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Les régions polaires

Le pôle Nord sous l'oeil scrutateur des satellites. Document T.Lombry.

A la découverte des pôles (I)

Les régions polaires représentent tout un monde à elles seules, riche par leur faune et leur flore qui ne sont pas seulement limitées à la mer, leur climat extrême et pourtant supportable pour de nombreuses espèces, et leurs particularités sur le plan géophysique (géologie, glaciologie, océanographie, géomagnétisme, etc). Le sujet étant vaste, nous allons nous limiter à l'essentiel pour ne pas transformer cet article en encyclopédie, certains détails étant développés dans d'autres pages (bioastronomie, aurores, météorites, etc). Des références seront indiquées à la fin de l'article.

L'Arctique

Le pôle Nord de la Terre est recouvert de glace de mer, la banquise, une étendue salée, flottant sur l'océan Arctique. Il n'y a donc pas de continent au pôle Nord et c'est pour cette raison que les sous-marins nucléaires peuvent le traverser et même localement percer la glace, nous offrant des images assez insolites comme on le voit dessous..

L'Arctique tire son nom de la constellation "Arktos" signifiant ours, par allusion à la constellation de la petite ourse qui abrite l'étoile Polaire. Ce ne sera malheureusement plus le cas dans 11000 ans, lorsque Véga, située dans la constellation de la Lyre, deviendra l'étoile polaire. D'ici là, nos descendants auront eu le temps de modifier la nomenclature des atlas terrestres et célestes.

Sur le plus océanographique, une partie de la glace de mer du pôle Nord fond en été. En hiver, il demeure en permanence une couche d'au moins 1 mètre d'épaisseur qui peut localement atteindre 20 mètres d'épaisseur sur les crêtes. La glace qui ne fond pas et s'accumule au fil des saisons forme une couche qui peut atteindre localement 4 mètres d'épaisseur.

La glace Arctique s'étend sur plus de 13 millions km2 en hiver, soit au moins 15% de moins que celle de l'Antarctique. Mais en 30 ans, à la fin de l'été sa superficie est passée de 7 millions de km2 en 1979 à 3.5 millions km2 en 2012.

Rappelons que c'est également au Groenland, dans la région d'Ishua située près de Godhab que le micropaléontologue Vic MacGregor et son équipe ont découvert l'une des plusieurs anciennes traces de vie fossilisée. Elle remonte à 3.8 milliards d'années.

Webcam en direct du Pôle Nord (NOAA) - Atlas of Antarctic Research (USGS)

Ci-dessus à gauche, le Groenland photographié au printemps depuis la navette spatiale au cours de la mission STS-45 le 2 avril 1992 à quelque 300 km d'altitude. A droite, une photo satellite du Groenland par une journée particulièrement exempte de nuages le 11 février 2001. Ci-dessous, le sous-marin américain USS Trepang (SSN 674) et trois autres sous-marins de la Navy faisant surface... au pôle Nord. Documents NASA, F.Valk et D.J.Rogers/Navy.

Sur le plan politique, quel pays administre l'Arctique ? En fait l'Arctique est administrée par le Conseil de l'Arctique comprenant notamment les représentants des pays ayant des territoires autour du pôle Nord. Légalement l'Arctique définit toute la région située entre le pôle Nord et le célèbre Cercle Arctique situé à 66°33' de latitude nord. Dans cette région se trouve 8 pays, chacun administrant une partie du territoire : le Danemark qui administre le Groenland, l'Islande, les pays Scandinaves (Norvège, Suède et Finlande), la Russie, le Canada et les Etats-Unis (l'Etat d'Alaska). Six associations et Conseils représentants les populations autochtones ont également un statut de membre permanent au Conseil de l'Arctique parmi lesquels les Aléoutes, les Inuits, les Saami, les Athabaskans et les Gwich'in. Enfin, 13 pays et diverses organisations politiques ont souhaité assurer un rôle d'observateur au Conseil de l'Arctique parmi lesquels l'Allemagne, le Royaume-Uni, la France, l'Espagne, la Suisse, la Chine, l'Union Européenne, le WWF et même la Fédération internationale de la Croix-Rouge parmi de nombreuses autres. Notons que les décisions ou plutôt les déclarations adoptées par le Conseil de l'Arctique ne sont pas contraignantes.

