Cette année, les vacances de Toussaint ne sont pas favorables à l'observation, sauf à profiter des tous premiers jours. Et en effet, j'ai la joie de découvrir que sur le Larzac, il fait un temps extraordinaire pour la saison, chaud et ensoleillé, c'est l'été indien qui se prolonge… Ce serait absolument idyllique si… le trafic aérien ne nous pourrissait pas ce temps splendide, de nuit comme de jour. (Hein les astrams qui voyagent au loin en gâchant nos rares ciels encore bons) Mais soir après soir, les traînées s’élargissent en cirrus qui gâchent le ciel, surtout pour quelqu'un qui cherche le ténu et l'extrême.   Cette nuit était la nuit de la dernière chance, le flux s'inversait et les nuages allaient revenir. Alors nous avons mis le réveil à 2h du matin pour nous affranchir du phare lunaire et tenter une sortie. Il fait doux, le SQM tourne autour de 21,4, rien d'extraordinaire, mais nous n'allons pas bouder cette unique sortie. Mais bien sûr la température diurne supérieure à 20° crée un delta bien difficile à rattraper pour une grosse galette et le début de nuit se passe dans la bouillie, qui n'est pas seulement instrumentale, vu comme les étoiles scintillent. N'empêche, si on n'est pas trop regardant sur le bouillonnement du trapèze, M42 se présente majestueusement colorée, d'un vert tirant sur le cyan dans le cocon du trapèze à un rouge lie de vin un peu passé dans les ailes et M43. Les couleurs sont d'une évidence qui ne laisse aucune place au doute. C'est tout de même magnifique, même sans le piqué des étoiles. Et j'en profite pour analyser toutes les déchirures, échancrures, bulles que je peux mémoriser pour les comparer avec l' excellent dessin de Fred Burgeot. La nuit s'écoule au gré d'une turbulence qui va et vient, limitant les grossissements, mais le sevrage a été long et je me gave de tout ce que je peux, pas de piqué, qu'à cela ne tienne, on a les couleurs, c'est moche en bas, pas grave, observons des objets hauts dans le ciel. C'est ainsi que j'ai voulu comparer le groupe de galaxies de M70 déjà bien bas à l'ouest à son grand frère autour de NGC 708 bien plus haut… Bien sûr, il n'y a pas photo, the Fath a gagné, plus lumineux, et champ plus riche. Pacman était bien beau tout de même avec ses chenaux sombres bien dessinés, et NGC 891 présentait son profil faussement diaphane avec une bande d'absorption irrégulière. Et puis, sur le tard, un courant d'air tiède nous parvient… Sirius a presque cessé de scintiller à l’œil nu. Tentons Sirius B, je ne l'ai jamais vue… Il paraît que c'est une cible pas facile qui peut se noyer dans la diffusion de l'étoile principale ou disparaître dans l'épaisseur d'une lame d'araignée. Ah oui, Sirius éblouit quand on arrive à l'oculaire, mais elle est plutôt ramassée et ne se déforme pas, les aigrettes sont fines longues et interrompues, et là, toute proche de l'aigrette et sans aucune difficulté, une petite étoile peu brillante, ocre nous fait de l'oeil. Trop facile ! Si la turbu se calme, comme ça en a bien l'air, retournons sur le trapèze d'Orion, dans lequel j'avais eu l'occasion une unique fois de saisir H et G (que je trouvais plus difficile) au T1000. Cette fois, on a tout de même moins de diamètre, cette observation est-elle possible, sachant que tout à l'heure ni E ni F n'étaient visibles? Cette fois au 8mm, E et F sont évidentes, et vient un glimpse puis un autre sur H, formant un triangle équilatéral un peu aplati avec A et C. Elle est faible et assez brune et va et vient au gré de la turbulence, une seconde par ci par là. G risque d'être plus ardue, surtout si le trapèze s'empâte, les étoiles A,B,C et D sont brillantes et trouver une étoile bien plus faible entre ne va pas être aisé. Mais la chance est avec moi, la turbu se calme par moment sur quelques instants, et je m'aperçois alors que G n'est pas si faible, plus brillante que H en effet, elle apparaît plus orange que brune. Mentalement je me représente sa position, mais je sais déjà que c'est elle, il n'y a pas d'autre étoile aussi « brillante » à l'intérieur du quadrilatère. Le vent de sud ouest se lève, brouillant l'image. Nous changeons de cible : cap sur le casque de Thor. Ma dernière vision de cette belle nébuleuse autour d'une Wolf Rayet remonte déjà à quelques années, au T1000. L'image paraît plus fade que dans mon souvenir, mais le diamètre moins important et la nuit moins belle sont peut-être à l'origine de cette impression, sans compter le souvenir magnifié. Pourtant Fred inspecte le secondaire… Catastrophe, il est couvert d'une dense couche de buée, le primaire aussi est terni… Il faudra jouer du sèche cheveux un bon moment pour retrouver l'éclat des optiques, pour s’apercevoir que le paracorr en a besoin aussi ! Le vent du sud ouest chargé d'humidité sur les optiques à température n'a pas pardonné. Retour sur une cible haut placée, l'eskimo… Pff, l'image est magnifique, ciselée, la fourrure fait des touffes de densité différente, le nez est ponctuel, le triangle du visage est parfaitement reconnaissable avec les creux plus sombres des yeux sous les sourcils, et une impression d'entrelacs de lignes ténues… Mais l'image s'assombrit, la fourrure disparaît, ne reste que la centrale… Les brumes poussées par le vent nous envahissent. Il est 6h30, il faut remballer.