|
La vie autour des étoiles géantes rouges
Quand la vieillesse apporte chaleur et quiétude (I) La vie peut-elle se développer dans la zone habitable (ZH) étendue entourant les étoiles géantes rouges ? C'est à cette question qu'ont essayé de répondre les astronomes Bruno Lopez[1] de l'Observatoire de la Côte d’Azur, Jean Schneider de l'Observatoire de Paris et William C. Danchi du centre GSFC de la NASA. Rappelons d'abord que le terme "habitable" ne veut pas dire "habitée" mais que les planètes évoluant dans cette zone possèdent les conditions minimales pour le développement de la vie. Mais ce ne sont peut-être pas des conditions suffisantes. Ainsi
que nous l'avons expliqué en astrophysique,
les étoiles de masses inférieures à celles du Soleil, comprises
entre 0.5 et 0.8 M Le
Soleil connaîtra également d'autres grands changements lorsqu'il
quittera la Séquence principale dans 2.5 milliards d'années et deviendra
une sous-géante. A ce stade ses propriétés ne seront pas encore
fortement altérées. Mais environ 1.5 milliard d'années plus tard,
lorsqu'il atteindra la Branche des Géantes Rouges (RGB), son rayon
va progressivement atteindre 10 R Bien
que la masse individuelle des étoiles géantes rouges ne soit pas connue
avec précision, en théorie nous observons un pic dans la distribution
des masses à environ 1.1 M La
durée de vie d'une étoile de 1 M Evolution de la zone habitable Que devient dans ces conditions la "zone habitable" définie comme la région entourant une étoile où on peut trouver de l'eau liquide à la surface d'une planète ? Ainsi que nous l'avons déjà fait remarqué à propos de la chimie prébiotique, d'un point de vue biologique et étant donné les limites de nos connaissances en la matière, l'existence de la vie est fortement associée à la présence d'eau liquide, ce que confirma l'exobiologiste André Brack dans la revue "Origin of Life" en 1993. Dans ce contexte, les limites de la zone habitable dépendent essentiellement de facteurs climatiques. La limite inférieure de la ZH dépend de la perte d'eau atmosphérique qui se produit au niveau de la stratosphère, assumant que de la vapeur d'eau est libérée de la surface de la planète. La limite supérieure de la ZH est déterminée par la plus basse température à laquelle se produit le changement de phase liquide/solide de l'eau (décongélation/congélation). Cette limite supérieure tient compte de l'effet de serre impliquant dans notre modèle le gaz carbonique et la vapeur d'eau. Une valeur moins conservatrice tient compte des propriétés radiatives des nuages glacés de gaz carbonique. En effet, une atmosphère épaisse, riche en gaz carbonique dans laquelle les particules ont un rayon supérieur à 6-8 mm produit un effet de serre très efficace pour maintenir la surface à une température supérieure à celle du point de congélation de l'eau. Pour estimer les limites inférieures et supérieures de la zone habitable à différents stades évolutifs de l'étoile, il faut considérer une planète se comportant comme un corps gris présentant un albedo A, conduisant parfaitement la chaleur, ce qui implique une température uniforme à la surface de la planète. Sa température d'équilibre radiatif Tp est déterminée par la formule suivante :
Tp = [(1 − A) L avec L kB, la constante de Stefan-Boltzmann d, la distance du centre de l'étoile à la planète L'albedo est généralement de 0.2 ce qui est représentatif d'une planète ressemblant à la Terre, sachant toutefois que notre planète bleue est deux fois plus brillante, présentant un albedo de 0.37.
