Benj Poup

De Lune à l'autre ... Une éclipse d'Europe en visuel

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Curieuse idée que de choisir une veille de pleine Lune pour entreprendre une observation astronomique, qui plus est quand il s'agit d'assister à une éclipse de Soleil... De fait, au moment où je déballe le matériel, le Soleil est couché depuis une heure. Entre le jour finissant et la clarté sélène montante, ne subsistent que quelques étoiles brillantes. Utiles pour calibrer le Goto de l'ETX 70, par exemple. Heureusement, mes cibles de ce soir - un satellite naturel, un satellite artificiel, et pour finir, une planète géante - sont on ne peut plus brillantes, et s'accommoderont de ces conditions plutôt médiocres.

Le point d'orgue de ma soirée est donc une éclipse de Soleil. O combien lointaine, puisqu'elle se déroule à plus de 600 millions de kilomètres d'ici. Elle met en scène Europe et Ganymède, deux des principaux satellites de Jupiter. Par la grâce de la mécanique céleste, la planète géante est proche de l'équinoxe : cette configuration saisonnière, qui se reproduit tous les 6 ans, permet d'observer des éclipses et occultations mutuelles entre satellites - les fameux "phémus". Ce soir, Europe doit disparaître dans l'ombre de Ganymède, un peu avant minuit. En attendant cette "première", Je me suis établi un petit programme qui doit m'aider à patienter jusque-là.

Lever de Soleil sur "le rocher" de Grimaldi

La Lune me sert d'apéritif : presque pleine, elle n'offre apparemment pas beaucoup de prises au regard. Mais à y regarder de plus près, certains cratères se distinguent. Une lumière rasante survole le cratère Bailly, rendu presque invisible à cause de la libration. Le long du terminateur, mon regard s'attarde une première fois sur Grimaldi. Le temps de faire le tour de la Lune, c'est finalement celui-ci que je croque, avec ses voisins, encore plongés dans l'ombre.

Avec un grossissement de 105x, la modestie de l'instrument n'empêche pas de fouiller un peu autour du cratère et de déterrer quelques détails, pendant la demi-heure que je consacre à cette région. Pour l'aspect technique, le dessin a été réalisé directement au propre - le rendu est très différent de mes précédents dessin (1) (2) (3). Nul doute que le suivant sera encore un peu différent...

Les cabrioles de l'iridium 53

Dans le quart nord-est du ciel, l'activité aérienne est assez riche : les Mirages de la base aérienne voisine sont en manœuvre, et font vrombir leurs réacteurs. Mais le monstre de métal que je guette est encore plus rapide, et finalement bien plus silencieux. Lancé à 8 km/s, l'Iridium 53 file plein sud, et s'apprête à illuminer le ciel. Je l'attends du côté de Pégase. Et c'est pourtant en dessous de Cassiopée qu'il apparaît, me sabotant magnifiquement mon cadrage.

Alors que je lance la pose, son éclat augmente, augmente, augmente encore ! Magnitude -8 ! Avec un vrai ciel étoilé, une bonne mise au point et un vrai cadrage, cela aurait donné une photo saisissante.

Europe plongé dans la nuit

Il est un peu plus de 23h15. Europe a rendez-vous avec l'ombre de Ganymède dans moins d'une demi-heure. J'ai devant moi suffisamment de temps pour préparer ma webcam et l'ETX, afin de filmer la disparition d'Europe. Mais en dépit du faible grossissement de l'ETX, le centrage de Jupiter au milieu du capteur est délicat - dans ces conditions, la monture ne parvient pas à dissimuler ses faiblesses. Et je ne parle pas de la mise au point, qui, avec ce minuscule bouton, est un véritable calvaire. Pour compliquer encore l'opération, les piles semblent me trahir à leur tour. Leur changement, ainsi que la ré-initialisation qui suit me conduisent droit vers l'heure fatidique. Et rien n'est prêt ! Tant pis : plutôt que de risquer le naufrage en tentant une prise de vue à l'arrache, je préfère être spectateur de ce phénomène l'oeil à l'oculaire.

Ce soir, Jupiter compte non pas 4, mais 5 satellites. Ils sont alignés dans leur ordre naturel de distance : Io, Europe, presque collé à Ganymède, et entre ce dernier et Callisto, un intrus : l'étoile 45 Cap, qui mime à la perfection de satellite Galiléen. La ressemblance est frappante ! Au moment où je mets l'oeil à l'oculaire, le spectacle commence tout juste. Fait remarquable, l'éclat d'Europe diminue graduellement. En 5 minutes, il ne devient plus qu'un point à peine visible en vision décalée. Puis ... Il disparaît. Chose étonnante, car l'éclipse n'était donnée qu'à 50%. Je m'attendais à voir Euope briller faiblement, mais rien n'y fait : Europe a disparu. J'alterne les grossissements - plus faible, pour gagner en luminosité, plus fort, pour éloigner Europe du brillant Ganymède, mais toujours rien. Il faut attendre 3 minutes pour que la lumière revienne. La luminosité du petit satellite remonte progressivement. Europe a retrouvé son éclat ! Dans un peu moins d'une heure, il passera cette fois derrière Ganymède, mais soyons humble : mon petit ETX ne sera pas à la hauteur de cette rencontre.

Benjamin Poupard - Le (nouveau) blog du Voyageur immobile

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