Cette année, nos vacances de Noël tombent vraiment mal, à la Pleine Lune ! Et cerise sur le gâteau de la malchance, j’ai attrapé un rhume qui me transforme en fontaine à soubresauts. J’aurais bien aimé jeter un œil à la visiteuse du moment, on la dit brillante, visible à l’œil nu… Si bien que le soir de Noël, emmitouflée comme un esquimau, je suis invitée à la fenêtre ouverte sur la nuit, face au Cocher qui se lève à me saisir des jumelles pour chercher Wirtanen P46. Ce ne sont pas les taches floues qui manquent dans l’hexagone du Cocher mais la comète est hors de ses limites, à quelques degrés de Capella. Elle m’apparaît comme une boule diffuse sans queue. Mais les éternuements ont raison de mes observations et je ne m’aventure même pas à la chercher à l’œil nu. Ce n’est que le 26 que je retrouve suffisamment de tonus pour l’observer au dobson 300. Elle s’éloigne déjà de Capella, mais elle est bien visible à l’œil nu en effet, donc facile à trouver. Au télescope, elle présente un peu l’aspect diffus et rond de Holmes. Avec de l’attention, on distingue le départ d’une queue, large mais léger renforcement dans son halo, proche du pseudo noyau. Pour être sûre qu’il ne s’agit pas d’un effet de mon imagination, nous nous succédons à l’oculaire pour décrire son orientation. Et comme nous sommes tous d’accord, ce doit bien être elle . Avant le lever de la lune nous avons profité des quelques instants de nuit pour admirer les couleurs de M42 en grand champ avant de rentrer soigner mes éternuements à coup de tisane d’Hysope… Je remercie vivement notre voisin de m’avoir obligeamment servi ce remède efficace ! Dès le lendemain, la source de mes sinus s’est tarie et le 28 décembre, nous avons pu profiter du T1000 pour revisiter un peu du ciel profond d’hiver. Rien d’extrême, la transparence n’était pas optimale, SQM de 21,4 (ce qui est plutôt bas pour ce site) mais le seeing était réellement très bon !   Au menu c’est la fête des pupilles, IC 418, le trapèze de M42, le casque de Thor, NGC 1999, M1 et M77.   IC 418 montrait sa coquille d’un rose soutenu, rose, ni bordeaux, ni saumon, rose délicat, un peu passé comme les édredons en satin de ma grand-mère et la centrale était une tête d’épingle brillante ! Par contre, même à fort grossissement, je n’ai pas vu de détails de la structure interne.
M42 C’est un plaisir à tous les grossissements, de son aspect "technicolor" à faible grossissement ou au crépuscule aux innombrables détails floconneux de sa surface en passant par la détection des myriades de petites étoiles en train de s’allumer au cœur de la nébuleuse. Comme le ciel était très stable, avec les 6 étoiles du trapèze parfaitement séparées ( les 4 plus brillantes avec des aigrettes!), nous avons monté « un peu » en grossissement. Je n’ai jamais eu autant de facilité à voir G et H. G en permanence alors que d’habitude je la trouve difficile, plus même que H à cause de l’éclat dansant de D. J’étais donc surprise que H soit moins facilement accessible, même en sachant où la chercher. Et tout autour, nombres d’étoiles faibles qui apparaissent comme des épingles brunâtres. C’est d’ailleurs une remarque que je me fais à chaque fois. Les étoiles qui entourent le trapèze, contrairement aux autres astres faibles qui apparaissent par glimpses, sont bien présentes mais colorées d’une teinte chaude voire « brûlée » est-ce dû à la présence de poussières qui les enchâssent encore dans leur prime jeunesse ?   NGC 2359 alias le casque de Thor, à cause de la présence de deux ailes quasi symétriques de part et d’autres de la bulle autour de l’étoile WR centrale. Ici, ces ailes étaient parfaitement définies, les fines lignes qui s’enroulent autour de WR7 brillantes et fines et les jugulaires plus diaphanes et floues mais bien visibles, l’une plus ramassée que l’autre. Il y avait des années que je n’avais pas rendu visite à cette magnifique nébuleuse parfaitement reconnaissable au premier coup d’œil.   NGC 1999, un objet dont on a pas mal parlé sur Astrosurf ces derniers jours. Parsamyan 34 est vraiment très sombre et parfaitement définie, l’étoile qui la borde est brillante mais son halo semble s’arrêter au bord du trou sombre, la nébuleuse diffuse qui l’entoure n’a pas de contour bien défini et semble se fondre dans le fond de ciel. Je n’ai pas noté le détail qui a fait l’objet de la discussion récente, j’y reviendrai c’est certain.   M1, j’ai failli l’oublier alors que nous en avons eu une vision inédite ! On connaît tous cette tache ovale dont on est souvent bien content de saisir les petites échancrures et parfois des zones plus brillantes sur sa surface. Mais ce sont des détails qui restent difficilement accessibles. Au T1000, il y a tant de lumière qu’on peut l’observer avec le filtre OIII 3nm d’Astrodon… Et là, la vision en est transfigurée, exit la tache floue, elle disparaît dans le fond de ciel mais le réseau de filaments apparaît soudain avec une facilité déconcertante, et ce n’est pas juste 3 branches mais toute une toile de fils, «gris» malgré le diamètre, visibles sans difficulté. C’est comme d’observer le squelette d’une personne sur une radio, la chair s’efface mais toute l’ossature apparaît.   M77, brillante galaxie spirale de face. Dans sa partie la plus dense, on y devine l’amorce des bras. En surimpression proche du noyau, je discerne une étoile évaluée à au moins magnitude 16 par Fred. Elle est visible tout contre l’un des bras. Je ne connais pas assez M77 pour identifier cette étoile et je lance à la cantonade : « J’ai découvert une SN dans M77 ». C’est au retour à la maison qu’on a l’idée de regarder des photos de la galaxie pour apprendre qu’une SN a effectivement été découverte le 24 novembre dans M77, très proche d’un bras de la galaxie et non dans son halo externe comme c’est souvent le cas. Sa magnitude qui a été évaluée à 14,5 lors de sa découverte, était encore de 15 le 10 décembre. Par contre, on peut voir des zones H2 actives dans les bras de M77 et mon interrogation est de savoir si elles sont assez denses et brillantes pour les confondre avec des étoiles (l’une de ces zones est justement assez proche de la position de SN 2018ivc). Vue ou non, la recherche du détail aura été un excitant prolongement de l’observation. La photo est de Koishi Itagaki. J'ai volontairement inséré directement le lien vers l'original (et non une copie) pour rendre à César ce qui est à César.   La lune nous a délogés bien tôt, il y a tant d’objets que nous aurions aussi voulu voir et revoir, mais cette session était inespérée, ne boudons pas notre plaisir !