Introduction
En
1611, Galilée observe systématiquement les taches solaires
et en déduit la rotation solaire. Scheiner, bénéficiant
d'une vingtaine d'années de mesures, montre vers 1630 que les taches
proches de l'équateur mettent moins de temps pour traverser le
disque solaire que les taches se trouvant à des latitudes plus
élevées (ce qui n'était surement pas très
bien vu à cette époque). Il faudra attendre 1863 pour l'établissement
de la loi de rotation différentielle par Carrington. Il adopte
également une période de rotation sidérale moyenne
du soleil égale à 25.38 jours et un système de coordonnées
dont le méridien origine correspond au méridien central
du 1er janvier 1854 à 12h TU.
Un moyen de mesurer la rotation solaire consiste donc à relever la position
des taches solaires à des dates successives. On constate ainsi
un mouvement de l'Est vers l'Ouest. C'est ce qu'on appelle la méthode
des traceurs (fig. 1).
fig. 1 - mise en évidence
de la rotation solaire (01 au 06 août 2003)
L'utilisation
d'un spectrohéliographe (ou d'un filtre spécifique type
H-alpha ou CaII) permet d'observer des structures caractéristiques
de la chromosphère et de la basse couronne : plages, réseau
chromosphérique, filaments, etc). Certaines de ces structures sont
plus fréquentes et couvrent une zone plus large en latitude que
les taches solaires. Elle présentent donc un interêt pour
mesurer rapidement et jusqu'à de hautes latitudes la rotation solaire.
Observant
aussi souvent que possible le Soleil, j'ai eu envie de voir ce qu'il était
possible de faire en la matière pour un amateur. Voici rapidement
exposée la méthode que j'emploie :
- Les images du soleil, orientées dès l'acquisition, sont
tout d'abord corrigées géométriquement (plus d'infos), le rayon et le centre du disque solaire sont déterminés.
- Les paramètres
P, Bo et Lo (respectivement angle de position de l'axe solaire, latitude
héligraphique et longitude héliographique du centre
du disque solaire) sont interpolés dans les éphémérides
de la SAF.
- Différentes méthodes
sont possibles pour mesurer la position des traceurs :
soit on plaque une grille de coordonnées (disque de Stonyhurst)
sur l'image et on lit directement les coordonnées par rapport
au méridien central (fig. 2), soit on mesure les coordonnées
x et y de chaque traceur par rapport au centre et on calcule la longitude
et la latitude correspondantes avec un peu de trigonométrie
(fig. 3), soit on projette toute l'image sur un système de coordonnées
rectangulaires. Cette dernière solution se prête très
bien au traitement informatique (fig 4). Le trait blanc vertical indique
la position du méridien central au moment de l'observation.
En pratique, seule la zone comprise entre +/-60 degrés de latitude
et +/- 80° de longitude par rapport au méridien central
est conservée. L'échelle est de 4 pixels par degré
héliographique dans les 2 directions.
Fig. 2 - grille de coordonnées Fig.
3 - coordonnées rectangulaires
Fig. 4 - projection cylindrique
et calage en longitude (image du 05 août 2003, CaII)
Chaque jour,
du fait de la rotation solaire et de la révolution de la Terre
autour du Soleil, la longitude du méridien central (système
de Carrington) diminue de 13.2° environ. Il s'ensuit que la portion
de Soleil observée est décalée progressivement
vers la gauche du planisphère. Ceci est illustré par la
figure 5 qui montre 4 observations successives espacées de 2
jours (06 au 12 Août 2003, CaII).
En plaçant les planisphères les uns au dessus des autres,
les taches et autres éléments caractéristiques
apparaissent disposés verticalement et semblent donc - à
première vue - se trouver à une longitude constante.
Il faut maintenant entrer dans le détail et remarquer que, même
sur une aussi breve echelle de temps et de résolution, on peut
déjà détecter des changements de longitude pour
quelques taches. La petite facule contre la ligne verte le 06 août
s'en écarte légèrement vers la gauche les jours
suivants. Un mouvement de sens opposé apparaît pour la
facule située à droite de la ligne rouge et près
de l'équateur. Il y a donc des choses qui se baladent à
la surface du Soleil qui vont plus vite que la moyenne près de
l'équateur et qui ralentissent quand on va vers les pôles.
Pour rendre ces déplacements plus évident, il est nécessaire
d'utiliser un grand nombre d'images à une échelle plus
grande mais empiler ainsi des planisphères devient vite mal commode
et inefficace.
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Fig. 5 - séquence de planisphères
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Les taches
ou autres traceurs se déplaçant peu en latitude, on peut
découper des bandes de quelques degrés de latitude dans
chaque planisphère et les empiler comme précédemment.
On obtient ainsi un document bien plus compact à manipuler et
qui favorise la détection visuelle des déplacements longitudinaux.
La figure 6 reprend une bande de 10° (-30 à -20) et l'on
constate aisément la dérive de la facule sans l'aide d'une
ligne verticale. |
Fig. 6 - séquence de bandes de 10° en lat. |
- Concrètement,
la projection cylindrique est réalisée après
chaque traitement des spectrohéliogrammes, c'est à dire
après chaque observation, et pour 3 longueurs d'onde si possible
(voir les archives). En 2003 par exemple, j'ai obtenu 96 planisphères
dans la raie du Calcium ionisé, sur les 6 mois où je
peux observer (avril à septembre). Le découpage et l'empilement
des bandes de latitude est réalisé automatiquement sur
tout ou partie des observations annuelles par un programme spécifique.
- Pour la mesure de la rotation différentielle j'ai retenu une largeur
de bande de 6° de latitude, ce qui donne au final 20 planches
de 1500x5000 pixels à examiner pour couvrir la zone de -60
à +60° de latitude. En voici un tout petit bout (fig. 7).
Fig. 7 - Séquence de bandes
de 6° de latitude centrées sur -15°, taille normale
- Je me suis focalisé pour l'instant sur des petits point brillants
(5 à 10") du réseau chromosphérique, bien
visibles en CaII, hors des régions actives où apparaissent
les groupes de taches (plus d'infos).
Ils sont abondants vers l'équateur mais assez rare aux hautes
latitudes et leur durée de vie semble varier de moins de 1
jour (inutilisables) à 2 jours, quelques fois plus. Le repérage
des points est fait visuellement en tenant compte du voisinage afin
de ne pas mesurer n'importe quoi. La dispersion des vitesses est assez
grande mais la loi de rotation différentielle est assez bien
cernée du fait du grand nombre de vitesses mesurées.
Pour
la petite histoire, les études de ce type, menées par des
professionnels, ont permis - entre autres choses - de montrer que les
différents traceurs de rotation ont tendance à avoir des
plages de vitesses qui leur sont propres, ce qui s'expliquerait par un
ancrage magnétique à différentes profondeurs sous
la photosphère.
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