NGC 1535 au T500, CROA illustré

[HaleBopp 34]

Mercredi 23 novembre. J'ai les crocs.
J'ai l'impression que ça fait une éternité que je n'ai pas observé et je n'ai pas encore digéré la fourberie de la météo de samedi dernier qui m'a fait faux-bond au dernier moment malgré des prévisions favorables. Je me lève à peine et j'ai déjà envie d'aller observer. Je me sens comme un fumeur intoxiqué qui a besoin de sa cigarette du matin. J'ouvre les volets, argggh, le ciel bleu céruléen est d'une limpidité insolente. Ils avaient annoncé des nuages, j'aurais pu y aller… dégoûté je suis. Bon, c'est décidé, à la première occasion j'y vais.
Toute la journée il a fait un temps magnifique et au boulot, une partie de mon esprit était tourmentée par une idée lancinante : il faut que ça tienne, il faut que ça tienne…
Vers 17h30, je profite d'une accalmie de travail, pour aller voir le soleil couchant sur la terrasse du dernier étage.

Le ciel est toujours très propre, il n'y a qu'une nappe lointaine à l'horizon Sud et Ouest. Pourvu que ça tienne, pourvu que ça tienne… Les prévisions ne sont pas trop favorables et indiquent des bancs de brouillard pour la nuit et le matin. Tant pis. Le site où j'ai l'habitude d'aller est en hauteur et reste toujours bien protégé du brouillard. Et pis, les prévision météo, y en a marre, il faut forcer le destin maintenant !

Je rentre du boulot, je mange en vitesse, allez, allez, on met le turbo, s'habiller en tenu de skieur, préparer le matériel, les notes d'observation, de quoi faire du dessin, de quoi goûter, enlever les sièges auto des enfants, charger le bouzin, la chaise longue, la table, l'escabeau, plus viiiiite, c'est bon, départ 20h45. L'excitation mêlée de l'angoisse d'avoir oublié un truc crucial me rend nerveux. Je roule par à-coups, hummm va falloir revoir la collimation.
Sur le trajet, je traverse par endroits d'épaisses couches de brouillard qui m'obligent à passer en mode escargot. Arrivé sur le site, comme prévu, pas un brin de brouillard. Le ciel est sombre, plus que d'habitude. La pollution lumineuse de Toulouse est étonnamment discrète, peut-être filtrée par les brouillards voisins. J'ai même atteint mon record absolu de SQM pour ce site à 21,25 vers 1h30 au zénith, entre le Cocher et les Pléiades (le site n'est qu'à 40 km de Toulouse !). Cependant la nuit fut très humide et ce que je gagnais en obscurité je le perdais en transparence et au final les images à l'oculaire étaient assez moyennes.

Outre Jupiter qui était plutôt bonne, je n'ai pointé que 3 objets cette nuit : le groupe de galaxies NGC 1052 dans la baleine, puis NGC 1514 (Taureau) et enfin NGC 1535 (Eridan). J'ai passé une heure par objet avec un dessin pour chaque. J'ai remballé à 2h, vaincu par l'humidité. Tout dégoulinait, même mes gants étaient trempés, mais les optiques sont restées sèches. Merci la chaussette !

Je vous présente en premier l'objet le plus facile à dessiner des 3 : NGC 1535. J'ai attendu son passage au méridien vers 1h du matin pour l'observer, pour optimiser la vision.
Aux jumelles 15x50, la NP est déjà visible, avec l'aide d'une carte détaillée bien sûr (dans mon cas, le Sky Atlas 2000). On la voit comme une étoile faible qui disparaît en vision directe.
Au T500, cette nébuleuse est brillante, assez grande, facile à identifier même avec l'Ethos 21.
Sans filtre, elle a une belle couleur bleu turquoise. Sa forme est circulaire, très légèrement ovalisée. Elle a un aspect en cocarde avec un disque brillant au centre entouré par un anneau plus discret. L'étoile centrale en plein milieu est immanquable, c'est d'ailleurs l'étoile la plus brillante du champ. Elle n'a pas d'aigrettes. Tout autour, la centrale est cernée par une zone plus sombre, elle-même auréolée d'un bourrelet lumineux qui tranche bien avec la partie la plus périphérique nettement moins contrastée. On distingue une étoile de magnitude estimée à 15,5 en surimpression sur cet anneau périphérique, juste au NO de la centrale.
On passe avec filtre… C'est l'UHC qui me donnera la meilleure vision, faisant apparaître quelques détails supplémentaires tout en gardant suffisamment de jus. L'OIII assombrissait trop l'image. Donc avec l'UHC, la centrale est toujours visible, mais on ne voit plus la petite étoile au bord du disque. Le bourrelet brillant dans la partie centrale laisse maintenant deviner 2 petites nodosités à la partie nord, et on en devine 2 autres diamétralement opposées dans la partie sud, mais celles-ci sont plus difficiles. C'est vraiment chaud à voir. L'anneau faible à la périphérie est maintenant un peu plus consistant mais a une texture parfaitement homogène.
Ah c'est vraiment un belle NP ! Je suis sûr que sous d'autres latitudes elle est encore plus belle que le clown.

