La
légende de Roswell
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Document
T.Lombry. |
2e
épisode : la naissance d'un mythe (II)
La
rumeur commença à circuler le 8 septembre 1950 alors qu'on
croyait l'incident de Roswell passé à la rubrique des faits divers. Le journaliste
Frank Scully, dont le nom sera repris dans la série culte "Aux frontières du réel"
(X-files), publia un livre intitulé "Behind The Flying Saucers"
(qui fut réédité
en 2008) révélant que l'armée aurait récupéré trois soucoupes volantes de 33 m de diamètre et
ses seize occupants près d'Aztec, au Mexique. Il tenait son
information d’un certain Silas Newton et d’un mystérieux
“Dr Gee”, de son véritable nom Leo Ge Baur.
Mais tout
s'effondra un peu plus tard, lorsque les enquêteurs du magazine
"True" découvrirent que Scully et ses deux acolytes n'était pas à
leur premier coup d'essai : avant ce canular Scully avait déjà
été condamné à plusieurs reprises pour des allégations mensongères
sur le dos de l'armée.
Ainsi
que l’écriront plus tard les autorités du BUFORA à propos de
l’incident de Roswell et d’Aztec, “il est évident qu’un
mythe est en train de naître”.
A
la fin des années 1950, le scientifique Robert Sarbacher affirmait
à nouveau que l'armée détenait des soucoupes volantes et les
cadavres de leurs occupants. Selon ses propos, on pouvait à
l'occasion observer ces engins bizarres survoler certaines bases
militaires.
En fait, la seule soucoupe existant officiellement à
cette époque là, le prototype XF-5-U, ne vola jamais. D'autres
projets existaient mais aucun ne pouvait supporter la confrontation
avec les témoignages qui, sans exception, parlaient de "lumière
violente", "de vitesse fulgurante", etc. Les
"soucoupes volantes" de l'armée étaient propulsées par
des hélices ou des turbines et ne dépassaient pas 65 km/h. Aussi,
les photographies et les monographies révélées aux médias n'étaient
que les premiers avatars d'une série de preuves qui allaient s'écrouler
les unes après les autres : canular de Paradise Valley (1947),
Fritz Werner, Arizona (1953), Wright-Patterson AFB (1962), etc.
Les années passèrent sans que l'incident de Roswell ne soit
ravivé, jusqu'en 1978 où le physicien atomiste Stanton T.Friedman, devenu conférencier
en matière d'ufologie rencontra Jesse Marcel et retrouva d'autres témoins
des faits. La rumeur repartit de plus belle mais Friedman resta réservé.
Charles
Berlitz et William Moore
publièrent un livre sur l'incident de Roswell, dans lequel ils reproduisirent
la photographie d'un petit humanoïde portant un masque
respiratoire, encadré par deux MP; leur document était censé
valider l'observation de Roy Musser.
Un
peu plus tard on apprit qu'il s'agissait d'un canular de journalistes
remontant... au 1er avril 1950, lesquels avaient réalisé un
photomontage à partir d'un cliché montrant un enfant confié à
deux MP. son crédit Moore reconnut également que l'histoire
du crash d'Aztec avait été montée par des escrocs.
Moore
trouva également l'origine des caractères bizarres, semblables à
des hiéroglyphes, dont parlait Marcel Jr. Certains contrats de
construction des ballons du projet Mogul auraient été passés avec
un fabricant de jouet de New York. Il aurait utilisé un ruban adhésif
de couleur rose portant des dessins pour assembler les ballons, d'où
les symboles bizarres aperçus par l'enfant et d'autres témoins... A
l'époque de leur confrontation avec les autorités, l'officier météo
Newton avait déjà déclaré à Jesse Marcel qu'il s'agissait d'un
ballon météo, mais Jess ne partageait pas son opinion.
S'il
fallait encore le démontrer, il faut également savoir que toutes
les photographies des soi-disant cadavres de Roswell n'ont aucun
point commun : mettez toutes les photos publiés depuis 1947
ensembles et vous constaterez que tous les corps exhibés sont différents
par la longueur des membres, la forme des mains ou du visage.
