Apparition 2012 Note n°1

Spectaculaire activité dans l'hémisphère nord de Jupiter

Jupiter est à nouveau observable dans le ciel du petit matin et l'activité démarre très fort, puisque l'on assiste à un bouleversement complet de l'hémisphère nord, depuis la NNTB jusqu'à la bande équatoriale. Cette activité s'inscrit dans celle observée depuis 2010/2011 et si elle contient (comme toujours) des surprises, elle a une nouvelle fois validé une véritable prévision météorologique sur cette planète apparemment chaotique...

Dans la deuxième note de l'apparition 2011, nous avions relevé deux évolutions importantes sur la planète : la récession de la bande équatoriale nord (NEB) et la disparition de la bande tempérée nord (NTB). La note évoquait le fait que ces évolutions laissaient présager deux ruptures importantes : une nouvelle phase d'expansion de la NEB, et une réanimation de la NTB (tout le détail dans la note 2011 n°2).

Début 2012, l'hémisphère nord de Jupiter présentait une absence d'activité remarquable - une sorte de gros calme avant la tempête... Qui a de fait débuté avant la conjonction solaire. Mais on ne s'attendait pas à voir, après cette conjonction, un tel bouleversement : la NTB s'est violemment réanimée, la NEB est en pleine perturbation, et en plus, on peut observer la formation d'une bande équatoriale rougeâtre.

La réanimation de la bande tempérée nord (NTB)

La NTB connaît un cycle de disparition/réanimation identique à celui, plus connu, de la SEB (qu'on a pu voir la dernière fois en 2009-2010) : la bande semble disparaître et devenir blanche (ou très pâle, comme en 2011) pendant quelques mois, ou même quelques années ; puis soudain, apparaît une, puis plusieurs, taches blanches brillantes qui sont des tempêtes convectives intenses. Ces éruptions sont très rapidement suivies de tourbillons sombres ; et comme cette activité se produit sur le courant atmosphérique le plus rapide de Jupiter, il suffit de plusieurs semaines seulement pour que la NTB redevienne sombre visuellement (il faut plusieurs mois à la SEB pour atteindre un tel stade quand elle se réanime).

La particularité très intéressante de la réanimation qui a eu lieu au printemps 2012, c'est qu'elle a été annoncée avec plus d'un an d'avance par John Rogers, le Directeur de la section Jupiter de la BAA, grâce à des mesures effectuées par Grischa Hahn, le concepteur du logiciel WinJupos. Dans son 19ème rapport de l'apparition 2011, il écrivait : " les conditions sont réunies pour une nouvelle éruption rapide de courant-jet, comme en 2007 : les observateurs doivent rester sur le qui-vive pour détecter une tache blanche brillante à n'importe quel moment ! La partie sud de la NTB s'est progressivement affaiblie durant l'année 2010. Bien que la NTBs soit calme sans détails particuliers traçables, Grischa Hahn a analysé la vitesse des vents avec un nouvel algorithme qu'il a créé, et a trouvé que le courant-jet NTBs a accéléré jusqu'à sa vitesse maximum, comme enregistré auparavant par les sondes spatiales durant l'année qui précède une éruption rapide".

Figure 1 : Eruption dans la NTB

Cette prévision audacieuse s'est révélée payante grâce à des observations réalisées par les astronomes amateur au mois d'avril 2012, très peu de temps avant la conjonction solaire.

Le 19 avril, l'observateur grec Manos Kardasis a réalisé deux prises de vue dans des conditions très difficiles, qu'il pensait être les dernières. Or, ses images ont révélé l'apparition d'une tache blanche, suivie d'une autre bleutée sombre, dans la NTB : l'éruption venait de démarrer !

Cette observation réussie montre que les belles images réalisées au moment de l'opposition ne sont pas toujours les plus intéressantes. Les amateurs qui font l'effort de faire des images le plus tard possible, ou le plus tôt possible, de part et d'autre de la conjonction solaire, seront un jour ou l'autre récompensés par la découverte de phénomènes importants.


Figure 2 : réanimation de la NTB

Quelques semaines plus tard, après la conjonction solaire, l'aspect de la planète apparaît profondément transformé. La NTB s'est reconstituée, comme on pouvait s'y attendre, mais la NEB a continué à s'affaiblir (lire ci-dessous). Sur une large part du pourtour de la planète, la NTB apparaît plus sombre et même plus large que la NEB. La situation est rarissime, voire sans précédent.