A partir de la température aux limites de la zone habitable, on peut déterminer les distances minimales et maximales de la zone habitable pour une étoile donnée. Si l'albedo dépend de la longueur d'onde, le terme dû à l'albedo s'annule. A partir de ces calculs on obtient une température d'équilibre de 269 K et 203 K (-4 et -70°C) ce qui, pour le Soleil donne des limites inférieures et supérieures respectivement de 0.95 et 1.37 UA, conforme aux valeurs calculées en 1993 et 1998 par J.Kasting, F.Forget et leurs collègues pour les étoiles de type G semblables au Soleil. Une valeur moins conservatrice établie par F.Forget, Pierrehumbert, M.Mischna et leurs collègues en 1997 et 2000 tient compte d'une température d'équilibre de 169 K (-174°C) seulement ce qui étend la zone habitable jusque 2.4 UA en fonction des propriétés radiatives des nuages glacés de dioxyde de carbone. Rapporté au système solaire, cela correspond à la Ceinture des astéroïdes située au-delà de l'orbite de Mars. De manière générale, la plupart des exobiologistes considèrent que la limite extérieure de la zone habitable se situe à au moins 1.8 UA et comprend donc l'orbite de Mars (1.52 UA). Ces trois extrema de température d'équilibre permettent de définir deux limites extérieures possibles et de dériver la position et la largeur de la zone habitable autour d'une étoile à différentes époques de son évolution. On constate ainsi qu'à mesure que la température et la luminosité de l'étoile changeront au cours de son évolution, le rayon et la largeur de la ZH vont également évoluer au cours du temps. La
zone habitable se déplace graduellement vers l'extérieur du système
stellaire dès que l'étoile quitte la Séquence principale. En fonction
du temps nécessaire à l'apparition de la vie, celle-ci pourrait exister
sur une planète située à une distance de 2 à 9 UA d'une étoile de 1 M La
figure 1(a) présentée ci-dessous décrit l'évolution temporelle des limites intérieures et
extérieures de la ZH pour une étoile de 1 M
La
largeur de la zone habitable est également proportionnelle à √L La durée de transit de la zone habitable à hauteur d'une planète située à 1 UA d'une étoile est de l'ordre d'un milliard d'années. La
figure 1(b) montre l'évolution du rayon d'une étoile (en R Une bosse/plateau s'observe dans la courbe jusqu'à 9 ou 13 UA selon les modèles, distance à laquelle la durée des conditions habitables dure quelques centaines de millions d'années. Rapporté au système solaire, cela correspond aux orbites compris entre Saturne et à mi-chemin d'Uranus. Ce
plateau augmente la durée des conditions d'habitabilité et résulte
d'une augmentation locale de la luminosité stellaire suivi par un minimum
au stade initial RGB. A 15 UA de l'étoile, la durée des conditions
habitables dure plus de 10 millions d'années et à de plus grandes
distances la durée diminue graduellement. Durant toute cette période, une étoile de 1
M Pour
une étoile de 1.5 M
Pour une étoile de la Séquence principale, la durée du transit de la zone habitable à 3 UA dure plus d'un milliard d'années. A 5 UA le transit peut durer entre 100 millions et plusieurs centaines de millions d'années en fonction de la taille de la zone habitable. Il est intéressant de noter que bien que l'étoile évolue rapidement, la durée du transit de la ZH à des distances inférieures à 15 UA de l'étoile reste supérieure à 10 millions d'années. Pour une étoile de 2 M
Les
calculs précédents sont basés sur l'évolution de la zone habitable
pour des étoiles dont la masse oscille entre 0.8 et 1.2 M A partir de leur masse initiale, on peut ainsi interpoler la durée de vie de chaque étape de la vie d'une étoile : Séquence principale, phase sous-géante, géante rouge, flash de l'hélium, premières et secondes phases de fusion de l'hélium, etc. Le
tableau suivant représente la durée de vie des étoiles ayant
respectivement des masses de 1.0, 1.5 et 2.0 M
Durant
la phase de fusion de l'hélium, la luminosité des étoiles est
d'approximativement 230 L Pendant le stade RGB et du fait de l'augmentation de la luminosité de l'étoile (Fig.1), la zone habitable se déplace rapidement vers l'extérieure au point que le rayon intérieur de la ZH > 20 UA. Rapporté au système solaire, cela correspond à l'orbite d'Uranus. Une fois l'étoile installée dans la fusion de l'hélium, la région située entre 7 et 22 UA devient à nouveau habitable. Il s'offre donc un "nouveau départ" pour la vie à cette période de l'évolution stellaire. Cette dernière phase est particulièrement intéressante car elle est très longue et rapportée au système solaire elle comprend les orbites de deux planètes géantes.
|