George Black

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Messages posté(e)s par George Black


  1. Gordon : "C'était pour donner une illustration de la non-évidence que toute réalité serait nécessairement réductible à la physique objective...".


    Lorsque j'étais étudiant en maîtrise, j'ai posé la question suivante à notre professeur lors d'un cours portant sur l'électrodynamique quantique et les interactions matière-rayonnement :

    "Finalement, qu'est-ce qui a une réalité physique ? le photon ou le champ ?".

    Réponse du professeur :
    "Ni l'un ni l'autre, ou les deux, en fait on s'en fout (sic !) ça marche !".

    J'avais été choqué par sa réponse qui me semblait témoigner d'un manque de réflexion philosophique sur la question.

    En fait Gordon, il ne faut pas sous-estimer le degré de réflexion philosophique des physiciens (je parle globalement) par rapport à leurs travaux.
    Mais le physicien, à l'image de l'homme de la pampa, est parfois rude ! Au final, le physicien se veut pragmatique et efficace.
    En réalité, mon vieux prof avait parfaitement raison. Pour la bonne et simple raison qu'on ne saura jamais ce qu'est la réalité vraie, elle est transcendante. On peut donc discourir tant qu'on veut, autant parler du sexe des anges !
    Le physicien construit des modèles et des représentations du monde, et même s'il donne l'impression d'oublier parfois qu'il ne s'agit que de représentations, le physicien le sait, mais il s'en fiche aussi. Pourquoi ? Tout simplement parce que ces représentations sont puissantes et au moins elles ont le mérite de fonctionner.

    On a parfaitement le droit d'imaginer une théorie physique dans laquelle le temps est un concept émergent et non une dimension existant intrinsèquement. Tant que l'on peut y coller un langage mathématique (qui est celui de la Nature jusqu'à preuve du contraire, en tout cas il marche) et faire des prédictions pouvant être confrontées à la réalité.
    Mais au final, qu'est-ce que le temps ? qu'est-ce que l'esprit ? qu'est-ce que la vie ? je veux dire intrinsèquement pour de vrai... ben on en sait rien et on en saura jamais rien ! Et on s'en fout ! Pourquoi ?
    Parce que l'on a des représentations du monde, du temps, de l'esprit, de la vie, de l'atome, etc, etc... qui fonctionnent exactement comme si elles étaient la réalité vraie !

    Le physicien ne s'embarrasse pas de considérations métaphysiques qui n'apportent pas de réponse au "comment ?".
    Tout ce qui présente un caractère transcendant, n'étant pas du domaine du testable et de la réalité sensible, n'apporte rien à la science.

    J'ai un "pote" qui a commencé par faire de la physique, on était en licence ensemble. Il bloquait sur ce qui lui semblait une absence de réflexion sur la réalité du monde et justement sur le caractère réductionniste. Il bloquait tellement qu'il en a foiré ses exams. Pour lui tout ça "c'était des conneries" (je le revois quittant l'amphi lors d'un cours portant sur les outils de la physique quantique).
    Au final, il a réintégré la fac de lettre, et fait de la philo jusqu'en thèse. Je l'avais recroisé des années après, un peu aigri, admettant finalement que les physiciens faisaient plus avancer le monde que les philosophes concernant la compréhension de la nature !

    [Ce message a été modifié par Tournesol (Édité le 27-12-2010).]


  2. Gordon : "Oui, eh bien justement, le modéle physico-chimique est insuffisant pour expliquer la vie... Il n'en élucide que, et partiellement encore, ses manifestations objectives."

    Ce n'est pas parce que l'on ne comprend pas encore tout que cela signifie l'échec de la démarche.
    Ton argument est du même ordre que ceux employés par les tenants des ovnis : "Si on ne trouve pas d'explication naturelle au premier coup d'oeil, c'est que c'est forcément extraterrestre !" (Remplacer "extraterrestre" par "un coup de Dieu", "transcendantal", "New Age", "marxiste", etc... selon vos convictions...).


  3. Au risque de faire basculer le topic sur un hors sujet, je me permets une remarque en réaction au commentaire de Gordon.

    Toute la pratique scientifique repose sur une forme de réductionnisme ou une autre. Toute construction d'un modèle nécessite de poser des postulats de départ à partir desquels on va tenter d'expliquer un phénomène.
    Toute la science repose sur la modélisation. D'une certaine manière, une théorie est aussi un modèle.
    On peut spéculer autant qu'on veut sur la réalité vraie et intrinsèque des quarks par exemple, mais ça ne sert à rien tant que le modèle est cohérent avec l'observation.
    Le jour où le modèle est insuffisant pour expliquer de nouvelles observations, on passera à une nouvelle représentation des choses avec un formalisme mathématique conséquent.

    Maintenant, si je prends l'exemple de la thermodynamique, celle-ci peut être justifiée dans le cadre d'une approche statistique des phénomènes se produisant à l'échelle moléculaire. C'est une forme de réductionnisme qui montre que le modèle moléculaire de la matière est cohérent avec la thermodynamique, et que celle-ci en découle. Mais dans l'ensemble, la thermodynamique fait émerger des propriétés qui n'apparaissent pas à la seule vue de la dynamique de quelques molécules. Mais les effets à l'échelle moléculaire ne s'effacent pas pour autant complètement à l'échelle macroscopique. A titre d'exemple, en thermodynamique, l'expression mathématique du potentiel d'interaction intermoléculaire a des conséquences sur l'expression du développement du viriel qui décrit les propriétés macroscopiques d'un gaz.

    De même, l'approche de la vie en tant qu'ensemble de systèmes thermodynamiques hors équilibres et capables d'auto-organisation traduit la prise en compte de la vie en tant que phénomène émergent et complexe.
    L'auto-organisation n'est pas quelque chose qui apparait à l'observation des interactions moléculaires. C'est un phénomène émergent qui repose sur la thermodynamique des systèmes hors-équilibre, qui pourtant est compatible avec la représentation moléculaire de la matière.

    La psychologie aussi utilise des approches réductionnistes. On a pas le choix.
    Et en parallèle, comme le disait Superfulgur, l'approche neuronale (qui ne résume pas cependant l'esprit au neurone) est riche d'enseignements (je conseille les ouvrages de Olivier Houdé qui montrent bien les apports de la neuropsychologie).

    Le tout est d'être conscient des limites d'application des théories ou modèles que l'on utilise.

    [Ce message a été modifié par Tournesol (Édité le 26-12-2010).]


