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Mars, un monde froid et sec

Illustration artistique de la gelée blanche et de la brume qui se sont déposées au petit matin dans Valles Marineris. Document T.Lombry.

Évolution de Mars (II)

Par bien des aspects le désert glacé de Mars ressemble au désert d'Arabie, la vie et la chaleur en moins ; ici il est envahi de dunes de sables dans lesquelles se produisent de temps en temps des avalanches et des tourbillons magnétisés de poussière, là on découvre des gorges et des plateaux couverts de cailloux.

Même la manière dont les avalanches de sable se produisent rappelle celles d'Arabie. Comme sur Terre, leurs traces sont identifiées par de longs sillons sombres en éventail comme le montre l'image colorisée présentée ci-dessous à gauche.

Les rovers Spirit et Opportunity de la mission MER qui explorèrent la surface de Mars respectivement entre 2004-2011 et 2004-2018, ont toutefois révélé que la géographie martienne était encore plus sèche que le désert terrestre le plus sec, celui d'Atacama au Chili. Même le givre blanc de surface et les brumes matinales ne peuvent cacher le fait que Mars est un désert excessivement sec.

Malgré la présence des calottes polaires, des ruisseaux de saumure et probablement de poches d'eau liquide sous la surface, comparée à ce qui existe sur Terre, la quantité d'eau existant sur Mars correspond à une larme comparée au vaste réservoir terrestre. Pourquoi Mars est-elle donc si sèche ?

Nous avons vu à propos de la genèse du système solaire que les planètes telluriques se sont formées par l'accumulation de planétésimaux renfermant beaucoup de gaz. Si la Terre et Mars sont faites de la même poussière d'étoiles, elles auraient dû naître avec la même proportion d'eau. Or la Terre est couverte à 71% d'océans et Mars s'est transformée en désert tandis que toute son eau peut se recueillir avec une cuillère à thé.

A gauche, que sont ces bandes sombres en éventail ? Comme dans le désert d'Arabie sur Terre il s'agit d'avalanches de sable dans des dunes (image MOC2-508 du 9 octobre2003, 10°5 N 318.4°O). La lumière vient de la gauche. A droite, le site proche de Columbia Hills dans le cratère Gusev photographié par la sonde Spirit le 14 juin 2004 (Image PIA06278). Le gros cailloux au centre a été baptisé la Marmite d'or (Pot of Gold) en raison de la présence de "pépites" sur sa surface qui ont intrigué les scientifiques. Documents MGS/MSSS et JPL Photojournal.

Scénario de la naissance de Mars

De nombreux planétologues et en particulier Jonathan Lunine aujourd'hui à Cornell pensent que Mars fut par le passé couverte d'eau à l'image de la Terre - sa surface en témoigne - mais qu'elle perdit ses océans en raison de sa faible masse, valant à peine 10% de celle de la Terre. C'est l'explication que nous avons déjà proposé précédemment. Ce phénomène, combiné à une faible atmosphère aurait permis à la plus grande partie de l'eau martienne de s'évaporer dans l'espace.

Mais selon une étude récente conduite par Lunine, la planète Rouge aurait déjà été sèche au début de sa formation. En collaboration avec John Chambers, Alessandro Morbidelli et Laurie Leshin, Lunine publia en 2003 une étude dans la revue "Icarus"dans laquelle ils avancent l'hypothèse que Mars était à l'origine un "embryon de planète", un planétésimal. Bien que cette théorie ne soit pas encore prouvée, elle mérite qu'on s'y attarde.

Le planétologue Jonathan I.Lunine. Document Space.com.

Ce planétésimal était en fait un gros astéroïde peut-être aussi massif que Mercure. Il préexistait dans la Ceinture des astéroïdes qui, avec le temps (cf. le modèle de Nice et le Grand Tack) s'est dispersée dans le système solaire, s'étendant entre 0.5 et 4 UA du Soleil. Aujourd'hui la Ceinture principale se trouve grosso-modo entre 2 et 3.5 UA, entre Mars (1.5 UA) et Jupiter (5.2 UA).

Comme beaucoup de petits corps, Mars aurait grandi par accrétion d'astéroïdes et de comètes. La Terre, plus massive, se serait principalement formée par l'accrétion de planétésimaux dans une suite de processus d'accrétion-fusion. Ceci est le scénario classique.

