Astrophotographie

de la Lune

 



De Benjamin Rodriguez, notre membre néo-zélandais (et ancien secrétaire de la SAML, il y a une quinzaine d’années), nous avons reçu une série de photos de l’éclipse totale de Lune qui a eu lieu dans la nuit du 26 au 27 mai 2021 (journée du 26 mai 2021 en Europe) et qui était visible depuis la majeure partie de l'océan Pacifique et des pays alentour.




Benjamin a utilisé son boîtier Nikon D810A équipé d'un objectif Nikkor 600 mm f/4, installé sur monture Sky-Watcher NEQ6. Les temps d’exposition varient selon la pose ; la photo de la totalité a été prise à 1/5e de seconde et f/4,5, à la sensibilité de 400 ISO.

Benjamin s'était installé près de Windwhistle, au pied des Southern Alps, par vent de force 0 (« All whistle, no wind ! »), et sous une température tropicale de... -10°C. L’éclipse s’est déroulée de 21h44 à 00h48, sans prendre en compte la phase de pénombre.

Le ciel était très beau, avec une Voie Lactée se révélant de plus en plus à mesure que la Lune s’assombrissait.




 

  ÉCLIPSE TOTALE DE LUNE



Jeudi soir 20 mai 2021,
Stéphane a beaucoup hésité avant de se décider à partir pour Lure et y tenter sa chance en dépit des prévisions météo assez franchement défavorables. En effet, des nuages de haute altitude étaient attendus dès le début de la nuit. Il a d’ailleurs bien failli revenir bredouille de Lure car, en fait dès 21h40, un très large voile de cirrus plus ou moins épais a couvert la Lune et l'ensemble de la voûte céleste dans le ciel de Lure. Il a tout de même pris le temps de préparer l'ensemble du matériel et de faire les réglages nécessaires, "au cas où"...

Il semble bien que la chance décide de quelquefois sourire aux audacieux, car Stéphane a eu la joie de constater, entre 21h40 et 21h43, que les cirrus se faisaient moins denses devant la Lune pendant quelques minutes (ce furent probablement les 3 seules minutes de la nuit pas trop affectées par la couverture nuageuse). Une sorte de petit miracle... ou tout au moins de bonne fortune : il a ainsi pu filmer la Lune pendant environ 3 minutes (3000 images accumulées), dont 2 minutes bien exploitables.

Comme à son habitude, Stéphane a utilisé sa caméra vidéo monochrome ZWO ASI 1600 MM, à la cadence de 16 images par seconde avec un temps d'obturation de 6 millisecondes et avec un filtre rouge, et le télescope de type Schmidt-Cassegrain de la coupole. La focale mesurée après coup est de 9,05 mètres (f/D = 25,5 environ).

Le seeing était vraiment excellent (image très stable) et le halo de lumière autour de la Lune n'a affecté que partiellement la transparence. Ainsi, malgré un rapport signal-sur-bruit sensiblement dégradé, sa séquence vidéo s'est révélée très bonne. L’image ci-dessous est issue de cette séquence vidéo, après de multiples traitements.





La chaîne montagneuse des Apennins est vraiment spectaculaire et impressionnante. Ce sont là les plus hautes montagnes lunaires et sans doute les plus belles. La région préférée de Stéphane est celle du site d'alunissage d'Apollo 15, au pied des monts Hadley et Hadley Delta, juste à côté de la sublime faille Rima Hadley. L’image montre aussi beaucoup de détails dans les monts Spitzberg et les grands cratères Archimède, Aristille (et ses éjecta), Autolycus, ... jusqu'au cratère Eratosthène, à l'extrémité sud-ouest, où le Soleil était encore bas à ce moment-là au-dessus de l'horizon lunaire.


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Né en Flandre en 1580, Godefroy Wendelin était un astronome contemporain de Galilée, Fabri de Peiresc, Gassendi et Huygens. Il s'installa en Provence de 1598 à 1612 et réalisa des observations météorologiques et astronomiques à la Montagne de Lure, dont il fut le premier savant à constater la qualité de site exceptionnelle pour la pratique de l'observation astronomique. Une stèle à sa mémoire a été érigée à environ 1 km au nord-nord-est de notre observatoire.