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T.Lombry. |
Suite
au scandale du Watergate, les Etats-Unis promulguèrent une loi
autorisant l’accès aux documents administratifs; le "Freedom of
Information Act" (FOIA). Depuis, le "Blue Book" et quelques milliers de
documents militaires ont été déclassifiés. Hélas, aucun ne révèle
la présence d’extraterrestres parmi nous, ni même aucun secret
sur les OVNI.
En
1980, le prolixe Leonard Stringfield apporta des preuves selon
lesquelles l'armée récupéra les débris de plusieurs soucoupes
volantes qui s'étaient écrasées. Ces confidences faites par
d'anciens militaires seront accompagnées de photographies montrant
des cadavres d'extraterrestres au milieu des débris de leur engin.
Enfin, en 1987 William Moore rendit public un dossier secret déclassifié
préparé en novembre 1952 à l'intention du Président Eisenhower :
le Majestic 12 (MJ-12). Bien que certains rédacteurs du magazine américain
"MUFON UFO Journal" le prirent très au sérieux, le journaliste
Philip Klass découvrit que certains documents officiels étaient
faux. La signature du Président Truman par exemple avait été copiée,
les entêtes de lettre et les cachets administratifs étaient
fantaisistes. Ces documents s'avéreront être faux. Mais d'autres
raisons poussèrent la communauté ufologique à croire au crash de
Roswell.
William
Moore découvrit dans les archives déclassifiées du FBI plusieurs
documents se rapportant à des crashes d'OVNI, mais ils ne
mentionnaient pas directement le crash de Roswell : il s'agissait en
fait des comptes-rendus de rumeurs propagées à la même époque.
Un seul document faisait référence à Roswell. Il s'agissait d'un
message du FBI daté du 8 juillet 1947 faisant état du communiqué
de la base de Roswell. Transmis par téléscripteur, il décrivait
l'engin écrasé qui présentait toute les caractéristiques d'un
ballon stratosphérique. Il ne faisait mention d'aucun cadavre.
Mélangeant
le bon grain et l'ivraie, grâce à tous ces indices, principalement
récoltés par les journalistes Kevin D.Randle, Donald R.Schmitt et
Georges Eberhart, l'histoire rebondit dans les années 1990. De
nombreux enquêteurs des célèbres magazines "MUFON UFO Journal" et
de "Lumières Dans La Nuit" ont suggéré que les débris de
l'accident ont probablement impliqué le brigadier-général Arthur
Exon de l'Air Material Command qui, après avoir étudié les débris
devait conclure qu'ils ne pouvaient pas appartenir à une
technologie humaine. De son côté, le général Ramey aurait signalé
au général Dwight Eisenhower que les débris récupérés n'étaient
pas d'origine terrestre.
Selon
certaines sources, des scientifiques de haut niveau et des
techniciens tenus au secret auraient été chargés d'étudier les débris
et les corps des victimes sous la direction du célèbre Dr Vannevar
Bush, conseiller scientifique du Président Truman, jusqu'au début
des années 1950. Des analyses tenues secrètes durant des années
auraient révélé que les matériaux trouvés étaient inaltérables.
Certains débris analysés par John Kromschroeder - un ami du pilote
Oliver W.Henderson qui transporta certains débris en 1947 - étaient
capables d'émettre de la lumière sous certaines conditions.
D'autres, chauffés à blanc au chalumeau oxyacétylénique par le
major Ellis Boldra ne semblaient pas emmagasiner la chaleur et
devenaient à peine tiède. Des militaires de l'Etat-major auraient
également veillés à la sécurité de cette mission en accord avec
le National Security Council.
3e
épisode : le "Roswell Report"
En
1993, soit 46 ans après les évènements, Stanton Friedman, Kevin
Randle et Donald Schmidtt, accompagnés d'autres enquêteurs,
rencontrèrent le sénateur Steven H. Schiff du Nouveau Mexique.
Convaincu d'avoir été trompé par l'armée, Steven Schiff demanda
à la Commission du Congrès de publier tous les documents relatifs
à l'affaire de Roswell.
