Courbe de croissance du Soleil.



L'objectif est ici de tracer la Courbe de Croissance du Soleil à partir de nos propres observations faites avec notre spectrohéliographe en s'inspirant de l'exercice E51 de l'ouvrage ASTRONOMIE Méthodes et Calculs de Agnès Acker et Carlos Jaschek.
La courbe de croissance d'une étoile traduit les variations de la largeur équivalente d'une raie d'un élément donné en fonction du nombre d'atomes absorbants.

Pour évaluer l'énergie prélevée par une raie dans le spectre continu, on mesure l'aire comprise entre le profil de la raie (en bleu) et le niveau du continum normalisé à 1 (ligne horizontale verte).
Bien entendu il ne faut pas tenir compte des profils d'autres raies qui viennent se superposer à celle que l'on veut mesurer et dont la contribution doit être éliminée.
Pour celà on a tracé en rouge le profil "idéal" en supprimant ces raies perturbatrices.
Ce travail est aisé avec le logiciel Visual'Spec.
La largeur équivalente de la raie rouge est la largeur du rectangle hachuré vertical ayant même aire que le région colorée en jaune.
Toujours avec Visual'Spec le calcul de la largeur équivalente est automatique et donne ici la valeur 0.830Å.

La largeur équivalente est fonction du produit N.f.t, où N est le nombre d'atomes par cm^3 de l'élément qui absorbe la raie considérée
t est l'épaisseur de la couche et f est la force d'oscillateur de la raie, donnée dans des tables.

Image spectrale brute issue d'un scan du Soleil.
Image moyennée par sommation de lignes
Profil spectral (en bleu).
Profil lissée (en rouge), les autres raies sont enlevées
Dans ce cas la normalisation est assez facile à effectuer.

Il en va tout autrement si la densité de raies est grande et si elles cumulent leurs absorptions!


Le travail est plus délicat ici...et il y a pire!

Il faut alors chercher le continum sur les marges voire concaténer plusieurs spectres pour atteindre des régions plus calmes.

Il s'agit ensuite de mesurer la largeur équivalente d'un certain nombre de raies de Fe I. Ce travail qui m'avait paru simple avant de l'aborder s'est rapidement révélé très délicat.
Certaines raies ont un profil assez simple et peuvent être modélisées par une gaussienne. Dans d'autres cas la raie à mesurer voit son profil perturbé par la présence d'autre raies sur ses ailes ce qui complique la mesure ou la rend trop subjective.
J'ai donc décidé de rendre la mesure impersonnelle en modélisant avec un feuille de calcul le profil observé par une gaussienne ou une somme de au plus trois gaussiennes, ce qui s'est révélé suffisant.
Une raie spectrale en émission a un profil donné par :


Si elle est en absorption et si le profil est normalisé son profil est décrit par :

Si elle est perturbée par deux autres raie sur ses ailes on a un profil du type : . Il faut donc régler la valeur des paramètres d'intensité, I1, I2, I3, des longueurs d'onde centrales l0.1 , l0.2, l0.3 et des largeurs à mi-hauteur FWHM1, FWHM2, FWHM3 par la méthode des moindres carrés pour trouver le profil simulé optimal.
Il est alors facile d'intégrer le profil central pour obtenir sa largeur équivalente W1 et enfin le produit W1/l0.1.(10^6) utilisé pour construire la courbe de croissance.

Ce travail peut être conduit sous Excel. Voici la feuille "mesure de W.xls" que j'ai utilisée (Le Solveur de Microsoft Excel utilise le code d'optimisation non linéaire Generalized Reduced Gradient (GRG2) mis au point aux États-Unis par Leon Lasdon, University of Texas (Austin) et Allan Waren, Cleveland State University).


Feuille Excel pour la simulation par une somme de gaussiennes et la mesure de la largeur équivalente W d'une raie spectrale de FeI.

On y voit les données du profil observé (en noir) en provenance de Visual'Spec, les profil gaussiens optimisés (violet, jaune, bleu) par le solveur pour rendre minimale la somme des carrés des écarts entre le profil simulé et le profil observationnel sur un voisinage du centre de la raie étudiée et enfin le profil simulé (en rouge).
Dans le carré vert en haut apparait le résultat de l'intégration sur le profil Gauss 1 (violet) qui donne la valeur de la largeur équivalente de la raie étudiée ou plus précisément la valeur de W/lambda.10^6.
En haut à gauche figurent les valeurs optimisées des paramètres des trois gaussiennes.

l
W/l.(10^6)
l
W/l.(10^6)
l
W/l.(10^6)
l
W/l.(10^6)
l
W/l.(10^6)
l
W/l.(10^6)
3719.9
239
4222.2
19
4494.6
37
4907.7
7
5088.2
5
5339.9
14