  4. SuperF, je réponds à tes remarques !

    Pour Stephen Jay Gould, mes remarques ne se voulaient pas condescendantes, j'ai beaucoup d'admiration pour le personnage. Sa théorie des équilibres ponctués est une percée énorme, audacieuse et encore controversée. Et j'admirais son combat contre l'obscurantisme créationniste.

    Concernant l'émergence de la technologie, on est dans le même registre que le reste des phénomènes évolutifs.
    Je pense aussi que l'apparition de la technologie peut être inévitable si on lui laisse le temps. MAIS... la question est : en a-t-elle toujours le temps ?
    On peut parfaitement imaginer l'extinction d'une espèce avant même qu'elle n'ait pu développer des technologies dignes de ce nom !
    Et je rejoins ton avis, la technologie et son développement ont une forte composante culturelle.
    Sur Terre, des peuples vivent encore à l'âge de pierre sans ressentir le besoin d'aller au-delà !
    Il est assez fascinant de voir que la science et la technologie modernes sont filles de la guerre et donc de nations conquérantes !
    Guerres au sens littéral, mais aussi guerres économiques. Le libéralisme est un moteur puissant de l'évolution scientifique et technologique !
    D'une manière générale, la compétition, biologique ou culturelle est un moteur d'évolution où seul le plus adapté survit ! Le plus adapté n'étant pas forcément le plus "fort" ou le plus cruel !

    Par ailleurs, je me pose souvent cette question : Lorsque l'on voit l'importance du pétrole dans l'émergence de notre civilisation moderne, que serait-il advenu de l'Humanité si pour X raisons, nous n'avions pu avoir accès à des ressources de type pétrole ou charbon ? Quid de la révolution industrielle ? Quid de la naissance de la thermodynamique ? Quid de la production d'électricité ?
    Qu'adviendrait-il d'une civilisation qui prendrait naissance sur un monde avec peu de ressources en eau ? ou alors essentiellement recouvert d'eau ?
    Il n'est pas impossible qu'en tant que civilisation technologiquement avancée nous soyons une rareté !
    Mais là, nous sommes dans la pure spéculation ! ;-)

    Concernant un projet SETI d'envergure, il n'y en a pas besoin explicitement.
    Parce que de toute manière, tôt ou tard, il y aura quelqu'un pour demander un super-radiotélescope capable de voir des galaxies primordiales avec un redshift monstrueux ;-)
    De même qu'il faudra des super télescopes pour faire de la spectro pour étudier la composition des planètes extrasolaires ! ;-)
    On fera du SETI de manière dérivée, comme aujourd'hui, mais avec des outils plus performants !

    A l'instant t, ce qui me fait vibrer, c'est de voir nos robots naviguer dans le système solaire, et d'espérer voir de mon vivant une sonde percer la couche de glace d'Europa par exemple ! Parce que, lorsque j'observe juju dans mon télescope, que je vois Europa (pour moi c'est Europa pas Europe ;-)), je trouve ça terrible de me dire qu'il y a peut être une autre forme de vie à portée de mains !
    Comme dirait ma moitié, des sujets de thèse pour des siècles !

    [Ce message a été modifié par Tournesol (Édité le 25-12-2010).]


  5. Je réponds déjà à Bruno !
    Bruno, Poincaré disait : "C'est par la logique qu'on démontre, c'est par l'intuition qu'on invente."
    Attention que dans la présente discussion on est encore dans l'intuition. Mon explication n'a pas valeur de démonstration.

    Attention aussi au fait qu'il est extrêmement difficile de condenser un problème qui couvre de nombreuses disciplines. Il n'y a pas de réponse simple qui me permet de dire : "La vie c'est ça !".
    Avec mon épouse, on a une bibliothèque qui compte de nombreux ouvrages, et publications, impliquant la géologie, la biologie, la biochimie, la biologie moléculaire, la chimie, divers domaines de la physique, et se rapportant en partie à l'origine de la vie !
    Comment pourrais-je vous convaincre en quelques lignes ici même ? Je ne le peux pas, et ce n'est pas mon but.
    Mon opinion je me la suis forgée à force de lecture dans des ouvrages techniques, de discussion avec des spécialistes etc...
    C'est comme si on me demandait de vous convaincre du bien fondé de la physique quantique ou de l'électrodynamique quantique. Je peux vulgariser. Maintenant, quelqu'un qui demeure sceptique, je ne peux le changer.
    L'apprentissage est un parcours personnel !

    Sinon, vu que tu réponds tout seul à tes premières questions au fur et à mesure de la lecture ;-) je passe à la suite des tes remarques... ;-)


    1. Bruno : « Ces arguments sont souvent retenus pour dire que la vie est apparue très vite, ce qui milite aussi en faveur d’un phénomène inévitable. » Absolument pas ! Ça veut juste dire que, sur Terre, c'est allé assez vite.

    Ce n'est pas faux. Mais en science, on fonctionne aussi sur le principe d'un faisceau de présomptions pour guider un raisonnement. Les arguments physico-chimiques militent pour une évolution rapide (toute proportion gardée bien entendu). Donc, intuitivement, l'apparition rapide sur Terre est un indice qui milite aussi dans ce sens.


    2. Bruno : "On pourrait penser qu'un saut évolutif important (genre : cellules avec noyau, bestioles multicellulaires) s'explique lorsqu'un paramètre a dépassé un certain seuil, par exemple l'oxygène qui a dépassé tant de pourcents, mais si je me souviens bien de mes lectures, ce n'est pas le cas (en tout cas pour les cellules avec noyau, je crois) : c'est apparu en quelque sorte par hasard. Non ?"


    L'apparition du noyau résulte d'invaginations de la membrane plasmique. Un phénomène courant et inévitable à la base.

    Pour le reste, on a aussi la théorie des symbiotes de Lynn Margulis : En gros on est tous des symbiotes.
    Par exemple les mitochondries de nos cellules, pour ne parler que de ça, qui possèdent leur propre génome (on parle d'ADN mitochondrial, on hérite des mitochondries de notre mère): Les mitochondries résultent vraisemblablement de bactéries phagocytées par des cellules. C'est un consensus en biologie. Maintenant, évidemment, faute de machine à remonter le temps, on ne peut le prouver au sens strict.
    Seulement on sait que les bactéries, voir certains unicellulaires échangent encore aujourd'hui, fréquemment et sur des échelles de temps humaines du matériel biologique (ADN, vacuoles, etc).
    Et ceci repose aussi sur des phénomènes courant, d'origine physico-chimique, liés par exemple à la dynamique des membranes cellulaires.

