Benj Poup

[Récit] Une promenade circumpolaire

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Alors que chacun cherche la comète SWAN dans le ciel du soir, je me livre pour ma part à une exercice astronomique osé et paresseux, qui consiste à installer mon matériel astro dans l'endroit le plus improbable qui soit pour observer les étoiles : la cour de ma maison.

Pour la petite histoire, il faut savoir que ma maison se trouve en plein coeur de Reims, et que la cour bétonnée, entourée d'immeubles, ne fait que 8 petits m², surface déjà largement occupée par une végétation anarchique, et qui laisse peu de place à un C8 et son cortège de petit matériel. L'horizon est ... Quel horizon, d'abord ? Au-dessus des murs et au-delà des immeubles, je parviens tout juste à voir la petite Ourse et l'étoile polaire, Cassiopée, Céphée, Persée, et ... c'est tout. Soit une cinquantaine d'étoiles environ. Les murs me protègent toutefois des lampadaires, et la cour est plongée une obscurité qui n'est troublée que par l'allumage intempestif de la cage d'escalier de l'immeuble d'à côté : "tiens, les étoiles de Cassiopée se font plus rares!"

L'étoile polaire me permet toutefois de faire une mise en station correcte, et je m'offre même le luxe d'une petite correction de ma collimation avant d'attaquer mon programme urbain. Je commence avec Eta Persée, double très facilement séparée, dont l'étoile principale présente une jolie couleur jaune-orangée, alors que son compagnon est plutôt blanc-bleuté.

Je poursuis avec Theta Persée, une autre étoile double, mais qui, avec ses 4.1 de magnitude, est à la limite de la visibilité à l'oeil nu. Son repérage est délicat, et, manque de chance, je n'ai pas de coordonnées relatives à utiliser pour la pointer. C'est donc au Telrad que je me lance à la recherche de Theta. Celle-ci apparait en vision décalée, mais faire un pointage en vision décalée au Telrad est une entreprise, disons, délicate. Je réussis toutefois à la trouver au milieu du champ de l'oculaire, et découvre une jolie double , très différente de la précédente. Les couleurs sont ici plus proches du blanc, et surtout, l'étoile compagnon est incroyablement faible. Avec une mag. 9.9, elle ne saute pas immédiatement aux yeux, même si elle est visible dès la première inspection minutieuse du champ étoilé. Le genre de double que j'aime bien.

La nébuleuse planétaire M 76 longe l'immeuble, mais je décide de la tenter, en m'appuyant sur une étoile repère toute proche : phi, qui me donne bien du fil à retordre. M 76 n'est pas loin, et apparait timidement, sous la forme d'un rectangle discret. Elle ne saute pas aux yeux, mais reste visible au premier coup d'oeil. En la filtrant à l'Ultrablock, la séparation sombre, au milieu du rectangle, se dessine nettement. J'essaie de fixer la zone plus longtemps pour en voir un peu plus, mais cela ne donne rien.

La suite de ma promenade me conduit vers la Girafe, à la recherche de NGC 1501, une autre nébuleuse planétaire. Aucune étoile n'est suffisamment brillante dans la Girafe pour me permettre le moindre pointage au Telrad. J'entreprends donc un long périple aux coordonnées, en partant de Eta Persée. Un long voyage qui me conduit droit sur un champ ... quasiment vide. Aucune étoile brillante. Le désert ! Si vous cherchez un jour un trou noir, nul doute que vous le trouverez dans la Girafe ! Rien de visible ... Je soupçonne une erreur de pointage, étant donné la distance parcourue, mais il me semble bien que je suis dans le bon secteur de ciel. Du coup, je reviens à mon point de départ, mais pour filer cette fois vers NGC 1502, situé à proximité de NGC 1501, afin de me rassurer sur mes pointages.

NGC 1502, au C8 (100x)NGC 1502 est un joli amas très ouvert, qui ressemble à une flèche aplatie, ou à un grand bonhomme aux bras écartés. Deux étoiles brillantes font office de ceinture, une autre vient terminer ce qui m'apparaît comme le bras droit. A vue de nez, on peut compter 20 à 25 étoiles plutôt éclatées. L'amas occupe un quart du champ de l'oculaire. Je décide de m'offrir un petit dessin. Bon, à ce moment de la soirée, les mines se brisent à l'intérieur du porte-mine, et ma lampe frontale me joue des tours, mais tout rentre rapidement dans l'ordre. J'alterne les grossissements : certaines étoiles, visibles en décalé à 100x, deviennent visible en direct à 200x. Le petit jeu - assez jubilatoire ! - consiste à chercher l'étoile en plus qui viendra compléter le dessin. Au bout d'un quart d'heure, je ressors avec 25 étoiles sur ma feuille, heureux de cette petite pose.