Le rôle du Conseil est de gérer l'Arctique en coopération avec ses membres. Cela comprend des actions comme la surveillance du territoire, l'évaluation du climat, la gestion des urgences, la protection de l'environnement, le développement durable ou encore des programmes concernant les polluants dont la durée de vie est bien plus longue que sous d'autres latitudes en raison du froid.

Le Groenland, terre Inuit

La région du pôle Nord est inséparable de sa principale population indigène, les Inuits, "homme" (Inuk) en langue Inuit et "Eskimos" en langue indienne qui signifie "homme mangeur de viande crue". Ils sont aujourd'hui principalement établis au Groenland, territoire danois, mais s'agissant d'un peuple nomade, il existe des tribus Inuits jusqu'en Sibérie, en Alaska et sur les îles de la Mer de Béring.

En revanche, il n'existe aucun peuple indigène en Antarctique, le continent blanc austral étant trop éloigné des autres continents et situé dans une contrée très difficile d'accès par la mer pour de frêles embarcations.

Le Groenland est un territoire distinct du pôle Nord mais dont la partie la plus nordique (83.4°N) se trouve au-delà du cercle Arctique et se mêle à la calotte polaire, d'où la confusion. C'est donc une région assimilée au pôle Nord mais elle est tellement vaste que sa partie sud s'étend plus bas que l'Islande et se trouve à la latitude des îles Shetland, au nord de l'Ecosse (60°N). Le pays connaît donc à la fois des régimes polaires, océaniques et tempérés.

A voir : Elephant Foot Glacier

A gauche, malgré l'occidentalisation de la société Inuite, les coutumes ont été préservées, ici pour des raisons pratiques. A droite, un des nombreux majestueux canyons ou fjords du Groenland. Voici celui du glacier de Steensby situé à 81°N. Notons que l'Antarctique abrite des canyons encore plus vastes mais ils sont recouverts sous la neige comme l'explique l'article du magazine "Geology" publié en 2015. Documents Jocelyne Ollivier-Henry et NASA/GSFC.

Le Groenland est également très différent du pôle Nord sur le plan géologique. Il s'agit d'un île et non pas d'un continent comme on pourrait l'imaginer d'une superficie de 2.2 millions de km2 équivalente à 4 fois celle de la France. 80% de sa superficie est recouverte par l'inlandsis, une calotte glacière qui peut localement atteindre 3 km d'épaisseur. Bien que situé plus bas en latitude que l'Antarctique, les précipitations (55 mm par an) y sont à peine plus abondantes et sont grosso-modo 10 fois inférieures à la moyenne Européenne qui oscille entre 50 et 100 mm ou litres/m2 par mois. La glace fond également plus vite qu'en Antarctique.

Du point de vue politique, bien que le Groenland soit administré par le Danemark, d'un point de vue douanier, le Groenland n'a pas été intégré à l'Union Européenne. Les ressortissants européens doivent donc disposer d'un passeport en cours de validité s'ils souhaitent s'y rendre. Aucun vaccin n'est requis.

Le peuple Inuit conquit le Groenland ainsi que toutes les terres polaires au cours de la dernière glaciation qui réunit les régions polaires à l'Asie et à l'Amérique du Nord il y a environ 15000 ans. Comme toutes les tribus nomades ils vivaient de chasse et s'accoutumèrent aux conditions polaires, devenant d'habiles chasseurs de phoque, d'ours et de morse.

Nuuk, capitale du Groenland, 15000 habitants. A l'inverse de ce que ce qu'indique cette photo, cette région de la côte ouest n'est pas enneigée ou envahie par les glaces toute l'année. La glace de mer notamment qui descend du Canada libère la mer entre juin et novembre. La région est même sèche, sans trace de neige en été. Document Jensjk.

Les Inuits ont hérité leur culture actuelle de trois grandes migrations successives. La plus ancienne remonte à l'époque du pré-Dorset; aux environs de -3000 avant notre ère et se prolongea jusqu'aux environs de l'an 500 de notre ère dans le Nouveau Monde. Selon les anthropologues, c'est durant cette époque qu'ils auraient inventé le harpon à pointe basculante, les lances ainsi que les premiers igloos. La seconde vague de migration remonte au Dorset (800-500 avant notre ère à 1100 de notre ère) et provient d'Amérique du Nord. Vient ensuite la civilisation de Thule (vers 900 de notre ère) dont les Inuits ont gardé l'essentiel des us et coutumes.