Le dessin :

La full ! (1600x1200) : http://astrosurf.com/agerard/dessin/dessins/ngc1535_20111124.png

Et les brouillons, (je l'avais promis à quelques uns) :
sans filtre

+UHC

Voilà, à vos commentaires !

[fred-burgeot 2 032]

Salut Alain,

sympa le CROA ! 21,2 de sqm à 40km de Toulouse, c'est fort.
Tu montres bien l'intérêt d'essayer tous les filtres.
AH, les croquis ! Avec les notes qui l'accompagnent, voilà qui est intéressant comme démarche, vraiment proche de celle de Bertrand ou Bruno on dirait.
En lisant tes notes, on sait exactement où aller regarder.
Juste un commentaire sur ton résultat final : n'est-ce pas un peu petit ? Car les nodosités de l'anneau qu'on voit sur tes notes sont quasi invisibles, ou en tout cas on passe à côté si on ne scrute pas ton dessin de très près.
Je sais que ton objectif est de rendre les contrastes tels qu'à l'oculaire, mais ce serait dommage de passer à côté de ton travail d'observateur !

Fred.

[HaleBopp 34]

fred > oui, le site tourne habituellement à 20,9 - 21,0 de SQM. À l'oeil nu il y avait une ambiance plus sombre que d'habitude, notamment à l'horizon, mais à l'oculaire ce n'était pas le top. J'ai regardé je ne sais combien de fois si mon secondaire n'était pas embué car je trouvais que ça manquait de peps, mais non c'était toujours sec. Je ne vais pas remettre sur la table le débat de l'intérêt du SQM mais assurément ce n'est pas une donnée qui doit être interprétée de façon isolée.

Pour le dessin final, il faut regarder la full qui est plus grande. Après j'aime bien le côté où il faut se rapprocher de l'écran, bien ouvrir les yeux et on se dit "ah tiens, on dirait qu'il y a un petit truc là", parce que c'est exactement ce qui se passe à l'oculaire. Sur le croquis, les 4 petites zones plus brillantes de l'anneau interne sont exagérées, on dirait des oeufs de Pâques dans le jardin. Si je le laisse tel quel, quelqu'un qui va observer derrière va dire que les oeufs de Pâques, il n'y en avait plus. En réalité elle étaient vraiment très difficiles à choper et je ne les voyais pas mieux que sur le dessin final.
Je reste visuel-réaliste au maximum.

Il faut faire attention aussi, l'orientation est inversée entre les croquis (Nord en bas) et le dessin photoshop (Nord en haut).

[fred-burgeot 2 032]

Ah oui, j'avais pas vu la full.

Fred.

[Fredo 0]

Salut Hale,

Je réagis tardivement, mais quel beau rendu, une fois de plus

Bien que je ne connaisse pas cette nébuleuse dans un 500, je trouve que c'est de même saisissant de réalisme ! Il y a la même impression de "phosphorescence", de côté falshy que ce que je note en observant par exemple NGC6826 au 300. Un côté magique qui se retrouve dans ton rendu.
Chapeau !

Merci également pour le brouillon. On y voit tout le travail minutieux de prises de notes à l'oculaire. On y voit tout ce que t'attaches à rendre tout juste perceptible sur écran

Je trouve que les 2 (dessin final et brouillon) sont complémentaires. Il faudrait que tu présentes le tout à chaque fois

A+
Fredo

[cricri 659]

Salut Alain,

Le dessin est très réussi mais les croquis sont aussi super intéressants !

Bravo pour le dessin et merci pour les croquis ! ;-)

Cricri

[Franck04 0]

Trés beau rendu Alain, tout ton travail est remarquable. Ce qui est encore plus remarquable c'est que tu es le premier médecin que j'arrive a relire!!!