Dans l'autre hémisphère, la SEB elle est dans un état normal et conserve de loin sa place de première bande de la planète.

Image : Tomio Akutsu


La NEB en pleine perturbation

De son côté, la NEB présente un aspect extrêmement perturbé et inhabituel. Durant les derniers mois de la précédente apparition, les observateurs avaient remarqué que la bande était étroite comme jamais elle ne l'avait été depuis sans doute le début du XXème siècle (époque où l'activité était inversée entre les hémisphères, et où c'est la NEB qui disparaissait périodiquement et non la SEB). La bande était par ailleurs extrêmement calme, bordée au nord par de grosses barges cycloniques brunes. Début mars 2012, deux taches brillantes sont apparues à sa lisière avec la Zone équatoriale, accompagnées par deux régions bleues sombres en circulation rapide sur le courant équatorial. Cette zone perturbée pouvait laisser présager une nouvelle phase d'expansion de la NEB. Il manquait toutefois les gros tourbillons anticycloniques sombres qui marquent le début concret de cette phase (lire le bilan 2009 partie II qui décrit le dernier épisode). Le cinquième rapport 2011 de la BAA discute l'aspect inhabituel de l'activité de la région équatoriale/tropicale nord du début 2012.


Figure 3 : Aspect de la NEB à la fin de l'apparition 2011

A gauche, sur une image de Michel Jacquesson, on distingue l'aspect très étroit de la NEB, calme, avec seulement deux barges brunes sur son bord nord. Au milieu, l'image infrarouge de Jocelyn Serot montre que dans cette longueur d'onde où la couleur brune devient très claire, la bande est pratiquement invisible ! A droite, la zone pertrubée apparue début mars est photographiée par Wayne Jaeschke. (Notez la quasi absence de la NTB sur cette période, par ailleurs).


Figure 4 : Quelques bonnes premières images, montrant la situation globale de la planète.

L'aspect de l'hémisphère nord de Jupiter durant l'été 2012 est bouleversé par rapport à la situation observée quelques mois plus tôt (comparer avec la figure 3). Outre la reformation de la NTB dont on a déjà parlé, la NEB présente un aspect profondément perturbé mais qui ne ressemble toujours pas franchement à une réanimation classique. L'espace entre les deux bandes est lui aussi chaotique, assez rouge sur certaines longitudes, l'ensemble donnant parfois l'impression d'une seule énorme bande. Dans la zone équatoriale, une bande équatoriale (EB) orangée a fait son apparition ; cet aspect constitue également un changement d'importance. Enfin, la NNTB a elle quasi disparu : en faisant un parallèle avec la situation de l'hémisphère sud dans les années 70-80, quand la disparition historique de la STB avait laissé place à l'apparition d'une vraie SSTB (toujours présente aujourd'hui), il est possible de soupçonner un lien entre la réapparition de la NTB et l'affaiblissement de la NNTB. En effet, si les bandes et les zones de Jupiter sont des équivalents des cellules de Hadley terrestres, qui permettent la circulation des masses d'air entre l'équateur, les tropiques et les pôles, il est possible que des phénomènes de compensation existent entre ces différentes régions, la diminution de l'activité d'une "cellule" devant être compensée par l'intensification de celle située au voisinage.

Ces images montrent également la situation de l'hémisphère sud qui pour le moment présente un aspect plutôt normal. La SEB a repris son activité normale, comme on le soupçonnait dans la note 2011 n°3. Dans la STZ, l'oval BA a repris une belle couleur orange ; et dans la STB, on observe deux nouveaux spots sombres dépressionnaires, l'un à côté de BA, l'autre plus loin en longitude (voir image de Chang en haut à droite).

Images Daniel Chang, Luc Cathala, Tomio Akutsu.

Liens supplémentaires

Jupiter reappears with major outbreaks on NEB and NTB, 1er rapport 2012 BAA

Jupiter's northern upheavals coming into focus, 2ème rapport 2012 BAA

29/07/2012
Christophe Pellier
Coordinateur de la section Jupiter

http://www.astrosurf.com/planetessaf/jupiter