Benj Poup

Soirée oeil nu et crayon de bois dans le triangle d'été

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Nuit du 16 au 17 juillet 2006, à Grand Fontaine (02) tout près de chez Madjid, dans le champ d’à côté, fortement en pente. Au programme : grand beau temps, quelques petits nuages sur l'horizon nord, une température d’environ 22°, et un vent léger - tous les ingrédients pour une soirée dessin sympathique. Mais une soirée courte en perspective, car la nuit va mettre du temps à s'installer, et la Lune se lève de très bonne heure.

J'installe mon matériel, à savoir, pour ce soir, une configuration légère : la Megrez sur la monture GP, un appareil-photo pour l'ambiance, et une planche à dessin. Petite frayeur désormais coutumière, je ne vois pas, au milieu de mon attirail qui s'étale autour de moi, le collier de la lunette... Heureusement simplement oublié sur le siège passager lors du déballage. Ouf !

Jupiter est bien brillante, mais bien seule dans le ciel bleu foncé. Le temps que la nuit s'installe, je laisse le tube de la lunette se mettre en température, ce qui me laisse le temps de faire deux ou trois photos d'ambiance.

Les premières étoiles apparaissent : Arcturus, Véga, puis Deneb et Altaïr, puis Spica et Antarès. Il me manque juste la Polaire pour faire ma mise en station. Sur l'horizon nord, le ciel est encore très clair, et aucune étoile de la Grande Ourse n'est encore visible. Le ciel a l'air d'une très bonne transparence. Coup de chance, celle-ci est quasiment au centre du viseur polaire. Il ne me reste plus qu'à faire quelques corrections, et tester le pointage aux coordonnées pour m'assurer que je ne me suis pas trompé d'étoile. La soirée semble prête à démarrer, mais à 22h30, mes objectifs du triangle d'été sont encore invisibles.


Les lueurs du crépuscule tardent à s'effacer...

Je commence tranquillement avec Albireo, que j'ai encore du mal à voir à l'oeil nu - le ciel est loin d'être noir. Je me lance dans un premier dessin, qui, je l'espère, m'occupera suffisamment longtemps pour voir le ciel s'obscurcir un peu. Mais pour le moment, je ne compte qu'une petite dizaine d'étoiles dans le champ de l'oculaire de 10mm, et le dessin est facile. Tout doucement, certaines étoiles apparaissent, d'abord en vision périphérique, puis progressivement en vision directe. J'alterne les grossissements, car le 21mm me donne un bien meilleur piqué, et me permet de glaner quelques étoiles supplémentaires. Au bout de 20 minutes, mon premier dessin achevé compte une vingtaine d'étoiles. Un ciel plus noir m'aurait permis d'aller plus en profondeur. On dira que c'est un premier contact.

Je glisse ensuite sur Delta du Cygne, premier challenge de cette soirée. L'écart de magnitude entre les deux étoiles, et la faible séparation rende la tâche ... impossible. J'alterne les grossissements, de 20x jusqu'à 100x, mais rien ne sort. Pas le moindre soupçon de double devant moi. Delta du Cygne est-elle seulement une étoile double ? Premier challenge et premier échec.

61 Cygne est beaucoup plus facile, et fait penser, toutes proportions gardées, à Albireo. La séparation est quasiment la même. Les couleurs qu'il m'a semblé voir à 20x à travers le Pentax tournaient au jaune pâle pour l'étoile principale, et au bleu-violet pour sa compagne. Mais ces nuances colorées sont très pâles, et il est difficile d'être catégorique. Du reste, les deux étoiles sont données de couleur orange... Le champ étoilé est plus riche qu'autour d'Albiréo, il doit y avoir une quarantaine d'étoiles visibles autour du couple stellaire.

Je glisse ensuite vers la pointe de la flèche, qui doit me donner la direction de NGC 6882, un amas ouvert situé non loin de là. Je profite d'être là pour rendre une rapide visite à M 27 et M 71. NGC 6882 est un amas que l'on peut qualifier de "très ouvert", tellement ses étoiles semblent diluées dans le fond étoilé de la Voie Lactée. Un concentration - le mot est fort - d'étoiles semble entourer une étoile plus brillante. En prenant le temps d'observer, l'amas se dessine petit à petit, et compte une quarantaine d'étoiles, dont la moitié visibles en décalé.