Un cratère a été attribué à Godefroy Wendelin sur la Lune, dans l'extrême sud-est de sa face visible. Le nom donné au cratère est Vendelinus, qui est le nom latinisé de Wendelin. Il s'agit en fait d'une grande plaine murée, d'un diamètre d'environ 150 km, située à peu près à mi-chemin entre le grand cratère Langrenus, au nord, et l'étonnant grand cratère Petavius, plus au sud, remarquable autant pour sa large et profonde rainure (Rima Petavius) que pour ses multiples pics montagneux centraux. Nous voyons la grande plaine murée Vendelinus toujours « de biais », de par sa proximité avec le bord de la face visible de la Lune. Elle est visible dans les meilleures conditions environ 2 jours après la pleine Lune, chaque automne.


La région lunaire Vendelinus est celle que l'on peut naturellement associer à la Montagne de Lure. C'est sans doute pourquoi
Stéphane s'était mis en devoir, il y a déjà de nombreuses années, de la photographier. Il a récidivé dans la nuit du 22 au 23 septembre 2021, depuis la coupole de l'Observatoire Marc Bianchi, en photographiant cette grande plaine murée Vendelinus au petit matin, vers 3 heures, au moyen du télescope C14 de la coupole, dont il avait porté la focale à 9,6 mètres, et de sa caméra vidéo monochrome ZWO ASI 1600 MM. L'image résulte du compositage des 400 meilleurs clichés bruts parmi 3000 pris pendant une séquence d’environ 3 minutes (à la cadence d'un peu plus de 16 images par seconde). Le nord se trouve vers le haut.




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  VENDELINUS

  CHAÎNE DES APENNINS



Il y a assez souvent du vent à la Montagne de Lure, généralement du vent de secteur ouest à nord. En revanche, quand le vent ne souffle pas, ou très peu, les conditions aérologiques peuvent être excellentes et même exceptionnelles, avec une turbulence très réduite en complément d’une transparence remarquable permise par l’altitude de 1600 mètres.

Des conditions exceptionnelles de seeing se sont produites dans la nuit du 29 au 30 août 2021 à l’Observatoire Marc Bianchi, conditions dont Stéphane a pu à nouveau bénéficier en compagnie d’autres membres de la SAML.

Tandis que Marc Khatchadourian et Pierre Heilbronn se consacraient à des activités d’astrophoto de ciel profond, à proximité immédiate de l’observatoire, Stéphane a profité de la situation aérologique hors norme pour utiliser le télescope C14 Edge de la coupole, dont il a augmenté la focale à une dizaine de mètres, et photographier (ou, plus exactement, filmer en vidéo) Saturne puis Jupiter et enfin la Lune.

Peu avant l’aube, le seeing a semblé s’améliorer encore un peu et Stéphane a pu réaliser plusieurs images de la Lune montrant d’extraordinaires détails. Toujours avec le télescope C14 Edge avec une focale d’une dizaine de mètres, il a utilisé sa caméra monochrome ZWO ASI 1600 MM et un filtre rouge.

Les vignettes ci-dessous montrent les 5 régions photographiées : la région septentrionale de Mare Imbrium (partie occidentale, partie orientale, puis mosaïque des deux), Mare Insularum (avec le grand cratère Copernic et les sites d'alunissage d'Apollo 12 et d'Apollo 14), la région de Cap Taenarium et du Mur droit (Rupes Recta), enfin la célèbre région méridionale de Tycho et Clavius (avec le nord montré ici vers le bas).


  




  





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Sur l’image de Mare Insularum, aussi étonnant que cela puisse paraître, on aperçoit indiscutablement Cone Crater, ce cratère à proximité duquel le module lunaire d'Apollo 14 s'est posé en février 1971, au nord de Fra Mauro. Cone Crater ne fait qu'environ 340 mètres de diamètre mais il constitue une tache claire de plus de 400 mètres de diamètre, qui tranche avec la zone assez sombre autour de lui : ce doit être pour cela qu'on peut le distinguer sur cette photo. Disons que l'on voit la tache claire correspondant au cratère Cone Crater, à défaut de pouvoir distinguer la forme du cratère elle-même.

Ce fut une « folle nuit » à Lure, avec des images en direct impressionnantes et ensuite une moisson de photos relevant d’une pêche miraculeuse... une nuit vraiment mémorable !

 

  FOLLE NUIT À LA MONTAGNE DE LURE