiance de camaraderie et tous les camps sans exception sont gage de succès quelque soit les conditions météo. L'ambiance y est toujours amicale et c'est une superbe expérience à vivre. Grâce au réseau Internet, les liens qui s'établissent entre les participants suite à ces camps ont permis à plusieurs de cheminer rapidement dans leur passion et on voit très bien que l'avenir de l'astronomie et des camps augurent très bien pour l'avenir.
À l'aube du prochain millénaire, je crois que nous devrions organiser d'autres camps peut-être un peu plus spécialisés. Il semble y avoir de plus en plus d'intérêt pour les nouvelles technologies. Il ne faudra pas se surprendre si nous voyons apparaître des camps plus spécialisés comme l'utilisation de caméras CCD et traitement d'images. Nous allons aussi expérimenter d'autres endroits, d'autres formules...
Donc, si vous avez envie de vivre une expérience inoubliable avec des gens formidables, participez à l'un de nos camps d'astronomie, vous en serez emballés, c'est garanti! Pour vous faire une idée de ce qui se passe lors de ces activités, je vous invite à visionner les images des camps précédents présentées ci-dessus. Vous pourrez en obtenir un agrandissement en cliquant dessus...
Au plaisir de vous rencontrer à l'un de ces camps d'astronomie,
Amitiés