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Constellation : histoire d'une vision trop ambitieuse

Une autre vision. Comme le dit Lockheed Martin Corp, "nous n'oublions jamais pour qui nous travaillons".

Le programme Constellation

Le 14 janvier 2004, le président Bush, Jr, présenta au Congrès ainsi qu'à la NASA sa "Vision pour l'Exploration Spatiale" (The Vision for Space Exploration) dans laquelle il exprimait son désir de voir le retour de l'homme sur la Lune avant 2020 et de préparer ensuite une mission vers Mars et au-delà. 

Le discours fut chaudement applaudi par le monde politique, la NASA et le public voyant dans cette initiative une relance de l'économie américaine et une manière de redorer les ailes ternies de son agence spatiale par deux tragédies successives.

Mais quelques experts se sont tout de même demandés si cette proposition était bien réaliste à une époque où chacun doit compter son argent et où les anciens experts de la NASA sont pensionnés.

En fait la question ne se posait pas et, sauf avis contraire du monde politique, il s'agissait d'un ordre présidentiel.

En effet, l'ordre d'exécution sera signé le 27 janvier 2004 et une Commission d'étude indépendante sera créée dans la foulée pour analyser la faisabilité de cette initiative bptisée. En juin 2004 la Commission présenta son rapport intitulé A Journey to Inspire, Innovate, and Discover au Président.

Le rapport de 64 pages de la Commission d'étude proposait 8 recommendations mais restait encore très vague concernant les projets et le planning. De son côté, la NASA présenta son interprétation de cette inititative (le rapport "The Vision...") dans le respect de l'analyse de la Commission. La NASA baptisa ce programme Constellation.

Dans son rapport détaillé, la NASA décrivit les cinq principaux objectifs de son nouveau programme Constellation :

1. Terminer la station ISS

Remettre les navettes sur orbite et terminer la station ISS. En parallèle, les membres du Congrès rappelèrent à la NASA que ces programmes étaient prioritaires et de leur son succès dépendait le budget futur alloué à l'agence et donc son avenir.

2. Développer un programme durable de missions humaines et robotisées

 L'exploration du système solaire et au-delà reste d'actualité ainsi que le développement un nouveau véhicule habité d'exploration destiné aux missions au-delà de l'orbite terrestre (LEO). Les vols de qualifications devaient avoir lieu avant 2014. Un moyen de transport habité est également prévu pour assurer les navettes vers la station ISS après 2010 et la fin du programme des navettes spatiales.

1er volet : préparer l'exploration de la Lune, de Mars et au-delà. Dans un premier temps, commencer par des missions de reconnaissance de la Lune en 2008, suivi par un atterrissage robotisé en 2009 et des missions dans le but de rechercher de la glace d'eau dans les régions polaires. Il pourrait y avoir jusqu'à une mission lunaire chaque année.

Ensuite préparer des missions habitées vers les Lune dès 2015 mais pas plus tard qu'en 2020; utiliser la Lune pour de nouvelles activités, notamment l'exploitation de ses ressources et la préparation de l'exploration de Mars et d'autres destinations.

2eme volet : conduire des explorations dans le système solaire. Lancer des missions d'explorer de Mars à partir de 2011, ensuite vers les satellites de Jupiter et les astéroïdes à la recherche de traces de vie, mieux comprendre l'évolution du système solaire, rechercher des exoplanètes similaires à la Terre et poursuivre l'effort de recherche après 2020 si les indices sont suffisants.

Enfin, développer de nouveaux moyens de propulsions et les capacités de maintenir une présence humaine loin de la Terre et conduire une mission habitée vers Mars sur base des connaissances aquises au cours des missions d'exploration de la Lune.

A gauche, le lanceur Arès I du programme Constellation était destiné aux missions en orbite basse autour de la Terre. Il était propulsé par un SRB dérivé de ceux de la navette spatiale et d'un second étage raccourci équipé d'un réacteur J-2X dérivé du second étage des fusées Saturn IB, Saturn IV-B et Saturn V. Cette fusée de 90 m de haut et 982t pouvait transporter une charge utile de 25t en orbite basse (LEO). A droite, la fusée Arès V de 120 m de haut capable de lancer une charge de 25t vers la Lune. Doc NASA.

3. Etendre la présence de l'homme à travers le système solaire

Cela doit commencer par le retour de l'homme sur la Lune vers les années 2020, ensuite préparer l'exploration de Mars par l'homme et organiser notamment une mission sousmarine sur Europe et en ballon sur Titan après 2020.

4. Développer les innovations technologiques

Les télescopes et les radiotélescopes de l'avenir seront placés en orbite. La NASA et ses contractants vont développer la connaissance et les infrastructures à la fois pour explorer et soutenir les décisions relatives aux destinations choisies pour les explorations humaines.

