roger15

Pourquoi y a-t-il parfois certaines années un 29 février ?

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Pourquoi y a-t-il parfois certaines années un 29 février ?


Bonjour à toutes, et bonjours à tous,

Aujourd'hui nous sommes le jeudi 28 février 2008. Comme le mois de février est un mois de 28 jours, nous devrions demain être le vendredi 1er mars 2008. Or, curieusement demain sera le vendredi 29 février 2008. Pourquoi cette curiosité ?

Les Astronomes d'aujourd'hui semblent hélas l'avoir oublié, mais durant les 17ème, 18ème, et 18ème siècles leurs prédécesseurs se sont battus pour enlever à l'Église catholique la suprématie de l'explication des rouages très compliqués du calendrier, jusqu'alors jalousement gardés par des Clercs spécialistes de ce domaine mystérieux, les "Computistes

La grande date pour notre calendrier actuel est l'an -44 des Astronomes (ou 45 avant Jésus-Christ pour les Historiens) où l'empereur romain Jules César a imposé "son" calendrier (que l'histoire appellera en son honneur "calendrier julien") établi selon les calculs de l'astronome égyptien Sosigène d'Alexandrie qui s'est basé sur une valeur de l'année tropique (celle qui ramène les saisons) de 365 jours et six heures. Cette valeur de 365 jours 6 heures (365,25 jours) a été la base du calendrier julien pendant 1 626 ans (entre -44 et 1582). Or, Sosigène savait déjà que la durée de l'année tropique était en réalité de 365 jours 5 heures et 49 minutes, soit 11 minutes de moins. Il a dû penser que ces 11 minutes étaient insignifiantes compte tenu de la très grande incertitude des calendriers jusqu'alors, et il avait raison. Il a dû supposer que quelqu'un proposerait un correctif à son calendrier lorsque ce dernier commencerait à diverger gravement avec la réalité astronomique constatée… C'est ce qui s'est effectivement produit, mais en 1582 seulement…

Et Sogigène a trouvé un moyen très simple de mettre en pratique cette année de 365 jours un quart : rajouter un jour au mois de février tous les quatre ans !… Mais Jules César, très superstitieux, a voulu ne pas offenser les Dieux et maintenir 28 jours, du moins en apparence, au mois de février. Pour cela il a inventé un stratagème : doubler le 24ème jour de février, mois qui conserverait ainsi 28 jours.

A cette époque on ne comptait pas les jours comme aujourd'hui en leur donnant une numérotation continue dans le mois, mais en les numérotant selon trois moments forts :

* le 1er jour d'un mois était appelé "calendes", donc le 1er mars était le jour des calendes de mars ;

* les "nones", le 5ème jour d'un mois (7ème jour en mars, mai, juillet et octobre) ;

* les "ides", le 13ème jour d'un mois (15ème jour en mars, mai, juillet et octobre).

Et dès le lendemain d'un de ces trois jours on comptait le nombre de jours avant la prochaine étape. Ainsi en février (les ides tombant le 13ème jour du mois) :
* 1er février : calendes de février ;
* 2 février : 4ème jour avant les nones ;
* 3 février : 3ème jour avant les nones ;
* 4 février : "pridie", jour avant les nones (donc tous les jours précédents étaient en fait décalés d'une unité par rapport à l'étape suivante) ;
* 5 février : jour des nones ;
* 6 février : 8ème jour avant les ides ;
* 7 février : 7ème jour avant les ides ;
(…)
* 11 février : 3ème jour avant les ides ;
* 12 février : "pridie", jour avant les ides ;
* 13 février : jour des ides ;
* 14 février : 16ème jour avant les calendes de mars ;
* 15 février : 15ème jour avant les calendes de mars ;
(…)
* 23 février : 7ème jour avant les calendes de mars ;
* 24 février : 6ème jour avant les calendes de mars ;
* 25 février : 5ème jour avant les calendes de mars ;
* 26 février : 4ème jour avant les calendes de mars ;
* 27 février : 3ème jour avant les calendes de mars ;
* 28 février : "pridie", jour avant les calendes de mars ;
* 1er mars : jour des calendes ;
* 2 mars : 6ème jour avant les nones ; etc.