Aujourd'hui, le peuple Inuit rassemble environ 160000 personnes. Quelque 56000 Inuits vivent au Groenland dont 15000 dans sa capitale Nuuk (64.1°N, 51.7'O), située dans une péninsule à l'ouest de l'île (environ 3500 km de Bruxelles ou Paris). Rappelons que les Etats-Unis ont toujours une base militaire au Groenland, Thule AFB.

Plus aucun Inuit ne vit dans les igloos, si ce n'est exceptionnellement... pour réaliser un documentaire ou à titre commémoratif ! Comme au Canada ou en Finlande, toute la population loge dans des maisons en bois et très colorées ayant tout le confort moderne, y compris Internet et depuis la fin de la seconde guerre mondiale, la majorité des habitants se déplacent en 4x4, en autobus ou en motoneige. Les traîneaux de chiens sont généralement réservés aux loisirs ou sont utilisés par les familles isolées, éloignées des centres urbains.

Si la population Inuit a longtemps fait l'objet de discrimination et souffre encore aujourd'hui de difficultés d'insertion professionnelle et économique, aujourd'hui ses membres revendiquent leurs terres et leur culture. La plupart des Inuits sont scolarisés jusqu'à 18 ans, les aînés poursuivent leurs études au Danemark, au Canada ou en Russie, ils sont trilingues, parlant l'une des trois langues inuites et le danois ainsi que l'anglais ou le russe.

En novembre 2008, par référendum les Groenlandais ont demandé sinon leur indépendance, du moins une autonomie élargie.

Les animaux de la région Arctique

Contrairement aux apparences, la grande région Arctique (Groenland, Svalbard dont le Spitzberg, Grand Nord Canadien, Mer de Béring et toundra Sibérienne incluses) est loin d'être un lieu sans vie, tant sur le continent que dans la mer ou dans les airs. Le froid n'est qu'une notion relative et bien des animaux s'en accomodent très bien ainsi que nous allons le découvrir.

Sur terre

Du fait de l'implantation des Inuits au Groenland, ces territoires sont le berceau du "chien eskimo" groenlandais que connaissent bien les mushers. L'origine du chien groenlandais demeure mystérieuse. On sait qu'il provient de la domestication du loup, comme tous les chiens de race, mais l'origine de son élevage par les Inuits reste un mystère. Aujourd'hui il existe 5 races de chiens dit de traîneau mais les 4 autres dont le huskie et le malamute sont originaires du continent (Sibérie et Alaska) et leur race ne remonte pas au-delà de la fin du XIXe siècle.

La grande région Arctique est le seul lieu sur Terre où l'on trouve des ours blancs, le tigre polaire, le renne, le lapin actique, le lièvre arctique, le renard polaire, le lynx du Canada, le caribou, le bœuf musqué et la chouette des neiges (cf. MNN).

A gauche, un lynx des neiges ou lynx du Canada (lynx canadensis) qui vit dans les forêts du Canada et de l'Alaska. On le trouve aussi dans une partie des montagnes Rocheuses aux Etats-Unis. A droite, des rennes (Rangifer tarandus platyrhynchus) près de Kongsfjorden dans le nord-ouest du Spitzberg (79°N). Ils se nourrissent de mousses et de lichens. Documents D.R. et Glaciers Online.

Notons que certains de ces animaux comme l'ours blanc et le renne peuvent résister à des températures de -80°C grâce à leur épaisse fourrure et leur couche de graisse ainsi que leur museau densément parcouru de capillaires qui modèrent les chocs thermiques entre l'air froid extérieur et l'intérieur du corps. En revanche, les chiens eskimos ne peuvent pas survivre en dessous de -50°C.

L'ours blanc ou ours polaire (Ursus maritimus) vit uniquement dans la région Arctique. Selon une étude publiée en 2010 par Andrew E. Derocher de l'Université d'Alberta et ses collègues consacrée au génome des ours, l'ours blanc a divergé de l'ours brun il y a environ 150000 ans. Leur ancêtre Ursus commun est apparu il y a 6 millions d'années et était lui-même issu d'une divergeance entre les ours et les ratons-laveurs survenue il y a environ 30 millions d'années. Notons que le croisement entre un ours blanc et un ours brun donne des hybrides fertiles. Cela confirme qu'ils appartiennent à la même espèce. Il existe deux sous-espèces d'ours blanc : l'Ursus maritimus maritimus et l'Ursus maritimus marinus bien que la distinction soit aujourd'hui remise en question.

