Contacter l'auteur / Contact the author

Recherche dans ce site / Search in this site

 

Les combinaisons spatiales

L'astronaute Clay Anderson lors d'une EVA au cours de l'expédition 15 à bord de la station ISS en juillet 2007. Doc NASA.

Introduction (I)

Nous avons déjà tous vu des astronautes en combinaison spatiale en train de travailler dans l'espace, mais savez-vous exactement de quelles matières elle est constituée et comment elle fonctionne ? Peu d'entre nous le savent précisément car la question est rarement abordée.

Pour pénétrer un peu plus loin dans le quotidien et l'intimité des astronautes, nous allons décrire en détail l'évolution de la combinaison spatiale que porte les astronautes américains, les matériaux avec lesquels elle est fabriquée, les systèmes de contrôles dont elle dispose, comment l'oxygène est insufflé, quelle est la pression de pressurisation et pourquoi, comment le gaz carbonique ou la buée est évacué, parmi quantité d'autres détails.

Posons tout d'abord le problème : pourquoi fabriquer une combinaison spatiale ? En vivant sur Terre, on ne se rend pas toujours compte combien l'environnement terrestre nous protège des agressions de l'espace et nous fournit les conditions propices à notre survie. En effet, l'atmosphère terrestre nous fournit l'air que nous respirons, elle accumule et dilue le gaz carbonique que nous expirons, elle nous protège des rayonnements solaires nocifs (des protons de haute énergie, y compris de noyaux radioactifs), des petits et micrométéorites, des rayons cosmiques, elle régule la température de l'air et offre une pression adaptée à notre métabolisme. En complément, notre métabolisme s'est adapté à la force de gravité tandis que le champ géomagnétique nous offre une bonne protection contre les rayonnements corpusculaires émis par le Soleil et les étoiles proches.

Dans l'espace, ces protections n'existent pas. Exposé au vide de l'espace à partir de quelques centaines de kilomètres d'altitude, nous sommes exposés à une température d'au moins 120°C côté Soleil mais qui peut tomber à -100°C dans l'ombre (et -157°C à l'ombre de la station ISS) et même -230°C si l'objet n'est jamais exposé au rayonnement solaire (c'est notamment le cas au fond de certains cratères et crevasses lunaires). Le vide ne permettant pas de conduire la chaleur, le froid ne s'installe pas facilement et il faut plusieurs jours pour assister à une chute progressive de la température jusque -100°C. Mais il est bien certain qu'un astronaute exposé au Soleil risque de souffrir de la chaleur comme du froid. Nous verrons que plusieurs dispositifs permettent d'isoler l'astronaute de ces variations de température ou de les contrôler.

Effets d'une exposition au vide spatial sur l'être humain

Que se passe-t-il si un être humain est exposé au vide sans protection ? Il y eut quelques accidents où heureusement les pilotes ou les cosmonautes ont échappé à la mort qui ont permis concrètement de constater les effets du vide sur l'organisme.

Tintin en état d'hypoxie ou "mal des montagnes" lorsque la quantité d'oxygène présence dans l'air de la cabine se raréfia lors de son voyage vers la Lune en 1954. Doc Hergé/Casterman.

Le vide signifie qu'il n'y a pas de pression, pas de gaz et donc pas d'air à respirer. On a observé que si la personne retient sa respiration, elle reste consciente entre 10-15 secondes durant lesquelles elle sent ses liquides corporels s'évacuer (s'évaporer) par sa langue et la surface de sa peau, lui donnant l'impression de transpirer fortement.

Etant donné que son corps présente une certaine pression interne, il subit une décompression rapide au cours de laquelle son corps libère ou plutôt éjecte en 2-3 minutes les 5 ou 6 litres d'air contenu dans ses poumons.

Pour rappel, dans des conditions normales, l'être humain respire de l'air contenant 21% d'oxygène. Le seuil d'alarme est à 19% d'oxygène. Le taux de saturation artériel normal en oxygène (SaO2) pour un adulte varie entre 94-99% et la saturation pulsée (SpO2) est comprise entre 95-100%.

