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La théorie de la Relativité

La géométrie non-euclidienne (I)

Vers 300 avant notre ère, Euclide, dans le premier livre des "Eléments", inventa le “Cinquième postulat”, stipulant que "Par un point extérieur à une droite, il passe une droite et une seule parallèle à la droite donnée." C’est tout le moins ce que chacun a appris à l’école primaire.

Cette phrase innocente tracassa les mathématiciens durant les siècles qui suivirent, en essayant en vain de prouver ce postulat.

Le problème ne fut résolu qu’en 1829 par le mathématicien russe Nicolaï Ivanovitch Lobatchevski qui montra l’impossibilité de prouver le 5e postulat d’Euclide. Il avait en fait imaginé une nouvelle géométrie qui dénonçait le 5e postulat. C’était la naissance de la géométrie non-euclidienne, de l’espace courbe.

Pauvre et peu connu, Lobatchevski ne put faire connaître ses idées, et à l’image de Gauss, ses idées ne furent pas diffusées dans l’Intelligentsia.

En 1851, le mathématicien allemand Bernhardt Riemann développa d'un point de vue purement théorique cette nouvelle géométrie à plus grandes dimensions et démontra que les géométries non-euclidiennes pouvaient représenter des surfaces courbes.

Riemann s’attaqua à la géométrie de position, également appelée la topologie par les mathématiciens. Les axiomes ne tiennent compte que de la position des éléments, en excluant leurs grandeurs. C'est l'une des parties les plus complexes des mathématiques dont l'anneau de Möbius et le tore constituent les principaux sous-produits. C'est dire combien la surface de ces objets peut être importante.

Quelle que soit la déformation que vous lui fassiez subir, s’il vous est impossible de transformer une surface en une autre, alors ces deux espaces ont des topologies différentes. Document T.Lombry.

La théorie de Riemann est apparue à la même époque que la théorie de Faraday, quelques années avant la théorie du champ de Maxwell. Riemann s'était spécialisé dans le formalisme des géométries courbes, non-euclidiennes. Là où Euclide et Newton voyaient des actions instantanées à distance Riemann, comme Faraday, voyaient une continuité qui agissait de proche en proche.

Pour Riemann éther et espace étaient synonymes, préfigurant les les idées de Maxwell. Ancien élève de Gauss, en 1851 il posa mathématiquement le principe des systèmes de coordonnées relatifs les uns par rapport aux autres. Il cherchait une réponse à la question introduite précédemment : comment je me déplace, comment déterminer la distance et la vitesse dans un référentiel relativement à un autre ?

Nous savons depuis Galilée que la distance s'obtient en faisant la différence des coordonnées des deux systèmes de référence. Ces projections s’établissent dans des systèmes de coordonnées dont les axes sont à angle droit, il s’agit de systèmes de coordonnées dits covariants.

Riemann en conclut que la distance ainsi mesurée est invariante, elle est indépendante du choix des référentiels. La soustraction des vitesses d'un référentiel par rapport à l'autre (une loi de transformation) permet de déduire la vitesse réelle. Si les deux systèmes sont parallèles, la transformation est linéaire.

Riemann compliqua la question, considéra un mouvement non uniforme et modifia les positions des systèmes de coordonnées. Il généralisa son concept à toutes les dimensions spatiales théoriquement possibles.

Pour calculer les distances sur une sphère, nous ne pouvons plus utiliser les coordonnées cartésiennes de Descartes. Nous devons utiliser un système de coordonnées curvilignes, appelé système de coordonnées "gaussien". Dans ce système, les points d'une sphère de rayon "r" centrés à l'origine obéissent à l'équation suivante, déduite de la relation de Pythagore:

r² = x² + y² + z²

Les coefficients des trois termes représentent les mesures faites sur la surface et caractérise donc sa "métrique". En corollaire, l'angle de courbure d'une portion de la sphère se calcule à partir de cette métrique locale, directement sur la surface. Il s'agit donc d'une propriété intrinsèque de cette surface, indépendante du choix des coordonnées de Gauss.

Ces lois de transformations de Gauss ne sont pas linéaires, les coefficients de l'équation ne sont plus constants lorsqu'on change de référentiel.

La géométrie courbe

A partir du théorème de Pythagore modifié : ds² = dx² + dy², on peut visualiser l’équation équivalente pour deux points A et B situés sur une surface courbe de rayon r appartenant à un espace à trois dimensions qui obéit à la relation : x² + y² + z² = r². La distance entre A et B s’écrit : ds² = dx²+ dy² + dz². Nous verrons en relativité générale que les expressions dx², dy² et dz² deviennent, après transformation, les composantes du tenseur métrique.

