Ulysse

CROA aux jumelles d'une nuit exceptionnelle

Messages recommandés

Voilà plusieurs jours que j’attendais une météo propice, et que j’espérais secrètement que le ciel me gratifierait, en guise de cadeau de Noël, d’une de ces nuits à la transparence exceptionnelle, comme il ne s’en produit que quelques unes par an. Hier après-midi (dimanche 28), les choses semblaient bien tourner : le ciel très pur et le soleil aveuglant à faible hauteur laissaient présager une grande nuit, pour peu que les nuages restent absents.
Au cours de la soirée, je prépare une carte du pôle nord que j’ai trouvée sur le site de Ciel Extrême. Je compte en effet estimer précisément la magnitude limite que je peux atteindre à l’œil nu, chose que je n’ai jamais vérifiée précisément ! Je contrôle avec le logiciel Cartes du Ciel la position des satellites de Saturne, et j’en reste là pour les préparatifs.

A 23h, je me décide enfin à sortir. Un manteau, des gants, des chaussures quelconques, mes jumelles 10x40 autour du cou et mes Takahashi 22x60 à la main, et me voilà dehors en moins de 3 minutes. Je ne prends aucun atlas, aucune carte. Comme souvent, mes départs sont précipités.

Dehors, je remarque tout de suite des étoiles très brillantes près de l’horizon. Le ciel est bien transparent comme je l’espérais. Je laisse les 10x40 dans le garage et j’installe seulement les 22x60 sur leur trépied. Pendant le montage ma vue commence à s’adapter à l’obscurité ; le halo lumineux de ma ville, qui en temps normal me gâche un bon tiers du ciel, est totalement absent ! Maintenant je le sais : la nuit est exceptionnelle.

Ma première cible est Saturne. Titan et Rhéa sont visibles au premier coup d’œil, alors que d’habitude j’ai quand même un peu de mal avec Rhéa. J’essaie d’apercevoir Téthis et Dioné, mais là je suis trop gourmand. En théorie ça devrait passer, mais ces deux satellites sont trop près de Saturne. J’essaierais une autre fois. Je contemple la planètes aux anneaux, magnifique. Je suis toujours impressionné par l’absence totale de bavure ou de halo, malgré la très grande luminosité de la planète.

Je passe ensuite à Orion. Aaaaah, le Trapèze... Ces quatre étoiles brillantes et si rapprochées sont splendides ! On dirait qu’elles ont été placées comme ça exprès pour mes jumelles : suffisamment rapprochées pour marquer les esprits, mais pas trop pour qu’elles restent bien séparées. Voilà un spectacle vu et revu dont je ne me lasse pas. La nébuleuse me déçoit presque : à part les extensions les plus lointaines, et un « bras » qui se détache très bien au sud, elle ne montre rien de plus que les autres jours. Pas de couleur verte. Ou alors avec beaucoup de concentration, c’est gris-verdâtre. Mais c’est un million de fois plus gris que verdâtre . Bon, finalement je préfère dire que c’est gris, c’est plus honnête.
Elle est pourtant bien belle cette nébuleuse. Je perçois un effet de perspective saisissant, avec le golfe noir en avant plan, et la nébuleuse se développant autour comme une immense corolle. De longues minutes se passent à contempler ce joyau.

Cap sur les Pléiades. Les nébuleuses autour des étoiles sont visibles faiblement, et identifiées sans ambiguïté grâce à celle se trouvant au sud de Mérope (23 Tau), qui déborde nettement de l’amas. Tiens, j’ai oublié NGC 2024, à coté de Zeta Orion. Hop, retour sur Orion. Cette faible nébuleuse en deux parties est parfaitement visible. La séparation entre les deux composantes me semble bien rectiligne, et assez large.

Les amas du Cocher sont presque au zénith, mais je tente cependant une observation acrobatique. M37 est vraiment très beau, avec beaucoup d’étoiles, et un espèce de noyau au centre. M36 est moins bien mais mon imagination y voit une empreinte de poule (ou de dinosaure, comme on voudra ). Surprise sur M38 : j’y vois la même forme, mais en plus grand !

Ensuite M81 et M82. La première montre un noyau assez large, et un joli dégradé de lumière autour. Je vois une petite étoile juste à côté du noyau, se superposant sur le disque. Une ou deux au fait ? J’ai un doute. Je me concentre, j’emploie la vision décalée, et au bout d’un moment le doute est levé : il y a bien deux étoiles. Je saurai plus tard qu’elles sont de magnitude 11,4. Pas mal... M82 ne montre rien de spécial, je ne m’y attarde pas.

