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Du satellite espion à Echelon

Doc PBS.org

Salle de contrôle de la NSA. Doc PBS.

La puissance et la faiblesse du renseignement (VI)

La domination informationnelle du globe se révèle être la nouvelle arme fournissant la toute puissance. Depuis les années '60 et les premiers satellites espions Keyhole, les Etats-Unis, grâce à leur couverture informationnelle globale seraient en mesure de fournir aux autres nations des comptes-rendus réguliers concernant notamment leur sécurité. Ces dernières seraient alors davantage incitées à travailler avec les Etats-Unis.

De même que la supériorité nucléaire fut la clé du leadership pendant la Guerre froide, la puissance de l'informationnel est aujourd'hui la clé du pouvoir à l'âge de l'information. Nous en avons eu une démonstration flagrante durant la Guerre du Golfe.

Comme toujours en matière de renseignement, rien n'est jamais simple. Dans cette concurrence en quête de l'information stratégique, il existe cependant des accords. Les services secrets collaborent entre eux et échangent des renseignements suivant les affaires. Nous sommes tout à la fois alliés et adversaires.

Ainsi, Yves Bonnet se rappelle très bien que dans les années '80, la France avait des besoins en matière de contrôle de certaines communications émises par les pays du Pacte de Varsovie ou par les centrales terroristes : "Il était évident que la DST avait besoin parfois de l'assistance de la NSA ou d'autres services étrangers tel le MI5. Il m'est arrivé de demander aux anglais de nous donner des renseignements et ils le faisait très volontiers, sans problème."

Selon Wayne Madsen, ancien agent de la NSA, il y a des preuves attestant que la DGSE se réunit deux fois l'an avec la NSA près du QG de la NSA à Baltimore.

On sait également qu'il existe des accords d'échange d'information entre la NSA et le service de renseignements allemand, le BND. Nous savons également que le Mossad israélien est en contact avec la CIA, et elle-même avec Europol.

James Wollsey, ancien directeur de la CIA, confirme que la plupart des nations démocratiques ainsi que d'autres pays ont des accords d'échange de renseignements avec la CIA. Il n'y a que très peu de pays avec lesquels l'agence n'échange aucun renseignement : la Corée du Nord, l'Irak, l'Iran et la Lybie.

La lutte contre le terrorisme est un des nombreux cas de collaboration étroite entre les services. Grâce à ces échanges d'information, les services secrets peuvent déjouer les actions terroristes, éviter des attentats et de temps en temps démanteler des réseaux implantés en Europe, au Moyen-Orient ou en Asie mais également sur le territoire des Etats-Unis sous l'oeil même de Big Brother.

Mais cette collaboration ne fait pas toujours ses preuves. Il y eut l'attentat terroriste kamikaze du 12 octobre 2000 contre le navire de guerre américain USS Cole à quai dans le port d'Aden au Yemen. Cet attentat fit 17 morts et 30 blessés. Il y eut les attentats suicide du 11 septembre 2001 contre les tours jumelles du World Trade Center et le Pentagone qui tuèrent plus de 3000 personnes. Le renseignement n'est malheureusement pas une science exacte. Car il y a un problème.

Les attentats suicides tel celui sur le World Trade Center le 11 septembre 2001 mettent en exergue l'impuissance du réseau Echelon à contenir les actions terroristes perpétrées sur son propre territoire. A priori loin de la "vieille Europe" et à l'abri des conflits du Moyen-Orient, Echelon a sous-estimé l'évolution technologique et la menace terroriste. Documents WGRZ corrigés par l'auteur.

Le problème est que la NSA a des moyens "limités". Des évènements comme ces deux ci lui ont échappé. Elle n'a pas trouvé Ben Laden et n'a pas eu vent des essais nucléaires indiens. C'est une erreur de penser que la NSA et ses partenaires peuvent intercepter toutes les communications. C'est impossible. Certaines sont anodines, d'autres demandent un travail bien supérieur à leur intérêt. En théorie, la NSA pourrait parvenir à collecter tout ce qu'elle veut, mais en pratique, comme les autres agences, elle dispose d'un certain budget.

Pour James Wollsey, on ne peut pas tout écouter, et de prendre l'exemple des terroristes. Pour communiquer dit-il, les terroristes utilisent l'électronique le moins possible sachant qu'ils peuvent être interceptés ou détectés. Si nous voulons infiltrer une opération terroriste pour savoir quand sera commis un attentat, le mieux est certainement d'employer des espions. 

Les antennes du réseau Echelon de Menwith Hill.

Wollsey pense qu'il y aura encore longtemps une place importante pour les officiers du renseignement et les agents secrets affectés à l'espionnage non électronique. L'électronique est importante et utile pour assurer la sécurité des nations, mais elle ne fera tout le travail.