    Alors, oui, il y a une part de hasard. Mais à l'image du mouvement brownien, le hasard est à prendre au sens moteur, et non comme un coup de bol improbable.
    Façon de dire que ailleurs dans l'Univers, il ne faut pas s'attendre à trouver le même genre d'organisation cellulaire.

    Pour l'apparition de certaines formes de vie sous l'effet de facteurs environnementaux, comme la montée du taux de dioxygène, peut-on vraiment parler de hasard ?
    La lumière du Soleil est omniprésente, la nature s'adapte pour en tirer de l'énergie par photosynthèse, d'où relargage de dioxygène, lequel est toxique pour les premières bactéries non photosynthétiques : La nature s'adapte avec l'apparition de bactéries capables de métaboliser le dioxygène de l'air.


    - Pour ce qui est du pluricellulaire, il semble y avoir eu plusieurs tentatives en effet. Une découverte récente qui reste malgré tout à confirmer, semble envisager des tentatives très tôt dans l'histoire de la vie, il y a 2 milliards d'années (au lieu des 600 millions d'années retenus habituellement) avant même l'apparition des premières cellules à noyau.
    Sans parler vraiment de pluricellulaires, les colonies de bactéries vont de paire avec la notion même de bactérie. C'est un avantage évolutif énorme et qui ne procède pas de sauts de complexité énormes par rapport à la complexité remarquable de la biochimie interne d'une cellule.
    Les premières colonies stromatolites remontent à 2,7 milliards d'années, voir 3,45 milliards d'années d'après des publications récentes.
    Sous réserve de la confirmation de l'existence de pluricellulaires au sens strict il y a 2 milliards d'années, cela semble montrer que l'émergence des pluricellulaires est aussi un truc assez naturel.
    D'autres données, relatives aux paramécies par exemple, capables de former occasionnellement un système pluricellulaire, vont dans ce sens !

    Donc Bruno, quand tu dis "Par contre, une vie plus "complexe" me paraît toujours hautement improbable", et bien je réponds : "Pas plus que l'apparition des premières cellules !".
    Là encore, il semble que l'apparition des pluricellulaires soit plus lié aux ressources énergétiques disponibles qu'à un coup de bol inimaginable de Mère Nature.
    Sur que si il y a des bactéries sur Mars, je ne m'attends pas à y trouver des pluricellulaires.
    Inversement, sur Europa, où des éléments tendent à prouver la présence de dioxygène dans l'océan, on peut envisager des trucs genre "méduses",... pourquoi pas...


  6. Pour rebondir sur l’estimation du nombre de planètes dotées de conditions pérennes compatibles avec l’apparition de la vie.

    1. Il faut que l’étoile ait une durée de vie suffisante, ne soit pas trop jeune, pas trop vieille, soit suffisamment stable, ait la bonne métallicité. Il ne faut pas une étoile trop froide afin d’éviter les effets de « tidal-locking » (i.e. la planète est proche de l’étoile et lui présente toujours la même face).
    Cela représente 10 % des étoiles de la galaxie. Cf. Lineweaver et al (Science, 2004).

    2. En l’état des observations, on estime qu’une étoile sur deux est porteuse d’un système planétaire.

    3. Les orbites des planètes ne doivent être pas trop excentriques.
    D’après des simulations relativement récentes en lien partiel avec certaines observations (dont Superfulgur nous avait parlé, j’avais récupéré la publication…), il n’y aurait que 1% de systèmes planétaires dotés de planètes avec des orbites pas trop excentriques comparables avec notre propre système.

    4. La planète doit avoir une masse, un diamètre, et une distance à son étoile, compatible avec l’existence d’eau liquide et une activité géologique permettant le maintient d’une atmosphère.
    Pas mal de simulations de la formation de notre propre système donne des planètes compatibles avec la Terre, en masse, en taille et en distance à l’étoile dans 20 % pour des cas.

    Dans ce cas, on aurait 1 étoile sur 10000 dotée d’une planète comparable à la Terre. Ce qui veut dire aussi que sur 5000 systèmes planétaires, un seul pourrait être doté d’une planète comparable à la Terre. A comparer avec les quelques 500 systèmes connus. Autant dire qu’il y a encore du travail !

    Un petit calcul montre que la première étoile dotée d’une planète comparable à la Terre serait à environ 80 a.l. C’est à la fois proche, mais si loin aussi !


    Quid d’une vie intelligente ? Evidemment, on touche à un point nébuleux et sulfureux. L’évolution de la vie est un processus lent, et l’apparition de la vie intelligente sur Terre a nécessité de nombreuses étapes. La vie intelligente n’aurait pas pu apparaître il y a 1 milliard d’années par exemple, ou même il y a 500 millions d’années.
    Pour espérer trouver de la vie intelligente sur une planète convenable autour d’une étoile donnée, il faut que cette étoile soit déjà suffisamment vieille, de l’ordre de 4,5 milliards d’années. L’estimation des étoiles compatibles dans l’estimation ci-dessus en tient compte.

    Ensuite, l’apparition d’une vie intelligente est probablement hasardeuse et son maintien dépend aussi de l’évolution de l’étoile.
    Sur Terre on estime que d’ici seulement 1 milliard d’années, l’évolution du Soleil transformera la Terre en Vénus bis ! Pas besoin d’attendre le stade de géante rouge.

    Il semble par ailleurs que les différents hominidés qui ont occupés la Terre ont eu une durée de vie en tant qu’espèce n’excédant pas 500'000 ans. Homo habilis ou homo erectus remontent à il y a 1-2 millions d’années. Admettons même que notre espèce où une adaptation de celle-ci tienne 1 million d’années.
    Sur une période viable de 1 milliard d’années, si nous avions pu apparaître à n’importe quel moment dans cette fourchette, cela laisse 1 chance sur 1000 pour un visiteur égaré de nous rencontrer !
    On peut donc admettre une probabilité de l’ordre de 1/1000 de trouver une forme de vie intelligente sur une planète porteuse de la vie à un instant donnée.

    La Voie Lactée compte 140 milliards d’étoiles. On aurait donc dans cette estimation, 14 millions de mondes comparables à la Terre, distants d’environ 80 a.l. les uns des autres.
    Toujours dans cette estimation, on aurait 14'000 mondes porteurs d’une vie intelligente (1 étoile sur 10 millions), ce qui est dans la fourchette d’une estimation publiée il y a quelques années et basée sur des simulations numériques multifactorielles plus poussées. Ce qui ne préfigure en rien du niveau d’avancement technologique de ces formes de vie.