A ce moment, je décide de vérifier la magnitude limite à l’œil nu. Comme j’ai oublié de prendre la carte que j’avais préparée, et que j’ai la flemme d’aller la chercher, j’entreprends de dessiner ce que je vois. Après tout, ça ne sera que plus objectif. Je reporte les étoiles du pôle nord une par une, après une longue observation à chaque fois. C’est un exercice difficile. Plus je me concentre, et plus je perçois d’étoiles. A la fin, les plus faibles apparaissent uniquement en vision décalée sous la forme d’une tâche assez grande mais très pâle. Je comprends à ce moment qu’une estimation de magnitude limite dépend beaucoup du degré de concentration de l’observateur.

Je m’octroie une pause. Je regarde le ciel. Vers le nord-est une vaste lueur apparaît. En levant les yeux plus haut, la lueur se poursuit. Vingt Dieux, la Voie Lactée !!! Majestueuse, la Voie Lactée hivernale étend sa longue draperie diaphane quasiment d’un horizon à l’autre, en s’élargissant progressivement à l’approche d’Orion. Je ne me souviens pas l’avoir déjà vue aussi distinctement. Elle est très régulière, aucune nodosité ou irrégularité n’est perceptible comme en été. C’est magique. Je reste là longtemps, à regarder le ciel tout simplement à l’œil nu. Trois ou quatre étoiles filantes passent, dont une, brillante, très lente, semble échappée d’un feu d’artifice.
Si je n’avais qu’un moment à retenir de cette soirée, ce serait celui-là. J’ai l’impression d’être en prise directe avec l’Univers, seul dans le noir et le silence de la nuit, que le hululement d’une chouette lointaine vient troubler de temps à autre.

Je commence à avoir froid.
Pour terminer, je décide de parcourir la Voie Lactée avec mes jumelles en commençant par l’horizon sud-est et en remontant. Les mouvements très doux de la monture Mizar permettent d’effectuer des balayages horizontaux très agréables. Le nombre d’amas ouverts rencontrés ainsi sera de plusieurs dizaines. Certains se signalent uniquement par une faible lueur, d’autres resplendissent de toutes leurs étoiles. Je ne peux pas les identifier, je n’ai pas de carte sous la main. Et comme j’ai de plus en plus froid, surtout aux mains et aux pieds, je ne vais plus rester longtemps. Je reconnais seulement M41 : il est tellement grand dans ces jumelles qu’il en devient inintéressant. Par contre, à 2° à l’ouest de M41, une formation accroche mon regard : trois étoiles d’éclat identique forment un triangle rectangle quasiment parfait. Au sud de l’étoile située à l’angle droit, se trouvent deux petites étoiles, formant ainsi un autre triangle, minuscule, et isocèle cette fois. La géométrie parfaite de cette figure ne me laisse pas indifférent. Parmi les amas ouverts que j’ai vus, il y en a un qui se démarque. J’ai pu l’identifier par la suite avec Cartes du Ciel : il s’agit de M47. En fait, j’ai vu M47 et NGC2423 qui semblaient tous les deux reliés par un véritable pont d’étoiles, comme s’il y avait une continuité entre les deux amas. J’ai bien aimé.

J’ai trop froid, je rentre. Je range le trépied dans le garage, je reprends mes 10x40, qui ne m’ont servi à rien, et je jette par leur entremise un dernier coup d’œil vers le ciel, au beau milieu de la Voie Lactée.
Rhaaaaaaaaa ! que c’est bôôôôôôôôô ! Le grand champ de ces jumelles est littéralement envahi par des myriades de petites étoiles, dessinant de discrètes et magnifiques volutes. C’est pas possible, je ne peux pas repartir comme ça. Je sors mon trépied pour ces jumelles et je décide de revoir rapidement ce que j’ai pointé avec les 22x60. Orion, tout d’abord. Eh bien c’est beaucoup, beaucoup moins bien à 10x qu’à 22x. La nébuleuse, est non seulement petite, mais apparaît totalement plate. Il n’y a plus cette sensation de relief que j’ai éprouvée avec les autres jumelles. Les Pléiades en revanche sont plus jolies dans ces jumelles, car elles ne prennent pas tout le champ, et du coup paraissent plus spectaculaires. Les nébulosités autour des étoiles semblent plus brillantes. J’ai réellement froid maintenant. Je termine alors par la Voie Lactée, et je me demande alors pourquoi je n’ai pas commencé mes observations comme cela tellement le spectacle est grandiose. Le grossissement plus faible, le grand champ apparent et la luminosité de ces jumelles font merveille, en englobant très souvent plusieurs amas ouverts dans l’image. Un qualificatif me vient alors pour les jumelles Takahashi : chirurgicales. Oui c’est ça, chirurgicales : leur extraordinaire finesse d’image permet de disséquer les amas ouverts, d’en examiner toutes les entrailles, mais elles sont parfois aussi froides que le bistouri de la salle d’opération. En comparaison, de petites jumelles à grand champ sont plus chaleureuses, plus conviviales, même si elles en montrent beaucoup moins.