Selon Lunine, par chance si l'on peut dire, Mars n'a pas été percutée par d'immenses astéroïdes comme le fut la Terre - le côté chanceux dans sa malchance. Mais Mars fut frappée par beaucoup plus de petits corps parce qu'ils étaient plus nombreux dans ces parages à cette époque très chaotique.

Actuellement la Terre réside à 1 UA ou 149.6 millions de km du Soleil. Lunine et ses collègues pensent que les planétésimaux résidant sur cette orbite ne pouvaient pas accumuler beaucoup d'eau. Au cours de l'évolution des protoplanètes, le disque planétaire qui entourait le jeune Soleil était très chaud. Tout composé portant de l'eau n'aurait pas pu subsister dans le disque à 1 UA de distance. C'est la raison pour laquelle Lunine émet une autre hypothèse pour expliquer l'état actuel de la Terre et celui de Mars.

Puisque Mars est plus éloignée du Soleil que la Terre, et donc plus proche de la zone froide et alors plus "humide" de la Ceinture d'astéroïdes, il aurait été logique que Mars ait été pourvue dès sa naissance de plus d'eau que la Terre. Selon Lunine, certains planétésimaux saturés d'eau auraient percuté la Terre et participé à la première phase de dégazage. Mars a probablement accumulé à cette époque entre 6 et 27% de la masse des océans terrestres (27% de 1.5 x 1021 kg). Mais d'où proviendrait cette eau ?

Selon Lunine, 90% des planétésimaux ayant formé la Terre se situaient dans la région de 1 UA, et donc sèche, tandis que les 10% restants se trouvaient à 2.5 UA et au-delà. Les planétésimaux situés à ces distances n'ont pas apporté beaucoup d'eau à la Terre, pas plus que les petits astéroïdes qui s'y trouvaient. Au mieux, Lunine considère que 15% de l'eau terrestre proviendrait des comètes.

Pendant ce temps Mars manqua de chance et naquit sous la forme d'un simple bloc rocheux comme la majorité des astéroïdes.

Le planétésimal à l'origine de Mars à 1 UA du proto-Jupiter.

Dans le jeu des collisions, Mars a finalement reçu un peu d'eau au cours de sa formation, mais après que son noyau se soit formé et ait atteint sa masse actuelle.

Selon le scénario mis au point par Lunine, Jupiter aurait également acquis sa masse actuelle à cette époque. La gravité de Jupiter aurait soit attirée les astéroïdes proches soit les aurait éjectés vers l'extérieur. Le proto-Mars se serait ainsi échappé de l'emprise de Jupiter par un effet de fronde gravitationnelle, mais il fut bombardé par les astéroïdes situés à la limite extérieure de la Ceinture.

Selon Lunine, les impacts des petits astéroïdes et des comètes auraient constitués la dernière "couche de vernis" qui apporta l'eau sur Mars, par opposition avec la Terre où l'eau aurait été amenée par les collisions successives avec des planétésimaux de la taille de Mercure au cours d'une période qui se serait étalée sur plusieurs dizaines de millions d'années.

Bien que Mars ne se forme pas dans leur modèle informatique, les scientifiques pensent que ce scénario peut refléter la nature chaotique de la formation des planètes, où les déplacements des planétésimaux et des astéroïdes sont imprévisibles et les solutions possibles très nombreuses.

Selon Alan Boss du Carnegie Institution de Washington "il y a tellement de phénomènes aléatoires dans la formation du système solaire que parvenir à former une planète comme Mars qui, à l'inverse de la Terre, n'a pas accrétée beaucoup de planétésimaux riches en eau est un événement tout à fait plausible. Ce scénario peut nous aider à comprendre pourquoi un monde comme Mars est aussi pauvre en eau aujourd'hui."

De telles différences physiques entre les planètes peuvent aussi survenir parmi les exoplanètes intérieures en orbite autour de la centaine de systèmes exoplanétaires que nous avons découvert jusqu'à aujourd'hui. Toutes ces exoplanètes sont des planètes géantes mais il est plus que probable que des exoplanètes de la taille de Terre ou même de Mars doivent graviter autour de ces étoiles, même si nous ne possédons pas encore la technologie pour les détecter.