L'ours blanc compte parmi les prédateurs les plus féroces, plus agressif même que le tigre, et comme lui il est omnivore, ce qui témoigne d'un grand sens de l'adaptation. Son territoire de chasse s'étend sur toute la banquise et les terres polaires, allant du nord de la Norvège et de la Sibérie au Groenland en passant par le Canada, à l'exception de la région du pôle Nord qu'il ne fréquente pas en raison de l'absence d'eau libre. L'ours blanc est un excellent nageur qui, si nécessaire, peut parcourir plusieurs dizaines de kilomètres en eau libre pour attraper un phoque et c'est également un pêcheur de saumons de rivière très habile. Son odorat 2000 fois plus sensible que celui des humains lui permet de sentir une odeur à 32 km !

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L'ours blanc (Ursus maritimus) est un animal solitaire et dangereux. Il est capable de sentir l'odeur d'une proie à 32 km. C'est aussi un prédateur très intelligent, curieux et persévérant qui est aussi à l'aise sur la terre ferme que sur la neige ou dans l'eau. Documents Only HD Wallpapers et HD WallSource.

L'ours blanc n'hiberne pas mais creuse une tanière dans un banc de neige dans lequel il s'abrite et passe régulièrement en état d'hivernation au plus fort de l'hiver. S'il ne trouve pas de nourriture, il peut aussi hiverner quelques semaines en attendant des jours meilleurs et répéter cette hivernation dite itinérante plusieurs fois au cours de l'année. Mais à force de ne pas se nourrir, on a déjà vu des ours blancs tellement amaigris qu'on estime qu'ils ne passeront pas le prochain hiver.

Faute de trouver suffisamment de nourriture, à l'instar des loups arctiques, les ours blancs se rapprochent parfois dangereusement des villes ou des stations scientifiques, au point que certains habitants sont obligés de les tuer pour ne pas mettre leur vie ou celle de leur famille en danger.

Rappelons que les Inuits ont la permission de tuer quelques ours polaires (ainsi que quelques poques et des morses) chaque année pour leur usage personnel, mais ils doivent respecter des quotas (ils ne peuvent pas exemple plus chasser les narvals). La chasse est ouverte entre novembre et juillet mais elle dépend de la présence de la banquise. Sans banquise, la chasse à l'ours se réduit à l'inlandsis (la couche de glace couvrant la terre ferme) et c'est tout un mode de vie qui est en train de disparaître pour les Groenlandais.

Un jeune ours blanc se protégeant sous sa maman. Document Brian Matthews/SWNS. Voici d'autres photos.

Aujourd'hui, selon l'IUCN l'ours blanc est une espèce menacée d'extinction du fait que le réchauffement du climat fait fondre la banquise qui constitue son principal habitat et sur laquelle il se repose. Il en est de même pour les jeunes phoques et les morses.

On estime qu'entre 2030 et 2050, en été la banquise pourrait disparaître. La taille de la banquise diminuera d'au moins 50% d'ici 2050 ou 2100. En tenant compte du taux de disparition actuel de la population des ours blancs, selon une estimation de l'IUCN faite en 2015, plus de 30% des ours blancs disparaîtront d'ici 2050-2055.

En l'absence de banquise, l'ours blanc est privé de tanière. Il peut monter sur la terre ferme et gravir les rochers à la recherche de petits mammifères, d'oiseaux et d'oeufs mais cela n'équivaut pas à la quantité de graisse qu'il peut trouver sur un phoque. Excellent nageur, il peut aussi passer d'île en île à la nage. Il chasse aussi en mer et peut ainsi passer 60% de son temps dans l'eau.

On ignore si l'ours blanc va s'adapter rapidement au changement climatique. En effet, l'ours blanc ne peut pas vivre sur la terre ferme comme son cousin l'ours brun que l'on trouve au Canada et en Alaska. L'ours blanc est un gros mangeur qui ne pourrait pas survivre avec le peu d'aliments à disposition de l'ours brun. La preuve est que ce dernier est généralement deux fois plus petit que son grand frère blanc de l'Arctique. Quant à l'ours observé en Écosse en 2017... c'était un poisson d'avril !