Ca y est, je suis rentré. Je vérifie la magnitude que j’ai pu atteindre à l’œil nu : 6,3.
Bien...

Finalement, je ne sais pas dire si je suis satisfait de cette soirée. Le ciel était exceptionnel, mais mon observation a été écourtée par mon manque de préparation, notamment vestimentaire. Dommage.

Voici la morale de cette histoire:
- Qui peut le plus ne peut pas le moins : des 22x60 ne remplacent pas des 10x40
- Une soirée d’observation, ça se prépare
- La plus grande richesse pour un astronome, c’est la qualité du ciel.

Il va falloir que je fasse des efforts avec le règle n°2

Bonnes nuits.

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites
Des nébulosités sur les pleïades avec les 10*40, ça me laisse perplexe, tu n'aurait pas un peu d'astigmatisme dans les yeux ( c'est mon cas et effectivement je vois des nebulosités sur les pleïades, mais également sur toutes les étoiles brillantes du champ du 130 ).

[Ce message a été modifié par Bisc & (Édité le 29-12-2003).]

[Ce message a été modifié par Bisc & (Édité le 29-12-2003).]

[Ce message a été modifié par Bisc & (Édité le 29-12-2003).]

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites
Ah oui, mes 10x40 c'est des Zeiss, qui m'ont coûté à l'époque la peau des fesses. Mais je t'assure qu'elles dérichirent en astro.
Ensuite je suis convaincu que certains objets très difficiles sont perceptibles en vision binoculaire uniquement.

Sinon des nébulosités autour des pléiades, il y en a tout le temps. En général ça vient de l'atmosphère. Rarement, je les vois sur certaines étoiles et pas sur d'autres, et en plus le "halo" n'est pas symétrique : là c'est plus l'atmosphère. Cela dit, ça ne saute pas aux yeux

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites
Non, pas trop

Le relief d'oeil de mes deux jumelles est assez grand, et je garde toujours les bonnettes d'oculaires repliées. Ainsi je ne suis pas obligé de me "coller" contre les oculaires, et si les jumelles sont inclinées à 45° par exemple, je ne suis pas obligé de basculer ma tête 45° en arrière, ce sont mes yeux qui basculent .
Pour le zénith, c'est clair que ça coince quand-même .

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites
ah? tu decolles tes yeux pour pas te contorsionner ??
moi j'aime bien rentrer au maximum au plus pres de l'oculaire au moins j'ai l'impression de baigner dedans ;-)

C'est quoi tes Zeiss ?

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites
Des Dialyt 10x40 B/GA T*, que j'ai achetées en 92. Ce modèle a été rebaptisé "ClassiC" quelques années plus tard, avant d'être remplacé par la gamme "Victory", beaucoup plus moderne (mise au point rapprochée, image plus nette sur les bords, focalisation interne, etc ).

La revue Le Chasseur d'Images avait noté à l'époque qu'au centre de l'image ces jumelles semblaient meilleures que les nouvelles Leica 10x42, considérées pourtant comme *la* référence. Les modèles Victory commercialisés aujourd'hui semblent dignes de leurs ancêtres si j'en crois ce test :
http://www.cloudynights.com/breviews/zeiss%20victory.htm

Sinon, il est vrai que parfois je suis un peu gêné par la lumière environnante, plus avec les Taka qu'avec les Zeiss d'ailleurs. Mais je ne me suis pas encore converti au port du voile .