    A ce jeu, la première planète avec une forme de vie intelligente serait à 850 a.l. environ !

    De plus, concernant la notion de planète comparable à la Terre. Il faut bien voir néanmoins qu’il est peu probable que l’on trouve sur un autre monde « bleu » des conditions atmosphériques (pression, température, composition) et un environnement (biologie locale) compatibles avec notre propre existence. Voilà pourquoi je pense personnellement que toute idée de colonisation d’un monde extrasolaire est vaine en dehors de toute considération liée au voyage. Pour ce qui nous concerne, il n’y aura qu’une seule planète bleue : la Terre.
    Les fourchettes liées à l’apparition et au maintien de la vie sont probablement relativement larges, mais notre capacité d’adaptation l’est moins (il y a de la vie dans les océans, ce n’est pas pour autant qu’on y vit comme on vit sur la terre ferme).

    Par ailleurs, même en admettant qu’il existe un jour un moyen de réaliser des voyages interstellaires de manière viable… 850 a.l. ça commence à faire beaucoup !

    Alors certes, peut être qu’un jour, notre technologie permettra d’explorer des mondes extrasolaires, peut être qu’un jour notre technologie à l’aide de super télescopes permettra de prouver la présence de formes de vie ailleurs.
    En attendant, faute de moyens expérimentaux adaptés et viables, le SETI et autres ne relèvent pas de la science en l’état actuel.
    Mais conçu de manière pertinente en termes de moyens, de sensibilité et de spectre électromagnétique couvert, et en lien avec l’utilisation de super télescopes capable de réaliser des spectres de la lumière issue de planètes extrasolaires de type terrestre, le SETI pourrait devenir une science. Une science qui permettrait d’estimer justement le taux d’apparition de la vie dans la galaxie.

    En résumé, quant à la vie intelligente dans la galaxie, j’ai une position intermédiaire entre celle de Superfulgur (on est résolument seul, et d’ailleurs, nous-mêmes existons nous ?), et celle des tenants de la vie est partout (la preuve il y a des pyramides sur Mars Mouarf !).
    Disons que je tends vers l’estimation de rareté de SuperF mais que je trouve son estimation trop excessive et que je ne suis pas d’accord avec tous ses arguments ! Mais bien entendu, je peux me planter ! ;-)

    Maintenant, n’en déplaise à certains, l’intérêt pour d’éventuelles formes de vie dans le système solaire, sur Europa par exemple, dépasse la simple question métaphysique.

    1. Europa est incomparablement plus accessible (dans tous les sens du terme) que des mondes extrasolaires.
    2. La découverte et l’étude d’une forme de vie marginale (par rapport aux mondes de type terrestres) sur Europa serait probablement lourd de conséquence en biologie (cf. mon message plus haut).
    3. Sans aller à la découverte de vie à proprement parlé, la découverte de mécanisme prébiotiques sur Europa, Encélade, etc... serait d'une importance capitale pour mieux comprendre la vie sur Terre.

    Comme je l'avais dit avant, même s'il existe des étoiles très différentes de notre Soleil, l'étude des autres étoiles permet de mieux comprendre la dynamique de notre propre Soleil. Ici, on est dans le même souhait de démarche.
    Mais je suis d'accord qu'il ne s'agit pas d'astronomie, ni même d'astrophysique... c'est de l'exobiologie, bien qu'à mon sens il est encore très présomptueux de prétendre que l'on fait déjà de l'exobiologie ! C'est comme si Démocrite avait ouvert une école de physique atomique !


  7. Gordon, depuis le début dans tes propos, je sens poindre à demi-mots une vision créationniste de l'émergence de la vie.

    Tu ne parles pas de Dieu, mais au final, ton raisonnement rappelle celui qui conduit à ce que Hubert Reeves appelle de manière critique le dieu des brèches ! En gros, on ne comprend pas, donc c'est Dieu ou je ne sais quel principe surnaturel ou au-delà de la physique et de la chimie.
    Le terme d'émergence est soigneusement choisi dans mon propos : Le tout est plus que la somme des parties. Mais cela n'implique pas quelque chose qui soit au-delà de la physique.
    Comme je sous-entendais, les progrès à venir dans la compréhension de la vie (et de son émergence) viendront des simulations numériques.

    Tu disais que l'on avait jamais observé une telle émergence, sous-entendu expérimentalement : On ne le pourra jamais directement sur Terre en laboratoire, puisque l'on parle de processus impliquant des quantités de milieu réactionnel monstrueuses et selon des cinétiques chimiques s'étalant sur des millions d'années.
    C'est déjà heureux que l'on observe ce que l'on observe avec les expériences de Miller et autres successeurs !
    Les démonstrations se feront indirectement via des simulations numériques partiellement vérifiées expérimentalement sur des réactions partielles à courte période de temps et via l'exploration spatiale éventuellement !

    Le seul moyen de vraiment vérifier cette émergence de la vie en "live" serait en effet d'avoir sous la main une proto-terre !
    D'où l'intérêt aussi pour des mondes comme Mars, Titan, Europa, Encélade, etc... c'est l'espoir aussi d'y trouver des laboratoires grandeur nature (en terme de volume de réactifs et de temps) pour espérer y mettre en évidence des mécanismes clés dans l'apparition de la vie.
    Voilà aussi pourquoi je suis sensible en tant que scientifique à l'exploration du système solaire.
    Tout comme l'étude de l'évolution des autres étoiles permet de mieux comprendre l'évolution du Soleil pourtant si proche !

    Par ailleurs, je fais remarquer que toute approche théorique en science est tributaire de l'expérimentation.
    Donc oui, dans ce que j'affirme, il y a une attente d'approfondissement théorique mais aussi et surtout expérimental... En attendant, je me méfie du dieu des brèches !

    [Ce message a été modifié par Tournesol (Édité le 25-12-2010).]


  8. Pour recentrer le débat sur l’origine de la vie.

    La vie n’est pas le truc improbable auquel pensent certains. Je ne peux évidemment pas faire un bilan détaillé des connaissances actuelles sur le sujet, il faudrait un livre pour ça ! Je donnerai donc juste quelques exemples, et l’ensemble reste résumé à outrance.