Si la victime n'a pas retenu sa respiration, le cerveau va rapidement manquer d'oxygène. L'oxygène présent dans son sang va former des bulles qui vont osbtruer ses vaisseaux sanguins. La victime tombera insconsciente en moins d'une minute puis sombrera dans le coma. Elle n'aura donc pas conscience de la suite des évènements et c'est préférable ainsi vu ce qui l'attend.

La suite des évènements est basée sur des expériences faites par l'USAF (Brooks AFB) sur des chiens en 1965. Si on généralise ces observations à l'homme, sachant qu'en moyenne un corps humain de 70 kg contient 60 à 70% d'eau (en poids), exposé au vide il perd jusqu'à 50 litres d'eau par tous ses orifices. Lorsque la pression chute sous 66.6 millibars (47 Torr), le sang entre en ébullition et tous les liquides se subliment.

En parallèle, la victime subit une hémorragie généralisée du fait que sa pression interne n'est plus équilibrée par la pression de l'atmosphère. Comme un ballon que l'on gonfle, la peau étant élastique, son corps ne va pas exploser mais mais ses cellules vont gonfler et éclater. Des rougeurs vont apparaître sur tout son corps et ses yeux ainsi que ses muqueuses deviendront rouges suite à l'éclatement des vaisseaux sanguins. Son corps continuera à éjecter des gaz et de la vapeur d'eau par sa bouche et son nez, provoquant un refroidissement à mesure que l'humidité est évacuée, avec le risque que sa bouche ou sa langue gèle.

Si la victime est exposée au Soleil sans aucune protection, sa peau va rapidement brûler sous l'effet des UVE solaires. Sa peau va également rapidement prendre une couleur bleuâtre par manque d'oxygène, ce qu'on appelle la cyanose.

Si la victime a conservé un peu d'oxygène, le cerveau et le coeur seront relativement épargnés et le coeur continuera à battre pendant 90 à 180 secondes. Le coeur cessera de battre sous 66.6 millibars parmi d'autres problèmes.

Si la pression et l'oxygène sont restaurés à temps, la personne pourrait rester temporairement aveugle et paralysée mais ces symptômes disparaîtront en quelques heures et elle perdra le sens du goût pendant quelques jours.

Sans atmosphère, l'astronaute est également exposé aux rayonnements électromagnétiques et corpusculaires les plus intenses : UVE, rayons X, flux de protons et d'électrons et rayons cosmiques. S'il dispose d'une combinaison pressurisée et peut respirer normalement mais si son visage n'est pas protégé des rayonnements et est exposé plusieurs heures au Soleil, l'astronaute risque d'avoir des lésions oculaires pouvant conduire à la cécité et de développer des tumeurs malignes suite à cette exposition aux rayonnements ionisants. Il y a également un risque d'impact de micrométéoroïdes.

Enfin, mais la combinaison spatiale ne peut pas y remédier, il y a la question du mal de l'espace lié à l'absence de gravité, de repère fixes et à la réorganisation des fluides internes.

Notons que dans le cas d'un vol en avion commercial pressurisé, en cas de décompression explosive à haute altitude il est important de ne pas retenir sa respiration au risque de provoquer une déchirure des tissus pulmonaires, des capillaires et l'éclatement du thorax (comme en plongée avec scaphandre, il est vital de remonter en laissant sortir l'air naturellement par la bouche).

A consulter : Expérience d'hypoxie sur un être humain (sur le blog)

You can survive being exposed to the near-vacuum of space for about 90 seconds

Pour survivre dans les conditions de l'espace lors des activités extravéhiculaires (EVA), les astronautes sont donc obligés de porter une combinaison spatiale particulière qui recrée les conditions environnementales de l'atmosphère terrestre. Elle leur fournit les besoins vitaux, l'oxygène, la chaleur, un environnement pressurisé, l'évacuation du gaz carbonique et de la buée éventuelle, une protection contre la lumière du Soleil, les UV, la chaleur, le froid, les rayons cosmiques et les micrométéoroïdes. Cette combinaison est un système autonome de survie, ce que les Anglo-saxons appellent un "life support system" (LSS).