3737.1

201
4233.6
44
4528.6
37
4917.2
7
5139.3
18
5371.5
26
3895.7
64

4235.9

98
4574.7
11
4946.4
13
5208.6
19
5393.2
15
3899.7
71
4260.5

119

4630.1
13
4950.1
10
5232.9
25
5397.1
21
3906.5
46
4294.1
32
4636.7
1
4966.1
16
5263.3
16
5405.8
18
3920.3
74
4299.2

52

4780.8
3
4969.9
11
5266.6
21
5429.7
23
3922.9
86
4337.0
36
4794.0
3
4989.0
11
5281.8
18
5434.5
16
3927.9
133
4415.1
54
4794.4
3
5054.6
6
5283.6
16
5446.9
18
3930.3
62
4430.6
19
4808.2
3
5058.5
3
5302.3
19
   
4210.4
24
4459.1
24
4875.9
9
5068.8
15
5324.2
29
   
Tableau des mesures obtenues à partir des spectres issus du spectrohéliographe. En liens les profils spectraux et les images des feuilles de calcul Excel.
log(W/l) en fonction de log(g.f) pour les raies des multiplets étudiés.

Par translation suivant l'axe des abscisses de valeur log(Cm) on peut reconstituer une courbe de croissance. On a adopté au départ, pour le multiplet n°687 une valeur log(Cm)=2.

Exemple de décalage en abscisse entre deux multiplets, n°4 et n°152.

La Courbe de croissance du Fe I que j'ai obtenue.
Les trois parties de notre courbe croissance.

On distingue bien les trois parties de la courbe. Les raies faibles ont une intensité qui varie proportionnellement au nombre des atomes absorbants.
Leur largeur est due à l'effet Doppler et elles deviennent de plus en plus profondes au fur et à mesure que N augmente.
Le cœur de la raie s'approfondit sans que sa largeur évolue beaucoup. C'est un profil Gaussien classique, W varie comme N, la courbe a une pente voisine de 1 sur notre tracé. C'est la partie de la courbe utile pour le calcul des abondances au niveau des raies faibles. La largeur à mi-hauteur est voisine de 35 mÅ comme on peut le voir sur les raies faibles de nos spectres.

Lorsque N augmente encore, la raie ne peut pas s'approfondir indéfiniment et atteint sa saturation. Une augmentation de N ne change pas beaucoup son intensité, elle s'élargit peu à peu. C'est la partie médiane de la courbe de faible pente et avec un FWHM voisin du double de la largeur Doppler.
Cette partie de la courbe, sensiblement horizontale, est donc peu utilisable pour apprécier l'abondance des éléments.

Pour les raies les plus intenses, ce sont les ailes de la raie qui s'élargissent en prenant un profil de plus en plus évasé. La largeur équivalente W varie comme la racine carrée de N (partie de la courbe de coefficient directeur voisin de 1/2). Le profil devient Lorentzien.

Une fois tracée, la courbe de croissance permet de trouver l'abondance relative des éléments.
Sur notre courbe on lit que pour log(W/l) = -5.76 on a log(f.g)+log(Cm) = -1
La formule vue plus haut donne alors pour la valeur -4.76 et .

C'est assez satisfaisant, la littérature donne des valeurs du même ordre ( ).
R. Foy (Astron. & Astrophys. 18, 26-38 (1972)) donne = - 4.72 pour le Fe, après une étude fine de la courbe de croissance soit une abondance par rapport à l'hydrogène de 1.9 x 10^(-5).

Ne nous leurrons pas cependant sur la bonne correspondance avec notre chiffre, les erreurs de lecture de la courbe sont importantes, ce qui compte est d'être dans l'ordre de grandeur, c'est tout.

On pourra s'amuser à refaire ce petit travail et à le compléter en utilisant les donnée (images et profils spectraux) fournies en lien dans le tableau ci-dessous et avec les fichier Excel que j'ai utilisés.
Courbe de croissance.xls et mesure de W.xls .


l
xxx.spc
Image
xxx.pic
Profil xxx.dat
l
xxx.spc
Image
xxx.pic
Profil xxx.datl
l
xxx.spc
Image
xxx.pic
Profil xxx.dat
l
xxx.spc
Image
xxx.pic
Profil xxx.dat
l
xxx.spc
Image
xxx.pic
Profil xxx.dat
l
xxx.spc
Image
xxx.pic
Profil xxx.dat
3719.9
3712 3730
3712
3730
4222.2
4221
4238
4221
4238
4494.6
4488
4505
4488
4505
4907.7
4902
4920
4902
4920
5088.2
5080
5095
5080
5095
5339.9
5337
5355
5337
5355