    1. Approche probabiliste.

    Je reprendrais la critique de Christian de Duve (prix Nobel de Physiologie et de Médecine 1974) dans son ouvrage « Construire une cellule » (De Boeck - Université, 1990).
    De Duve fait la critique des créationnistes qui justement argumentent la cause divine de l’apparition de l’Homme et de la vie sur le principe de la probabilité excessivement faible d’apparition de la vie.
    De Duve fait remarquer que si chaque étape évolutive possède une probabilité modérément faible de réalisation, ici 50 %, alors, un ensemble de 1000 étapes évolutives (ce qui est excessivement peu) correspondent à une probabilité de 10^(-301) !!!
    Michael Hart (un astrophysicien américain controversé) estime lui à 10^(-30) la seule probabilité d’apparition d’une molécule d’ARN autoréplicante sur la base d’un calcul impliquant uniquement des processus collisionnels à l’échelle moléculaire.
    En contre partie, l’estimation du nombre d’étoiles dans l’Univers est de l’ordre de 10^22.
    En fait, de ce point de vue, nous ne devrions tout simplement pas exister compte-tenu des millions d’étapes et d’essais nécessaires pour aboutir aux premières cellules.

    Pour reprendre les propos de De Duve que je cite : « Il est évident qu’il y a dû y avoir de nombreuses étapes successives, dont chacune conduisait à un système un peu plus complexe et plus organisé. Qu’il faille accorder à chacune de ces étapes un caractère hautement probable, sinon obligatoire, dans les conditions qui régnaient, s’impose par le fait que le nombre de pas individuels a dû être très grand. »

    Evidemment, j’en vois d’ici certains me dire qu’avec néanmoins une probabilité par étape très élevée, et des millions d’étapes, on doit pouvoir ajuster la probabilité d’apparition globale de la vie ou de l’Homme à quelque chose comme 10^(-22) ou 10^(-21) justifiant d’une rareté extraordinaire de la vie dans l’Univers avec donc seulement une ou une dizaine de planètes porteuses de vie dans l’Univers.

    Seulement, l’approche réductrice probabiliste ne tient pas. Pas complètement du moins.


    2. Chimie du vivant

    En 1953, Miller et Urey reproduisent les conditions de l’atmosphère primitive de la Terre (méthane, eau, dihydrogène, ammoniac) et soumettent le mélange à des décharges électriques pendant 1 semaine environ. Ils obtiennent alors de l’urée, du formaldéhyde, de l’acide cyanhydrique, des bases et des acides aminés.
    L’expérience reproduite avec des conditions différentes conduit à des résultats similaires.

    Dans les années 80, une équipe de Tokyo poursuit l’expérience sur un mois et obtient même des coacervats, sortes de bulles lipidiques, prototypes primitifs des membranes cellulaires.

    Dans les années 2000, Sutherland trouve une voie de synthèse pour les nucléotides à base pyrimidique. Il utilise un dispositif simulant le cycle d'évaporation d'une mare par le rayonnement solaire et son alimentation par la pluie.

    Dans un autre registre l’étude de météorites permet de trouver de nombreux composés organiques notamment des acides aminés.

    L’apparition des briques élémentaires prébiotiques n’est déjà pas un mécanisme rare, mais quelque chose courant, même hors de la Terre (cf Titan et même Europe où de nombreux indices atteste au moins d’une chimie prébiotique complexe).

    Ce que l’on saisit moins, c’est le passage de cette chimie prébiotique à ce que l’on nomme le monde à ARN (Walter Gilbert – Prix Nobel de chimie 1980).

    Néanmoins, il ressort de ces études que toute la chimie prébiotique et l’émergence du vivant résulte de processus qui étaient inévitables et au moins fréquents à la base.

    Il ne faut pas oublier non plus que si on se représente la Terre à ses premiers instants comme une sorte de soupe primordiale, le nombre de molécules en présence est absolument considérable. Dans seulement 20 tonnes de matière on peut atteindre un nombre de molécules de l’ordre de 10^30. Un nombre à mettre en balance avec l’estimation de Hart !
    C’est d’ailleurs là cause de la difficulté de la modélisation de l’apparition de la vie : Il faudrait être capable de traiter numériquement (au sens calcul informatique) un tel problème qui ne peut se résumer à une approche statistique comme on traiterait de la thermodynamique.


    3. La nature du vivant

    Ilya Prigogine (Prix Nobel de chimie 1977) est connu pour ses travaux sur les structures dissipatives et l'auto-organisation des systèmes. Par définition, le vivant est constitué d’unités présentant une thermodynamique hors équilibre qui se caractérise (c’est de la physique) par une capacité à l’auto-organisation et à la complexification.
    Les potentiels d’interactions intermoléculaires permettent précisément une telle dynamique auto-organisationnelle.
    Du point de vue des travaux de Prigogine (et de bien d’autres après lui) l’apparition du vivant était inévitable intrinsèquement du point de vue de la physique et de la chimie, parce qu’à une certaine échelle et dans certaines conditions (loin d’être drastiques), on tend nécessairement vers des phénomènes d’auto-organisation et de complexification.

    A une échelle mineure, ces effets sont mis en évidence dans certaines réactions chimiques, et en informatique dans le Jeu de la Vie.

    A cela, il faut ajouter la redoutable efficacité de la sélection darwinienne, qui est une simple règle de sélection de la solution la plus adaptée. Au point qu’en physique, on utilise des algorithmes informatiques dits « génétiques » pour trouver les solutions de systèmes d’équations différentielles complexes (on cherche la solution la mieux adaptée).

    Dans ce registre, on sait par des méthodes informatiques simuler certains processus évolutifs. Par exemple, on sait simuler l’évolution de l’œil. Richard Dawkins montre ainsi comment en quelques étapes très rapides dans le temps, l’œil moderne a pu apparaître en quelques étapes impliquant la sélection darwinienne. Et comme l’explique Dawkins, pas besoin de Dieu, pas besoin d’invoquer on ne sait quel concours de causes et de phénomènes rarissimes.


    4. L’apparition de la vie sur Terre.

    La Terre s’est formée il y a 4,6 milliards d'années. Il y a 4 à 3,8 milliards d'années, la Terre connaît une période de grand bombardement météoritique. En parallèle, la Terre commence à se refroidir et les océans se forment il y a 4,2 milliards d'années.
    D’un autre coté, la vie apparait il y a 3,5 à 3,8 milliards d'années où on trouve trace des premières bactéries.
    Dans l’approche la plus pessimiste, on dira que la vie aura mis entre 1,1 milliards et 800 millions d’années pour apparaitre après la formation de la Terre il y a 4,6 milliards d’années.
    Dans une approche plus optimiste, on notera que la vie est apparue entre 400 et 700 millions d’années après la formation des océans.
    Voir, encore plus optimiste, la vie est apparue en moins de 500 millions d’années après la fin du grand bombardement météoritique. (500 millions d’années = 1/10 de l’âge de la Terre).

