ECLIPSE 1999
SPECTRE DE LA COURONNE SOLAIRE

Cette page présente le résultat de l'observation du spectre de la couronne solaire lors de l'éclipse totale du 11 août 1999. L'observation  a eu lieu dans le village de Sault les Rethel, situé au nord de Reims (Champagne-Ardenne).

L'équipement était constitué d'une caméra Audine équipée pour l'occasion d'un CCD KAF-1602E, d'un objectif photographique de 55 mm de focale et d'un GRISM 700 traits/mm placé juste en avant de l'objectif. L'ensemble était fixé sur une monture équatoriale EM200.

Cette configuration a permis de saisir au moment de la totalité plusieurs images monochromatiques de la couronne interne et de la chromosphère. La distance focale faible de l'objectif a été choisi de manière à couvrir un domaine spectral raisonnablement grand, allant de 4900 à 7700 A environ. La dispersion moyenne est de 2A/pixel. En contre-partie, l'image du Soleil est de petite taille et il n'était pas prévu d'observer des structures très fines avec un tel équipement. Le compromis entre la résolution spectrale et la résolution spatiale s'est avéré assez bon en fin de compte.

Le CCD a été utilisé en binning 1x1. Pour enregistrer le spectre le plus étendu possible, le grand axe du KAF-1602E a été aligné avec la direction de la dispersion. Le spectre fait donc plus de 1500 pixels de long. La caméra Audine n'étant pas vraiment conçue pour piloter un CCD d'une telle taille il a été nécessaire de limiter l'acquisition du spectre à sa dimension utile suivant l'axe transverse en pratiquant un fenêtrage judicieux afin de ne pas trop grever le temps d'observation. Cependant, les conditions d'observations avant la totalité ont été tellement dévaforables (couverture nuageuse quasi continue) qu'il s'est avéré impossible de cadrer avec certitude le soleil sur le CCD avant le début de la totalité! Pour garder quelques chances de réussite la fenêtre a du être élargie plus que nécessaire (image de 300 par 1528 pixels au lieu des 150 par 1528 pixels prévus initialement). Les temps de lecture ayant doublé il n'a été possible de réaliser en tout et pour tout que 4 images. La première a permis de déterminer le temps de pose et de vérifier que le soleil était au bon endroit sur le CCD. Les deux suivantes, les seules exploitables, ont été faite à F/11 avec des temps de poses de 2 et 0.5 secondes. La dernière image a pris le flash fin de totalité et n'a pas été utilisée pour la présente analyse en raison de la forte saturation du CCD. Le logiciel d'acquisition était PISCO.

Il faut préciser que le ciel s'est dégagé quelques secondes seulement avant le début de la totalité. Malgré le passage de quelques fins nuages devant le Soleil durant les 2 minutes 10 secondes de la phase totale, la transparence était largement suffisante pour offrir un merveilleux spectacle à l'oeil et acquérir en même temps les spectres dans de bonnes conditions.

 Figure 1. L'expérience spectrographie sur le monture EM200. Le GRISM est situé en avant de la caméra Audine équipée d'un objectif de 55 mm de distance focale. Un pare lumière conséquent est placé en avant de cet ensemble pour limiter les entrées de lumière parasite inhérente à ce genre de montage. La taille et la position des caches luttant contre les reflets ont été déterminé 10 jours auparavant en observant le spectre de la Lune. A droite on voit une vue de face du GRISM.

L'image suivante montre l'image posée 0.5 seconde telle qu'elle est apparue à l'écran lors de l'observation de l'éclipse. Le bleu est à gauche et le rouge à droite. On note que le spectre est incliné par rapport à l'axe du CCD. Il faut le redresser puis soustraire le courant d'obscurité et l'offset avant de pouvoir l'exploiter. Les flat-fields ont été réalisé sur un fond de nuages, nuages qui ont envahi le ciel de manière permanente quelques minutes après la fin de la totalité.

Figure 2. L'un des deux spectres bruts.

La figure 3 montre les deux images additionnées après le prétraitement. On distingue aisément trois types d'images monochromatiques du Soleil. Les unes présentent un pourtour en chapelet qui correspond à l'émission de la chromosphère, où plus précisément, aux nombreuses protubérances visibles ce 11 août 1999 (l'image la plus intense est due à la raie H-alpha à 6563 A). D'autres présentent un contour diffus, provenant de la couronne proprement dite. Enfin, dans le partie infrarouge (à droite) on distingue des raies en absorption provoqués par les constituant gazeux de l'atmosphère terrestre (H2O et O2). Il faut souligner aussi un fort continuum qui a pour origine la diffusion de la lumière photosphérique par les électrons libres de la couronne.

Figure 3. L'image prétraitée du spectre solaire. Les longueurs vont croissantes de gauche à droite.

L'étape suivante du traitement est l'élimination du continuum qui gène la détection des raies spectrales. Il y a plusieurs techniques possibles. Celles qui a été choisie ici consiste à appliquer un filtrage médian large (30 pixels de large dans le cas présent) suivant l'axe horizontal uniquement. Le résultat est un images du continuum dans les raies spectrales ont disparues. On soustrait alors ce continuum à l'image de la figure 3 pour obtenir l'image de la figure 4.

Les principales raies de l'émission chromosphérique dans la région spectrale explorée sont provoquées par l'hydrogène et l'hélium. Les raies coronales sont quant à elles le résultat de transitions interdites de gaz très fortement ionisées. La raie verte du fer ionisée 13 fois est particulièrement intense à 5303 A. La raie rouge de la couronne solaire interne est aussi bien bien visible à 6375 A. En revanche, la raie jaune du calcium ionisée 14 fois est détectée mais extrêmement faible (elle n'est perceptible que dans les zones de forte activité coronale) alors qu'elle est souvent citée dans la littérature comme une émission majeure de la couronne. D'autres émissions coronales sont visibles, on notera en particulier le fer ionisée 14 fois presque confondu avec la raie chromospérique de l'hélium à 7065 A.