Enfin, on n'image pas déplacer les ours blancs en Antarctique. En effet, le climat y est tellement inhospitalier et l'ours blanc tellement bien adapté au climat boréal, qu'on présume qu'il mourrait en quelques générations. De plus, les conséquences de l'introduction d'un tel animal dans un biotope totalement démuni face à un tel prédateur équivaut à condamner à mort les manchots et les pingouins, bref se serait une véritable hécatombe.

Selon le WWF, en 2019 la population des ours blancs comptait entre 22000 et 31000 individus mais elle diminue chaque année. Selon une étude publiée en 2015 par Elizabeth Peacock de l'USGS et son équipe, suite au réchauffement du climat, les ours blancs commencent à migrer du sud du Canada et du bassin polaire oriental de l'Arctique (nord de la Sibérie) vers l'archipel canadien, c'est-à-dire la région la plus froide située le plus au nord du Canada, au nord-ouest du Groenland.

Selon les derniers recensements effectués dans le nord du Canada, les ours blancs femelles ont perdu plus de 10% de leur poids en 50 ans, passant de 260 kg à 230 kg en moyenne (et un grand mâle peut atteindre 700 kg). En dessous de 180 kg, la femelle reporte les naissances à l'année suivante. Sans parler du fait qu'une femelle ayant mis bas peut jeuner durant plus de 6 mois si c'est nécessaire afin que son ourson prenne des forces. Aussi, malgré son apparente bonne constitution, d'ici une ou deux générations, on pourra dire que ce sera l'enfer pour l'ours blanc !

Un harfang ou chouette des neiges (Bubo scandiacu) typique de la toundra arctique du nord du Canada.

Dans l'air

Selon un récensement établit en 1998 par Yu Chernov, dans l'air glacial de l'Arctique volent 280 espèces d'oiseaux dont 201 espèces au nord du Canada et en Alaska (cf. les listes du FWS et MNN) dont la plupart migrent vers le sud en hiver. Parmi ces oiseaux adaptés au climat Arctique citons la bernache, le bruant, la chouette harfang, le faucon pélerin, la sterne arctique, la mouette tridactyle, le pétrel fulmar, le goéland arctique, le cormoran et même le grand corbeau.

L'Arctique abrite également environ 700 espèces d'insectes dont le moucheron, le moustique, le papillon et l'araignée.

Dans la mer

La mer du Groenland est encore plus riche que le continent. Au gré des migrations saisonnières, c'est le lieu de rassemblement des baleines grises, des baleines du Groenland, de plusieurs espèces de baleines à dents (bélugas, narvals, globicéphales noirs), des rorquals, des cachalots, des marsouins, des morses, de plusieurs espèces de phoques et de nombreux poissons communs sur nos étales (flétan, morue, rouget, saumon, requin, loup marin, grenadier, capelan, omble chevalier), sans parler des immenses bancs de krills et de sardines dont se nourrissent les mammifères marins.

La nuit polaire

Compte tenu de l'inclinaison de l'axe de la Terre sur le plan de son orbite (23°27'), au cours de sa révolution annuelle, toutes les régions ne sont pas éclairées de la même façon par le Soleil. En été par exemple, comme on le voit ci-dessous à gauche, le Soleil éclaire le pôle Nord en permanence tandis que le pôle Sud est plongé dans la nuit.

Position du pôle Nord en fonction des saisons. Document T.Lombry.

Dans l'hémisphère nord, au-delà du Cercle Arctique (66°33' N), entre le 23 septembre et le 21 mars, le Soleil ne se lève pas car le pôle est plongé en permanence dans l'ombre de la Terre. Nous assistons à une nuit qui dure 6 mois avec une sorte de crépuscule permanent en mars et en septembre, d'autant plus long que la latitude est basse. Chacun reste chez soi, calfeutré derrière ses volets ou passe son temps dans les cafés et magazins éclairés à la lumière artificielle qui connaissent un regain d'activité.

La nuit polaire est une période qu'on peut qualifier de redoutable à tout point vue, d'abord glaciale avec des températures qui peuvent descendre en dessous de -40°C, mais aussi morne et désespérante à laquelle les hommes ne se sont jamais habitués. La situation est inversée en Antarctique et les scientifiques comme les touristes n'ont pas manqué de tirer profit de cette opportunité. L'hiver dans l'hémisphère nord est en effet une saison propice aux expéditions vers le continent Antarctique où la présence permanente du Soleil garantit quelques nuits blanches...