De la science-fiction à la réalité

Dans une approche artistique libérée de toute contrainte si ce n'est de respecter le sujet, les artistes de science-fiction s'en sont donnés à coeur joie et à notre plus grande satisfaction pour nous proposer les combinaisons spatiales les plus variées, du scaphandre rigide aux pieds de plomb à la tenue d'été transparente comme en témoigne les couvertures de magazines présentées ci-dessous.

De gauche à droite, les combinaisons spatiales tels que les imaginaient les illustrateurs de nouvelles fantastiques et de science-fiction au siècle dernier. Ces magazines furent publiés respectivement en mai 1929, février 1934, janvier 1954 et juillet 1958 sans oublier Hergé et sa fameuse bande dessinée publiée en 1954. Bizarrement, en général les femmes sont très peu habillées, même dans le vide comme on le voit sur cette autre couverture.

Elles ne sont bien sûr intéressantes qu'à titre anecdotique pour se rendre compte de la puissance d'imagination des artistes et éventuellement de leurs connaissances scientifiques. En fait aucune de ces illustrations ni aucun roman n'a influencé les ingénieurs travaillant pour l'USAF ou la NASA notamment. Comme le dirait le responsable du casting : "trop typé, irréaliste".

En général, c'est le contraire qui s'est produit; ce sont les ingénieurs qui ont inspiré les romanciers et les illustrateurs. Les auteurs de nouvelles de science-fiction (ou de scienti-fiction), y compris Jules Verne et Arthur C.Clarke ont puisé leur inspiration dans les dernières technologies développées par les armées et le secteur astronautique par la suite. Bien que ces recherches soient systématiquement couvertes par le secret, de temps en temps des informations furent diffusées dans la presse ou des amis bavards bien placés ont permis à ces auteurs de trouver la matière première de leurs romans. Mais aussi passionnants que soient ces récits, ils nous écartent de la réalité.

Les idées géniales de von Braun

Il y eut cependant une exception. A la fin des années 1950, Wernher von Braun publia une série d'articles sur l'astronautique dans le magazine "This Week", articles qu'il remit à jour et qui deviendront son livre "Les premiers hommes sur la Lune" publié en 1958.

Von Braun y décrivit parmi de nombreux autres thèmes, la combinaison de vol à pression partielle et le scaphandre extravéhiculaire à pression complète. Il avait même ajouté un magnétophone dans le système de survie (LSS), un dosimètre sur la combinaison et un gant à tentacules muni d'un crochet (peu pratique). Quand on sait que ce roman de scienti-fiction fut écrit plus de 10 ans avant Apollo 11, cela confirme que von Braun était vraiment un génie. 

Mis à part les pilotes d'essais sur avion stratosphérique, von Braun était évidemment le seul expert qui pouvait envisager un voyage vers la Lune de manière réaliste. Mais rares étaient les ingénieurs ayant ses compétences.

Ci-dessus, la combinaison de vol pressurisée (gauche) et la combinaison spatiale complète (centre et droite) telles que les imaginait Wernher von Braun en 1958, soit 11 ans avant la mission Apollo 11. Tout est déjà prévu, même les accessoires. Ces dessins ont été réalisés par Fred Freeman. Ci-dessous, une jolie coupe dans une combinaison spatiale réalisée par Werner Büdeler (heureusement qu'il n'a pas écorché l'astronaute !) illustrant un ouvrage sur l'exploration de la Lune publié en 1969. Documents collection T.Lombry et Bertelsmann Sachbuchverlag.

Parmi les illustrateurs les plus au faîte de la technologie, citons Fred Freeman. Cet américain participa aux colloques d'astronautique et travailla en étroite collaboration avec von Braun pour illustrer ses textes de la manière la plus réaliste possible. Il réalisa ainsi pas moins de 120 planches pour le roman "Les premiers hommes sur la Lune" de von Braun. Aujourd'hui ses illustrations ont une valeur historique et se vendent des milliers de dollars (ou d'euros) chez les collectionneurs.

Prochain chapitre

Evolution des combinaisons spatiales

Page 1 - 2 - 3 - 4 - 5 - 6 - 7 -


Back to:

HOME

Copyright & FAQ