Pour expliquer ces échecs, nombre d'hypothèses se succèdent comme l'accroissement constant du volume des télécommunications internationales, les possibilités de cryptage et d'anonymisation qui posent d'énormes défis aux agences de renseignements, surtout aux plus petites et les moins bien équipées, qui n'ont pas les moyens de la NSA.

Noyées dans un flux ininterrompu d'informations transmis par tous les médias et sur tous les supports, les petites nations ne disposeraient pas toujours des moyens qui permettraient d'exploiter toutes les sources.

Permis de tuer

Enfin, parfois on apprend que les services secrets agissent contre les intérêts des personnes civiles et ne sont même pas inquiétés, ou à peine, comme s'ils disposaient d'un "permis de tuer". Près de nous, la France se démarque une fois de plus de la communauté européenne. Prenons deux exemples. 

Le 10 juillet 1985, le "Rainbow Warrior", fleuron de l'organisation écologique Greenpeace coulait en baie d'Auckland après avoir sauté sur deux mines magnétiques. Le photographe néerlandais Fernando Pereira présent sur le bateau et membre de Greenpeace fut tué. Il ne faisait aucun doute qu'il s'agissait d'un attentat.

Sous la pression internationale et de Javier Pérez de Cuéllar, alors Secrétaire général des Nations-Unies, le président Mitterrand fut contraint de s'expliquer. On apprit que l'attentat fut instigué par les services secrets français, le commandant Alain Mafart et le capitaine Dominique Prieur de la DGSE, probablement sur ordre présidentiel.

Coupables de terrorisme, les faux époux Turange furent condamnés à une peine ridicule d'un an de prison sous le soleil de Polynésie française avec interdiction de revenir en métropole pendant trois ans, histoire de les oublier ! Aux yeux du public il s'agissait d'une parodie de justice.

En septembre 1985, Charles Hernu, ministre de la Défense dû démissionner de ses fonctions. Le président Mitterrand qui, jusqu'à preuve du contraire, est tenu informé des actions conduites par son ministère de la Défense, n'a jamais été inquiété.

A lire : A tribute to the Greenpeace ship Rainbow Warrior, Greenpeace

En hommage au Rainbow Warrior

Mais l'histoire ne s'achève pas là. Dès 1986, une campagne de désinformation est orchestrée par les autorités françaises à l'encontre de l'organisation écologique dont les activistes étaient considérés comme des"terroristes". Le gouvernement voulut faire passer la France pour une victime, l'agresseur n'étant autre que Greenpeace, organisation étrangère probablement manipulée par des intérêts ennemis...

La DGSE, dans ses basses oeuvres criminelles dans les eaux troubles de Nouvelle-Zélande.

La manipulation d'un public "anti-américain" et peu critique fut efficace et la suspicion entretenue coupa l'organisation du soutien de son public. Le bureau français de Greenpeace fut contraint de fermer ses portes en 1987.

Retour en Polynésie. Invoquant un danger de mort sur sa personne, en décembre 1987 le Cdt. Mafart est rapatrié, suivi en mai 1988 du Cpt. Prieur, pour raisons personnelles et médicales. La Nouvelle-Zélande porte alors l'affaire devant un tribunal arbitral des Nations-Unies. Le 30 avril 1990, il publie sa sentence : la France est responsable et a violé de manière substantielle ses obligations envers la Nouvelle-Zélande. Il conclut qu'elle doit rapatrier les deux agents en Polynésie pour qu'ils achèvent leur peine. La France doit également s'excuser publiquement et payer 7 millions de dollars de dommages et intérêt en guise de réparation à la Nouvelle Zélande.

Le bureau de Greenpeace France fut réouvert en 1989. Il est reparti sur de nouvelles bases et l'organisation s'étend aujourd'hui jusqu'en Russie. Sa mission n'a pas changé d'un iota et dévoile toujours les carences de la communauté dès lors qu'elles mettent la planète en danger. Aujourd'hui, mieux informé que par le passé, le public français supporte son action.

Mais les services secrets obéissent visiblement à d'autres lois. En juillet 1995, les services secrets français s'attaquaient à coup de hache au "Rainbow Warrior II" alors qu'il venait d'entrer dans la zone d'exclusion de 12 miles autour de l'atoll de Mururoa... Les hommes furent débarqués et contrôlés. Ramenés ensuite à bord, l'équipage et leur bateau furent escortés jusqu'aux eaux internationales. L'injonction était claire, "vous avez franchi une propriété privée, nos activités ne vous regardent pas". Erreur, aurait-on pu leur rétorquer, vous êtes payés avec l'argent du contribuable et rien qu'à ce titre vous avez des comptes à rendre, et plus encore lorsque vos actions violent toutes les règles y compris celles de la préservation de la nature (destruction des récifs, rejets radioactifs, etc). Mais comme chacun sait, pour discuter il faut partager les mêmes valeurs !

Prochain chapitre

Du scandale d'Echelon à PRISM

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