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La mission Deep Impact

La célèbre comète de Halley photographiée le 13 mars 1986 par Akira Fujii. Avis aux plus jeunes et aux futurs centenaires: elle repassera en 2061.

L'origine de la vie (II)

1. Les carbonates

A ce jour nous n'avons pas encore découvert de lien direct entre les PAH extraterrestres et la chaîne du vivant. Mais les carbonates sont intéressants car ils existent dans les comètes pour ne citer que la célèbre comète de Halley. Toutefois l'existence même de carbonates dans une comète est surprenante car d'habitude ils ne peuvent se former qu'en présence d'eau liquide (rappelez-vous la polémique à propos des globules carbonatées découvertes dans la météorite martienne ALH84001). Or dans une comète nous trouvons du gaz carbonique, de l'eau et des silicates, il peut donc très bien se former des carbonates. Cependant le milieu est très froid...

Le noyau des comètes présente en effet une température d'environ 30 à 40 K seulement au-dessus du zéro absolu (entre -236 et -226°C). C'est un environnement glacial proche de la température régnant dans les nuages interstellaires froids (10 à 30 K) dans lesquels très peu de réactions chimiques peuvent encore se produire. Ceci dit, elles ne sont pas totalement interrompues.

D'un autre côté, nous savons que cette matière congelée a disposé de 5 milliards d'années pour fabriquer des molécules prébiotiques à partir de la faible énergie dont elle disposait. Ainsi, même si les choses se sont passées très lentement, il est possible de fabriquer des carbonates dans un milieu solide.

Mais il est tout aussi possible que ces carbonates se soient formés antérieurement, dans le nuage protosolaire composé de gaz et de poussière qui finit par se condenser et former les différents astres du système solaire. Cette chimie cosmique eut lieu à une époque très chaude, antérieure à la condensation des comètes qui se produisit à 30 ou 40 K. Il paraît donc possible que la recette de la vie ait suivi une autre voie que celle à laquelle nous pensons habituellement.

2. Les ancêtres des acides aminés

Si Tempel 1 contient effectivement des carbonates, du méthane, de l'eau et du carbone, tous ces ingrédients permettent-ils de fabriquer les macro-molécules qui conduisent à la synthèse du vivant (cf. l'expérience de Miller) ? Nous avons vu qu'il nous manque l'ammoniac, la composante amine des acides aminés. Sous forme gazeuse ou en solution, il existe peut-être sur Tempel 1 mais c'est un élément très difficile à détecter sur une comète. Les scientifiques pensent que Tempel 1 ainsi que la plupart des comètes contiennent de l'ammoniac, reste à le découvrir et dans quelles proportions, car il est très peu actif dans les bandes infrarouges. Il pourrait toutefois être présent à 11 microns, une longueur d'onde située juste au beau milieu du spectre des très nombreux éléments riches en silicates; pas évident de l'isoler !

A gauche, le spectre infrarouge de la comète de Halley obtenu en 1986 comparé à celui de Tempel 1 acquis le 4 juillet 2005. Documents Combes et al., Icarus, 76, p404 (1988) et Deep Impact Team/U.Maryland.

3. L'eau des comètes

Nous avons expliqué à propos de l'origine de l'eau présente sur Terre, que l'eau des comètes a probablement rempli les océans à raison de 30 à 40%, l'eau restante ayant été amenée par les pluies diluviennes qui se sont abattues sur Terre voici plus de 4milliards d'années.

L'eau est-elle si abondante que cela dans l'univers ? Aux dernières estimations, la cosmologie nous rappelle que l'univers contient 85% d'hydrogène et entre 7 et 10% d'hélium. Le restant est constitué de tous les autres éléments chimiques plus lourds que l'hélium et que les astronomes appellent les métaux.

Quelle que soit la direction du ciel dans laquelle on dirige les télescopes, on découvre des étoiles, des nuages de gaz, des poussières et des galaxies. Tous ces objets ont essentiellement constitués d'hydrogène enrichis de métaux. Au cours des réactions thermonucléaires stellaires, la conversion de l'hydrogène en hélium produit du carbone, de l'azote et de l'oxygène : c'est le cycle CNO ou cycle du carbone. Une partie de cet oxygène se perd dans le milieu interstellaire de la même manière qu'elle s'échappe de la fournaise du coeur des étoiles.