Il est maintenant 23h30, et la Voie lactée n'est qu'à peine visible à l'oeil nu. Le bleu du ciel - magnifique! - est encore très présent au nord. Et la Lune se lève dans moins d'une heure...


Je change de registre, et me tourne sur NGC 7027, une petite nébuleuse planétaire située non loin de Deneb. Elle est tellement petite qu'à 20x, rien ne la distingue des étoiles qui l'entourent, si ce n'est l'effet Blink caractéristique, qui la fait disparaître quand on la regarde en vision directe, à la différence des étoiles de même luminosité visible dans le champ de l'oculaire. Il faut vraiment grossir pour commencer à deviner un aspect flouté à la nébuleuse. Le champ étoilé est ici très riche, Voie Lactée oblige.


La suite se passe dans la petite constellation du Dauphin, plus précisément sur Gamma, magnifique étoile double beaucoup plus serrée que les précédentes. On devine la présence d'un couple étoilé serré à 20x, mais c'est surtout à 50x que la double se révèle, avec des couleurs rappelant celles de Gamma Andromède, autre double fameuse. Le champ étoilé est également très très riche.

J'envisage de fouiller le bas de la constellation du sagittaire, à la recherche de Messiers jamais observé, mais la présence d'un visiteur nocturne court sur pattes me distrait un peu. Le temps de balayer les herbes voisines pour m'assurer que je n'ai pas un sanglier en face de moi, j'oublie le Sagittaire, et me replonge dans le triangle d'été.

La transparence de ciel est excellente : l'étoile de la queue du Scorpion, pourtant très basse, est bien visible, la Lagune également, et la Voie Lactée se découpe en bouffées irrégulières d'un horizon à l'autre, ou presque. Il n'en manque q'un petit morceau, du côté où les lumières du crépuscule rejoignent les premières étoiles de Persée.

Il est grand temps de m'attaquer au plat de résistance de ma soirée : les dentelles du cygne. J'envisageais de faire une mosaïque en dessin de l'ensemble des dentelles, mais la partie la plus faible, autour de 52 Cyg, est tellement diffuse qu'il est impossible de voir autre chose ... qu'une ligne diffuse, sans la moindre nuance, sans le moindre contraste. Je pointe donc la lunette sur NGC 6992-95, la boucle la plus lumineuse des dentelles; celle qui semble révéler le plus de détails. Ce qui me surprend, en revanche, c'est l'incroyable profusion d'étoiles ! Je vais devoir faire des coupes sombres sur le fond du ciel si je ne veux pas y passer la nuit ! Le filtre UHC visé à l'oculaire, j'entreprends donc le dessin de la subtile boucle, alternant les phases de dessin et les phases d'observation, pour essayer d'épargner autant que possible ma vision nocturne. petit à petit, la boucle se précise : ici, un crochet, là, un rétrécissement. J'annote mon dessin : quelques chiffres pour repérer la luminosité des étoiles, quelques courbes pour la nébuleuse, des repères qui serviront ensuite à la mise au propre du dessin. Un dessin qui ne donne qu'une vision tronquée de la nébuleuse : il manque énormément d'étoiles, et la nébuleuse est en réalité beaucoup plus pâle. Mais l'idée est là.

Après 15 minutes de crayonnage, je m'offre un petit feu d'artifice dans le Sagittaire : La Lagune et la Trifide, puis M25 et M 18, avant de remonter sur la nébuleuse Omega et enfin la nébuleuse de l'Aigle. Avec le filtre UHC, ce survol est un vrai régal. Une profusion de nébuleuses pour lesquels il faudrait consacrer le temps d'autant de dessins. J'ai encore de quoi m'occuper !

Je traîne un peu plus longuement sur M 22 et sur M 28. A 20x, M22 n'est qu'une boule floue brillante. A 50x, l'aspect granuleux du amas se laisse deviner, et quelques étoiles de la périphérie sont résolues en vision décalée. M 28 n'est en comparaison qu'une petite boule floue au coeur brillant, sans détails perceptibles.