Cela c'était pour les années "normales" (celles à 365 jours) ; pour les années à 366 jours voici qu'elle était le décompte :
* 23 février : 7ème jour avant les calendes de mars ;
* 24 février : 6ème jour avant les calendes de mars ;
* 24 février bis : bis-sextus ante calendas martias (double du 6ème jour avant les calendes de mars ; d'où l'expression "jour bissextile") ;
* 25 février : 5ème jour avant les calendes de mars ;
* 26 février : 4ème jour avant les calendes de mars ;
* 27 février : 3ème jour avant les calendes de mars ;
* 28 février : "pridie", jour avant les calendes de mars ;
* 1er mars : jour des calendes.

Cette curieuse manière de cacher le 366ème jour de l'année entre le 24ème et le 25ème jour de février ne prendra fin que vers les années 1650, où on prendra l'habitude de numéroter les jours uniquement dans leur ordre chronologique mensuel, et on affichera alors carrément un 29ème jour à février tous les quatre ans.

Nous avons vu plus haut qu'il y avait 11 minutes d'écart entre l'année dite "julienne" et l'année dite "tropique" qui ramène les saisons. Avec le temps, l'écart entre ces deux types d'années devenait très sensible :

* en un an : 11 minutes ;
* en 10 ans : 110 minutes de retard (1 heure et 50 minutes) ;
* en 100 ans : 1 100 minutes de retard (18 heures et 20 minutes) ;
* en 1 000 ans : 11 000 minutes de retard (7,64 jours) ;
* en 1 500 ans : 16 500 minutes de retard (11,46 jours).

Cela aurait pu continuer ainsi, si cela n'avait pas retardé la date de la fête de Pâques !!!… Car c'est bien là tout le problème qui a amené à la réforme du calendrier par le pape Grégoire XIII en 1582 : Pâques, du fait de la stupide rédaction de la règle fixée par le concile de Nicée (référence au 21 mars et non à l'équinoxe de printemps) prenait de plus en plus de retard et de fête printanière aurait fini par devenir une fête estivale.

Pour plus de détails voir mon récent article sur Webastro concernant le calcul de la date de la fête de Pâques : http://ns26004.ovh.net/~webastro/forum/showthread.php?t=29116

D'où la réforme de Grégoire XIII par la bulle "Inter Gravissima", signée le sixième jour des calendes de mars de l’an 1581 (24 février 1581), dont les deux points principaux sont :

* suppression de dix jours dans l'histoire du monde : le jeudi 4 octobre 1582 (calendrier julien) sera suivi du vendredi 15 octobre 1582 (calendrier grégorien) ;

* suppression du caractère bissextile à trois années séculaires (c'est-à-dire dont le millésime se termine par deux zéros) sur quatre. En pratique si les deux chiffres de gauche du millésime étaient divisibles par quatre (ainsi 1600, 2000 et 2400) l'année séculaire continuerait à être bissextile comme dans le calendrier julien, mais s'ils ne l'étaient pas (ainsi 1700, 1800, 1900 et 2100) l'année n'aurait que 365 jours et non 366 comme dans le calendrier précédent.

Le deuxième ne posa pas trop de problème… En revanche, le premier point fut unanimement rejeté par tous les états du monde, sauf trois : l'Italie, l'Espagne et le Portugal, et c'est tout !… Donc seulement les trois états très catholiques d'Europe, et leurs colonies. Tous les autres pays, les pays de rite orthodoxe, de rite protestant, et les pays mixtes comme la France n'ont pas suivi le souverain pontife. Pour eux le 4 octobre 1582 a bien été suivi du 5 et non du 15 ... Les clercs catholiques de France étaient bien embêtés, certes le Saint-Père leur demandait bien d'avancer le calendrier de 10 jours, mais non le roi de France qui était leur supérieur hiérarchique direct en vertu du Concordat de Bologne en 1516. Quand allaient-ils célébrer Noël ? le 25 décembre ou dix jours plus tôt ?