Figure 4. Le spectre de la couronne et de la chromosphère auquel on a retiré le continuum. Notez que l'image solaire présente une ovalisation (le disque est étiré horizontalement dans la partie bleu et verticalement dans la partie rouge). C'est effet est attribué à la variation de la dispersion spectrale en raison de l'usage du GRISM. La dispersion est de 1.8 A/pixel vers 4900 A et de 2.2 A/pixel vers 7000 A. Traitement QMiPS32.

La figure suivante montre l'image des protubérances dans la raie de l'hélium à 5876 A. On note la présence d'une faible image du Soleil provoquée par l'émission du doublet du sodium (séparation des raies : 6 A).

Figure 5. Agrandissement de l'image du Soleil dans la raie de l'hélium à 5876 A. La protubérance située à l'extrême gauche est détachée du limbe solaire. L'émission du sodium est aussi détectée dans cette image.

La figure 6 illustre comment les détails de la couronne se différencie en fonction de la raie spectrale analysée. Les images monochromatiques ont subit une homothétie pour les rendres superposables.
 

Figure 6. La coronne interne observée dans la raie du Fe XIV à gauche et dans la raie du Fe X à droite. La morphologie de la couronne est fortement modulée en fonction du niveau d'ionisation des atomes.
Figure 7. A gauche, compositage coloré constitué de la manière suivante : le bleu est donné par la raie à 5303 A, le rouge est donné par la raie à 6375 A, le vert est donné par la moyenne de ces deux dernières images. L'image ne visualise donc pas la sensation des vrais couleurs puisque la raie à 5303 A, qui normalement est verte, donne la composante bleu de la trichromie. Le rapport d'intensité entre les raies 5303 A et 6375 A est respecté, à ceci près que la calibration tenant compte de la réponse spectrale du CCD n'est pas encore réalisé. Au centre, la même image que précédemment mais en rehaussant les détails dans le couronne plus lointaine. A droite on a superposé les raies chromosphériques colorées en rouge (He I). On remarque que les détails dans la couronne, s'il sont associés aux centres actif de la surface solaire, ne sont pas corrélés au moment de l'observation avec l'activité chromosphérique visible sur le limbe.
Figure 8. A titre de comparaison une image couleur réalisée par Pierre Thierry sur le site de Sault les Rethel. L'instrument était un téléobjectif de 200 mm de focale monté devant caméra Audine équipée d'un CCD couleur KAF-0400C. Le traitement de cette image n'est pas terminé, ce qui explique la couleur inabituelle des protubérances.
 
L'observation du spectre de la couronne solaire a donc été réalisé avec succès lors de l'éclipse du 11 août 1999. On a présenté ici une première analyse qualitative de ce résultat. L'analyse quantitative reste à faire, en s'aidant en particulier du savoir faire d'astronomes professionnels spécialistes de la physique solaire. Sur le plan observationnel, le temps a manqué pour observer la partie bleu du spectre, particulièrement accessible avec le CCD KAF-1602E qui permet d'étudier des radiations de longueur d'onde égale ou inférieure à 3500 angströms. Une automatisation plus poussée aurait permis de coupler un polariseur au spectrographe et ainsi accéder à une autre dimension grâce à la spectropolarimétrie. Mais l'expérience acquise lors de cette éclipse va nous permettre d'aborder avec serénité l'observation de la prochaine éclipse, si les cieux sont avec nous !

Bibliographie :
La couronne solaire - J. P. Rozelot - Doin 1973
Solar Astronomy Handbook - Beck & all - Willman-Bell 1995


La couronne solaire observée à Sault les Rethel
Pour des détails, cliquez ici

Extraits du film vidéo réalisé par Valérie Desnoux depuis Sault les Rethel
 
Le ciel quelques minutes avant la totalité...
Cliquez ici pour faire défiler le film...
Extraits du film vidéo de l'éclipse du 26 février 1998 depuis la Guadeloupe
Entre ces deux séquences l'aspect de la couronne solaire a sensiblement évolué (notez cependant que le rapport d'intensité n'est respecté en raison de l'usage de filtres de densité neutre différents). Les images de 1998 montrent de grands jets couronaux caractéristiques d'un minimum d'activité solaire. En 1999 la couronne semble plus symétrique, signe que l'on va vers un maximum d'activité solaire.

Quelques scènes de vie à Sault les Rethel un beau jour du mois d'aout 1999...
 
La manip de Franck Vaissière (vidéo + WebCam).
 
Delphine, Denis et Robert.
 
Michel Espoto et Alain Klotz après l'éclipse (remarquez le ciel).
 
Christian Buil.
 
Christian essayant de voir le Soleil sur l'écran de son portable avant la totalité.
 
Le lourd équipement de Michel Espoto.
 
Denis Marchais et Franck Vaissière en action.
 
Le site de tante Imelda envahi par les Audiens.
 
Pierre Thierry et sa manip Audine couleur.
 
Pierre n'en mène pas large !
 
Grosse perplexité de pré-eclipse : Denis Marchais, Robert Delmas, Franck Vaissière. Pas un gramme de Soleil !
 
Franck Vaissière. 
 
Alain Klotz (avant la totalité sous un ciel bien couvert).
 
Valérie Desnoux et Alain Klotz.
 
Jean Montanné, qui a ammené outre sa bonne humeur, un excellent Sauterne.
 
René Roy.
 
Raymond David.
 
Denis Marchais.
 
Imelda, la tante d'Alain Klotz. Collation et très bon repas après la totalité !
 
Photo de groupe après l'effort.

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