Voilà, c’est fait. Quinze ans que je me promettais d’aller dans l’hémisphère sud en été 2018 pour observer Mars au plus haut dans le ciel, après une opposition 2003 particulièrement impressionnante malgré une hauteur modeste sur l’horizon. Cinq ans que le T400-avion est construit, spécialement pour cette occasion, de façon qu’il soit compatible avec un transport en soute mais aussi avec le poids de la bino, accessoire qui m’est indispensable pour les observations planétaires. Beaucoup d’heures passées à éplucher divers atlas pour établir des listes d’objets du sud à pointer absolument (merci encore à Laurent Ferrero pour ses SDCP), en complément aux observations de Mars. Le ciel du sud m’était alors totalement inconnu ! Et c’est déjà passé.   Le «planning martien 2018» a commencé avec un séjour de deux semaines en famille à Ténérife en juillet, avec un bilan positif grâce au seeing au volcan et aux 20° d’élévation gagnés, avec un sujet déjà posté ici : http://www.astrosurf.com/topic/120632-mars-depuis-ténérife/   Puis départ pour l’Afrique du Sud du 1er au 16 août.   Choix du site Après quelques hésitations et contre-temps, le choix de l’Afrique du Sud a été fait. Le Chili et la Namibie étaient aussi en lice. Les récits dithyrambiques de l’ami Rastaman à propos de l’astro farm Klipfontein Ranch (ou Stargate) ont pesé dans la balance et c’est cet endroit qui a été choisi. Jean, un copain du club intéressé par l’aventure, a ensuite pris la décision de participer également.   Nous n’avons pas regretté cette option : Rastaman nous a grandement aidés à préparer le séjour jusque dans les détails. Sur place, nos hôtes Hottie et Sarah ont été adorables, toujours aux petits soins pour qu’on se sente bien et qu’on tire le maximum de profit de notre séjour. Kai (astro amateur allemand) et sa fort sympathique famille étaient également là, et à nous tous nous avons formé une petite communauté dans laquelle il a fait bon vivre deux semaines durant.   Le quotidien à la ferme astro La ferme propose plusieurs chambres de confort tout à fait correct, avec tout le nécessaire classique y compris le wifi pour donner des nouvelles à la maison et consulter les prévisions météo, entre autres. Les repas sont pris dans une salle commune : petit dej à 10h (c’est l’horaire qu’on avait demandé) très copieux, de type allemand avec œufs brouillés, lard, fromage, laitage en plus des traditionnels café-pain-beurre-confiture. Repas suivant à 18h, très copieux également, confectionné par Sarah qui est une excellente cuisinière ; en tant que gaulois, la qualité des repas, ça compte beaucoup pour que le moral soit au top ; quand on sortait de table la nuit était déjà établie et il n’y avait plus qu’à rejoindre le terrain d’observation à 200m de là. La formule est vraiment adaptée pour profiter à fond de l’astro, pas besoin de se soucier de l’intendance, Sarah et Hottie s’occupent de tout pendant qu’on se concentre à 100 % sur les observations. Le coût est modique, dans les 700€ pour deux semaines, incluant hébergement, repas, transfert astrofarm-aéroport AR. Sur place il y a trois Dobs de location (deux T400 et un T500), mais comme dit j’avais mon propre T400. Jean et Kai ont loué le T500 et un T400. Hottie se charge parfois de nous occuper en journée et nous emmène volontiers faire un tour pour visiter les environs. On n’a pas le temps de s’ennuyer et surtout les virées diurnes valent le coup à elles seules.   Une photo du petit déjeuner, avec de gauche à droite : Kai, Jutta, ma pomme, Jean, Sarah (photo de Hottie). Moment très sympa pendant lequel on fait le bilan de la nuit passée et où on se projette dans celle à venir. C’est aussi l’occasion d’échanges ‘internationaux’ sur des sujets variés.   Hottie, préparant son fameux «braai» pour les amateurs de viande bovine. On y voit aussi un joli ciel du soir bien prometteur   Mon T400-avion Le T400 a fonctionné comme prévu, en Afrique comme à Ténérife. Le voyage en soute n’a posé aucun souci, il faut dire que je me suis bien pris la tête avec le colisage, à l’imaginer et à tester diverses solutions, mais un paquet prévu pour un transport musclé est la meilleure des assurances. Un miroir de 400 de chez Mirro Sphere mérite d’être protégé comme il se doit avant d’être envoyé en soute Le Sky Commander a été précieux, le nombre de nuits était limité et à l’inverse ma liste deep sky était bien longue, alors j’ai apprécié de ne déplorer aucun temps perdu dans la recherche d’objets dans un ciel qui m’était au départ inconnu. Autre avantage du push to, on n’hésite pas à rendre visite aux objets qui peuvent sembler insignifiants sur le papier, et qui passeraient à la trappe de peur de consacrer trop de temps à leur recherche pour finalement être déçu par l’aspect à l’oculaire. Avec le push to, on y va, on a l’objet dans le champ en quelques secondes et on voit bien s’il mérite un dessin ou si c’est mieux de passer à la suite.   