Rappelons que lorsque le pôle Nord est plongé dans l'obscurité, dans l'autre hémisphère, à 180° de distance et plus précisément à 23°26' de latitude Sud, le Soleil peut être observé au zénith. Cela se produit un seul jour par an, le jour du solstice d'hiver, le 21 ou le 22 décembre à la latitude du Tropique du Capricorne. Inversement, en été dans l'hémisphère nord le Soleil est à la verticale du Tropique du Cancer un seul jour par an, le jour du solstice d'été, le 21 ou le 22 juin, tandis que le pôle Sud est déjà plongé dans la nuit permanente depuis fin mars jusque septembre.

Le "Soleil de minuit"

Les principales villes touristiques situées à plus de 60°N concernées par le "Soleil de minuit". Un horizon ouest dégagé est évidemment indispensable. Document T.Lombry.

Où et quand peut-on observer le "Soleil de minuit" ? Dans l'hémisphère nord, ce phénomène est visible aux latitudes polaires aux alentours du solstice d'été, le 21 juin. On peut l'observer à partir du Cercle Arctique (66° 33' N), en Scandinavie (Finlande ou Lapland, en Norvège et en Suède (Laponie), en Islande, au Groenland, au Canada, en Alaska et en Sibérie.

Il n'y a pas de distinction entre le jour permanent et le "Soleil de minuit". On qualifie de jour permanent, le fait que le Soleil ne se couche pas durant 24 heures. Cela se produit en été au-delà du cercle Arctique (ou en hiver au-delà du cercle Antarctique).

L'essentiel est de trouver un endroit particulièrement dégagé du côté ouest, de préférence en bordure de mer, d'un lac,  à bord d'un navire ou depuis un relief. Saint Pétersbourg, Bodo, Tromso et Cap Nord sont justement bien placés pour observer le secteur ouest et le Soleil rester suspendu au-dessus de l'horizon. Au Canada, la rive québecquoise située au nord-est de la Baie d'Hudson (Ivujivik) ou les Territoires du Nord-Ouest (Yellow Knife, Echo Bay) ainsi que la côte ouest du Groenland (Nuuk) et l'Alaska sont également des lieux privilégiés. En cadeau vous aurez même droit aux aurores boréales.

Parmi les lieux réputés, citons le Svalbard (Spitzberg, ~78° N), où les Norvégiens voient le Soleil en permanence entre le 19 avril et le 23 août. A cette latitude, le 21 juin à midi locale le Soleil s'élève à 35° au-dessus de l'horizon. On parle bien sûr de "Soleil de minuit" puisque ce jour là il est encore... 12° au-dessus de l'horizon à minuit !

Au Cap Nord (Nordkapp, 71° 10' N) qui est le point le plus septentrional de l'Europe continentale, le jour permanent s'étend du 12 mai au 31 juillet. Le 21 juin à minuit le Soleil se trouve à 5° au-dessus de l'horizon.

A Bodo (67° 17' N), le "Soleil de minuit" survient entre le 3 juin et le 8 juillet. Le 21 juin à minuit, le Soleil frôle l'horizon à ~1° d'élévation.

On peut aussi l'observer depuis l'île de Grimsey (66° 32' 59.99" N) située à 69 km ou 3 heures de ferry au nord de l'Islande dont le pays célèbre par ailleurs le solstice d'été le 21 juin hérité des Vikings.

On peut l'observer en Alaska durant les mois d'été à Point Barrow (71° 23' N), Deadhorse (70° 12' N) ou à Toolik Field Station (68° 38' N).

Enfin, on peut observer le "Soleil de Minuit" à Mourmansk (68° 58' N), en Russie, entre le 22 mai et le 23 juin.

A voir : Midnight Sun in the Arctic (Toolik Field Station), PolarTEC

A consulter : Heures de lever, coucher et durée du jour (PTAFF) - Webcams

A gauche, le "Soleil de minuit" au-dessus des falaises du Cap Nord en Norvège (71°10' N) le 10 juillet 1998 à 1h30 du matin. A droite, exposition multiple du "Soleil de minuit" le 4 juin 1996 en Alaska. Documents Pascal Laurent et Design Pics inc/Alamy.