    Ces arguments sont souvent retenus pour dire que la vie est apparue très vite, ce qui milite aussi en faveur d’un phénomène inévitable.

    Il y a 2 milliards d’années, on trouve trace des premières cellules eucaryotes, i.e. dotées d’un noyau.
    Le temps nécessaire pour passer de la bactérie procaryote aux cellules eucaryotes traduit plus une échelle de temps nécessaire à la transition que la manifestation d’un effet improbable… nuance !
    Il y a 555 millions d'années la vie pluricellulaire explose. Là encore, le temps nécessaire à la transition unicellulaire pluricellulaire, traduit plus a priori l’échelle de temps requise pour observer cette transition que la manifestation exceptionnelle d’un phénomène rare.

    Gould a tout fait pour faire de la complexification du vivant un truc improbable, une bizarrerie de la nature uniquement liée au hasard, et ce en opposition aux créationnistes qui voient dans la complexification une preuve du divin.
    Ce qu’ignorait Gould, tout comme les créationnistes, c’est que la complexification du vivant découle de sa définition même en tant que système thermodynamique hors équilibre et capable d’auto-organisation. Si les conditions environnementales le permettent, le vivant explore tout un espace des configurations possibles.

    En ce sens, non seulement l’apparition de la vie était probablement inévitable, mais avec du temps, l’apparition d’une forme de vie dotée d’une intelligence ouvrant à la technologie n’était pas improbable (modulo une catastrophe conduisant à une extinction).

    Finalement, il me semble que le nombre de planètes porteuses de vie dans la galaxie, ou dans l’Univers, dépend surtout du nombre de planètes dotées de conditions compatibles d’un point de vue physico-chimique avec l’apparition de la vie.


  9. Ah ben là ! Si on est pas dans la discussion de comptoir, je ne m'y connais pas !

    Ça manque de références bibliographiques scientifiques vos estimations... Pour ne pas dire que ça manque de notation scientifique aussi :-)

    Je crois Fredogoto, comme Superfulgur, Gordon ou d'autres, que vous avez une vision complètement erronée de l'apparition de la vie, qui ne cadre absolument pas avec le niveau de connaissance scientifique actuel sur le sujet.
    Ne pas comprendre le détail des mécanismes d'apparition de la vie ne signifie pas que l'on ne peut pas avoir une idée des chances d'apparition de celle-ci.
    Vous fonctionnez comme les créationnistes : si la science ne peut expliquer en détail l'apparition de la vie, alors c'est que la vie est un truc hyper-méga-compliqué et donc que c'est un truc hyper-méga-improbable.
    Les uns concluent simplement que nous sommes seuls maîtres de l'Univers (version marxiste) tandis que les autres concluent que Dieu seul peut être la cause de l'apparition de la vie et de l'Homme (version créationniste).

    J'entends bien l'argument de Superfulgur, avec son analogie stellaire. Mais elle est (partiellement) contestable. J'y reviendrai dans un prochain message, parce que là, je suis en famille, et Madame rouspète ! :-)

    Ceci dit, ça ne change pas mon opinion : l'ufologie c'est de la ..... en barre et SETI en l'état une vaste blague !

    Néanmoins, Madame Tournesol, qui est biochimiste, vous dira que la possibilité de vie sur Europa (par exemple) est un truc à prendre au sérieux:
    1. D'une part parce que l'apparition de la vie n'est pas le truc hautement improbable que croient certains (j'y reviendrai ultérieurement).
    2. D'autre part parce qu'il s'agirait dans un futur technologique raisonnable d'une forme de vie E.T. potentiellement accessible.
    3. Enfin et surtout, parce que l'on devrait probablement réapprendre totalement la biologie, et que paradoxalement on pourrait aussi apprendre énormément sur la vie en général et donc la notre !
    De quoi fournir des sujets de thèses pendant 1 siècle pour reprendre l'expression de madame !

    Sur ce, je retourne en famille...

    [Ce message a été modifié par Tournesol (Édité le 23-12-2010).]


  10. Je ne m'en lasse pas !

    De plus, de me dire que ces images proviennent d'une machine issue du génie Humain et naviguant autour d'autres mondes, je trouve ça magnifique et émouvant, au-delà de la connaissance scientifique qu'apporte cette entreprise.

    Pas besoin d'envoyer des types là-haut !
    Vivre ça par procuration via une machine ou un humain, peu importe !
    L'Espace est aux machines !


  11. Altair, actuellement SETI ne démontre rien (ou presque) ! C'est comme si armé d'un télescope amateur on concluait à l'absence de planètes extrasolaires du fait que l'on ne détecte aucun transit par exemple !

    En l'état actuel, SETI montre juste qu'il n'y a pas de supercivilisation qui utilise la radio avec une débauche phénoménale d'énergie !


  12. Bruno,

    si un jour on venait à avoir la preuve que la vie est un truc "anormal" comme tu dis, un truc tellement rare que jusqu'à preuve du contraire, nous sommes seuls dans la Galaxie... et bien franchement, j'espère que ce jour arrivera dans longtemps... car ce jour là, tu peux être certain que les illuminés de certaines religions vont y voir la preuve que nous sommes une race élue de (des) Dieu(x).


  13. Ceci dit Super,

    Attention de prendre les écrits de Gould avec prudence, malgré toute l'admiration que j'ai pour ce gars et ses compétences évidentes.
    Néanmoins, comme beaucoup de paléontologues (ou de biologistes) Gould commet des erreurs de raisonnement lié à un manque de culture en physique et en particulier concernant les phénomènes émergents.

    La vie, du point de vue du biophysicien, pourrait se définir comme l'ensemble des processus physico-chimiques qui s'opposent au nivellement thermodynamique de la matière. Ou du point de vue de Prigogine, la vie apparait comme un processus hors équilibre.
    Dans une telle optique, l'évolution apparaît comme un effet secondaire de la définition même du vivant. Le vivant explore une sorte d'espace des configurations biologiques limité par les conditions environnementales.