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites
Merci pour ce CROA. Pour un débutant comme moi, ce genre de rapport est une source d'info inestimable.
Il y a encore 1 mois, je n'avais aucune idée de ce qu'on pouvait voir ou pas avec des jumelles, et grâce à ce forum, je sais.
Bon esprit en plus, ça me change des forums sur la hi-fi ;-)
Sinon j'ai observé pour ma part le ciel de la nuit du 24/12 à Montpellier, avec des 12x50 hors d'âge, c'était génial (nébuleuse d'Orion, Pléiades, Galaxie d'andromède, Saturne), avec en plus la saveur et l'émotion des premières fois.

NB: Je sais bien que ce n'est pas possible la triangulation à cette distance, pourtant il m'a bien semblé que M42 était AU DELA des 3 étoiles de la taille de guêpe d'Orion, quelque part loin derrière. Est-ce vrai? les 3 étoiles sont-elles d'ailleurs à la même distance?

Le lendemain mal à la colonne cervicale par contre.
Je ne comprends pas qu'il n'y ait pas plus d'offres de jumelles à visée 45° voire encore mieux en 60 ou 90°.
Pourtant Pentax fait une excellente longue vue coudée de 80 mm (ED), à oculaires standards en plus (1'1/4), et ils savent faire de bonnes jumelles et d'excellents oculaires comme je l'ai lu ici; Pas de grosses jumelles Pentax pourtant! (j'entends gros diamètre, ED, visée coudée, oculaires interchangeables)

A propos, j'ai lu un truc dingue sur le site: http://www.apm-telescopes.de/franzoesisch/index.htm
en cliquant sur "APM china products" puis sur "APM 100mm Binokular", on peut lire, après la présentation de la jumelle géante 20x/40x100 à 1500 €:

"In first half of the year 2003 the same Modell comes out as an APO, in second half of the year we design a larger modell between 130 mm and 150 mm aperture. The larger modell will come with 1.25" eyepiecefocusers designed to cooperate with standart 1.25" astronomical eyepieces with no focuseproblems."

C'est vrai ce mensonge ?

cdlt,
GBo.

[Ce message a été modifié par GBo (Édité le 30-12-2003).]

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites
"Pentax fait une excellente longue vue coudée de 80 mm (ED), à oculaires standards en plus (1'1/4), et ils savent faire de bonnes jumelles et d'excellents oculaires comme je l'ai lu ici; Pas de grosses jumelles Pentax pourtant! (j'entends gros diamètre, ED, visée coudée, oculaires interchangeables)"

Je lu dans un forum ornitho qu'on pouvait trouver cette longue-vue en allemagne à 1300 €. Des jumelles basées sur ces optiques couteraient donc : 1300 + 1300 + le prix du système redresseur à 45° qui doit permettre d'ajuster l'écartement interpupillaire tout en conservant un alignement optique parfait (compliqué), allez je vais dire dans les 4000 €. A ce prix là, mieux vaut un Dobson pas cher et une tête bino, tout aussi simple à utiliser, et qui offre une vision à l'horizontale en permanence.

Les Kowa et les Miyauchi qui respectent tes critères sont hors de prix, et les APM 20-40 x 100 ne sont que des achro.

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites
En ce qui concerne les distances, la ceinture d'Orion (Collinder 70) et M42 (NGC1976) sont estimés a la meme distance (1300 AL).
M42 te semble peut-etre plus loin, probablement vu sa magnitude sensiblement plus élevée ?

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites
Ulysse,
Effectivement ça finirait par faire un peu chéro.

Pour ceux que ça interesse, la longue-vue Pentax on peut la trouver à un prix canon sur www.adorama.com, mais c'est aux US, il y a le coût du transport et les taxes en douane helas, à moins de passer entre les gouttes.

Here is your requested price quote:
Brand: Pentax
Title: Pentax PF-80ED 80mm ED Waterproof Spotting Scope - Angle - with Case - Limited Liftime USA Warranty (requires eyepiece)
Price: $634.95

(prix sans oculaire).

jjd, merci pour l'info sur la distance!

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Créer un compte ou se connecter pour commenter

Vous devez être membre afin de pouvoir déposer un commentaire

Créer un compte

Créez un compte sur notre communauté. C’est facile !

Créer un nouveau compte

Se connecter

Vous avez déjà un compte ? Connectez-vous ici.

Connectez-vous maintenant