5. Promouvoir la participation internationale et commerciale

La NASA doit faire sa publicité dans l'intérêt des Etats-Unis dans les domaines scientifiques, de la sécurité et économique. La NASA ne cache pas que ce programme doit avant tout dynamiser l'économie américaine et garantir la sécurité du pays. Néanmoins, ces projets offrent l'opportunité aux agences spatiales et aux sociétés étrangères de participer au support de la station ISS et aux missions d'exploration du système solaire. La NASA encourage leur participation dans la mesure où ces missions d'exploration se feront autant au nom de l'humanité que de celui des Etats-Unis.

Annulation du programme Constellation

Ainsi que le rappelle la NASA, l'exploration du système solaire et au-delà est guidée par d'importantes questions scientifiques et de société. Outre les prouesses humaines, scientifiques et technologiques, cet ambitieux programme Constellation visait avant tout à rechercher nos origines cosmiques, découvrir si la vie existe ailleurs que sur Terre et comment pourrions-nous vivre sur d'autres mondes, notamment sur la Lune et sur Mars.

Ce programme devait également veiller à ce que les choix adoptés soient durables, financièrement abordables et flexibles.

Pour atteindre les objectifs fixés dans les plus brefs délais, en 2004 le Congrès avait accepté une hausse de 6% du budget de la NASA pour l'année fiscale 2005, le portant à 16.2 milliards de dollars dont plus de la moitié (8.4 Md$) était consacré aux missions d'exploration et au transport spatial, le restant étant consacré aux recherches et développements.

Ainsi que nous l'avons expliqué lorsque nous avons discuté des retombées de l'espace, ce budget fut accepté à condition que la NASA termine les projets en cours, à savoir la reprise des vols des navettes spatiales et l'achèvement de la station ISS.

En mai 2009, le programme Constellation fut approuvé par le président Barack Obama mais il émit quelques réserves sur le délai de réalisation et demanda un réexamen indépendant du programme à la Commission Augustine, constituée d'un panel de dix experts.

Le président Obama proposa notamment des alternatives "garantissant que le programme national de vols spatiaux reste sûr, innovant et abordable dans les années qui suivront le retrait du service des navettes". Il proposa à la NASA une enveloppe de 18.7 milliards de dollars, soit une rallonge de 5% comparée à l'année précédente.

Entre-temps, dans son rapport de septembre 2009, les auditeurs du GAO, l'équivalent de la Cour des Comptes, soulignèrent que les coûts du projet Constellation avaient augmenté et estimaient que la date d'échéance fixée à 2020 ne serait pas respectée puisque même la NASA ne pouvait pas estimer le coût final du projet sans analyse conceptuelle et technique, encore moins estimer la date de lancement de la première mission habitée.

Au total, depuis le lancement du projet Constellation, la NASA avait déjà englouti 49 milliards de dollars dans la fusée Arès et le vaisseau Orion sur les 97 milliards de dollars alloués. Ce glissement des dépenses ne présageait rien de bon.

Cet avis des experts financiers du Président signifiait tout simplement l'arrêt du financement du projet. Bien sûr le président Obama n'était pas obligé de le suivre, mais dans ce cas, il en assurait la responsabilité.

Six mois après sa demande d'enquête, en novembre 2009 le président Obama prit connaissance du rapport Augustine de 156 pages dont voici un extrait (PDF de 3 MB). La Commission concluait notamment que le système de fusée Arès ne serait pas opérationnel pour des missions habitées avant 2017, tandis que le retour sur la Lune n'était pas envisageable avant les années 2025 environ, en tenant compte des circonstances les plus favorables.

Parmi les projets du programme Constellation annulés par le président Obama en 2010, il y avait une fusée Arès V équipée d'un module cargo contenant un module lunaire afin d'assurer des missions vers la Lune. Doc NASA.

Face à l'éventualité d'un échec et d'un revers politique, pour respecter ses engagements vis-à-vis de ses électeurs, le 1 février 2010 (cf. le New York Times) le président Obama annonça l'annulation du programme Constellation, sans pour autant abandonner tous les projets.

En effet, si le président pris la bonne décision au bon moment, il ne pouvait tout abandonner sachant que l'annulation des contacts avec Boing, Lockheed Martin, Alliant Techsystems et d'autres entreprises coûteraient à la NASA 2.5 milliards de dollars supplémentaires.

Voyons à présent ce qu'il reste du programme Constellation ainsi que l'état d'avancement des nouveaux projets.

De nouvelles fusées et de nouvelles capsules spatiales

A présent que le programme Constellation est enterré, que reste-il des projets de vaisseaux spatiaux ?

