Toujours au LPSC 2021, Eva Scheller (CalTech) et ses collègues ont fait une présentation intéressante : "Hydratation de la croûte par des volumes d'eau de la taille d'un océan et impact sur le climat et l'habitabilité". (J'en parle ici - pardon Daniel - mais cela ne concerne pas spécifiquement Curiosity, bien que les données de l'ensemble des missions à la surface ou en orbite ont contribué à cette étude)   Les observations géomorphologiques et la présence avérée d'importants dépôts de minéraux hydratés ont montré qu'un océan occupant l'équivalent global d'un volume de 100 à 1500 mètres de profondeur réparti sur toute la surface a existé sur Mars (ici les auteurs ne discutent pas de son origine) et que la quantité de cette eau liquide a décru au cours des temps géologiques. De nos jours, la majeure partie de l'eau restante est souterraine, située sous les calottes polaires et dans la glace présente sous la surface (pergélisol) : son volume serait estimé à l'équivalent global de 20 à 40 m de hauteur de liquide. Jusqu'à présent, le ou les processus qui ont contribué à faire varier la quantité d'eau présente que ce soit sous forme de vapeur dans l'atmosphère, sous forme liquide et sous forme de glace solide n'ont toujours pas été expliqués de façon satisfaisante.   De précédentes études basées notamment sur la mesure du rapport deutérium/hydrogène (ratio D/H élevé sur Mars, 5 fois plus que sur Terre) ont proposé que la diminution de grande quantité d'eau était essentiellement due à un phénomène d'échappement atmosphérique suite à une baisse de pression importante (H plus léger s'échappant plus facilement que son isotope D plus lourd). Mais la quantité initiale de liquide prise en compte (l'équivalent d'une hauteur globale de 50 à 240 m) est trop faible par rapport à ce que montrent les observations géologiques. De plus, le flux élevé d'hydrogène s'échappant de l'atmosphère nécessaire ne correspond pas à celui que l'on observe de nos jours. D'où un paradoxe.   Ce qui n'a pas été pris en compte ou manifestement sous-estimé dans ces études c'est la perte d'une importante quantité de liquide par absorption par la croûte superficielle, comme l'atteste la présence à la surface de nombreux minéraux hydratés. L'équipe de Scheller émet donc l'hypothèse que cette hydratation de la croûte pendant les premiers 1 ou 2 milliards d'années est en grande partie responsable de la baisse du niveau d'eau globalement présent sur Mars. Du coup, plus besoin de la seule évasion atmosphérique pour obtenir le rapport D/H mesuré de nos jours.   En se basant sur le principe d'un réservoir d'échange global sur la planète (combinant eau liquide, glace d'eau et vapeur d'eau atmosphérique issue du volcanisme), faisant intervenir l'absorption par la croûte et utilisant les données recueillies au sol ou satellitaires, Scheller et al. ont pu quantifier, à partir de simulations numériques, la perte de cette eau au cours des ères géologiques. Ainsi, 30 à 99 % de l'eau initialement répartie dans le réservoir d'échange global aurait disparu suite à l'absorption par la croûte, ce qui dénote l'importance du phénomène. La quantité disponible (en partant initialement d'un réservoir global équivalent à une hauteur de 100 à 1500 m) aurait ainsi chuté de 40 à 95 % au Noachien (4,5 à 3,5 milliards d'années), pour atteindre à l'Amazonien  un niveau comparable à celui observé aujourd'hui. Et ceci sans qu'il y ait incompatibilité avec le rapport D/H actuel.   Les paramètres permettent également de concevoir un réservoir d'échange important à l'Hespérien (300 m puis chutant, ou bien un niveau déjà à cette époque - entre 3,5 et 3 milliards d'années - équivalent à celui d'aujourd'hui). Durant l'Amazonien, l'ère la plus récente, le niveau d'eau très bas et une activité aquifère faible sont compatibles avec un climat aride tel qu'on peut le déduire des observations géomorphologiques et minéralogiques. Les modèles permettent donc d'expliquer l'évolution du climat à la surface de Mars.   Les auteurs concluent que le phénomène irréversible de l'absorption de l'eau de surface par la croûte joue un rôle primordial dans l'habitabilité d'une planète et met également en évidence l'importance des mécanismes de recyclage, comme par exemple la tectonique des plaques (inexistante sur Mars), comme régulateurs du potentiel d'habitabilité de planètes analogues à la Terre. Les données futures issues de l'analyse de nouvelles météorites martiennes et des échantillons collectés par le rover Perseverance fourniront des éléments cruciaux quant à l'évolution de la taille et de la diminution du grand réservoir d'eau martien originel.   https://www.hou.usra.edu/meetings/lpsc2021/pdf/1666.pdf        
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