Si les planètes telluriques se sont formées par collision avec des planétésimaux tandis que d'autres corps se sont formés suite à l'impact de comètes et d'astéroïdes, dans ce cas les planètes gravitant autour de ces étoiles peuvent contenir différentes quantités d'eau. Pour Lunine, le temps qu'il fallut pour former les planètes géantes dans chacun de ces sytèmes exoplanétaire a dû jouer un grand rôle dans ce processus, tout comme Jupiter a influencé le caractère de notre système solaire.

Résultats des missions Mars Express et MAVEN

Lunine et des scientifiques de l'Université de Washington étudient actuellement les effets de la variation de la quantité d'eau sur les exoplanètes. Dans ce cadre, les résultats des missions d'exploration des rovers Spirit, Opportunity et Curiosity ainsi que les données orbitales des orbiters MGS, Mars Express, MRO et MAVEN sont très intéressants.

On attribue généralement à la planète Rouge un passé chaud et humide, conséquence d'un effet de serre plus ou moins éphémère. De nouveaux faits apportent des nuances à cette théorie : Mars connut un passé humide mais se transforma rapidement en un monde froid et sec.

Illustration artistique d'une tempête solaire frappant Mars et arrachant les ions de son atmosphère. Document NASA/GSFC

Les radars et les spectromètres embarqués à bord des missions Odyssey, Mars Express et Mars Reconnaissance Orbiter (MRO) ont déterminé quelle quantité d'eau existe actuellement sur Mars et fourni une meilleure estimation des contraintes qui ont pesé par le passé sur l'abondance de l'eau sur la planète Rouge.

En juillet 2007, la revue "NewScientist" reprit une information publiée dans la revue "Nature" (448, pp.31 et 60) rapportant que les analyses du spectromètre OMEGA de la sonde Mars Express montraient qu'il n'y aurait pas eu assez de CO2 pour permettre le réchauffement de l'atmosphère la planète Rouge. La présence de méthane, autre gaz à effet de serre, en quantité suffisante semble également exclue. Mars serait donc restée constamment froide et sèche même si l'un ou l'autre impact majeur a pu modifier brièvement ces conditions.

En revanche, ainsi que nous l'avons dit, les différentes sondes spatiales ont confirmé qu'il y a 15% d'eau glacée (-63°C en moyenne) au Pôle Sud de Mars et bien plus dans la calotte polaire boréale. Par extrapolation des mesures faites au Pôle Sud à toute la surface, l'ESA estime que la quantité d'eau est équivalente à une couche liquide de 11 mètres d'épaisseur recouvrant toute la planète.

Enfin, pour renforcer la théorie selon laquelle Mars connut une époque chaude et s'est rapidement refroidie, la sonde spatiale MAVEN apporta les preuves que Mars perdit son atmosphère suite à son interaction avec le vent solaire.

En effet, plusieurs études publiées dans les "Geophysicical Research Letters" montrent que le vent solaire serait le principal responsable de l’érosion atmosphérique de Mars. Ainsi, en mars 2015, les détecteurs de MAVEN ont montré que le vent solaire arracha les ions atmosphériques à un taux équivalent à environ 100 grammes par seconde. Cet échappement se produit principalement (75%) à la limite entre la haute atmosphère martienne et l'enveloppe magnétique produite par son interaction avec le vent solaire et de façon moindre au niveau des pôles (~25%). Ce taux d'érosion atmosphérique augmente d'un facteur 10 à 100 lors des tempêtes solaires, suggérant qu'il fut bien plus élevé par le passé, lorsque le Soleil était plus jeune et plus actif. Ce phénomène conduisit à l'évaporation de l'atmosphère de Mars, ce qui entraîna l'assèchement puis le refroidissement de sa surface.

Cette découverte signifie également qu'à une époque très reculée, Mars disposait d'une atmosphère suffisamment dense et chaude pour permettre l'existence d'eau liquide en surface, voire même abriter certaines formes de vie.

Grâce à ces découvertes, aujourd'hui les planétologues comprennent un peu mieux ce qui s'est passé sur Mars et peuvent proposer des théories plus réalistes sur la manière dont peuvent évoluer les écosystèmes extraterrestres.

Pour plus d'informations

JPL Planetary Photojournal

Mars Reconnaissance Orbiter (MRO)

MAVEN

MGS Mars Orbiter Camera Images (MSSS/MOC)

Mars Global Surveyor (MGS)

Mars Odyssey (MO)

Mars Exploration Rover (MER, Spirit et Opportunity)

Mars Curiosity

Mars Express (ME).

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