Du coup, je persiste, et repart à l'assaut de NGC 1501. Mon pointage aux coordonnées me ramène à mon trou noir. Le regard plongé dans le néant, me voilà à la recherche d'une nébuleuse de taille semblable à M 76. Sauf que là, je ne vois strictement rien. Puis, à force de remuer le champ de l'oculaire, mon regard parviens à isoler une tache que l'on peut tout juste qualifier de flou, tellement elle est discrète. Essayez d'imaginer observer une tache d'éblouissement au fond de l'oeil au moment ou celle-ci finit de se dissiper. Voilà l'impression que laisse NGC 1501 : une tache quasiment invisible, dans un champ qui compte tout juste 5 étoiles en vision direct. Autant dire, pas grand chose qui accroche le regard. La Girafe sait assurer le spectacle !

Je remonte vers Cassiopée, à la recherche de Iota, une étoile triple assez serrée, qui avait mis à mal la collimation de mon C8 par le passé. Autre difficulté de taille, avec sa mag. 4.6, elle n'apparait que très fugitivement en décalé dans le ciel. Sa position proche du zénith, oblige à quelques acrobaties. Assis dans les plantes vertes, le pointage se fait toutefois sans grande difficulté. La satisfaction est d'autant plus grande que je découvre dans l'oculaire, un sustème triple aux composantes parfaitement séparées. Le travail de collimation n'a pas été vain, et les 2.5" qui séparent les deux étoiles les plus proches sont franchies à 100x sans problème. De peur de me casser en deux, je renonce toutefois à l'idée d'en faire un dessin.

Je file ensuite vers mon premier bide de la soirée : mon saut de puce du côté de Céphée, en direction de NGC 7510 se solde par un échec. Mais le pire est à venir. De retour dans le W, je prends cette fois la route de NGC 7789, un amas facile. Et là, rien... Peut-être un peu d'approximation dans le pointage ? NGC 7789 est invisible ... Je me sens d'un seul coup très très mauvais, et mes mouvements désordonnées en AD et en décli ne font que me conduire droit vers la croix du sud ou la fenêtre de la voisine. Je retente le coup, m'appuie sur Beta Cassiopée, et refait le chemin, mais non, rien, toujours rien. L'immanquable NGC 7789 sera ma désillusion de la soirée.

Ce qui est très agaçant, c'est que Sigma Cassiopée, juste à côté, ne pose aucun problème ... Elle est facilement dédoublée à 100x, et je m'y attarderais volontiers, si je n'étais pas si mal installé dans ma végétation.

Je m'arrête ensuite sur les jolies couleurs de Eta Cassiopée, jolie double facile, avant de terminer sur M 103. Un genou à terre, tordu en 4, je tente le pointage de M 103 au Telrad. Si j'étais un petit peu mieux installé, je me lancerais certainement dans un petit dessin de ce joli amas : une sorte de tour Eiffel aux pieds écartés qui compte une petite trentaine d'étoiles.

Ma soirée se termine ainsi : le Cocher est haut derrière l'immeuble, et ses multiples amas ne sont pas accessibles depuis ma cour. Et clairement, le tour des objets du ciel situés entre le pôle nord céleste et les 50° de latitude - c'est tout ce que m'autorise mon horizon tronqué - aura du mal à combler mon appétit.

Benjamin - Dans les Etoiles

Petit PS pour ceux qui sont fâchés avec l'orthographe (il m'arrive d'en faire partie!) la version 2 de Firefox intègre un correcteur orthographique lors de la saisie dans les fenêtres comme celle-ci. Et c'est très pratique (et assez efficace)

[Ce message a été modifié par Benj Poup (Édité le 30-10-2006).]

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Hé bien, quelle odyssée!

Je te tire mon chapeau d'observer dans des conditions si difficiles (ciel urbain et horizon limité).
La Girafe est effectivement discrète dans un ciel urbain (étoiles de magnitude 4 à 6 dessinant la constellation).

Ca me rappelle mes observations sur un balcon, mais au dernier étage, avec un 115/900 dont le contrepoids touchait trop souvent les barreaux du balcon.

Xavier

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Bravo Benjamin! Qui a dit qu'il n'y avait rien à faire en ville?
Moi aussi ça me rappelle mes débuts, il y a 27 ans depuis la fenêtre d'un immeuble lyonnais, armé de mon enthousiasme de gamin et de ma lunette de 60mm constituée d'une lentille au bout d'un tube de PVC de 2m...

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