Même à Saint Pétersbourg (59°56'°N, dans le Golfe de Finlande) située 750 km en dessous du cercle Arctique, les "Nuits blanches" sont célèbres à travers le monde. Elles s'étalent de fin mai à début juillet durant lesquelles les couchers de Soleil enveloppent la région de couleurs fantastiques, flamboyantes ou pastelles. Un lieu à visiter, d'autant que le climat s'y prête à cette époque de l'année (11 à 21°C en été). Faites seulement attention à choisir un lieu de séjour près d'un canal dont le pont reste baissé durant la nuit sinon vous ne pourrez pas vous déplacer.

A cette latitude, le 21 juin le Soleil finit par se coucher après 18h50 d'ensoleillement, vers 23h14 locale. Du point de vue astronomique il y a donc un crépuscule (nautique et astronomique) mais il est interminable et le ciel reste lumineux durant la nuit, si bien que la population de la ville tsarine reste éveillée jusque 3 heure du matin. Curieusement, durant cette période, la plupart des commerces n'ouvrent plus si tôt que d'habitude...

Les icebergs

Un autre phénomène typique des régions polaires sont les fameux icebergs (prononcer "isberg", car le mot a été emprunté au norvégien). Lorsque les calottes polaires fondent ou que les langues glacières aboutissent à la mer et se brisent dans l'océan, il se forme des icebergs, des blocs de glace flottantes constitués d'eau douce dérivant au gré des courants. Leur densité étant de 0.92 contre 1.025 pour l'eau de mer, ils flottent sur l'eau mais la partie émergée ne représente qu'entre 1/7e et 1/8e (14 à 12%) de leur volume total, dont l'essentiel se trouve sous le niveau de la mer en vertu du principe d'Archimède. Ce sont des stuctures monumentales impressionnantes et souvent d'une grande beauté quand la lumière du Soleil frappe leur surface ou se diffuse dans la glace.

Ci-dessus à gauche, un iceberg en Arctique présentant une petite arche. A sa droite, un petit iceberg en pinacle photographié au Groenland. Ci-dessous à gauche, un iceberg tabulaire dérivant au large du continent Antarctique. Bien que monumental (~20 m de haut), plus de 6/7e de son volume est situé sous le niveau de la mer. L'expression "on ne voit que la partie émergée de l'iceberg" prend ici tout son sens comme on le voit sur l'image de droite prise en Antarctique, à Pleneau Bay. Documents Shutterstock, Visit Greenland, NCDC/NOAA et NGM/Jonathan Green.

Neal Thayer, un océanographe américain spécialisé dans la biologie marine et la glaciologie, considérait les icebergs comme des "roches métamorphiques constituées d'eau". Leur glace est en effet formée sous l'effet de la pression et leur durée de vie est similaire à celles de la roche et se fracture de la même manière.

Classification

Dans le cadre de ses missions de surveillance, le bureau de l'International Ice Patrol (IIP) de l'USGS a classé les icebergs en 5 catégories en fonction de leur taille :

- Glaçon (Growler) : 1.5 m de hauteur, < 20 m de longueur, poids < 120 t

- Fragment de berg (Bergy bit) : 1.5 à 5 m de hauteur, entre 20-300 m de longueur, poids compris entre 120 à 5400 t

- Petit berg (Small berg) : 5 à 15 m de hauteur, plus de 300 m de longueur, poids compris entre 5.4 kt et 180 kt

- Moyen berg (Medium berg) : 15 à 45 m de hauteur, plus de 300 m de longueur, poids compris entre 180 kt et 2 Mt

- Grand berg (Large berg) : plus de 45 m de hauteur, plus de 300 m de longueur et poids > 2 Mt

La forme des icebergs a également été classée en différentes catégories :

- Tabulaire (Tabular) : dont le rapport entre la longueur et la hauteur est supérieur à 5

- Trapu (Blocky) : dont le rapport entre la longueur et la hauteur est compris entre 3 et 5

- Cale sèche (Drydock) : en pente douce dont la surface est irrégulière suite à l'érosion

- En pinacle (pinnacled) : une flèche centrale ou une pyramide s'élève très haut au dessus de l'eau par rapport au volume de l'iceberg

- Dôme (Dome) : la surface douce et arrondie, typique d'un iceberg qui a récemment basculé.