3737.1

3726
3745

3726
3745

4233.6
4221
4238
4221
4238
4528.6
4519
4537
4519
4537
4917.2
4902
4920
4902
4920
5139.3
5136
5155
5136
5155
5371.5
5364
5382
5364
5382
3895.7
3883
3900
3883
3900

4235.9

4221
4238

4221
4238

4574.7
4564
4582
4564
4582
4946.4
4932
4951
4932
4951
5208.6
5206
5223
5206
5223
5393.2
5378
5396
5378
5396
3899.7
3883
3900
3883
3900
4260.5
4248
4267
4248
4267
4630.1
4626
4644
4626
4644
4950.1
4947
4965
4947
4965
5232.9
5220
5238
5220
5238
5397.1
5392
5409
5392
5409
3906.5
3900
3916
3900
3916
4294.1
4284
4301
4284
4301
4636.7
4626
4644
4626
4644
4966.1
4960
4978
4960
4978
5263.3
5255
5272
5255
5272
5405.8
5400
5419
5400
5419
3920.3
3917
3932
3917
3932
4299.2
4284
4301
4284
4301
4780.8
4773
4791
4773
4791
4969.9
4960
4978
4960
4978
5266.6
5255
5272
5255
5272
5429.7
5420
5437
5420
5437
3922.9
3917
3932
3917
3932
4337.0
4329
4346
4329
4346
4794.0
4783
4800
4783
4800
4989.0
4977
4995
4977
4995
5281.8
5274
5291
5274
5291
5434.5
5420
5437
5420
5437
3927.9
3917
3932
3917
3932
4415.1
4410
4428
4410
4428
4794.4
4783
4800
4783
4800
5054.6
5049
5067
5049
5067
5283.6
5274
5291
5274
5291
5446.9
5432
5449
5432
5449
3930.3
3917
3932
3917
3932
4430.6
4425
4443
4425
4443
4808.2
4799
4815
4799
4815
5058.5
5049
5067
5049
5067
5302.3
5294
5311
5294
5311
4210.4
4206
4225
4206
4225
4459.1
4445
4463
4445
4463
4875.9
4869
4887
4869
4887
5068.8
5064
5082
5064
5082
5324.2
5318
5335
5318
5335
Tableau des mesures, images et profils spectraux issus de nos observations au spectrohéliographe. En liens les images au format IRIS
xxx .pic et les profils spectraux au format xxx.dat et xxx.spc deVisual'Spec.
Comparaison des résolutions spectrales : en rouge le spectre obtenu au SHG, en noir un spectre de référence professionnel.

On comprend en comparant les deux spectres ci-dessus que les largeurs équivalentes obtenues à partir de mes spectres ne coïncident pas parfaitement avec les valeurs données par les professionnels.
La manip consistait à voir si on obtenait cependant une courbe de croissance assez proche du résultat attendu.


Simulation de l'effet d'une baisse de résolution spectrale sur la mesure de la largeur équivalente W des raies spectrales d'intensités diverses.

Il apparait que la largeur équivalente d'une raie n'est pas considérablement modifiée par la perte de résolution spectrale tout au moins suivant le procédé de dégradation utilisé ici.
Il faut rester prudent pour ce qui est des résultats obtenus sur des spectrographes de résolutions très différentes.

Finalement le résultat est encourageant et montre que les spectres fournis par le SHG peuvent être utilisés pour ce genre de travail. J'ai donc l'intention de poursuivre ce travail pour compléter la courbe de croissance que j'ai obtenue.
Une recherche sur le net m'a donné l'outil qui me manquait c'est à dire une table des raies du fer, groupées par multiplets, avec les valeurs numériques de f.g.
Un travail semblable peut être envisagé pour les raies du Ti I.

A New Multiplet Table for Fe-I. Astrophys. J. Suppl. Ser. 94, 221-459 (1994)
Authors: Nave, G.; Johansson, S.; Learner, R. C. M.; Thorne, A. P.; Brault, J. W.

ASTRONOMIE Méthodes et Calculs de Agnès Acker et Carlos Jaschek. Masson. ISBN: 2-225-84689-8.
ASTRONOMIE
Introduction A.Acker. Masson. ISBN 2-225-82633-1.
Solar astrophysics,
Peter V.Foucal (Wiley-VCH), ISBN: 3-527-40374-4.
Astrophysics of the Sun,
Harold Zirin, Cambridge university Press, ISBN: 0-521-30268-4.
Astrophysical
Formulae, Kenneth R. Lang, Springer-Verlag Berlin heidelberg New York, ISBN:3-540-09933-6, 0-387-09933-6.
The observation and analysis of steller photospheres, David F. Gray, cambridge university Press, ISBN: 0-521-40868-7.