Après le déclassement des navette spatiales en 2010, la NASA envisagea deux types de moyens de transport : automatiques (robotisés) et habités ainsi que deux types de lanceurs, un léger, Arès I par exemple destiné à des missions orbitales, et un lourd, Arès V équipé de deux réservoirs externes supplémentaires, destiné à des missions vers la Lune et au-delà.

Parmi les véhicules automatiques, robots et autres cargos, il existe plusieurs solutions pour citer les véhicules Progress M (Russie), ATV (ESA) et HTV (Japon). Ces vaisseaux ont pour mission d'assurer la navette entre le sol et la station ISS ou l'orbite basse (LEO).

Parmi les solutions habitées, avec équipage, à ce jour il n'existe que 3 solutions : le vaisseau Soyouz bien connu, la capsule Dragon de Space Exploration Technologies Corp. alias SpaceX et le vaisseau Orion de Lockheed Martin sur lequel nous reviendrons. Dragon et Orion sont les seules rescapées du programme Constellation.

Test du réacteur RS-68 au Centre Spatial Stennis (SSC). Il est alimenté en hydrogène et oxygène liquides dans un rapport 1:6 et fournit une poussée de 3.3 MN dans le vide (2.9 MN au niveau de la mer).

Ces deux capsules spatiales sont destinées au vol orbital mais combinées à un module cargo et un propulseur lourd, elles sont également capables d'assurer ultérieurement des missions d'exploration, notamment vers la Lune, Mars ou les astéroïdes.

En attendant que le projet de base lunaire se concrétise (après 2025), la version cargo de ces capsules va assurer des missions de ravitaillement entre le sol et la station ISS.

Bien que ces deux capsules sont autonomes, il leur faut malgré tout un lanceur. Le secteur privé et notamment la société américaine SpaceX est tout à fait capable de développer un lanceur et en bonne voie de réussir. Nous y reviendrons.

Concernant l'agence américaine, puisque les fusées Arès I et V sont passée aux oubliettes, la NASA n'a pas eu d'autre alternative que d'imaginer un nouveau lanceur de la classe Saturn V. Son prix fut estimé à 3 milliards de dollars.

Si les ingénieurs de la NASA ont été obligé d'abandonner leur projet de fusées Arès, ils n'en ont pas moins conservé les "blues prints". En effet, si les fusées Arès ne voleront jamais, leur concept peut très bien servir d'autres projets.

Retenons par exemple que le premier étage de la fusée Arès I utilisait un seul moteur, une version surdimensionnée des propulseurs à poudre (SRB) de la navette spatiale et du pergol cryogénique liquide pour le second étage dont le propulseur est dérivé du modèle J-2X qui équipait déjà le second étage des fusées Saturn IB, Saturn IV-B et Saturn V. Son avantage est de pouvoir fonctionner et redémarrer dans l'air, au sol ou dans un milieu raréfié. Le J-2X coûte environ 25 millions de dollars, soit moins de la moitié des propulseurs SSME de la navette spatiale (~55 millions de dollars).

Quant à la fusée Arès V, elle était théoriquement capable de soulever 3350 tonnes contre 3000t pour la Saturn V, 1360t pour la navette spatiale et 21000t pour la future fusée Ariane 5 ES ATV.

La fusée Arès V était propulsée par 5 réacteurs RS-68 construits par Rocketdyne Propulsion and Power, un modèle qui équipait déjà la fusée Delta IV construite par Boeing IDS. Chaque réacteur offrait une poussée de 3.3 MN (1 N=0.981 Kg) dans le vide et une poussée spécifique de 410 secondes. Il coûtait 14 millions de dollars.

Respectant la loi sur l'attribution des marchés publics, la NASA a donc publié une offre publique, demandant aux principales compagnies aérospatiales (on pense immédiatement à Boeing, Lockheed Martin, SpaceX, etc.) de lui construire ses nouveaux lanceurs et un vaisseau spatial habité.

C'est au cours des tests d'évaluation et au terme des vols d'essais qui s'étendront sur plusieurs années que la NASA décidera finalement sur quel vaisseau voleront les astronautes. En attendant tous les concurrens restent dans la course à l'espace.

Parmi les projets acceptés par la NASA et en cours de développement (ou opérationnels depuis peu), les plus aboutis sont ceux développés par la société privée SpaceX, la firme du millionnaire Elon Musk (le cofondateur de PayPal et le fabricant de la Tesla), Lockheed Martin et Boeing. Mais ceci est une autre aventure qui sera décrite dans l'article consacré aux vaisseaux spatiaux Falcon, SLS, Dragon et Orion.

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