Dans un espace à courbure nulle, plat, la somme des angles d’un triangle égale 180°. La circonférence d’un cercle divisée par son diamètre égale p.

Dans un espace à courbure négative, la somme des angles d’un triangle < 180°. La circonférence d’un cercle divisée par son diamètre > p

Pourquoi > p ? La réponse vous est donnée dans le troisième exemple.

Dans un espace à courbure positive la somme des angles d’un triangle > 180°. La circonférence d’un cercle divisée par son diamètre < p.

Pourquoi < p ? Prenons une sphère et coupons-là par un plan non tangent à la sphère. On obtient un cercle sur la sphère. On constate que le diamètre du cercle sur le plan est plus petit que l'arc qui est sa projection sur la sphère. Donc le quotient circonférence/diamètre, qui vaut p, est inférieur au quotient diamètre/arc.

Mais Riemann créa ce concept sans référence à son intuition ni à la nature. C'était une construction abstraite, raison pour laquelle, aux yeux de ses lecteurs, sa théorie ressemblait plus a une "curiosité mathématique" qu'à la réalité.

Ce n'est pas la première ni la dernière fois que les mathématiciens sont confrontés au scepticisme des praticiens. Rappelons que la théorie du chaos avec ses attracteurs étranges et ses images fractales (la "galerie des monstres" de Lorenz) ou la théorique atomique a connu la même expérience avant d'avoir le succès que l'on sait. Nous verrons qu'il en fut de même avec la théorie de la relativité et plus récemment encore avec la théorie très abstraite des supercordes et autre théorie membranaire en physique quantique. Demeurées longtemps sans lien avec la réalité, beaucoup n'y ont trouvé aucun intérêt jusqu'au jour où quelqu'un trouva que les solutions des équations pouvaient s'appliquer à un événement concret et prédire quelque chose.

A ses yeux, la métrique de l'espace - la mesure de sa courbure - n'apparaît nullement comme une exigence des mathématiques et doit donc être vérifiée par l'expérience. Dans un exposé sur la géométrie daté de 1854, Riemann se demandait si l'on pouvait concevoir l'espace ou admettre des constructions dans l'espace ? Il devait conclure : "Depuis Euclide [...] personne parmi les mathématiciens ni parmi les philosophes n'est parvenu à éclaircir ce mystère."[1] Non satisfait par les études menées jusqu'alors par Gauss, Lobatchevski et Bolyai, Riemann s'en remet à l'observation : "La validité des hypothèses de la géométrie dans l'infiniment petit est liée à la nature des relations métriques dans l'espace [...]. Il faut donc, ou que la réalité sur laquelle est fondée l'espace forme une variété discrète, ou que le fondement des rapports métriques soit recherché en dehors de lui, dans les forces de liaison qui agissent sur lui."

Cette conception prémonitoire de la géométrie courbe ne sera correctement interprétée qu'en 1915. Inconsciemment, Riemann préparait la théorie d'Einstein, posant les jalons d'un espace dynamique qui pouvait interagir avec le champ électromagnétique. Malheureusement Riemann resta dans une notion abstraite et symbolique.

A l'époque de Riemann, personne ne le suivit et son génie n'aboutit pas à une théorie gravitationnelle du champ. Les physiciens en étaient toujours aux conceptions de Newton et aux principes philosophiques de Kant. On en restait à l'espace absolu, où un phénomène physique ne pouvait modifier l'inertie d'un corps. La quantité de matière était une chose donnée et absolue.

Cette notion de référentiel était pourtant capitale et demeure l'un des principes fondamentaux de la théorie de la relativité. Comme le dira Einstein[2] beaucoup plus tard, le mouvement en lui-même n'a aucun sens en relativité : ce n'est pas le mouvement en lui-même qui détermine les effets relativistes mais bien le mouvement par rapport au système de référence choisi. Nous prendrons le temps d’approfondir cette notion un peu plus loin.

Prochain chapitre

L'expérience des plateaux de Lorentz

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[1] B.Riemann, "Sur les hypothèses qui servent de fondement à la géométrie" cité dans "Oeuvres mathématiques", Ed.Gabay (réimpression), 1898.

[2] A. Einstein, "La théorie de la Relativité restreinte et générale", Chapitre XVI, Gauthier-Villars, 1916/1987; Bordas, 1976; Dunod, 2012.


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