Fort heureusement une ordonnance du roi de France Henri III du 3 novembre 1582 décida que le lendemain du lundi 9 décembre 1582 serait le mardi 20 décembre 1582. Cette année-là l'Avent n'eut donc que deux dimanches au lieu des quatre habituels et Noël fut célébré dès le 15 décembre, selon l'ancien calendrier. Avec le ralliement de la France la réforme grégorienne gagna du terrain, d'autres états s'y rallièrent peu à peu : aux Pays-Bas les provinces catholiques le firent le lendemain du 14 décembre 1582, où ils fêtèrent Noël ; en 1584 pour les provinces catholiques de Suisse et d'Allemagne ; en 1586 en Pologne et en 1587 en Hongrie. Les provinces protestantes d'Allemagne, des pays-Bas et de Suisse n'adoptèrent le nouveau calendrier qu'en 1700, et enfin en 1752 ce fut le tour de la Suède et surtout de la Grande-Bretagne et ses colonies. Donc les États-Unis d'Amérique, indépendants depuis le 4 juillet 1776, n'ont toujours connu que le calendrier grégorien, dont ils sont un des plus ardents défenseurs. Ce n'est qu'entre 1918 et 1927 que les pays de rite orthodoxe (Bulgarie, Grèce, Russie, Turquie, Yougoslavie) ont adopté le calendrier grégorien, mais uniquement pour les usages civils. Pour les fêtes religieuses ils conservent leur vieux calendrier julien. Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, en 1945, les autres états du monde (les états asiatiques, africains, arabes et Israël) ont eux aussi adopté, plus ou moins officieusement, le calendrier grégorien pour leurs relations commerciales et diplomatiques.

Il est bon de le savoir, car tout projet de réforme de calendrier (ainsi le fameux "calendrier perpétuel" cher à Camille Flammarion), risquerait d'entraîner de nouveau une grave cacophonie dans la manière de compter les jours au niveau de la planète. Il a fallu plus de trois siècles pour que le calendrier grégorien soit reconnu comme calendrier international, ne brisons surtout pas ce très fragile consensus actuel…

Roger le Cantalien.

PS : pour ceux qui voudraient en savoir davantage, je leur conseille les trois ouvrages suivants :

* "Le calendrier" de Paul Couderc, astronome à l'observatoire de Paris, Presses Universitaires de France (collection "Que sais-je ? n° 203), paru en 1946 ;

* "Calendriers et chronologie" de Jean-Paul Parisot (professeur d'astronomie à l'Université de Bordeaux 1 ; astronome à l'Observatoire de Bordeaux) et Françoise Suagher (professeur de mathématiques au lycée Jules Haag à Besançon), éditions Masson, février 1997 ;

* "Pour observer le ciel" (septième leçon : "comment on dresse le calendrier d'une année" pages 157 à 181) du chanoine Théophile Moreux (directeur de l'Observatoire de Bourges), éditions Douin, paru en 1938.

[Ce message a été modifié par roger15 (Édité le 28-02-2008).]

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"Pourquoi y a-t-il parfois certaines années un 29 février?"

Il était bon de rappeler tous ces faits roger15, merci pour cette intéressante synthèse

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Et pour les collectionneurs, n'oubliez pas d'acheter votre exemplaire de "La bougie du Sapeur", journal paraissant tous les 29 février

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C'est super février..

Coluche nous l'avait bien rat pelé, c'est bien le mois de l'année pendant lequel les hommes politiques disent le moins de conneries....

Et en ce moment, avec les municipales, c'est chargé..!

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Vaufrèges?
Coluche, ou Desproges?
Pour Desproges je suis sûr, peut-être les 2

Cordialement,
Claude

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Bah..!... Claude, je ne l'ai entendu que de la bouche de Coluche. Mais Desproges en a tellement distillé..!

Tiens ça c'est du pur Desproges : "Alunissage : Procédé technique consistant à déposer des imbéciles sur un rêve enfantin"

Pardon de polluer Roger, et merci pour ton riche exposé.

[Ce message a été modifié par vaufrèges (Édité le 01-03-2008).]

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