    Dans ce contexte, tôt ou tard les systèmes biologiques se complexifient, et il est probable que si le temps et les conditions environnementales le permettent, la vie intelligente apparaît nécessairement.
    Voir à ce sujet les nombreuses publications ces dernières années sur les capacités cognitives des animaux ; on a montré que l'intelligence "humaine", ou certaines caractéristiques que l'on croyait humaines (sens du nombre, compassion, altruisme, capacité à résoudre des problèmes complexes, capacité à concevoir et/ou utiliser des outils, perception du langage et capacité à communiquer) sont en fait présentes chez de nombreuses espèces animales, et même chez certaines jugées comme primitives (poissons, reptiles, oiseaux,...). Ces capacités apparaissent comme des nécessités évolutives, dès lors que l'on doit chasser, éviter d'être mangé, vivre en groupe, se reproduire, etc...
    L'Humain et son cerveau ne sont pas des trucs apparus par enchantement il y a 100'000 ans, mais bien une étape naturelle dans un long processus évolutif.

    Certes, il aura fallu près de 3,5 milliards d'années entre l'apparition de la vie, et l'émergence d'une forme de vie intelligente capable d'accéder à des technologies. Cela donne au mieux une fourchette de temps nécessaire à l'apparition d'une vie "intelligente" complexe.
    Entre temps, cela signifie qu'il faut éviter une extinction majeure. Une étoile limitée à 2 milliards d'années de vie est donc certainement "out" pour voir un jour une vie intelligente.

    Où je te rejoins Super-incrédule, c'est sur la notion de convergence temporelle. Les espèces vivantes sur Terre sont estimées comme ayant une vie moyenne de 10 millions d'années. Ça réduit fortement la probabilité de voir deux civilisations émerger "simultanément" dans un même voisinage et de faire copain-copain.

    De ce point de vue, un projet SETI digne de ce nom, impliquant de gros moyens (en terme de sensibilité et de largeur de spectre exploré) serait un moyen potentiel de repérer des civilisations potentielles lointaines (dans le temps et l'espace).

    Maintenant, quant à ceux qui pensent que la motivation pour le SETI a un caractère mystique... probablement pour pas mal de zouaves que je connais. En attendant, la question de l'émergence de la vie pose de réelles questions d'ordre scientifique.
    Et soyons clair, d'une manière générale, chez de nombreux chercheurs, l'objet de leur recherche présente toujours un aspect affectif et parfois mystique, parfois sur des problématiques qui n'intéressent qu'eux a priori.


  14. Super, tu sais, à ce compte-là, le LHC repose aussi sur des fantasmes...

    ...Quand on voit le pognon que coûte ce truc là (le LHC)... quand on argumente que "oui mais voilà, ça fait avancer la science rien que sur le développement du bousin"... ben, je dis qu'on est dans le même trip que "sans l'Homme sur la Lune, on aurait pas fait avancer la technologie", ou encore "sans les compet's de Formule 1, l'automobile n'aurait pas évolué" !

    Bien que je ne cautionne pas les aventures susmentionnées, il faut dire ce qui est, certaines percées scientifiques ont eu une base de fantasme, ou à une époque, ont pu paraître très déraisonnables !

    Quid de la découverte de la radioactivité ? De l'énergie émise de rien ? Vous n'y pensez pas mon bon monsieur !
    Quid de la découverte de la fission de l'atome ? Grand dieu, et pourquoi pas de l'alchimie et transformer le plomb en or tant que vous y êtes !

    Et la liste est longue dans ce genre ! Je pense qu'une bonne partie de notre physique et de notre technologie moderne relèveraient du fantasme pour un physicien du début du XXième siècle.

    Faire de la science, c'est aussi à un moment donné, tenter de passer le cap de ce qui parait déraisonnable pour essayer d'en faire quelque chose de raisonnable ! Qui ne tente rien n'a rien !


  15. Le programme SETI est une vaste blague, et ceux qui le critiquent sont au moins aussi sérieux.

    L'ensemble des moyens du SETI n'est pas capable de capter des signaux qui proviendraient d'une civilisation jumelle de celle de la Terre et située à plus de 15 a.l.. A quoi il faut ajouter que le SETI écoute essentiellement autour de 1420.4 MHz. Même quand le SETI argumente quant à une écoute de millions de canaux, c'est des millions resserrés autour de 1420.4 MHz.
    Le SETI mise sur une hypercivilisation qui passerait une puissance phénoménale dans une émission radio centrée autour de 1420.4 MHz.

    Autant dire que le SETI n'a que peu de chance de capter quoi que ce soit !
    Le SETI est un truc de rêveurs en l'état.

    Conclure à l'absence de vie intelligente sur la base du SETI est donc tout aussi peu raisonnable.

    Dans la même veine, j'ai en mémoire un article du milieu des années 80 (dans Science&Vie) qui se fiche de la gueule des astronomes hurluberlus qui cherchent des planètes extrasolaires, et qui explique que si on a rien trouvé, c'est qu'il n'y a rien !

    [Ce message a été modifié par Tournesol (Édité le 18-12-2010).]


  16. Trois remarques :

    - Concernant les expériences pour tester la présence d'arsenic dans l'ADN, il me semble que l'article (cf ma remarque plus haut) en fait état. Puisqu'ils disent qu'ils ont réalisé une analyse en spectro de masse de l'ADN extrait.

    - Concernant la stabilité. C'est vrai que c'est une question importante.
    Dans l'eau, oui c'est instable. Rien ne prouve qu'il n'y a pas des mécanismes qui contournent le problème. La biochimie et la bio mol ont soulevé pas mal de mécanismes inédits ces dernières années.
    Ils en parlent aussi dans l'article et suggèrent une possibilité de mécanisme en lien avec leurs observations. La bactérie pourrait entre autres à l'aide de vacuoles limiter la présence d'eau.

    Mon expérience de théoricien me dit qu'il faut se méfier des impossibilités trop vite tranchées. Lorsque l'on traite un problème dans le détail, on voit apparaître des choses surprenantes, imprévisibles au premier abord.
    Donc je me méfie des jugements d'experts basés sur l'intuition et les habitudes. Poincaré disait que c'était par l'intuition que l'on trouve, et par la logique que l'on démontre. Parfois, l'intuition et l'expérience de l'expert ne suffisent pas pour trancher, et une étude rigoureuse et détaillée est nécessaire pour trancher.

    - Concernant le troisième point. C'est ce qui me pose le plus problème. C'est la remarque de ma femme. Une telle substitution phosphate-arséniate devrait avoir des répercutions sur le code génétique et la biochimie de la bactérie, au point qu'il parait surprenant que l'on puisse avoir une bête substitution, avec une bactérie qui zappe du phosphore à l'arsenic tel quel !