J'avais également repéré deux amas ouverts dans l'Aigle : NGC 6709 et NGC 6755. Le premier ressemble à un triangle ou un A majuscule perdu dans un champ riche en étoiles. Les pieds du A sont chacun marqués par deux étoiles plus brillantes, alors que le sommet est marqué par une étoile seule. L'ensemble est très peu homogène.
Le deuxième amas est en revanche un échec, échec à mettre sur le compte d'un petit manque de pêche de fin de soirée.

La lueur du dernier quartier de Lune est maintenant bien présente, et la Voie Lactée disparaît. Le ciel se dégrade, et la parenthèse étoilée se referme progressivement.

Avant de remballer le matériel, je reviens sur M71 et M27. M71 reste une tache floue, moins spectaculaire que M28, par exemple. Difficile à observer en vision directe, mais bien présente en décalé, au milieu d'un magnifique champ d'étoiles. Finalement, je vais finir par penser que M71 est à voir ... pour son champ d'étoiles !

M27 bénéficie du même magnifique fond de ciel, mais a de quoi rivaliser : à 20x, sans filtre, on devine déjà la forme de la nébuleuse. Deux anses bien délimités, et perpendiculairement, deux extensions diffuses. A 50x, la perte de contraste fait qu'on ne voit pas grand chose de plus. L'utilisation du filtre UHC renforce par contre la présence de la nébuleuse sur son fond de ciel. Magnifique!

Le ciel de l'automne, avec Pégase, commence à pointer le bout de son nez, et la voie lactée disparaît progressivement, alors que Véga grimpe au zénith. Et j'ai du mal à décrocher.

Y'en a un peu plus, je laisse? Allons-y, alors. Je file sur M29, et me pose cette question : comment Charles Messier et ses collègues ont pu imaginer qu'il soit possible de confondre M29 avec une comète? A 20x, on voit une petite boite étoilée, semblable à la vision "oeil nu" des Pléiades, les jolies couleurs en moins. Les étoiles de M29 ont une luminosité comparable à celle des étoiles situées dans le même champ, et il faut s'y prendre à deux fois pour se dire que l'on observe bien un mas d'étoiles. Mais de là à imaginer une comète, vraiment, non, je ne vois pas.

Il est 1h15, et l'air est encore parcouru de petites rafales de vent tiède. Je décide de terminer en beauté avec M 11, pointé à l'arrache. résolu à 20x, c'est un spectacle magnifique, et surtout, un futur dessin pour une future soirée.

Benjamin

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Salut,
Beau CROA ! Et détaillé en plus...
Ca manque de dessins par contre .
Pour M29, peut-être qu'à l'époque il avait une lunette pas terrible, et à ce moment de la turbu de ouf...
Tien, le mak doit être en tempérture...

B.

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Bonjour Benjamin,

Voici un très bon CROA avec évidemment ton enthousiasme habituel qui transparaît tout au long du récit. Pour ma part, il y a bien longtemps que je n'ai pas fait de dessin. Le dernier doit être la planète Jupiter au centre d'observation de Ludiver en 2002 ou 2003, je ne sais plus trop.
Les Dentelles du Cygne sont, comme tu l'indiques, bien moins lumineuses que sur ton dessin. Pour comparer, c'est à peu près la vision que j'en avais à l'oculaire + filtre OIII d'un dobson de 406 mm samedi soir dernier.

Bonnes observations,

Etienne

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oui, un bien sympathique croa Qu'est-ce que ça va être quand tu vas sortir la configuration lourde... ;-)

a + yann

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La configuration lourde n'a rien à voir avec des armes d'observation massive : c'est juste un C8

Ceci dit, vue la profusion d'étoiles dans les dentelles à la lunette, je me prends à rêver d'une mosaîque de l'ensemble des dentelles au C8. J'en "whaou" d'avance !

En fait, là où ça va commencer à parler, ce sera à la rentrée : je déménage bientôt sur Reims, et j'aurai beaucoup plus facilement accès au T410 de Beine Nauroy. On commencera alors à parler de "configuration lourde"

Benjamin

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