Si l'étoile a atteint la phase de géante rouge, l'oxygène pourra rencontrer d'autres atomes et se lier avec eux pour former des molécules plus complexes tels que les oxydes de silicium et d'aluminium. Non seulement à cette époque l'étoile géante brillera comme un rubis mais elle en produira également ! Aussi, si on trouve de l'hydrogène dans l'espace, il y a de fortes chances de trouver de l'oxygène, c'est en tous cas plus probable que de trouver des rubis ou des diamants; on peut donc fabriquer de l'eau. L'eau est une molécule très stable et très commune. Cette molécule est fabriquée dans les derniers types d'étoiles, les plus froides et les plus rouges.

La chimie cosmique est cependant différente de celle des laboratoires, car le vide est un milieu qu'il est impossible de reproduire à la perfection en éprouvette, si bien que les réactions chimiques que l'on réalise sur Terre ne fonctionnent pas toujours dans l'espace ou, inversement, ne sont pas reproductibles en laboratoire. Ainsi il existe des glaces métastables dans l'espace et de l'hydrogène métallique qu'on ne peut pas fabriquer en laboratoire ou uniquement à l'échelle microscopique ou même moléculaire.

L'eau peut également être produite de manière indirecte par les supernovae. En explosant, une étoile massive libère dans l'espace tous ces constituants, y compris l'oxygène et les éléments les plus lourds qu'elle fabrique spécialement à cette occasion.

Le complexe de la nébuleuse de la Carène, NGC 3372, regorge de nuage de poussière et de molécules. Ce complexe est constitué d'hydrogène, d'hélium, de carbone et d'oxygène, formant localement un smog impénétrable où se cache des étoiles massives comme Eta Carinae ainsi que des disques protostellaires en formation qui constitueront dans quelques centaines de millions d'années la nouvelle génération d'étoiles. Document NASA/ESA/STScI.

Après s'être refroidi au contact de l'espace, le principal objectif de l'oxygène est de se lier à un atome d'hydrogène pour former une molécule d'OH. Le milieu étant tout de même raréfié, cette réaction prend généralement du temps, des centaines, des milliers voire des millions d'années.

L'étape suivante est d'augmenter sa stabilité en trouvant un deuxième atome d'hydrogène et fabriquer la fameuse molécule d'eau, H2O. C'est ainsi que s'est créée l'eau que l'on a détecté dans le milieu interstellaire; même si le milieu est froid, tant qu'il existe des atomes d'hydrogène et d'oxygène, de l'eau peut être fabriquée. Il peut bien sûr s'agir d'eau liquide ou de vapeur si la température est positive ou plus généralement de cristaux de glace. En pratique, ils forment soit des nuages similaires à nos cirrus d'altitude soit ils se déposent sur des poussières ou des roches sur une épaisseur de quelques microns, ces dernières finissant par s'agglomérer, la glace "sale" formant alors une couche pouvant atteindre plusieurs centaines de mètres d'épaisseur dans le cas d'une comète.

Bien que dans le froid glacial régnant dans le vide les réactions chimiques soient très lentes, les nuages moléculaires sont très denses, de l'ordre de 10000 atomes/cm3 (contre 0.5 atome/cm3 seulement dans l'environnement du Soleil) et tellement vastes (on parle de disques protoplanétaires de 500 à 20000 UA, soit un rayon qui peut atteindre de 0.3 année-lumière) que la matière est abondante; elle représente probablement 5 fois la masse du Soleil (et de l'infime masse que représentent tous les corps du système solaire) ! Le milieux est donc propice à l'accrétion de la matière et aux réactions chimiques.

Certains nuages moléculaires (appelés complexes HI géants) s'étendent sur plusieurs années-lumière et mettront des millions si ce n'est des milliards d'années pour s'effondrer sur eux-mêmes et éventuellement former un système planétaire. Ce sont des échelles d'espace et de temps astronomiques qui contraignent la matière à se former très lentement mais ces processus finissent par aboutir et on constate effectivement que l'espace interstellaire contient les briques précurseurs de la vie.

Aussi, rien qu'à ce titre, sans parler d'une meilleure connaissance de la mécanique céleste et du milieu interplanétaire, les comètes et les astéroides sont des sujets extrêmement importants à étudier si nous voulons comprendre comment les signes précurseurs de la vie sont apparus dans l'espace et de quelles manières les comètes auraient pu ensemencer la Terre en molécules prébiotiques (nitriles, polymères et acides aminés).

Pour plus d'informations

Deep Impact (JPL)

Télescope Spatial Spitzer

ESA

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