Quelques-unes des étapes pour que le miroir voyage tranquillement en soute. La boite à miroir sert aussi de caisse de transport, une fois débarrassée des éléments métalliques du barillet. Le miroir est bloqué face optique vers le fond, 3 points d’appui sur le chanfrein, pas de papier de soie. Emballage de la caisse dans 10mX1m de bulle-pack, puis dans deux tapis de sol de qualité (15mm d’épaisseur chacun). On peut lancer le colis sur le carrelage, ça rebondit   Ciel, météo et bilan des observations La ferme est en pleine savane, à 30km de la petite ville de Vryburg. Certes, de nuit on perçoit quelques lumières du côté de cette ville, mais l’air est tellement sec que ça ne monte pas et que l’impact sur le ciel est nul. La noirceur est excellente, Kai a mesuré des SQM autour de 21,9. D’ailleurs, quand on circule en voiture dans le secteur, on comprend pourquoi le fond de ciel est si noir : on peut rouler droit devant sur des dizaines de km sans rencontrer âme qui vive… La transparence est très bonne, les étoiles et la Voie Lactée sont bien perçues jusqu’au ras de l’horizon. La turbulence a parfois été forte, si bien que je n’ai pas autant de dessin de Mars que je l’aurais voulu. Pour attraper au vol le bon seeing j’ai dû pointer la planète rouge à intervalles de temps réguliers. Question météo, on n’a pas eu de bol : en juillet-août c’est la saison sèche et elle est censée pourvoir 100 % de ciel dégagé, mais on a eu 3 nuits couvertes et 3 avec des cirrus sur l’intégralité du ciel donc pas utilisables en dépit des étoiles visibles à l’oeil nu.   Malgré ces quelques désagréments météo on s’en est mis plein les yeux car la moitié des nuits ont été favorables, quand c’était dégagé c’était vraiment très bon (et froid ! Avec des températures négatives parfois). Le nombre total de dessins en atteste : 37 dessins, dont 6 nébuleuses, 5 nébuleuses planétaires, 21 galaxies, 5 Mars.   Une photo prise par Kai, au crépuscule alors que les télescopes viennent d’être sortis. A gauche mon T400, au milieu le T400 de Rastaman, à droite le T500 de Timm Klose. C’est tout confort, avec dalle de béton pour installer le scope, sièges réglables en hauteur, tables.   Celle-ci est prise à l’aube, avec Orion, tête en bas, au-dessus de mon T400 en ombre chinoise.   La vision que je retiens avant tout de ce séjour astro : la Voie Lactée à l’oeil nu, avec son centre galactique énorme et bulbeux, scindée par des nuages de poussière, comme si nous faisions partie de NGC 891. Elle domine totalement le paysage nocturne, elle brille fort, pleine de condensations lumineuses ou de poches sombres. Une tache claire attire immanquablement le regard, entre le Sagittaire et la queue du Scorpion : c’est M7, qui baigne dans une zone de forte densité stellaire. Mince alors, j’avais jamais remarqué cette boule de lumière, tellement basse depuis chez nous… je pense alors au dessin de Serge de cette Voie Lactée du sud, ben oui, c’est tellement évident qu’elle mérite un dessin.   En deuxième position viennent les nuages de Magellan. Quand je les ai parcourus pour la première fois au T406 à faible grossissement, je n’en suis pas revenu de la profusion d’objets qu’ils contiennent. Où qu’on pointe, c’est un festival d’amas ouverts, amas globulaires, de nébuleuses souvent groupées et en forme de pompons.   Pour éviter un message trop long (il l’est déjà bien assez) et aussi me laisser le temps de faire ça tranquillement, je sectionne le bilan en 3 posts : Partie 1 que voici : nébuleuses et nébuleuses planétaires (11 dessins). Partie 2 : galaxies (21 dessins) dans quelques temps. Partie 3 : bilan martien de cet été (Afrique + Ténérife + …), plus tard, car c’est pas fini, enfin je l'espère !     Nébuleuses NGC 3199, dans la Carène. T406 à 88X et OIII. Bel arc échevelé. C’est un dessin assez approximatif, davantage une première approche pour le refaire lors d’une autre occasion avec une feuille déjà munie des étoiles du champ.   