Ci-dessus à gauche, un extraordinaire iceberg au large de Newfoundland découvert par des kayakistes en 2015. Au centre et à droite, des glaçons échoués sur une plage en Islande. En général, ils mesurent entre 1 et 2 m de hauteur. Voici d'autres glaçons libérés par le glacier Bay National Park en Alaska. Ci-dessous, un iceberg tabulaire d'environ 20 m de hauteur, des icebergs bleus et des manchots d'Adélie sur un iceberg bleu photographiés depuis un navire au large des îles South Sandwich en Antarctique par Cherry Alexander en 1995. Documents Reddit, CanStockPhoto, Wallup, Andrew Shepherd/Julian Dowdeswell/SPRI, Pinterest et Frans Lanting/Antarctic Connection.

La couleur de la glace

Si l'eau glacée est en théorie transparente et la neige blanche lorsqu'elles sont pures, la plupart des icebergs et autres glaçons contiennent des impuretés issues de l'activité industrielle et de l'activité naturelle (érosion, cendres et poussières) qui sont emportées par les vents. Ils paraissent blancs du fait que la glace réfléchit 80% de la lumière, 4 fois plus que l'eau.

En de rares occasions, ils peuvent être colorés, généralement après avoir basculé. Ils peuvent présenter une couleur bleue lorsqu'ils emprisonnent des bulles d'air sous pression. Elles diffusent alors la lumière de la même manière que l'air de l'atmosphère. Phénomène très rare, les glaçons et petits bergs peuvent être noirs lorsqu'ils sont composés de glace de haute densité et sans bulles; les couches sombres indiquent la présence de matériaux rocheux provenant de la base du glacier parent. Parfois, ils peuvent être verts lorsqu'ils contiennent beaucoup d'algues vertes ou des poussières contenant du fer, y compris la partie immergée (cf. cet article) ou lorsque le Soleil est bas sur l'horizon et illumine un iceberg bleu.

Des icebergs noirs (les plus rares), bleu-noir et tout en nuances de vert-jade. Documents Rundboll (mais photographe inconnu), Alex Cornell, AWI, Steve Nicol, AUSCAPE/UIG /Gettyimages et Scientific American.

Les marins habitués de voyager dans les régions polaires disent que durant la nuit ou par des conditions brumeuses il est impossible de voir les icebergs mais on peut très bien les entendre et les sentir. Un vieux marin aurait rapporté qu'ils sentent comme les concombres.

Ce n'est un secret pour personne, bien que présentant une faible densité, la masse des icebergs est un obstacle majeur pour la navigation. Là où un paquebot peut encore briser la banquise quand elle n'est pas trop épaisse, et mieux encore un brise-glace, face à un iceberg de plus de 5 m de hauteur, le combat est vain.

Un "petit" iceberg de 15 m de haut pour une centaine de mètres de longueur pèse environ 125000 tonnes soit autant qu'un grand bateau cargo chargé de conteneurs ! Du fait que ces icebergs dérivent sur la mer au gré des courants, en 1912 l'un d'entre eux s'est retrouvé au large de Newfoundland au Canada par 42°N (latitude de Boston) et fit tristement entrer le soi-disant insubmmersible Titanic dans l'Histoire.

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Paysages typiques des eaux prises dans les glaces : banquise, congères et glaçons sont entremêlés. A gauche, une photo prise au Groenland, à droite sur le lac Baïkal, en Sibérie. Document Greenland4u et Alexey Trofimov.

Il paraît étonnant que des icebergs dérivent si loin au sud, mais à notre époque ce n'est pas inhabituel. Il faut savoir que chaque année la région Arctique libère quelque 40000 icebergs. Généralement, une fois qu'ils atteignent les eaux plus chaudes associées au Gulf Stream, il se brisent et fondent rapidement. Mais à certaines occasions un ou deux petits icebergs ont été observés au large des Bermudes, à environ 32° de latitude Nord ! Plus près de l'Europe, en hiver il est courant d'observer des icebergs en Islande (~65°N), y compris échoués sur les plages de cendre noire et dans les îles Féroé (62°N). 

Selon l'International Ice Patrol, le nombre d'icebergs dérivant au sud du 50e parallèle varie d'une année à l'autre. Ainsi, en 1929 et faisant suite aux mesures de surveillances mises en place après la catastrophe du Titanic, plus de 1000 icebergs furent comptabilisés par l'IIP alors qu'on en vit aucun en 1966. Cette variation dépend plus du niveau d'activité dans la zone de formation des icebergs que du climat ou d'autres facteurs.

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