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Ciel bleu et rayon vert Les conditions d'apparition du rayon vert Ce phénomène est rare car il est conditionné par des facteurs météos particuliers mais également parce qu'il demande à l'observateur une certaine expérience. Si son nom anglais est ambigu, parler de rayon l'est tout autant car il est peu représentatif de son effet. En fonction de la position de l'observateur par rapport à l'horizon, ce phénomène peut durer une fraction de seconde comme il peut persister plus de 15 secondes. La visibilité du rayon vert est principalement conditionnée par quatre facteurs : - Une atmosphère calme et laminaire (stratifiée) - Une différence de température entre le sol et la basse atmosphère (mirage inférieur) - L'ampleur de la pente du profil de l'inversion de température - L'absence d'objets, de nuage et de poussière à l’horizon - La hauteur de l'observateur. Un théorème important de l'optique atmosphérique nous dit que les images multiples ou inversées qui caractérisent les mirages peuvent uniquement se produire sous l'horizon astronomique, c'est-à-dire sous l'intersection entre le plan de l'horizon et la sphère céleste. Etant donné qu'en fonction de l'altitude l'horizon peut plonger loin derrière la courbure de la Terre, c'est la hauteur de l'oeil de l'observateur qui détermine la déclivité de l'horizon apparent et donc en corollaire la largeur de la zone entre ciel (horizon astronomique) et terre (déclivité) où se produisent les mirages.
En fait si vous pouvez disposer d'un horizon est ou ouest dégagé à quelques mètres au-dessus du niveau de la mer ou en altitude, si vous pouvez distinguer la courbure apparente de la Terre vous avez quelques chances d'observer des mirages et le rayon vert. Les régions d'altitude restent en théorie des endroits privilégiés car l'horizon apparent plonge à plusieurs minutes d'arc sous l'horizon astronomique où les effets des mirages sont les plus apparents. Mais bien souvent en altitude l'horizon est caché par les montagnes et les gens s'y aventurent beaucoup moins que sur la plage.
Bien sûr il reste des sites privilégiés comme la Sierra Nevada en Espagne ou les hauts-lieux de l'astronomie (La Silla, Cerro Tololo, Hawaii, etc) qui se situent au-dessus des couches nuageuses et où ces phénomènes peuvent se manifester si l'horizon est dégagé de toute mer de nuages. D'un autre côté le bord de mer reste en pratique l'endroit le plus accessible et il remplit plusieurs des conditions requises : d'une part la réfraction atmosphère y est plus importante lorsque le Soleil est bas sur l'horizon et d'autre part votre ligne de mire est pratiquement parallèle à l'horizon. Profitez de l'occasion pour vous élever de quelques mètres, le rayon vert sera plus dense. Avis aux observateurs... A voir : Simulations de rayons bleus et violets vus au niveau de la mer (avec mirage inférieur et différentes opacités d'aérosols, par Andrew T.Young)
Où chercher le rayon vert ? Lorsque le disque du Soleil descend sur l'horizon et est encore apparent, bien que son rayonnement soit atténué par l'extinction atmosphérique il est encore suffisamment brillant pour nous éblouir. Il est donc prudent de porter des lunettes solaires ou d'utiliser un filtre gris neutre pour l'observer et éviter ainsi tout problème ultérieur. A mesure que le Soleil traverse les couches les plus denses de l'atmosphère, la partie supérieure et stratifiée du disque peut se détacher comme si l'atmosphère pinçait le disque du Soleil libérant un ballonnet ou un petit flotteur. C'est dans cet appendice ou en bordure du limbe supérieur que le rayon vert peut apparaître. Selon la densité de l'air, des vents et des effets optiques de la réfraction cette excroissance supérieure peut subir des modifications plus ou moins importantes et soudainement prendre une couleur verdâtre, c'est le rayon vert ! Sa couleur peut être accentuée par contraste avec la couleur du fond du ciel ou rester relativement pâle si le Soleil est brillant. Enfin notre sensibilité rétinienne individuelle influencera l'impression colorée. Il est toutefois rare que la couleur du phénomène soit vive.