    Pour résumer, l'étude et ses conséquences méritent des études plus détaillées. Cela serait une erreur de la jeter aux oubliettes sans avoir pris le temps de la démonter de manière rigoureuse.
    Je fais confiance au monde de la recherche concerné pour rapidement confirmer ou infirmer la teneur de cet article.

    Je note aussi que si il se trouvait que Science a publié un article bidon, on en sera encore quitte pour un nouveau scandale de la science spectacle façon Nature et Science, revues qui pour moi n'ont plus rien de prestigieuses et sentent le soufre depuis longtemps !


  17. Pour répondre au sondage de Superfulgur, en ce qui me concerne :
    - Le sourcil levé, souriant, vous vous demandez ce qu'ils ont encore inventé.

    Ben oui ! Comme scientifique, je comprends que l'on puisse faire un communiqué de presse à destination de la presse de vulgarisation (La Recherche, Pour la Science,...).
    Personnellement, bien que faisant une veille bibliographique soutenue, il m'arrive parfois de passer à côté de papiers importants. Surtout lorsque l'on travaille sur des sujets qui présentent une composante interdisciplinaire. Une relative médiatisation peut donc être utile.
    Une lecture de Europhysics News permet parfois de combler une lacune.
    Une lecture de "La Recherche" permet de se tenir au courant de l'actualité scientifique en dehors de sa discipline.

    Là où je fais un blocage, c'est sur la surenchère d'annonces grandiloquentes dans la presse et les médias généraux. La science spectacle n'apporte rien, à part la relative assurance d'une gloire "people" éphémère. Or je trouve que certains scientifiques sont de plus en plus attirés par les sirènes du monde "people".
    Le monde "people", c'est comme la religion, ça n'a rien à faire (pour rester poli) dans la science !
    Le "people", c'est le monde du paraître. Alors forcément, un article médiatisé à coup de "sons & lumières", ça sent le soufre ! On se demande pourquoi les auteurs ont besoin de ça ?

    Par expérience, un article qui doit percer, percera forcément un jour. Je crois plus aux revues de seconde publication et aux congrès qu'à Paris Match. Je crois plus à la patience, vertu nécessaire à tout travail construit et solide, qu'à la satisfaction du plaisir immédiat de se voir sous les feux de la gloire.
    Si on doit être perçu comme un grand Homme, c'est à l'Histoire d'en juger.


  18. Vous savez ce qui me dérange, c'est pas tant que cet article soit bidon ou non. C'est la manière dont on prétend montrer qu'il est bidon !

    Argument d'autorité : Philippe Marlière a dit que "qu'elle sera rapidement réfutée", donc passons à autre chose !

    Philippe Marlière a dit : "c'est de la biologie faite par des physiciens".
    On est totalement dans l'argument d'autorité du type "t'es pas de mon monde, casses-toi pov' c.." !
    Je devrais aussi mentionner toutes les c.......s que j'ai pu entendre de la part de biologistes, justement en biologie, par méconnaissance totale de la physique !!! C'est aussi oublier le rôle de la biophysique en biologie. Sans physique et sans chimie, les biologistes en seraient encore coincés à référencer les petites fleurs !

    Philippe Marlière ne comprend pas que des "expériences très simples, demandant 1/2 heure, pour tester l'hypothèse (voir l'arsenic dans l'ADN) n'aient pas été menées"..
    Bah, visiblement, il a pas eu le temps de lire l'article de Science ! Ou alors notre biologiste ne connait pas la spectro de masse !
    Je cite : "We then used high-resolution secondary ion mass spectroscopy (nanoSIMS) to positively identify As in extracted, gel purified genomic DNA."

    Non, franchement, je suis également méfiant par rapport à cet article (il y a un truc qui me pose problème, mais je n'arrive pas encore à identifier quoi), mais il serait de bon ton d'avoir une approche critique constructive, et de ne pas attaquer une publication sur des arguments d'autorités et par le déni et la moquerie !
    On ne fait plus de scolastique en science depuis la fin du Moyen Age ! La rhétorique n'a pas valeur d'argument scientifique !


  19. Je rajoute une couche suite à une remarque de Mme Tournesol :-)

    Il y a des tas de protéines dont les propriétés et l'activité dépend de la phosphorylation (i.e. l'addition d'un groupe phosphate à une protéine). C'est un problème central en biochimie.
    Si vraiment cette bactérie est capable de remplacer ses phosphates par des arséniates, cela pose de nombreuses questions de fond en termes biochimiques.
    Comment la bactérie arrive-t-elle à maintenir un métabolisme cellulaire dans ces conditions ? Cela pose de réelles questions.
    Je précise que les quelques biochimistes de mon entourage montrent plutôt de la méfiance par rapport à cette étude, dans le sens où justement, la possibilité de voir une bactérie passer des phosphates à des arséniates comme par un coup de baguette magique selon les conditions de l'environnement, ça parait franchement miraculeux !

    Maintenant, si les résultats ne sont pas bidons, il est clair que l'on est en présence d'adaptation, pas d'une forme de vie ayant évoluée indépendamment du reste du vivant terrestre.

    Le problème, c'est qu'à cause de l'attrape-nigauds de la NASA, les gens s'attendaient à je ne sais quoi de miraculeux ! Et voici que l'on se retrouve à jeter le bébé avec l'eau du bain !

    Désolé, mais ce travail mérite de l'attention... peut être pas pour les astrosurfeurs, mais pour les biochimistes si (en tout cas, si il ne s'agit pas d'un canular) !

    Ceci mis à part, je suis dépité par les réactions désabusées de certains. On croit entendre un directeur de labo de ma connaissance qui décourage les jeunes à faire de la recherche au motif qu'il n'y a plus rien à découvrir en sciences (au pluriel !) sic !

    [Ce message a été modifié par Tournesol (Édité le 03-12-2010).]


  20. Bien entendu qu'ils en font trop ! Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit !!!

    Evidemment que les caractéristiques de l'arsenic en font un candidat sérieux de substitution au phosphore...
    Et effectivement (comme ils le disent dans l'article de Science) on connait des organismes qui ont su s'adapter de façon à contrer la toxicité de l'arsenic.
    Mais là, ça va plus loin (si on met de coté l'hypothèse d'un canular scientifique ou d'une erreur que l'on ne pardonnerait pas à un étudiant de première année): c'est carrément au niveau de la biochimie et de la biologie moléculaire qu'on a de l'adaptation.
    Maintenant, dire qu'on a forcé la bactos à faire ça en labo, ok ! Mais j'ai du mal à croire que la première bactérie venue soit capable de subir le même traitement en substituant gentillement ses phosphore avec des arsenic !