NGC 3324, nébuleuse «Gabriela Mistral» dans la Carène. T406 à 88X et OIII. Objet diaphane mais qui montre une forme intéressante de bulle éclatée sur la gauche.   NGC 3372, LA nébuleuse de la Carène. T406 à 88X et 220X pour mieux détailler les traînées gazeuses. C’est un monstre à plus d’un titre : immense, lumineuse (visible très facilement à l’oeil nu), aux formes complexes et sinueuses. Même si l’OIII réagit très bien, pas besoin de lui pour entrer dans le détail car cette nébuleuse est vraiment très brillante. Je n’en ai croqué qu’une partie sur une feuille préparée avec des étoiles déjà placées dessus.   Eta carène et sa nébulosité (Homunculus). T406 à 440X. Avec un grossissement plus modeste (220X) on distingue déjà les deux lobes symétriques par rapport à l’étoile, formant un nœud papillon jaune. A 440X on peut détailler davantage lesdits lobes qui montrent des nuances en luminance. Pour le lobe le plus lumineux : ce qui semble être au départ une boucle étirée s’avère en fait être une bulle assez sphérique, les arcs du bord n’apparaissent qu’après avoir passé du temps à observer. Pour l’autre lobe, sa moindre luminosité donne une impression de perspective, celui-ci étant placé derrière le premier lobe. Les aigrettes (peu soignées sur mon dessin) causées par les branches de l’araignée empêchent de détailler ce qui pourrait se trouver à leur emplacement. La nébulosité est une éjection de matière de cette étoile extrêmement massive.   NGC 346, nébuleuse située dans la constellation du Toucan. Elle fait partie du Petit Nuage de Magellan, c'est donc une nébuleuse d'une autre galaxie... T406 à 88X et 220X en OIII. Elle se ferait presque passer pour une belle galaxie bien lumineuse ! Mon dessin n'est qu'une évocation sur laquelle il faudra que je passe plus de temps la prochaine fois.   NGC 2070, la Tarentule, située dans le Grand Nuage de Magellan (Dorade). T406 à 220X, avec et sans OIII. C’est un festival de boucles gazeuses. Si l’OIII rend la nébuleuse plus dodue et sustente les portions les plus ténues, j’ai trouvé qu’il était plus facile de détailler le centre en filandres sans ce filtre. La région centrale est tellement lumineuse et ciselée qu’on croirait observer un dessin. Au point qu’il n’est pas compliqué de la dessiner sur la feuille préparée : il suffit de bien identifier les étoiles et de faire circuler le crayon entre elles. Ca prend quand-même un temps certain car il y a profusion de détails. Les nuages de gaz externes sont plus diffus ce qui donne une impression de relief assez saisissante.     Nébuleuses planétaires   NGC 6302, l’Insecte, dans le Scorpion. Taille : 45’’ d’arc (donnée Simbad) T406 à 220X et 440X. NP gratifiante car elle est assez grande et lumineuse, de plus elle a une forme complexe qui est intéressante à décrypter.   NGC 5189, dans la Mouche. Taille : 2,3’ d’arc. T406 à 220X et 440X, avec et sans OIII. Comme la précédente, ça vaut le coup de passer du temps sur cette NP totalement atypique qui donne davantage l’impression qu’on a affaire à une galaxie spirale. La boucle très lumineuse apparaît très facilement, quelques nodosités isolées viennent juste derrière. Les filaments qui relient tout ce petit monde sont plus difficiles. A ne pas manquer !   NGC 6337, le Cherrio, dans le Scorpion. Taille : 47’’ d’arc. T406 à 220X et 440X. Plus discrète que les deux précédentes, du coup c’est son aspect éthéré qui lui confère une partie de son esthétisme. Les étoiles qui sont alignées à l’intérieur y sont aussi pour quelque-chose.   NGC 2440, "la Chauve Souris", dans la constellation de la Poupe. Taille : 33’’ d’arc. T406 à 440X. Observée en toute fin de nuit, du côté du Soleil levant, à moins de 25° d’élévation. On peut en espérer davantage avec un placement dans le ciel plus favorable. En l’état, la partie centrale plus lumineuse laisse apparaître un trou en son sein et des contours biscornus, les arcs qui en partent sont ténus mais se devinent par intermittence.   IC 5148. Taille : 2’ d’arc. T406 à 220X et OIII. Objet assez vaste mais diffus, quelques arcs plus lumineux apparaissent par instants à l’intérieur.   Allez, un p’tit Mars pour finir ce premier sujet ! C’était quand-même le motif du voyage. T406 à 600X en bino et filtre RG610.   Fred.   Edit : n'hésitez pas à cliquer sur les dessins de la Carène et de la Tarentule pour les agrandir.