Le rayon vert vertical Signalons également l'observation très rare faite par René Tamarelle vers 1997 présentée ci-dessous d'un "rayon vert similaire à un laser aperçu au large de Dieppe durant une fraction de seconde... Dans tous les cas, la projection verticale en donne l'aspect". Pieter Feenstra Kuiper (il s'agit d'un double nom) avait déjà mentionné ce phénomène en 1926 dans sa thèse "The Groene Straal" suite aux observations faites par un certain Lagaaij qu'il reprit dans une planche couleur dans son livre en page 79. Notons que Tamarelle précise qu'il estima la largeur du rayon vertical à 1 mm ou moins à 80 cm de distance (bras tendu) ce qui correspond à ue largeur angulaire d'environ 0.1° soit 1/5e du diamètre du Soleil, ce qui est une largeur importante mais typique d'un rayon vert. Si vous avez été témoin d'un rayon vert, notez toutes les circonstances de l'observation (lieu, date, heure, altitude, conditions météos, présence ou non du Soleil, présence de brume, dimension du rayon, présence ou nom d'un flash vert juste avant, etc) et transmettez l'information à un scientifique spécialisé comme par exemple Andew T. Young. A voir : Green flash at sunset Rayon vert depuis la plage de Waikoloa à Hawaii, Noel Barlau Rayon vert au lever de la Lune, APOD, 2015
Enfin, rappelons que tous les objets brillants situés près de l'horizon peuvent produire des rayons verts : la Lune, Vénus, Jupiter ou les étoiles les plus brillantes comme Sirius. Mais ne vous attendez pas à voir toutes les étoiles vertes car près de l'horizon l'extinction atmosphérique et la pollution réduisent la magnitude des astres d'un facteur dix à cent et la plupart deviennent invisibles à quelques degrés de l'horizon. Conditions extraordinaires Des témoins ont rapporté que le rayon vert fut observé à la fin des éclipses solaires comme ce fut le cas à Madagascar lorsque le Soleil déclina à l'horizon ouest ou au-dessus du canal du Mozambique quelques minutes après le 4e contact. Le rayon vert est généralement associé aux effets de mirages mais également à l'effet Novaya Zemlya, nom des deux grandes îles appartenant à la chaîne de l'Oural situées près du cercle Arctique où l'éclat du Soleil joue à cache-cache avec la courbure de la Terre même après le coucher du Soleil lorsqu'une forte inversion thermique se manifeste près du sol (ces îles sont également connues pour avoir servi de site de test pour les bombes atomiques jusqu'en 1990) comme on le voit sur les vidéos suivantes de Mila Zinkova. L'effet Novaya Zemlya se produit principalement aux latitudes élevées lorsque le Soleil forme un angle très réduit avec le plan de l'horizon local mais il peut également se produire aux latitudes moyennes et durer plusieurs minutes après le coucher du Soleil. Effet Novaya Zemlya avec rayon vert, Mila Zinkova, 2016 Effet Novaya Zemlya, Mila Zinkova, 2015
Généralement cet effet ne produit pas de rayon vert car l'observateur est situé sous la couche d'inversion (à l'inverse du faux mirage qui exige que l'observateur soit au-dessus de l'inversion ou en tout cas au-dessus de la base de l'inversion). Mais comme on le voit sur la première vidéo ci-dessous, un rayon vert peut apparaître avec l 'effet Novaya Zemlya et une inversion au-dessus de l'observateur. Cela exige un sous-guide d'onde ou sub-duct voire même plusieurs guides d'ondes superposés qui vont former autant d'images aplaties du Soleil en plus d'un rayon vert au sommet mais ce genre de phénomène est excessivement rare car l'observateur doit se trouver dans un intervalle d'altitudes très étroit pour l'observer. Notons que W.H. Lehn de l'Université du Manitoba publia en 1978 un article en anglais sur l'effet Novaya Zemlya (PDF).
Je remercie Andrew T. Young du SDSU pour les corrections constructives qu'il apporta à la rédaction de cet article. Pour plus d'informations Les couchers de Soleil, meteo.org Simulation de phénomènes physiques, Université de Lyon 1 Calcul de l'indice de réfraction de l'air, Andrew T. Young/SDSU An Introduction to Green Flashes, Andrew T. Young/SDSU (étude exhaustive avec photos, animations et liens) Ocean & Atmospheric Optics, Texas A&M University A simple experiment that demonstrates the “green flash”, Johannes Courtial, American Journal of Physics 80, 955, 2012 Sunset science. III. Visual adaptation and green flashes, Andrew T. Young, Journal of the Optical Society of America, Dec 2000 Understanding Green Flashes, Andrew T.Young, Bulletin of the American Astronomical Society, 30, p934, 1998 The Novaya Zemlya effect: An artic mirage (PDF), W.H.Lehn, 1978 Dutch Observations of the Green Flash (dont la thèse de P.F.Kuiper), S.W. Visser, Publications of the ASP, 42, 250, p336, 1930 De Groene Straal, Pieter Feenstra Kuiper, C.de Boer Jr., Helder, 1926 (avec les planches couleurs) Il raggio verde, Leggenda e realtà, Unione Astrofili Italiani, also in English Marco Meniero (galeries météo et astro) Le rayon vert, Jules Verne, 1882; Le Livre de Poche, 2005.
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