Lee
Aspin du Secrétariat de la Défense lui conseilla de s'adresser à
l'USAF. Début 1994, Larry Shockley au nom de l'US Air
Force
lui répondit qu'"il n'existait aucun autre document relatif à
cette affaire dans les archives nationales qui n'ait été publié".
Cette affirmation était pourtant en contradiction avec les récits
d'une trentaine de témoins.
Un peu plus tard, par le biais du
Pentagone, le Ministère de la Défense américain confirma qu'il
avait bien récupéré les débris d'un objet à cette époque. Il
reconnut que le secret fut entretenu parce qu'il s'agissait d'un
nouveau type de ballon météo stratosphérique équipé de
microphones capables de détecter les ondes sonores engendrées par
les explosions nucléaires, un ballon développé dans le cadre d'un
programme top secret, le projet
Mogul.
Une
rumeur circula également selon laquelle les clichés des débris présentés
à la presse par le général Ramey ne correspondaient pas à ceux
que les témoins avaient vus. Mais selon l'enquêteur Robert G.Todd, une
substitution est "impensable". Pour comprendre cela, il faut
se replacer dans le contexte de l'époque.
En
1947, l'étude des explosions nucléaires atmosphériques était un
sujet top secret dont l’étude était “compartimentée” entre
diverses institutions. Le programme Mogul était inconnu des
militaires de la base de Roswell ou de Fort Worth. Dans ces
conditions comment auraient-ils pu se procurer les débris d'un
ballon Mogul et les substituer par ceux d'une soucoupe volante pour
donner le change aux journalistes ?
Pour
Barry Greenwood,
spécialiste des documents officiels sur les OVNI, les ufologues
partisans de la thèse extraterrestre profitent de la loi sur la
liberté d'accès aux documents administratifs afin de
"prouver" que l'armée nous cache la vérité. Mais quelle
vérité ? Ainsi que nous l’avons expliqué, plus de 10000 pages
concernant des notifications d'OVNI ont été déclassifiées par le
FBI et la CIA et sont accessibles au public. Si on s'en tient à
l'incident de Roswell, l'armée semble avoir été claire : tout a
été divulgué. Greenwood rappelle cette lapalissade : "un
document n'est vrai que s'il provient directement d'une source
fiable".
De
son côté, Stanton Friedman s’interrogea sur l’attitude du
gouvernement et voulut savoir s’il était si transparent qu’il le
disait. Grâce à ses relations dans le monde diplomatique et la sécurité
nationale, il apprit de source sûre qu’il existait un dossier top
secret et réservé touchant l’ufologie. Il voulut en prendre
connaissance mais les autorités ne lui remirent que 4 pages,
stipulant qu’il n’existait aucune autre archive. Sans se décourager,
Friedman porta l’affaire devant les tribunaux compétents et
trouva un avocat près à poursuivre les responsables des
institutions concernées. En l’espace de quelques années, le
petit feuillet se transforma en... 4000 pages ! Comme le dira avec
ironie Friedman lors d’une interview réalisée en 1994, “Quand
on vous donne une information, dites-vous qu’il en existe mille
fois plus”.
Devant
la tournure des évènements, les contradictions des témoins
officiels et l'accumulation des indices, Steven H. Schiff prépara
un dossier de 167 pages contenant les déclarations de 29 témoins
et le présenta au General Accounting Office (GAO), l'équivalent
de notre Cour des Comptes, mais dont les moyens financiers pour enquêter
sont sans commune mesure et dépassent annuellement les 500 millions
de dollars. Le dossier fut accepté et publié dans plusieurs
journaux dont le célèbre Washington Post.
Le GAO débuta son enquête en février 1994 auprès de l’US Air
Force. Cette dernière lui remit un rapport fin juillet de la même
année. Accompagné d’annexes, ce document devint le “Roswell
Report”
qui fut publié en 1995, une compilation de 600 pages recto-verso que de nombreux ufologues
continuent à dénigrer car il ne traite, disent-ils, que des
ballons Mogul et rejette d’emblée l’hypothèse extraterrestre.
Ce rapport sera suivi en 1997 d'un deuxième volume intitulé "Case
closed". Pour l'USAF, et la plupart des gens, l'affaire était
clôturée.
Prochain chapitre
4e
épisode : le film
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